« JULIAA ! »

J'ouvre difficilement les paupières. Je sais pas quelle heure il est, mais faut avoir un grain pour gueuler comme ça. Je sors la tête des couvertures ; c'est qu'il fait frais en dehors de cette source de chaleur qu'est le lit. Un flot de lumière m'aveugle et je dois cligner plusieurs fois pour réussir à voir Jaylann qui se tient sur le pas de la porte, l'air très fière. Elle, elle prépare un mauvais coup. Je lui balance mon oreiller - du moins j'essaie, parce qu'il arrive à un bon mètre d'elle - et grogne.

« J'ai la preuve ici présente que Julia ne fait que dormir pendant que nous suons à la faire vivre. »

Qu'est-ce qu'elle raconte celle-là ? Qu'est-ce qu'elle vient me crier dans les oreilles dès le matin ? J'entends des murmures lointains, puis la voix de ma mère :

« Elle a raison, Julia lève toi. »

Quoi ? On ne peut plus faire la grasse matinée ici ? Je résiste encore quelques instants mais le ton de Leeda me fait céder.

« OK, j'me lève. J'ai droit à un peu d'intimité ou faut que vous assistiez à mon habillage ? »

PAN ! Un partout ! Comme si j'allais me laisser faire comme ça. Ils sortent tous les trois en refermant la porte et je laisse ma tête retomber sur le matelas. Namého, et puis quoi encore. Il est même pas 10 h. Un coup d'oeil sur mon réveil m'indique qu'il est midi trente passé. Bon, ils ont peut-être un peu raison. Un peu. De toute manière, je n'ai plus envie de dormir, maintenant qu'ils m'ont bien réveillé.
Je m'habille, me coiffe, me maquille, puis descend au rez de chaussé. Leeda, Henry et Jaylann m'attendent. Patiemment pour les deux premiers, la dernière semble bouillonner. Elle est sûre de gagner, elle veut m'anéantir, elle veut... Et moi j'veux lui mettre mon poing dans la tête à cette Zombie.

« Laisse moi faire Henry. » dit Leeda, une main sur la poitrine de mon père.

Ouais tais-toi l'daron.

« Julia, ta situation ne peut plus durée. Tu fais la fête toute la nuit, tu dors jusqu'à des heures impossibles et tout ça sur notre travail, sur notre argent. »

J'imagine bien Jaylann en Cendrillon, en train de laver le sol pour gagner quelques bouts de papier verts, pendant que je me fais couper les ongles. Prends-toi ça dans la tronche, Zombie Girl.
Mais je ne vois pas pourquoi ma mère me dit ça... Où veut-elle en venir ?

« Nous avons donc décider, ton père et moi, avec l'aide de Jaylann... » Évidemment, elle est dans le coup. « ... que si tu ne trouvais pas vite un travail, nous te mettions à la porte. »

Alors là franchement, je ne m'y attendais pas. Je reste figé, sans rien dire. Elle a dis quoi là ? Nan, c'est une blague. Comme une idiote, je me frappe bien fort le bras de la main, à tel point que ça me brule. Non je ne rêve pas.

« C'est à dire ? »

♣ . ♣ . ♣

C'est carrément la merde là. Si je ne trouve pas un taf, je suis à la rue. Vous appelez ça des parents vous ? Pas moi.

« Un café s'vous plait. »

Le liquide chaud me coule le long de la gorge. C'est pas si différent de l'alcool en fin de compte, c'est juste que ça brule moins. Un bon café pour se réveiller et avoir les idées plus claires. Parce que là, je ne sais pas du tout comment je vais faire pour trouver un travail. Je n'y avais jamais pensé : j'ai finis mes études de psycho et je suis resté là à me prélasser et à faire la fête.

Un grand bruit de ferraille retentit juste à côté de moi et je tourne la tête pour voir Harper Albright trainer sa chaise jusqu'à ma table. Elle bosse au cinéma et dans le même fast-food que Katya. Elle a l'air plus en forme que moi.

« Hey. J’espère que je ne te dérange pas. Comment vas-tu ? »

Eh bien si, tu me déranges. Je suis en pleine concentration pour savoir comment je vais faire pour ne pas me retrouver comme une SDF. Oh et puis f*ck, j'irais chez Andrew. Ou chez Ginerva. Ou chez Harper tiens !

« S'lut. Eh bien, disons que je réfléchis à comment ne pas skatter chez toi. Entre nous, ça m'arrangerait vachement de ne pas avoir affaire plus longtemps à Jaylann et à mes parents, mais bon je doute que tu acceptes. »

« Honnêtement, je ne pense pas que tu supportes mon frère! Tu dois trouver du boulot c'est ça ? »

Était-ce une façon détournée de me dire que je ne pouvais pas squatter chez elle ?

« Ouais, c'est ça. »

Et si je n'étais pas dans la merde, qu'on me dise dans quoi j'étais. Ce n'était pas quelques années de lycée qui allaient m'aider à trouver un travail, mais hors de question d'être éboueuse ou quelque chose dans ce goût là. Je devrais me presser, mais une grosse flemme m'envahissait. On me tirait de mon sommeil si précieux pour me dire d'aller me chercher un travail ; précisément le genre de choses que je détestais. En plus, il s'était mis à pleuvoir. Raison de plus pour ne pas y aller et continuer de me prélasser dans ce bistrot. Mais le café servi était dégueulasse, franchement. Déjà que je n'aimais pas beaucoup le café en général, mais alors celui-là, il n'était pas du tout ma tasse de thé. (Huhu, vive les jeux de mots. xD) Et puis, qu'est-ce que je risquais à remettre ça à un peu plus tard ? Leeda n'oserait quand même pas mettre à la porte sa propre fille. Enfin, la connaissant, sûrement que si ; elle tenait toujours parole et ce n'était pas ça qui allait lui faire peur. Mais elle ne pouvait pas, question de principes.
Peut-être que je devais demander conseils à Harper ? Je ne la connaissais pas beaucoup, mais elle semblait déjà un peu plus expérimentée que moi dans ce domaine. Ce n'était pas elle qui devait s'occuper seule, sans ses parents, de son frère et de sa sœur ? Si, je croyais bien que si. Respect, franchement, ce n'était pas à moi qu'il aurait fallu demander ce genre de choses. Encore que, Katya et James étaient calmes, ça n'aurait pas été eux le problème - puisqu'en un sens, je m'occupais un peu d'eux. En particulier si on les comparait aux Albright - comment déjà ? - qui étaient... comment dire... plus turbulents. Enfin, si l'on pouvait qualifier de turbulente une gosse qui s'excitait sur son ordinateur. Mais bon, ça ne m'empêchait pas de profiter de la présence de Harper pour lui tirer quelques conseils du nez.

« Si tu as deviné ce que je devais faire, tu pourrais peut-être deviné ce que je peux faire ? »

Avisant sa tasse de café puis les nuages gris qui faisaient pleuvoir la pluie dehors, Julia se demanda encore une fois comment elle allait faire. Du jour au lendemain, ses parents décidaient, avec la grande aide de Jaylann à n'en pas douter, que leur fille cadette ne passerait plus ses journées à glander et ses soirées à faire la fête, mais à bosser. Alors qu'avant, c'était à peine s'ils s'en souciaient. Et, cerise sur le gâteau, Julia devait trouver ce boulot toute seule, en sachant juste qu'il fallait qu'elle ramène des papiers verts. Comment ? En se démerdant, voilà.
Les paroles de Harper l'étonnèrent un peu ; elle, plus d'années d'études ? M'oui... Elle avait passé le lycée et une année d'Arts Appliqués - dur dur - avant d'abandonner. Si on pouvait appeler ça des études...

« Adrian O'Conell ? Le frère de Heathcliff O'Conell ? Je suis pas sûre que... » Julia appréciait les O'Conell, dans l'ensemble. Enfin, en vérité elle ne connaissait vraiment que Heathcliff pour avoir coucher avec lui après avoir bénéficier de son aide d'avocat. Quant au reste de la patrie et à Adrian, elle ne les connaissait que vaguement, sachant par contre parfaitement que le caractère de l'ainé des descendants était... compliqué. Or, elle se savait elle-même avec un caractère proche de la tête de mule ; et deux têtes de mules ne feraient assurément pas bon ménage.

« C'est gentil Harper mais je crois pas que ce soit le bon travail pour moi. » Elle ne savait même pas ce qu'elle devrait faire, en temps que secrétaire. Prendre rendez-vous avec la famille de la victime qui s'était à moitié fait déchiqueté par une bête sauvage -humaine ou non- ? Très joyeux tout ça. Mais Julia n'osait pas répondre aussi sèchement à Harper ; elle savait que celle-ci avait dût vite abandonner ses études pour le travail d'adulte, tout ça pour pouvoir continuer à habiter à Magnolia Crescent avec son frère et sa sœur. Et rien que pour ça, Julia avait un minimum de respect pour Harper. Elle ne serait pas capable de tout ça elle, elle le savait - mais ne l'avouerait surtout pas en direct.

« P't'être qu'il y a un poste dans un magasin du centre commercial, genre dans un super marché ou un truc de fringues. Sont bien mes parents, ils me précisent rien à part "Trouve toi un taff". »
Pestant contre Leeda et Henry, la Fitzgerald en vint à penser à sa jeune soeur. Puisqu'elle ne pouvait pas espérer d'aide de l'ainé - au diable son aide ! -, peut-être qu'elle devrait -pouvait- demander conseil à Katya. Ça la foutait un peu mal que ce soit la grande soeur qui demande de l'aide à la petite, mais après tout pourquoi pas, Katya n'avait pas eu tant de mal que ça à trouver un travail en ville, puis à Philadelphia. Mais en tant que grande soeur poule, Julia se dit que ça ne sera que son plan B. Plan A : Harper.

J'avais connu ce que c'était de se retrouver du jour au lendemain sans aucun projet d'avenir, avec comme seule perspective d'avenir de finir à la rue. Je n'avais pas eut le choix de prendre un boulot, sinon, mes parents n'auraient jamais pu partir à l'étranger, et je n'aurai pas pu rester à Magnolia. Prendre un travail n'avait pas été pour moi une nécessité, mais un choix, un sacrifice fait pour ma famille, pour que mon frère et ma soeur n'ait pas à recommencer leur vie ailleurs, et pour que mes parents puissent s'épanouir comme ils l'entendaient. J'étais l'aînée de la famille Albright, et ainsi, je devais assurer mon rôle de grande soeur, aussi jeune je l'étais lorsque mes parents ont quitté la ville. Je regardai Julia. J'étais consciente que personne dans cette ville n'avait la vie facile. Tout était toujours compliqué à Magnolia, qu'importe les efforts produits pour arranger les choses, cela ne s'arrangeait jamais.

« Comme tu veux... J'ai toujours rêvé de travailler dans la justice, mais désormais, je n'en ai plus envie... » Pourquoi avais-je dit cela? Aucune idée, mais j'avais eut le besoin de le dire. Je fronçais les sourcils et regardais mes mains. Depuis un an, je travaillais dans ce vieux fast-food pourri et dans ce cinéma, et je n'avais jamais pensé à changer de travail, à trouver autre chose qui pourrait me faire vivre, et me rendre heureuse. Car autant le dire, depuis le départ de mes parents, je ne me sentais ni vivante, ni heureuse. J'apportais ma tasse de café à mes lèvres et en bus une gorgée. Puis je me mis à observer dehors. Un jour aurais-je le courage de reprendre mes études et d'arriver là où j'ai toujours désiré aller? Je n'en étais pas convaincue, ma vie était déjà toute tracée désormais...

« Des boulots y'en a partout dans cette ville étrangement... Mais aucun ne vaut mieux que les autres. T'as des postes de glaciers, marchands de journaux, vendeurs, fleuristes etc, mais tu n'auras jamais quelque chose de vraiment intéressant qui pourra t'aider pour ton avenir... » Elle allait me prendre pour une désespérée de la vie, et elle n'aurait pas tord. Je lui jetais un regard pour voir sa réaction, mais elle avait la tête baissée. Alors je me remit à observer dehors.

Julia était bien différente de toutes les filles que j'avais pu fréquenter. Je n'avais jamais fréquenté de filles dans son genre, au lycée, mes amies se résumaient à une ou deux copines timides, j'avais toujours eut besoin de traîner avec des personnes mal dans leurs peau pour avoir une raison d'être amie avec eux, pour pouvoir les aider et leur apporter autre chose que des moments de rire et de plaisir. Mais je me rendais compte que des filles comme Julia, qui paraissaient être heureuses vues de loin, avaient en réalité des problèmes à régler comme nous tous, et devaient y faire face sans se laisser abattre. Chacun avait sa façon de gérer ses soucis, et j'avais comme l'impression que Julia les prenaient comme si ce n'était rien. Mais au fond, je savais que ce n'était pas rien pour elle, elle devait se poser des tas de questions, peser le pour et le contre, avoir peur que ses parents décident de la mettre dehors. Je savais ce que c'était de voir sa vie basculer du jour au lendemain. Certes, ce n'était pas la même chose, mais du jour au lendemain, j'avais du décider entre ma famille et ma carrière, j'avais choisis ma famille. Je n'avais pas prit de travail qui était en rapport avec mes souhaits de carrière, mais juste le premier que l'on m'avait proposé et qui allait pouvoir m'occuper pendant quelques temps. Evidemment, j'avais dans le projet de changer de travail, mais je ne voulais pas prendre de risques.

« Non...Enfin ça dépend de ce que tu veux. Je prends un exemple: quand tu seras vendeuse de fringues au centre commercial, tu feras quoi après? Tu viseras chef d'établissement? Je pense que personne ne veut passer sa vie à passer des articles, conseiller des clientes qui la plupart du temps sont infectes, et avoir des horaires de merdes parce que tu travailleras le week-end... Il faut que tu fasses quelque chose qui te dise un minimum, qui concerne tes loisirs. Regarde-moi, tu crois que j'aime distribuer des Sandwichs et imprimer des tickets toute la journée? » J'étais peut-être bien trop pessimiste, mais je préférai parler en me servant de mon expérience. On pouvait ainsi sentir mon agacement. J'avais l'habitude des clients qui ne faisaient pas attention à toi, alors que toi, tu passais ton temps à sourire à longueur de journée et te montrer aimable.

« Ne fais pas ça. Surtout pas. Sauf si tu veux te retrouver comme moi, et je ne le souhaite à personne... » Finir par se faire "dompter" par un patron impossible alors que tu avais un véritable avenir, je ne le souhaite à personne. Julia et moi n'avons pas les mêmes choix à prendre, tout dépend d'elle, contrairement à moi, elle avait donc la possibilité de choisir quelque chose qui lui plaisait, et qui la motiverait à se lever pour aller travailler tous les matins.

Julia posa sa tasse de café sur la table en métal et regarda longuement Harper pendant qu'elle parlait. Qu'est-ce qu'elle racontait ? Ce poste que Julia prendrait, elle ne savait pas encore lequel, elle ne le garderait pas indéfiniment. C'était juste pour quelques mois, le temps de se faire un peu d'argent, de convaincre ses parents qu'elle devenait responsable, qu'ils ne la jettent pas à la porte. Harper pensait vraiment qu'elle resterait à moisir ici ? Elle rêvait fort là. Quant à parler d'un job concernant ses loisirs, on pouvait rire d'avance. Les « loisirs » de Julia consistaient à faire la fête, s'amuser, boire, fumer et autrement dormir. Trouver un travail à partir de ça risquait fortement d'être compliqué. « Mais attends Harper, j'vais pas le garder toute ma vie ce travail. C'est juste un truc pour commencer, pour me lancer quoi. » Ce que Julia voulait dire, précisément, c'est que dès que ce qui l'empêchait de partir n'existerait plus, elle se casserait immédiatement de cette ville. Vivre toute sa vie avec sa sœur ainée et ses parents, non merci. Ne lui restait plus qu'à trouver ce qui la forçait à rester. James, Katya, Zachary sans aucun doute. Carl, Minnie, Julian ? Ça commençait à faire beaucoup. Mais elle savait d'avance que pour le reste de ses amis, les quitter serait triste mais pas insurmontable. Si un jour elle déménageait, ce qui serait assurément le cas, elle pourrait toujours repasser de temps en temps, ou passer des coups de fils. Katya le faisait bien, pourquoi pas elle ? Même si venant d'elle, il y avait peu de chances que cet engagement soit longtemps tenu. Mais laisser tomber son frère et sa petite soeur, et Zachary aussi, c'était impossible. Ou ils partaient tous ensemble et ne se quittaient pas, ou ils ne partaient pas mais restaient toujours ensemble. La première option étant beaucoup plus compliqué, ils s'en tenaient à la seconde. Katya était déjà partie pour ses cours et déjà elle disait que Magnolia lui manquait. James n'oserait pas se lancer à l'aventure seul, il attendait donc que le reste de la fratrie fasse le grand saut – autrement dit Julia. Pour finir, Zachary restait à cause de sa famille qui ne pourrait pas continuer sans lui. Lui parler de quitter la ville serait comme lui annoncer que Julia reprenait ses études, pour les sciences cette fois. Il s'étoufferait. Ou exploserait de rire. Bref, ne prendrait pas cette nouvelle au sérieux. « T'sais quoi Harper, j'pense qu'il va falloir que je m'y mette. » La menace était tombée depuis la fin de la matinée et maintenant que l'après-midi était entamée Julia n'avait encore rien fait. À part boire un café pas à son goût en discutant de ce qu'elle allait faire. Il était temps de se mettre au travail. Et le premier lieu lui venant à l'esprit qui avait peut-être besoin de personnel était le Gordon Coffee. « J'vais demander ici, pour commencer. » Et avant qu'Harper puisse répliquer quoique ce soit, la Fitz s'était levée et se dirigeait vers le bar, faisant tout le contraire de ce qu'on venait de lui conseiller. Elle n'avait pas le temps de chercher un job qui lui convienne vraiment ; ses parents ne lui avaient pas donné de temps exact mais plus vite elle aurait trouvé mieux ce serait. Et puis elle était en quelque sorte motivée à l'idée d'avoir son propre argent, venant de ses propres efforts. Être indépendante, vraiment indépendante ; plus que maintenant, alors qu'elle vivait avec l'aide de ses parents et prétendait déjà se débrouiller seule. Le barman, qui devait être le patron du pub, répondit qu'il restait une place de serveuse. Son regard semblait prouver un je-m’en-foutisme énorme et en même temps un brin d’intéressement à la vue de cette peut-être futur employée. Serveuse. Parfait, c'était juste ce qu'il fallait à Julia. Elle revint vers Harper, se rassit sur sa chaise et soupira. « Ils cherchent une serveuse. Je fais mon CV, je le dépose, ils me prennent, j'me fais du fric et j'me casse. »

Je me sentais idiote. J'avais voulu aider Julia en parlant de ma propre existence, de mes propres soucis concernant mon travail et ma vie professionnelle, et résultat, j'en avais trop dit, j'avais oublié ce pour quoi j'étais là. Je me sentais réellement idiote, et j'aurai voulu me faire petite. Je ne savais comment réparer mon erreur - qui soit, n'était pas très grave, mais m'avais fait passé pour une idiote - car j'avais certainement perdu toute ma crédibilité.

« Ouais mais... Enfin bon, fais comme tu veux. » Je baissais les yeux sur ma tasse. En réalité, j'avais peur pour Julia. Je redoutais qu'elle se retrouve dans la même impasse que moi, avec un travail qui ne lui conviendrait pas, aucune perspective d'avenir, et juste la possibilité de se donner à fond chaque jour pour avoir eut l'impression d'avoir passé une bonne journée en mouvement. Mais la réalité était que je me faisais chier. Dans ma vie, dans mon travail. Il n'y avait que ma relation avec Cody qui pouvait amener un peu de bonheur et de gaieté dans mon quotidien, mais part cela, il n'y avait rien d'autre...
Julia se leva alors, et me dit qu'elle allait s'y mettre maintenant. Je la regardais avec de gros yeux : que s'apprêtait-elle à faire? Je la suivis du regard. Elle faisait exactement ce que je lui déconseillais de faire. Peut-être n'avais-je pas été assez explicite? Je la regardais en fronçant les sourcils. Je ne comprenais vraiment pas Julia, et à cet instant précis, je me dis que je ne la comprendrai sûrement jamais. Je regardai alors dehors, et j'entendis la voix de l'aînée Fitzgerald derrière moi.

« Vraiment? Tu partiras après? » Je n'en revenais pas de ce qu'elle disait. Je pensais à Katya, et me demandais comment vivrait elle le départ de sa soeur. Comment Julia pouvait elle être capable de laisser sa vie derrière elle? Je n'en serais jamais capable, et pourtant je l'ai déjà fais en voulant éviter à mon frère et ma soeur de le faire...

HS : Rp pourri, désolée, pas très inspirée :/

Serveuse. Personne servant les repas ou les boissons dans un bar ou un restaurant. Une bonniche public quoi. Serveuse, ça faisait quand même mieux. Ce travail prouvait à lui tout seul que Julia ne comptait pas le garder très longtemps ; être au service des gens, ramasser leurs déchets et laver leurs assiettes, et puis quoi encore ? C'en devenait étonnant qu'elle ait choisi ce job, elle qui savait pertinemment ce qui l'attendait. Ou peut-être n'en savait-elle pas assez sur le sujet, pour accepter une pareille proposition avec ses principes. Quoiqu'il en soit, pour le moment, elle n'avait même pas encore de CV, le monde du travail était donc encore loin de notre miss Fitzgerald pour qu'elle se préoccupe des conditions de travail des serveurs. Et puis, dans le cas où ça la soulerait un jour, elle pourrait toujours démissionner. Il lui suffisait d'attendre quelques temps, juste assez pour que ses parents abandonnent leur idée de la mettre à la rue, puis, une fois leur garde baissée, leur annoncer qu'elle en avait marre de servir n'importe qui, qu'elle voulait faire plus. Leeda peut-être pas, mais Henry s'attendrirait sûrement, se disant que la fille dispersée qu'ils avaient connue n'était plus. Entre temps, Julia aurait mis de l'argent de côté et serait prête, ou presque, à partir. Finie la vie dans ce quartier où les gens ragotaient comme des petites mémés ! Départ pour Las Vegas, New York, Paris, Rome, qu'importe !
Harper, par contre, ne semblait pas de cet avis. Alors qu'elle avait déconseillé à Julia de se lancer aussi vite dans l'aventure, voilà qu'elle s'étonnait devant ses plans. Comme si c'était étonnant qu'une Fitzgerald comme Julia veuille partir de ce bled. Visiblement, Harper n'était pas au courant du point de vue de la blondinette sur le quartier. La concernée se mit à rire, trouvant Harper naïve parfois.

« Bien sûr que oui ! Tu crois quand même pas que j'vais rester ici ! » Puis, se rendant compte que si Harper disait ça c'est qu'il y avait bien une raison, Julia se calma et poursuivit. « J'ai jamais voulu venir ici. 'fin j'veux dire, c'est mes parents qui ont décidés qu'on aménagerait là quoi. » Elle s'emmêlait un peu les pinceaux, avec ses explications tournées à son goût mais qui, dites comme ça, risquaient de vexer Harper. Essayant de sauver la situation, elle arrêta de commenter son avis ; demander celui d'Harper était plus sûr. « Tu resteras toute ta vie ici toi ? »

« Tu as de la chance, Julia... De pouvoir décider de ce que tu veux faire après, car je n'aurais jamais cette chance... Alors profites-en... » Je demandais un verre de coca à une serveuse qui passait là et regardais de nouveau par la fenêtre. J'avais grandis à Magnolia Cresent, et je ne l'avais jamais quitté. Malgré tous ces secrets qui en parcourait les rues, ces personnes que l'on pense connaître et puis on finit par se rendre compte que ce n'est pas le cas, malgré tous ces événements bizarres, j'aimais ce quartier, et je l'avais toujours aimé. Même après le départ de mes parents. J'y avais rencontré des gens formidables comme Zain, Adrian, Cody , Katya ou Ginny. Et je n'avais aucune envie de les quitter. Puis je ne souhaitais pas voir mon frère et ma soeur quitter leurs amis, Alistair sans Balt, cela n'irait plus. Il serait malheureux, je le sais, même s'il tenterait de dire le contraire.
Katya avait cette chance, enfin cette ambition de quitter le quartier. Contrairement à elle, je n'avais pas envie de fuir le quartier, mais tout simplement de fuir ma vie. Que deviendrait ma "famille" si, moi, l'aînée des Albright, je quittais mon frère et ma soeur pour partir faire ma vie ailleurs? Maintenant, Alistair et Lynn sont ce qui reste de mon enfance, de ma famille, je ne peux donc pas briser ces quelques fragments qu'il en reste.

« Oui... Que veux-tu que je fasse de ma vie? Je n'ai ni parents, ni travail qui en vaille la peine. J'ai arrêté mes études et j'ai deux ados sur le dos. Si j'abandonne tout maintenant, je foire la vie de mon frère et de ma soeur, et ça, c'est hors de mes capacités... » C'était, disons, un mal pour un bien. Enfin, un mal pour des biens pour être exacte. Quand je voyais à quel point Alistair et Lynn pouvaient se montrer inconscient, cela m'affolait. J'étais la seule des trois à savoir quoi faire, quand faire et comment faire. Sans moi, ils seraient déjà morts tout les deux, car ils auraient laissé le gaz ouvert et mon frère se serait allumé une clope dans sa chambre, ou Lynn se serait tellement acharnée sur les touches du micro-ondes, (comme elle s'acharne sur les touches de son pc), avec tant d'ardeur que le truc aurait explosé. J'avais à la maison deux boulets incapables de se gérer, je n'allais pas tenter le pire et laisser les choses arriver...
Je regardais Julia et lui souris, puis apportais mon verre de coca que la serveuse venait de déposer devant moi. J'en bus quelques gorgées et souris en remuant les glaçons dans mon verre. Cela faisait tellement longtemps que je n'en avais pas bu, c'était un régal d'en boire de nouveau...

HJ : Encore vraiment désolée pour le temps de réponse...

Julia aimait bien Harper, enfin rapidement parce qu'elles ne se connaissaient pas au point d'être amies, mais assez cependant pour la respecter. Et lorsque la Albright disait qu'elle resterait pour toujours à Magnolia Crescent pour éviter de ruiner la vie de son frère et de sa soeur, Julia ne put s'empêcher de se sentir coupable. Elle était prête à quitter la ville, elle. Et elle n'avait pas beaucoup pensé à Katya et James. Enfin, si, elle y avait pensé, comment pourrait-elle éviter un sujet d'une telle importance ? Mais si elle se disait capable de déménager, c'était justement parce que son frère et sa soeur ne risquaient rien. À part finir avec leurs initiales sur le site de Dirty Secret, mais pour ça Julia ne pouvait pas faire grand chose, seulement leur conseiller d'être prudents. Du reste, ils se débrouillaient déjà seuls et plus que bien ; parfois même mieux que leur ainée. L'un comme l'autre avait déjà trouvé un travail en plus de leurs études. La culpabilité de Julia n'était donc en rien justifiée, et elle l'oublia aussitôt. Maintenant, ce qu'elle pensait, c'était que cette discussion commençait à craindre. De toute manière elle avait des choses à faire, maintenant qu'elle avait trouvé un job. Enfin, son futur job.

« Ah. Mais ça changera, t'inquiètes. Bref, moi j'ai un CV à préparer, tu m'excuseras ! »

C'était plus une excuse bidon pour sortir de ce Gordon Coffee dans lequel elle allait passer bien assez de temps à l'avenir. Elle ne savait pas trop encore ce qu'elle allait mettre dans ce dossier, mais elle aviserait. Sans attendre la réponse d'Harper – elle était sympa mais Julia n'avait pas trop envie d'être retenue plus longtemps – la Fitz fila en direction de la sortie, puis vers le numéro 39. Bientôt elle ne pourrait plus glander autant qu'elle le faisait.