Il n'était pas si tard que ça et pourtant Jay somnolait tout en marchant pour rentrer chez lui. C'était peut être dû à son médicament qu'il venait de prendre. C'était devenu un geste automatique, même quand le chanteur n'en avait pas besoin. Son médecin lui prescrivait toujours la même chose depuis la première fois qu'il était retourné à l’hôpital psychiatrique. Le diazépam faisait bien son effet c'était prouvé vu qu'il avait du mal à rassembler ses pensées lorsqu'il en prenait beaucoup.
Heureusement cette fois ci Jay n'avait pas bu d'alcool ce qui limitait le risque qu'il pète à nouveau un câble et agresse des gens.

Bref, le chanteur allait tourner dans une ruelle lorsqu'il entendit des éclats de voix, la faible lumière des lampadaires éclairant un groupe qui se tapait dessus. Ou qui tapait sur une seule personne, difficile de savoir. Toujours est il que Jay restait planté comme un arbre au bout jusqu'à ce que il se retrouve seul. Ou plutôt en compagnie d'un corps allongé sur le sol. Remettant son cerveau en marche, il avança jusqu'à la masse humaine. Le visage ensanglanté par les coups, du sang tâchait ses vêtements et le bitume qui s'écoulait d'une blessure faites à son ventre. Ses yeux fixaient le ciel où la nuit commençait à tomber.

Jay se baissa et tendit sa main pour fermer les paupières du cadavre, se redressant ensuite lorsque des pas derrière lui se firent entendre. Le chanteur se retourna, resta quelques secondes à fixer l'individu jusqu'à ce que l'information monte jusqu'à son cerveau. Il s'agissait de O'Conell, en même temps il ne se trouvait pas loin de son cabinet d'avocat. Le seule chose que fit Jay fut de désigner le corps près de lui en soufflant :

- Il est mort...

Juliet m'avait annoncé sa grossesse la veille. J'étais complètement perdu. Je n'avais pas envisager ça, être père. Forcément, la nuit qui suivait cette annonce avait été difficile, je n'avais que peu dormi. Ma journée avait été un calvaire, je n'avais pas été en forme pour cette journée chargée, et traiter d'importants dossiers avec la tête dans les fesses n'était pas des plus évidents.

Bref, je savais que je ne serais pas long ce soir. Il fallait que je rentre, et j'avais de nombreuses questions à aborder avec Juliet. Garder l'enfant était pour moi une évidence, nous avions fait une bêtise, nous devions assumer. C'est ce que Joey a tenté de m'apprendre tout ce temps, et je crois qu'il avait fort raison cette fois-ci. Bref, je récupérais mes clefs sur le bureau, passais ma main sur mon visage en soupirant. J'attrapais mon sac, y rangeais quelques dossiers, et me dirigeais vers la sortie. Mes deux frères étaient déjà rentrés. Je fermais donc la porte derrière moi. Le matin même, je ne m'étais pas risqué à prendre ma voiture, par crainte de finir tout droit dans un platane. J'étais venu à pieds, je rentrerai donc à pieds ce soir. A présent, je marchais dans la rue. Je décidais d'emprunter une petite ruelle sombre qui me permettrait de rejoindre plus rapidement le centre ville, puis mon quartier. J'avançais, les yeux rivés sur le sol. J'entendis les pas de personnes qui courraient. Je relevais la tête, et vis au loin la silhouette d'une homme, accroupi. Au sol, un autre homme, allongée, inerte. Je m'avançais. L'homme se releva, se tourna vers moi et... "J... Jay?". Je posais ensuite mon regard sur l'homme à terre. Une montée d'adrénaline parcourait alors mon corps, le souffle m'en fut coupé. Je distinguais cette homme, et ses blessures... Il était mort? Jay me le confirma rapidement. Je fronçais les sourcils et lança: "Mais... putain... Qu'est ce que tu fous là Jay? C'est toi... tu l'as tué?" . Je reculais de quelques pas. Après ce que m'avais raconté Annie McCormick au sujet de Jay, je préférais me méfier. Je n'étais pas à l'abris de subir le même sors que cette homme, tout juste assassiné.

Ce n'était vraiment pas de chance d'être tombé au mauvais endroit au mauvais moment. Certes Jay aurait eu le temps de s'enfuir si il aurait été dans un état normal mais le chanteur était à côté de ses chaussures, préférant s'occuper du mort. Encore plus chanceux, Adrian tomba sur lui alors qu'il aurait pu emprunter un autre chemin mais non l'avocat avait décidé de prendre cette ruelle.
Se retrouver en compagne d'un cadavre n'était pas la meilleure situation dans laquelle Jay s'était retrouvé, vu ses actions passés il y avait de fortes chance pour que l'autre fasse des conclusions hâtives. Il semblait d'ailleurs effrayé, pensant sans doute que le chanteur allait l'attaquer lui aussi.

Jay fronça les sourcils sous la question stupide de son interlocuteur. Comme si il était assez fou pour tuer quelqu'un alors qu'il avait une fille à élever et un homme à aimer. Non, c'était pas le moment de faire des conneries.

- Bah non c'est pas moi...j'voulais juste rentrer à la maison...

Il ne savait même pas qui était les coupables mais une chose était sur il n'avait rien fait de mal. Juste observateur de la scène mais pas assez proche pour faire un bon témoin. Jay s'approcha d'Adrian qui avait reculé, la méfiance éclairent son visage. Cela fit rire le chanteur de le voir comme ça. Ils ne s'étaient pas vu depuis Thanksgiving où l'avocat avait été obligé d'apprendre pour Holden et Jay, juste sous son nez. Le chanteur n'avait même pas pu répondre à sa réaction qui exprimait toute la jalousie et la peur de perdre son meilleur ami. Son but n'avais jamais été de les séparer. Si son petit ami voulait trainer avec Adrian il avait le droit de le faire. Ce n'est pas parce que c'était pas l'amour fou avec le O'Conell qu'il allait priver Holden de ce dernier.

- Tu n'as pas à être comme ça, je suis sous contrôle...enfin...je suis trop à l'ouest pour ne serais ce que poursuivre une mouche...

Sa phrase ne voulait rien dire mais il s'en fichait. Jay haussa les épaules pour lui même avant de demander dans un hors sujet total.

- Tu rentrais chez toi non ? On fait le chemin ensemble...?

Preuve qu'il n'était pas vraiment très clean pour faire une proposition pareille.

Intrigué par la situation, je ne savais pas vraiment comment réagir face à Jay. L'idée qu'il ait pu tuer cet homme m'avait traversé l'esprit c'est certain. Avec Jay, je m'attendais à tout. Mais la présomption d'innocence faisait aussi partie de mes principes, et je ne devais pas établir des conclusions trop hâtives. Remarquez quand même que ceci est louche. Jay, à cette heure-ci, dans une ruelle à côté de Justice Street, prêt d'un cadavre: on peut se poser un tas de questions. Je me tenais à l'écart, espérant que je n'allais pas subir le même sors que cet homme à terre. Jay me dit qu'il n'était pas l'auteur de ce meurtre. J'eu d'abord du mal à le croire, puis secoua la tête. La scène, digne d'un bon film d'horreur, ne me rassurait pas du tout. L'endroit non plus d'ailleurs. Je me contentais d'abord d'acquiescer d'un hochement de la tête, avant de laisser ma tête partir en arrière et me passer une main sur le visage.

"Je... je veux bien te croire... mais c'est étrange."

C'est alors que Jay tenta de m'expliquer que j'étais hors de danger. A vrai dire, je n'en étais pas aussi certain. Mais la raison me laissa penser que Jay n'était pas capable de tuer un homme. Du moins, il n'irait peut être pas jusque là. Il avait une fille à élever après tout, et même si tout le monde ici le croit capable de commettre les pires choses, j'osais espérer qu'il n'était en rien fautif dans cette histoire. Je plongeais les mains dans mes poches, cherchant du bout des doigts mon paquet de cigarette. Si nous restions là, j'allais probablement finir par péter un plomb. Nous ne pouvions prendre le risque de camper ici, si quelqu'un nous voyait, on penserait que nous avons commis ce meurtre. Mais nous ne pouvions pas non plus laisser ce cadavre ici. Il fallait peut être prévenir la police. Putain, dans quelle bouse j'étais en train de me mettre. Et si tout ça n'était qu'un piège tendu par le jeune Black? C'est vrai, je ne connais pas ses intentions. Je sais qu'il ne m'aime pas. A Thanksgiving, il avait certainement pris un malin plaisir à bien s'afficher avec Holden, sous mon nez. Je ne pouvais pas lui faire confiance... ce n'était pas possible. Et lorsqu'il me demanda si nous pouvions faire le chemin ensemble pour rentrer à nos foyers respectifs, je laissais le silence s'installer un instant, réfléchissant un instant avant de lui répondre. "Heu... oui... bien sûr. Mais qu'est ce qu'on fait de lui?". Mon regard jonglait entre le cadavre et Jay. Je ne savais absolument pas quoi faire. Je voulais juste m'enfuir en courant, et rentrer chez moi, puis oublier cette scène. Pourvu que personne ne nous voit ici, avec ce cadavre... Pourvu que les informateurs de DS ne passent pas par ici dans l'immédiat.

Etrange ? En quoi était ce étrange ? Venant d'un quartier où quasi tout le monde avait son petit secret franchement c'était presque banal de se retrouver avec un cadavre sur le dos. Si ça se trouve leur voisin était dans le groupe qui avait tué cet homme et ça ils ne le sauraient jamais.
Le chanteur lui expliqua quand même pour le rassurer, qu'il ne risquait rien à rester avec lui en ce moment. Il lui proposa même de rentrer ensemble, ce que Adrian accepta mais il restait tout de même le corps. Jay haussa les épaules, il n'était pas un tueur en série alors se débarrasser des corps c'était pas son truc.

- T'a pas un pote flic ? Tu lui envois un sms pour lui dire et il s'en occupera, c'est leur boulot non ?

En tant qu'avocat et surtout, fils du sénateur, il devait bien avoir un poulet sous son aile qui ne poserait aucune question. Le but serait de rentrer chez soi tranquillement sans qu'aucun soucis ne vienne leur barrer la route. Chose qui commençait assez mal à cause de ce corps. Jay n'avait cependant pas penser au fait qu'il avait laissé ses empreintes dessus en lui fermant les yeux.

- Ou sinon on le laisse là, quelqu'un finira bien par tomber dessus un moment ou un autre

C'était aussi simple que ça, même si ça ne se faisait pas. Cet homme avait peut être de la famille qui l'attendait gentiment dans son foyer en ne se doutant pas un seul instant qu'ils ne le verraient jamais franchir le pas de la porte.

Nous enfuir sans un mot n'était pas la meilleure solution, ou certainement la moins judicieuse. Cet homme a terre avait eu une vie, et peut importe ce qu'elle fut, il ne méritait pas qu'on le laisse pourrir ici jusqu'au petit jour. L'idée de Jay n'était pas mauvaise. Contacter un ami policier directement nous éviterait bien des soucis. J'hochais la tête, pris une grande inspiration et dis: Ok, ne bouge pas j'en ai pour deux minutes!"... Je reculais de quelques pas et composais le numéro de Gabriel, un bon ami. Gabriel travaille dans la police, il nous dira certainement quoi faire. J'attendais un instant, il décrocha: "Gab? C'est Adrian! Bon écoute mec, je rentre du boulot avec Jay Black, et on vient de tomber sur un cadavre dans la deuxième ruelle à gauche quand on arrive du rond point de Justice Street... Oui a mon avis le mec est bien mort... Ok, on vous attend."

Une bonne demie heure passa. Nous étions restés silencieux, là, tout près du corps sans vie. Gabriel débarqua, accompagné d'une unité de flics, et fit état de la situation. Avant de nous laisser partir, il nous dit qu'ils auront besoin de nous pour témoigner. J'avais trouvé Jay sur les lieux quelques instants plus tôt mais je déciderais peut être de me taire... Pour le protéger. J'étais intimement convaincu qu'il n'était pas responsable de cet acte, même si je le savais fou et louche. Bref, si j'avais toutes les raisons de vouloir l'évincer de ma vie et de celle de mon entourage proche, j'étais prêts à le protéger, même à contre coeur.

Nous partions, et je marchais lentement accompagné de Jay. Muet comme une carpe, je décidais d'engager la conversation. "Qu'est ce que tu traines dans ces ruelles à cette heure-ci Black?". C'est vrai je l'imaginais plutôt chez Holden à s'envoyer en l'air en snifant des railles de "c". D'ailleurs, depuis l'annonce de leur liaison à Thanksgiving, je remarquais qu'Holden se laissait de plus en plus aller avec ces conneries. J'imagine que le chanteur y est peut être pour quelque chose.

A vrai dire Jay espérait que Adrian adopte la deuxième proposition mais en tant qu'avocat, homme qui représentait la justice il ne pouvait pas laisser un corps. Tant qu'une armée ne débarquait pas il n'y aurait pas de soucis.
Jay attendait donc que le grand O'Conell passe son coup de fil, sans surprise se fut Gabriel qu'il contacta. Ce mec était aussi louche que lui alors ça n'avait rien d'étonnant. Une fois fait il n'y avait plus qu'à attendre, et il prenait bien son temps le poulet car il n'arriva qu'une demi heure plus tard. Et pas tout seul.

Loin de se sentir à l'aise avec tous ses flics Jay préféré rester en retard et laisser Adrian discuter, expliquer les choses en attendant que des flics s'occupaient du cadavre. Enfin Gabriel les laissa rentrer chez eux en leur disant de passer demain sans faute au commissariat pour leur déposition. Dur car Jay n'avait pas vu grand chose.
Les deux hommes purent enfin se remettre en route vers leurs maisons et le chanteur en profita pour prendre son médicament. Trop de policier autour de lui était stressant. Adrian lui demanda ce qu'il faisait dehors à cette heure ci. Il n'y avait trente six milles réponses à cette question. Jay haussa les épaules.

- Bah...

Il se tut, réfléchissant à ce qu'il faisait d'ailleurs. Ca ne devait pas avoir un impact important vu qu'il avait du mal à s'en souvenir.

- Je cherchais du boulot je crois...avec la crise c'est devenu plus dur...

Pas besoin de lui dire que Jay et ses colocataires ne roulaient pas sur l'or comparé à d'autres familles du quartier. Malheureusement les antécédents de Jay lui portait préjudice et les portes se fermaient à son nez.

- Mais personne ne veut embaucher un malade mental de nos jours....

Rajouta t-il piteusement, passant une main sur son visage fatigué. Il avait l'impression d'avoir cinquante ans alors qu'il en avait que vingt-trois.

Les explications du chanteur me semblaient confuses, mais je l'écoutais. Il cherchait du boulot, c'est vrai qu'il ne travaillait pas. Et il ne pouvait pas non plus espérer vivre de sa musique. Tout le monde sait aujourd'hui qu'il est de plus en plus difficile de se faire une place dans le monde de la musique, surtout lorsque l'industrie du disque va mal comme à présent. De mon côté, j'avais choisi, ou presque été obligé, de choisir une valeur sûre. Même si j'aurais préféré faire tout autre chose de ma vie, j'avais cette sécurité de pouvoir vivre grâce à mon travail.

Nous marchions, et j'observais Jay. Le voir sortir ses pilules et en avaler une me rappelait qu'il n'avait pas une vie facile, et en même temps, je m'étais toujours dit qu'il ne se donnait pas les moyens de vraiment réussir. Maintenant, il pourra certainement compter sur Holden et ses nombreux contacts pour espérer sortir du trou...

"Et pourtant, ton pouvoir de persuasion devrait t'offrir bien plus d'opportunités!"

C'était agaçant car au fond de moi, il y avait cette petite voix qui répétait "Aide le, aide le", et une autre, moins clémente, qui disait "Bien fait pour sa gueule...". Pour Holden, il fallait de toute façon que je fasse des efforts, mais Black me rendait fou. Bref, pour la première fois, je le découvrais faible et complètement perdu. Lui qui avait tendance à m'impressionner par sa force de caractère me laissait penser aujourd'hui qu'il pouvait avoir un bon fond. C'était énervant, ça me plait de le détester!

"L'avantage de sortir avec Holden, c'est qu'il peut aussi te faire rencontrer les bonnes personnes... profites en..." disais-je en hochant la tête et haussant les épaules. Je sortais une nouvelle cigarette de mon paquet, et même si je savais que Jay ne fumait pas ou plus, je lui en proposais une par politesse. "Tu fumes?".

La réplique d'Adrian eut au moins le plaisir de surprendre Jay. Si ce dernier avait un pouvoir de persuasion ça se saurait. Il aurait déjà persuader depuis longtemps de se faire embaucher quelque part. Le chanteur avec les sourcils levés, en se demandant bien ce que l'autre avait fumé pour sortir une phrase pareille.

- Je sais pas où t'a vu que j'avais ce pouvoir là mec

La preuve, il n'avait même pas réussi à persuader Adrian de laisser tomber sa quête dont le but était de séparer son petit frère et Jay. Ce dernier secoua la tête, se retenant de bailler puis croisa les bras pour se protéger du froid de la nuit qui tombait. C'était l'hiver et la température baissait rapidement dés que le soleil commençait à disparaître. Jay regarda Adrian comme si il était fou lorsque ce dernier parla d'Holden et de ce que leur relation pourrait apporter en coup de pouce dans la vie du chanteur. C'était ça la différence entre eux deux, c'est que Jay n'était vraiment pas du genre à profiter de ce genre de chose. Il préférait se débrouiller tout seul que de dépendre de son petit ami.

- Tu vois Adrian...c'est ça qui m'énerve chez les riches...vous voyez que le côté profiteur de vos relations...Je m'en contrefiche des personnes que connait Holden, il ne m'est d'ailleurs jamais venu à l'idée de lui demander de l'aide...Parce que j'ai des mains, des jambes et suffisamment de fierté pour me débrouiller tout seul...Et non merci je ne fumes pas

Pas sur que la cigarette fasse bon mélange avec ses médicaments, Jay tenait quand même un minimum à sa santé. Déjà qu'il supportait que ses amis fument en sa présence alors que rien que la fumée le faisait grimacer de dégout.

- Mais bon j'ai cru remarquer que tu ne savais pas ce qu'étais la fierté

Il faisait un temps de chien, j'avais froid et je n'avais qu'une hâte, me retrouver chez moi, bien au chaud, devant la téloche et un bon café. Je pensais à Juliet, qui était sensée me rejoindre chez moi. J'étais complètement perdu, j'allais bientôt être père et l'idée même me faisait peur. Je pouvais bien demander conseil à Jay, lui l'était depuis un petit bout de temps déjà. Mais nous n'étions pas copains lui et moi, et je n'avais pas envie de lui faire part de mes craintes, et mes états d'âmes.

J'avais osé penser que je pouvais enfin tenir une conversation calme avec Jay, surtout après ce que nous venions de voir, mais je me trompais une fois de plus. Il n'en fallait pas beaucoup pour qu'il prenne la mouche... pourquoi? Parce que je lui avais simplement suggéré l'idée qu'à présent, il pourrait aussi compter sur Holden pour trouver plus facilement du travail. Être recommandé par un homme de forte influence n'était négligeable. La réaction de Jay ne m'étonnait pas. Je ne m'attendais pas à ce qu'il félicite mon idée, ni même qu'il m'affiche un grand sourire. Je levais les yeux aux ciel lorsqu'il entama son grand discours sur les riches, leur pouvoir, blablabla. Honnêtement, je n'en avais rien à faire de sa situation, tout ce que je souhaitais, c'était de ne pas avoir à le croiser tous les jours. Je lui répondais donc:

"Hého, baisse d'un ton Black. Ce que j'essaye de te dire, c'est qu'Holden peut aussi t'aider à te sortir de ta merde. Il a des contacts, il peut te recommander. Les gens ici n'ont gardé de toi que cette image de fou du village... pas évident pour trouver du travail, nous sommes d'accord. Maintenant, si tu craches dans la soupe, c'est pas mon business."

Et si seulement il n'en s'en était tenu qu'à ça, mais non, il fallait qu'il remue le couteau dans la plaie, comme s'il n'avait qu'une envie, se prendre un coup dans les dents. Il refusa la cigarette que je lui tendais, je haussais les épaules et rangeais la clope dans mon paquet. Je soupirais ensuite, lorsqu'il me lançait une nouvelle réflexion déplaisante. Je le fusillais du regard lorsqu'il me dit que je ne savais pas ce que c'était la fierté. Si seulement il savait... Ma fierté m'empêchais bien souvent de vivre sereinement mon amitié avec Holden, de reconnaitre mes tors, d'accepter les reproches de mon père et ceux de mes frères et soeurs. Alors, la fierté, j'en connaissais tout un rayon.

"J'ai même pas envie de parler avec toi Jay... d'ailleurs, au lieu de perdre ton temps à t'afficher avec Holden devant moi comme tu a su si bien le faire à Thanksgiving, ce qui au passage a eu le don de vraiment m'agacer, garde ton énergie pour te trouver un boulot et me fait pas chier!"

A croire que les deux ne pourraient jamais parler calmement. Il faut avouer que cette fois ci c'était la faute de Jay qui s'était emporté tout seul. Ce n'était pas de sa faute si Adrian s'y prenait mal pour dire les choses. Pas question de s'excuser pour autant, le chanteur n'avait fait que répondre ce qu'il pensait de devoir demander de l'aide à Holden.

- Justement, ce sont mes affaires

Rétorqua t-il tout simplement avant d'attaquer son interlocuteur et plus particulièrement sa fierté. Dire que Jay cherchait la merde, involontairement cela dit, ne serait pas mentir. Il ne savait pas comment expliquer cette envie de faire taire l'avocat, de lui montrer qu'il était plus fort que lui. Adrian n'avait pas envie de parler avec lui, tant mieux c'était réciproque. Bien qu’apparemment il ne comptait pas mettre cela à exécution dès maintenant.
Le chanteur s'arrêta et saisit le poignet de l'avocat pour le stopper dans sa marche.

- Je sais que tu n'es pas d'accord avec le fait que je sortes avec ton meilleur ami, c'est ton droit...Mais ce qui s'est passé à Thanksgiving n'était pas du tout pour t'agacer ! Je voulais juste prouver à Holden que je l'aimais, qu'il devait avoir confiance en moi...

Il le lâcha, passant une main dans ses cheveux, ses yeux fuyant le regard de son interlocuteur parce que cette situation ne lui plaisait pas. Que Adrian était censé être son "ennemi" mais là il était gelé, fatigué et surtout il en avait assez de cette guerre débile entre eux deux.

- J'ai tellement galéré pour...trouver le courage d'aller de l'avant alors j'ai vraiment pas envie de tout faire foirer avec Holden...J'ai pas non plus envie que votre amitié se brise à cause de moi alors s'il te plaît Adrian...fais un effort, pas pour moi mais pour ton meilleur ami et pour toi même aussi d'ailleurs...

Il essuya du revers de sa main les larmes qui avaient coulé sur ses joues sans son consentement. Il souffla, enfonçant ses mains dans les poches de son jean pour les protéger du froid en attendant la réponse d'Adrian.

Si c'était ses affaires, et bien soit, je ne dirais plus rien. D'ailleurs, je me demande bien pourquoi j'ai tenté de l'aiguiller, Jay n'en fait toujours qu'à sa tête. Je soupirais, après lui avoir dit de ne pas m'agacer avec ses histoires. Il ne tarda pas à répondre, cette fois-ci, plus calmement, ce qui m'étonnait de Jay. Je pensais qu'il allait s'emporter, mais cette fois-ci, c'était différent. Il revint sur ce qu'il s'était passé à Thanksgiving. DS.net avait mentionné dans son article la bagarre d'Halloween, le baisé suite à notre altercation dans le parc. Et lorsqu'Holden nous avait demandé des explications, le chanteur avait quitté la table. Oui, j'avoue, je l'ai bien cherché. En même temps, je ne savais pas comment dire à mon meilleur ami que j'avais proposé de la thune à son mec pour qu'il se tienne éloigné de mon petit frère. Et Jay était l'auteur du baisé, il était probablement plus en mesure d'expliquer les faits à son mec. Je gardais un très mauvais souvenir de cette soirée. Jay, s'était rapproché d'Holden, et sous mes yeux, l'avait embrassé à pleine bouche. Je découvrais alors leur relation, tenue secrète jusque là, mais que j'avais flairé depuis quelques semaines auparavant. J'avais été en colère contre Holden, lui reprochant de m'avoir caché les choses, d'avoir menti. J'en voulais à Jay parce qu'une fois de plus, j'avais le sentiment qu'il tentait de m'éloigner de mes proches. Depuis qu'Heathcliff s'était entretenu avec lui, mon frère refusait de m'adresser la parole. Quant à Holden, nous essayons de sauver les meubles et surtout notre amitié. Alors oui, même si pour beaucoup de choses, je ne devais m'en prendre qu'à moi même, j'en voulais à Black, car temps qu'il trainerait autour de moi, je ne me sentirai pas tranquille.

Il s'arrêta un instant. Je ne savais quoi lui répondre, pour tout avouer, j'étais très mal à l'aise. Lorsqu'il me dit qu'il ne cherchait pas à nous séparer, Holden et moi, je levais les yeux au ciel, et je n'arrivais pas à y croire. Le regard que Jay m'avait lancé juste après avoir embrassé mon ami sous mes yeux avaient eu l'effet d'une balle en plein coeur. Et en même temps, je comprenais cette réaction, c'était peut être à ce moment là le meilleur moyen de montrer à Holden qu'il l'aimait, malgré ce qu'en disait Dirty Secret. Il continua, me demandant de faire un effort pour Holden, et pour moi. Et à cet instant là, je remarquais des larmes sur les joues de mon ennemi. Je fronçais les sourcils. Ho, ce mec c'est Jay Black... depuis quand il pleur? J'ignorais même que Jay puisse avoir suffisamment de sensibilité pour verser une larme. J'étais très mal à l'aise. Je me rendais compte du mal qu'on se faisait, du mal que je me faisais aussi. J'avais des choses bien plus importes à gérer dans ma vie, dans mon couple, pour m'en prendre injustement à Holden... et Jay. Je m'arrêtais net, passait ma main sur ma nuque avant de dire:

"Je sais pas quoi dire je.... Pourquoi je devrais te croire Jay? C'est vrai, depuis le début, toi et moi c'est... c'est à celui qui fera le plus de mal à l'autre. Eliza, Heath', Holden... et bientôt ça sera quoi Black? ... Je sais que j'ai eu tord, je me suis comporté comme le pire connard qui existe ... avec Holden, avec toi, juste parce que je ne supporte pas l'idée que tu puisses avoir cette relation avec lui." Je soupirais, ne sachant plus quoi lui dire, ne sachant plus comment me comporter face à lui. Cette situation était des plus étranges. Je repris "Tu sais, la fierté dont tu parlais... c'est celle qui m'empêche bien souvent de tirer un trait sur cette guéguerre à deux balles. Je veux bien faire des efforts Jay... parce que je me rend compte que ça fait bien plus de mal à ceux qui nous entourent qu'à nous même."

Jamais Jay n'aurait pensé se laisser aller devant Adrian mais il en avait marre de tout cela. Il voulait que tout cela cesse avant de faire une bêtise qu'il regretterait. Alors le chanteur avait décidé de tout déballer à l'avocat, de lui faire comprendre que ça n'avait aucun sens, que c'était se faire du mal inutilement. Sans le vouloir des larmes avaient couler sur les joues de Jay qui s'était empressé de les faire disparaître.
Ses paroles semblaient avoir dérouté Adrian, ce qui était plutôt positif, bien que le fait que son interlocuteur exagérait quand même un peu. La guerre c'était lui qui l'avait commencé tout seul et même le fait qu'il n’accepte pas la relation entre Holden et Jay restait un mystère pour ce dernier. Etait ce juste à cause de ses antécédents ou bien une forme de jalousie ? Il n'y avait aucune raison à cela, le chanteur ne comptait pas se mettre en travers de leur amitié.
Adrian accepta malgré tout de faire des efforts après avoir expliquer qu'il connaissait le mot fierté. Peu importe Jay était content de faire une trêve. Un sourire s'était affiché sur son visage.

- Je ne comprend pas pourquoi tu es contre ma relation avec Holden...on s'aime lui et moi même si je suis pas encore tout à fait prêt pour...bref...Merci d'accepter de faire des efforts Adrian

Il sortit une main de la poche de son jean et la tendit à son interlocuteur pour qu'il la serre afin de conclure la discussion et de pouvoir repartir. Vêtu d'une simple veste, crise oblige, Jay n'était pas vraiment habillé pour un temps d'hiver et se les gelaient beaucoup.

Après des mois de tempête, le calme semblait vouloir s'installer entre Jay et moi. Un ras le bol de toutes ces querelles? Peut être qu'on finissait par se lasser. Et avec cette relation naissante entre celui que j'ai toujours considéré comme mon pire ennemi, et celui que j'aime comme un frère, je pense qu'il faut désormais tirer un trait sur nos conflits. Je cru d'abord à une plaisanterie, je m'attendais à ce que Jay me ri au nez à tout instant. Méfiant, j'attendais qu'il réponde pour m'assurer qu'il ne se moque pas de moi. Il me demanda alors pourquoi je ne supportais pas de le savoir en couple avec Holden... Bonne question. Devais lui dire que j'étais jaloux? Devais-je baisser ma garde, laisser de côté cette fierté qui me ronge pour admettre les choses à voix haute? Si Jay semblait vouloir faire la paix, il attendait peut être de moi que je soi honnête, et tout irait mieux. J'entamais alors un discours, que jamais je ne me serais senti capable de tenir face à lui.

"Je crois que je suis juste.., jaloux. Oui, c'est ça, jaloux. Je me suis toujours dis que je resterais toujours le seul et l'unique homme qu'Holden puisse véritablement aimer... Et je me suis rendu compte que ce n'était pas le cas. J'ai eu l'impression que tu m'arrachais Holden, et j'ai encore cette crainte de ne jamais pouvoir le retrouver... Ce garçon, c'est comme mon frère Jay... Alors si tu l'aimes vraiment, prend bien soin de lui s'il te plait."

Je soupirais et plongeais à mon tour mes mains dans mes poches. Parler d'Holden me donnait le cafard. J'imaginais déjà la scène qu'il ferait en apprenant la grossesse de Juliet. J'appréhendais beaucoup de moment là, restant convaincu que ça nous éloignerait encore plus. Mes pensées se dispersèrent lorsque Jay me tendit sa main. Encore un instant étrange, nous allions peut être officialiser la fin d'une longue période de combats, l'armistice, la trêve! Je remarquais sur son visage un sourire, un vrai cette fois ci. Pas le petit sourire narquois et sarcastique que je connaissais déjà... Non, un vrai sourire! J'esquissais à mon tour le même sourire, empoignais sa main, puis fini par dire:

"Si je te paye un verre, tu ne vas pas penser que j'essais de t'acheter comme la dernière fois?" lançais je pour plaisanter. Quand on y repense, c'est vrai, ma démarche avait été des plus ridicules ce jour là. J'ajoutais: "Après ce qu'on a vu ce soir, je pense qu'on a besoin d'un petit remontant..."

Jay comprenait parfaitement ce que ressentais Adrian. Lui même avait du mal à voir ses colocataires être proche d'autres personnes mais il n'était pas leur père et n'avait aucun droit sur eux. Le principal était de les voir heureux, d'être là en cas de besoin.

- Je comprend Adrian mais sois sans crainte Holden tiens beaucoup à toi et je prendrai soin de lui...si il lui arrivait quelque chose je ne me le pardonnerait jamais...

Il n'avait pas envie de refaire l'expérience d'une perte encore une fois. C'était trop douloureux et les anciens proches morts n'étaient toujours pas parties de son esprit. Une des raisons pour laquelle il avait eu du mal à avouer ses sentiments à Holden et de sortir avec lui.
Alors il espérait qu'à deux au moins Holden serait bien entouré d'amour. D'un côté celui "fraternel" et de l'autre le véritable.
Jay lui présenta alors sa main pour signer l'acte de paix et son sourire s'agrandit lorsque Adrian l'empoigna. Ce dernier l'invita même à prendre un verre rajoutant une phrase en référence à leur petite discussion dans le parc.

- Non quand même pas...mais je ne dis pas non ! Mais juste un alors histoire de me réchauffer un peu

Il ne tenait pas à s'endormir sur la table ou bien de frapper quelqu'un qui n'avait rien demander. Un seul verre d'alcool ne devrait pas être trop dangereux pour la population.
Jay engagea alors la marche en direction du bar le plus proche pour partager ce fameux verre. C'était la première fois qu'il faisait ça avec Adrian et ça n'était pas si bizarre que cela au final. Quand l'avocat n'agissait pas comme un débile il pouvait être sympathique.