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L'enfer ne peut attaquer les païens. [ Minnie & Andy ]

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L'enfer ne peut attaquer les païens. [ Minnie & Andy ] Empty
MessageSujet: L'enfer ne peut attaquer les païens. [ Minnie & Andy ] L'enfer ne peut attaquer les païens. [ Minnie & Andy ] Icon_minitimeVen 30 Mai - 11:17



L'enfer ne peut attaquer les païens.

Le dernier verre du soir me laissera un goût de mojito au bord des lèvres. Plus tard, quand je repenserais à cette soirée, ce sera d'abord ça qui me viendra en tête ; les relents enivrants du rhum et les gros grains de sucre venant crisser entre mes dents, pour y délivrer tout leur arôme. Oui, cette soirée aura le goût du rhum. Et la voix de Minnie.

Mais ne parlons pas tout de suite de Minnie ; laissons la encore profiter quelques minutes de l'acmé étourdissante dans lequel la poudre l'a plongée. Cette tension extrême, où tout balance entre extase et horreur, entre onirisme et cauchemars. Le point où tout peut basculer. Laissons là faire ses propres expériences, et malmener un peu plus son corps fiévreux ; nous y reviendrons tôt ou tard. Retournons plutôt en arrière, nous attarder sur ce verre de mojito, et la personne qui le bois, adossée au comptoir. C'est une Andy grognon que nous retrouvons. Sourcils froncés et bouche déformée, je peste contre cet abruti de Noah, qui a oublié de venir me retrouver. Probablement égaré à mi chemin entre sieste crapuleuse et querelle de voisinage, notre conciliabule nocturne est passé à la trappe. Alors je râle. Je marmonne. Je peste contre cet idiot, pas foutu de régler une alarme sur son portable. Je peste quand les bouts de menthe franchissent le barrage de glaçons, pour venir se coincer entre mes dents. Je peste même contre la radio un peu trop forte, qui interrompe mes médisances. Je peste, et puis je bois, en silence. Parce qu'au fond, je n'ai rien d'autre à faire, rien d'autre à faire qu'attendre, et regarder autour de moi.

Mes yeux s'arrêtent sur un couple éméché. L'homme hilare, lui tire sur le bras. Il l'entraine de force au milieu du bar, pour la faire tanguer, comme des cons. Elle fait mine de vouloir résister, mes ses éclats de rire ne trompent personne, pas même lui. Ils chancellent en cadence. Valse désaccordée, silhouettes enlacées, ébauches de débauches. Je ne sais pas pourquoi, mais cette vision me fout soudain le cafard. J'ai beau me résonner, de me convaincre que la solitude ne me pèse pas, la boule fichée dans ma gorge ne s'en va pas pour autant. Alors je l'aide, je la fait redescendre à coup de grandes lampées. Le rhum me rempli d'un sentiment vertigineux, et quelque part, ça me fait sourire : moi, c'est à l'alcool que je devrais mes vacillement d'un soir. Le constat est amer, peut être un peu trop. Je vide mon verre et je m'arrache, parce que c'est la seule chose à faire, au fond.

Je traverse le bar, je nage à contre-sens parmi les flots d'assoiffés,  luttant pour s'emparer de ma place. J'échappe à la noyade de foule de justesse, et gagne finalement la sortie. L'appel d'air me fouette le visage, mais je suis encore indemne. Pas comme cette fille, adossée contre le mur. Ses cheveux cache son visage, gardant jalousement pour eux le secret de son identité. Je m'efforce de détourner les yeux de cette demoiselle anonyme ; le voyeurisme n'a jamais fait parti de mes vices. Je m'arrête un instant, cherchant à me rappeler où je me suis garée. Dans quelques instants, j'aurais regagné ma voiture, et je claquerais la porte sur cette soirée ratée, sur ces couples trop heureux, et sur elle, sur sa foutue image qui m'apparait à chaque sortie de bar.

De son côté, la fille n'a pas bougé. J'entends sa respiration, lente, saccadée, troubler le silence de la nuit. Ce tout petit bruit s'amplifie progressivement dans ma tête, jusqu'à remplir la ville de cet appel d'air avide. Je peux pas venir la faire chier : ça ne se fait pas. Cette pensée confortable est rapidement chassée par une autre, un peu plus tenace : abandonner des jeunes filles désarmées face aux crocs de la nuit, ça aussi, ça ne se fait pas. Le choix est vite fait. Je soupire doucement et m'approche.

« - Eh, est ce que ça va ? »

Je continue, mal assurée, ne sachant quel accueil sera réservé à mon altruisme téméraire.

« - Écoute, je sais pas quels sont tes plans, mais je suis garée un peu plus loin dans la rue. Si t'as mère ne t'as pas assez mise en garde contre les voitures des inconnus, je peux te ramener, si tu veux. »

Une pointe d'ironie, pour couvrir mon malaise. Mon humour est rouillé, mais mes intentions sont louables. Il ne tient qu'à elle d'accepter ou de refuser ce compagnon de voyage improbable, pour l'aider à braver la nuit.
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