9h du matin, je suis très fatigué. La veille, je suis resté tard au cabinet pour travailler. Forcément, ce matin je suis une loque. Et comme souvent, j'arrive en trainant les pattes. J'arrive toujours après l'ouverture du cabinet, oui ma secrétaire est toujours là, une heure avant, c'est elle qui m'ouvre la porte ! Pratique quand j'oublie mes clefs. Il est 9h, et j'ai encore une dure journée qui m'attend! Vous dire que j'aime mon métier serait vous mentir. En fait, je fais avec. Mon père m'a toujours forcé à faire ce que je ne voulais pas, comme devenir un maillon fort de la société, un mec avec du pouvoir et du flooz, sans vraiment se soucier ni prendre en compte mes envies, mes plans d'avenir. Sa technique, me couper les vivres si je ne correspond pas à ses attentes... Et si je n'aime pas forcément mon travail, j'ai toujours aimé ses sous... Alors je fais genre, je puise dans son porte monnaie, et tout va bien! J'adore ma situation ! Ahah...

Avant d'entrer dans mon bureau, je prend toujours un café à l'accueil, bizarrement ça aide à bien commencer la journée. Trainant des pieds, je pousse la porte de mon bureau. Et surprise! Fred m'attend déjà, bien installé dans mon siège de ministre, le cigare cubain entre les lèvres, tel un gros mafieux! J'l'aime bien ce gars, ultra sérieux, mais toujours et depuis le début très investit dans mes dossiers. Heureusement qu'il est là, je crois que j'aurai perdu pas mal de procès sans son aide. Lui et moi, on est complètement différent, mais pourtant tellement complémentaire dans le boulot. Il est un peu celui que j'aurai pu être, si le droit avait été ma tasse de thé!

Il est donc là, prêt à travailler, m'attendant de pied ferme et le nez déjà dans le dossier que j'avais eu du mal à traiter la veille. Lorsque j'entre, monsieur lève la tête, et me salue d'un sourire de Ken à sa Barbie.

"Hé le Parrain, déjà en train de corriger mes conneries?"

Je souri, rassuré de le voir déjà là, à la "ready set go on attend plus que toi"! Fred, c'est un peu le juriste que le pays d'arrache et que seul le père O'Conell a su convaincre de travailler ici à Magnolia Cresent. Monsieur est dans mon fauteuil, qu'il y reste, ça ne me dérange pas. Je me dirige vers la fenêtre, ma tasse de café tenue fermement entre mes mains. Et tout en regardant défiler les voitures à l'extérieur, je tente un petit brief sur le cas à traiter.

"Olivia Shmizerman, 34 ans. Accusée de meurtre sur son enflure de mari. Elle parle d'un mari violent, qui la battait depuis 7 ans tous les jours. Au lieu de porter plainte, elle a préféré lui tirer une balle dans la tête pendant son sommeil... bonne idée! En bref, on ne peut clairement pas plaider la légitime défense. Homicide volontaire certes, mais dire que c'était prémédité, je ne sais pas vraiment si c'est le mot. Je pense que la nana a juste pété un plomb, et tu me diras "NORMAL"... Et là, je bloque, à toi de trouver la suite !"

Fred a toujours de bonnes idées, la stratégie de défense de ce gars là est incomparable, c'est certainement la meilleure de ce pays! Fred me regarde, réfléchissant avec sérénité, prêt à déballer les meilleurs arguments de défense. Parce que même si sont métier est de connaitre les lois sur le bout des doigts, il est très de très bon conseils dans l'organisation d'un plan de défense. Et pendant qu'il réfléchit, je lui serre un café, et m'allume une clope. "Ouuh je sens que Winston a de bonnes idées!"

Je finis ma cigarette et l'écrasait alors dans le cendrier prêt de la fenêtre. Je m'approchais alors de Frederik, jetant un oeil aux annotations qu'il venait d'y ajouter. J'aimais bien que lui même garde un oeil sur mon travail, disons que ça me rassurait de le savoir derrière moi. "Professeur Winston, vous n'avez pas pu vous empêcher de corriger les fautes d'orthographe !". Je riais, Frederik avait souligné au stylo rouge les quelques fautes qui apparaissaient dans mon dossier, telle un maître d'école. Je m'asseyais enfin fasse à lui, à la place que prenne généralement les gens qui me consultent. Fred est ultra sérieux ce matin, il a le sourire difficile dirait-on ! Je l'ai connu un peu plus en forme. Mais Fred a toujours été très sérieux au travail. Combien de fois il m'a regardé avec un air exaspéré lorsque je débarquais avec 20 minutes de retard au bureau, un peu comme ce matin par exemple! Mais il m'en tient très rarement rigueur, et puis... entre nous, c'est moi le patron ! Je le paye assez cher pour qu'il m'accorde quelques minutes de retard ! En tout cas, je n'ai pas intérêt à le perdre, Fred m'est d'une très très grande utilité.

Le cas Olivia Shmizerman m'avait empêché de trouver le sommeil, laissant une nouvelle fois Juliet s'endormir toute seule. Elle m'avait une nouvelle fois sermonné, me disant que je passais trop de temps à travailler et pas assez à l'apprécier. Les difficultés du couple... mais surtout les difficulté d'un couple en crise. Je ne savais plus trop quoi faire, accorder tout mon temps à mon travail me permettait aussi d'éviter notre dure quotidien. Et avec le travail, j'essayais par la même occasion d'oublier le reste. Oui j'ai choisi le travail comme thérapie... efficace? Je ne sais pas encore ! Quoi qu'il en soit, quand je regardais le couple Winston, je me disais qu'ils étaient bons à prendre comme modèle.

Fred me conseillait alors de clamer la légitime défense pendant le procès. Mais c'était impossible, le coup était trop préparé par ma cliente pour qu'il soit reçu comme étant de la légitime défense. Elle avait quand même tiré une balle dans la tête de son mari alors qu'il était en train de dormir. Elle n'était pas alors face à un danger immédiat. Homicide était volontaire, et j'étais d'accord avec Fred sur ce point. Fred soulignait également les premières plaintes de la cliente concernant des coups et blessures. "Oui, je suis d'accord avec toi. Shmizerman m'a confié qu'elle s'était plusieurs fois adressé à la police pour des coups et blessures, lesquels l'ont renvoyé vers un médecin pour constater ses blessures... sans ça, ils lui ont affirmé ne pas pouvoir recevoir sa plainte. Et elle avoue ne pas avoir eu le courage d'entamer toutes ces démarches, par peur que son mari s'en rendent vite compte. Elle dit s'être senti incomprise, et a voulu se faire justice elle même, puisque selon elle, la justice ne voulait pas de son cas. Je pense qu'il sera important de l'évoquer pendant le procès, c'est un argument qui tient la route pour la défense. La seule chose qui m'inquiète vraiment, c'est que notre cliente ne semble pas avoir de remord, elle ne montre aucun signe de regret, elle reste impassible, froide et est convaincu que ce qu'elle a fait était la meilleure chose à faire... j'ai l'impression qu'un tel comportement peu nous couter cher au procès..." . Je soupirais, j'avais peur de ne pas pouvoir obtenir une diminution ou éventuellement un aménagement de peine. Je repris: "Je pense qu'on va devoir argumenter sur le fait qu'Olivia était seule, sans aide extérieure, qu'elle n'a jamais réussi à prendre la parole, à raconter ce qu'il lui arrivait par peur des représailles, des jugements, et qu'elle a tout simplement pété une pile à cause d'un quotidien insupportable, voilà tout."

Fred m'écoutait attentivement, nous avions pour habitude de partager nos points de vues respectifs, d'en débattre pour finalement synthétiser le tout et trouver la solution la plus efficace en matière de défense d'un accusé. Et pour cela, nous étions plutôt doué. Fred était surtout là pour cadrer mes arguments de défense, mais également pour vérifier si ils tenaient la route, s'ils était cohérents avec les textes de lois.

"Héé Winston, ne critique pas mon café!

Je bu une gorgée de mon café encore chaud, manquant de me brûler sévèrement la gorge. Oh putain, c'est vrai qu'il était corsé ! Fred n'avait pas tord lorsqu'il critiquait mon café.

Effectivement, je pense qu'on va investir dans de nouvelles dosettes !", je riais puis déposais ma tasse vide sur mon bureau. Fred était encore plongé dans le dossier, cherchant la moindre faille pour faire basculer l'affaire. J'essayais alors de l'en décrocher trente secondes, histoire qu'il ne sature pas trop vite. "Sinon, Lauren va bien? Je l'ai croisé avant hier en sortant du parc, mais on a pas eu le temps de papoter ! "