Le temps passe tellement vite. On ne se rend pas compte de la chance qu'on a d'exister, de croquer la vie à pleins dents. Manger, sortir, baiser, squatter les bars et boites de nuit, dormir. Voilà pour quoi l'être humain pensait être crée. Voilà ce que faisait tous les jeunes de mon âge. Je ne cache pas que je fais la même chose, j'ai l'impression de profiter de ma vie en passant d'une fille à une autre mais ce n'est pas vraiment le cas. La mort arrive sans prévenir, c'est ce que j'ai vécu y'a plus d'une dizaine d'années. J'étais petit, certes, mais j'ai compris qu'elle ne prévient pas. L'ange de la mort prend la vie des personnes qui méritent de rester sur terre. Ma mère faisait partie de ces personnes-là et pourtant, elle est décédée en étant toute jeune encore. Je ne me souviens pas beaucoup des détails de cette journée à l'hôpital mais je sais que j'ai eu du mal à comprendre qu'elle est partie. Mon père nous la fait comprendre indirectement et j'ai tout de suite demandé qui préparerait mon petit déjeuner demain matin. Comme si j'avais l'impression qu'elle était partie seulement pour une courte durée, qu'elle allait rapidement revenir. Petit à petit, je me suis habitué à son absence et j'ai fait avec. J'ai compris finalement après un certain âge qu'elle n'allait plus jamais revenir et c'est là qu'elle a commencé à vraiment me manquer. Ma mère était tout ce que j'avais de précieux sur terre. C'était la femme de mes rêves en quelque sorte.

Je me prépare, je me fais beau, comme si j'avais le rencart le plus important de ma vie. Et sans prévenir personne, je sors de chez moi. Je suis d'abord aller voir Nate, qui voulait me parler avant que j'aille à l'hôpital. Il voulait m'accompagner mais comme à mon habitude, je lui ai fait comprendre que je me sentais mieux si j'allais seul. Il comprend et me laisse partir. J'arrive peu de temps après à l'hôpital et je m’assois sur le banc juste devant, en regardant autour de moi. Il y avait beaucoup de monde, certains entraient, d'autres sortaient, mais peu était immobile comme j'allais l'être pendant un petit bout de temps sur ce banc. Annie m'avait déjà demandé pourquoi je venais chaque année à l'hôpital. Je n'ai jamais su lui répondre parce que moi-même je ne savais pas réellement ce que ça m'apportait. Je ne sais pas comment je me sens après y être allé. Mais je sais seulement que j'en ai besoin. C'était comme si certains souvenirs revenaient, comme si c'était la veille. Je ne me souviens pas de grand chose mais je ressens, et ça c'est impossible à expliquer. Je sors de ma sacoche mon paquet de mars en le contemplant comme un fou sorti de l'asile, sans l'ouvrir. Même ce paquet de mars me rappelait des souvenirs à l'hôpital.

Personne ne savait que j'avais ce besoin de venir chaque année à l'hôpital mis à part Nate et McCormick. Cette fille savait presque tout de ma vie désormais. Je ne vois aucun avantage de dire aux autres ce que je fais chaque année. De toute façon, ils croient tous que je ne suis pas attaché à ma famille. Ce qui est totalement faux, évidemment. En parlant de famille, j'aperçois au loin mon grand frère. Il arrive toujours après moi, il a même tardé aujourd'hui j'ai l'impression. Il s'assoit sur le même banc que moi en lançant une remarque. Je déteste mon frère mais je l'aime en même temps. C'est un sentiment que je ne pourrais décrire. Comme je le dis souvent, la famille c'est sacré et même si je leur montre pas mon affection pour eux, j'y tiens énormément, j'ai besoin de leur présence sans pour autant leur dire clairement. C'est ce côté méchant et fier qui ressort à chaque fois que j'ai envie de faire le premier pas pour dire à mon frère ou mon père que je les aime. Pour Claire c'est différent, je lui dis et lui prouve tous les jours. "Parce que c'est une compétition pour toi ? Celui qui abandonne en premier a perdu ?" Je me passe une main dans les cheveux, en me demandant ce qu'il voulait dire avec sa remarque. Je suis souvent sur la défensive, certes, mais je préfère avoir ce comportement avec mon frère. Il me prends le paquet de Mars pour l'ouvrir et s'en prendre un. J'en profite pour en ouvrir aussi un pour moi.

Pourquoi était-il obligé de venir vers moi à chaque fois qu'on se retrouvait devant l'hôpital ? Il y a assez de bancs autour du bâtiment blanc, alors je ne comprends pas pourquoi chaque année on se retrouve sur ce même banc tous les deux. J'aime parler avec mon frère, j'aime qu'on s'adresse la parole même si ce n'est pas tout beau tout rose entre nous. C'est avant tout mon frère et même si je fais semblant de pas l'aimer, du moins, je l'aime à ma manière, et bien j'aime passer du temps avec. Évident, je ne le lui dirais pas par fierté et parce qu'il ne mérite pas que je lui parle gentiment et calmement. On s'est toujours lancé des piques et ça ne risque pas de changer. Il me dit suite à ma remarque que je perds tout le temps et que je suis mauvais joueur. Je ne dis rien parce qu'il a raison, mais aussi parce que je n'ai pas envie de réagir sur ce qu'il vient de dire, je préfère terminer ma barre de chocolat tranquillement, sans avoir à lui parler. Je ne perds pas tout le temps.. C'est autre chose : J'ai pas de chances généralement et gagner n'est pas dans mon habitude. Mais la roue n'est pas carré, elle tourne et un jour JE gagnerai à tout, JE réussirai dans ma vie, aussi bien personnelle que professionnelle et JE construirai ma vie sans avoir besoin de quelqu'un. JE prendrais la place de mon frère. C'est facile pour lui, il a quelqu'un derrière lui, en d'autres mots mon père l'aide beaucoup, dans tous les domaines. Il a toujours espéré qu'Adrian devienne un peu comme lui, il a toujours souhaité sa réussite et non la mienne. Il m'a toujours dit que c'était mon grand-frère qui allait être riche et être propriétaire d'une grosse boite et tout ce qui va avec. Moi ? J'étais une merde à ses yeux. J'le suis encore, sans aucun doute.

Mange un mars et pète un coup. Va voir ailleurs si j'y suis Adrian. Qu'est-ce qu'il pouvait être chiant, des fois. Voire tout le temps. Je ne prends même pas la peine de répondre tellement c'est ridicule et que j'sais même pas quoi répondre à ce genre de réplique. Il me donne finalement un coup de coude et je le regarde d'un air "qu'est-ce que tu me veux" tout en soupirant. Je prends enfin la parole, pensant qu'il serait temps de faire des efforts de mon côté. "Ton cabinet existe encore ?" Voilà, c'était ma façon à moi de prendre de ses nouvelles. Allez dire ensuite que Cliff ne fait pas d'efforts ! Certes, ce n'est pas la meilleure façon de prendre des nouvelles de quelqu'un, surtout pas du frère, mais faut pas trop m'en demander non plus. "Pauvre O'Conell, Joey n'est plus là pour toi ces derniers temps, non ?" Mon père est constamment en train d'aider Adrian, pour qu'il réussisse et ait la même vie que lui. Sauf qu'il est tellement occupé par son travail qu'il est souvent en voyages d'affaire ces derniers temps, donc pas très présent pour mon frère. Je ne crois pas que ça le dérange tant que ça, au contraire, il gagnera en autonomie. Et il préfère gérer ses problèmes, son cabinet, ses clients seul.

Je repique un mars dans le paquet et le mange directement. Oui, j'mange beaucoup et j'emmerde Adrian si ça le dérange. Il a qu'à manger aussi, je ne l'en empêche pas. S'il en a pas envie, qu'il me laisse goinfrer. "Ca fait longtemps qu'on s'est pas retrouvé. Tous. Toute la famille." Ce qui voulait en quelque sorte dire que ça me manquait. Bien entendu, mon frère l'avait compris. Il me connait mieux que n'importe qui et il savait que je n'oserais pas dire directement que j'avais envie de passer du temps avec mon père. C'est peut-être pour ça que je fais autant de conneries. Pour qu'il s'occupe un peu plus de moi. Mais en vain.

Mon frère et moi avons la même ambition : Devenir avocat. Mon frère a déjà son cabinet, il a terminé ses études en ayant de super notes parce qu'il a bossé comme il le fallait et a réussi à avoir son propre cabinet à Magnolia en partie grâce à mon père. Il ferait tout pour la réussite de son plus grand fils, parce qu'il ne compte que sur lui, il espère qu'il prendra sa place bientôt. Sauf qu'il en oublie ses autres enfants. J'ai toujours vu mon père en train de s'occuper d'Adrian, et encore maintenant, il ne prend pas la peine de demander ce dont j'avais besoin et c'est la même chose pour Claire. Il n'a de yeux que pour son fils ainé, et j'm'en fiche de toute façon, j'ai pris l'habitude. J'suis bien content pour mon grand-frère, bien que j'aimerais être à sa place des fois, j'aimerais que tout me soit facilité, parce que maintenant, trouver un job n'est pas aussi facile que ça. Ouvrir son propre cabinet l'est encore moins. Mon frère me dit qu'il gère le cabinet mais j'sais qu'il y a un petit problème. J'avais entendu mon père et Adrian il n'y a pas longtemps dans la chambre et Joey a encore une fois pas assuré. Il avait fait venir un avocat de je ne-sais-où, qui allait s'installer dans le cabinet de mon frère. Enfin, j'ai pas trop bien compris le truc et j'espère que mon frère m'expliquera clairement ce qu'il se passe. Je déteste qu'on me cache des choses, surtout quand il s'agit de la famille. Mais entre mon père et mon frère, il y a beaucoup de choses que je ne sais pas, ils se parlent beaucoup, je crois, et mon père lui fait des promesses, le soutient, lui dit des choses super motivante. Quant à moi, je reste le petit O'Conell, qui doit faire ses preuves tout seul.

Adrian prend à son tour la parole pour m'expliquer en bref qu'il n'est pas d'accord avec ce nouvel avocat du coin. J'comprends tout à fait sa réaction et j'aurais réagis pareil, voire pire. J'en aurais fait baver à mon père, jusqu'à ce qu'il renvoie son putain d'avocat. "En parlant de côte ouest, on m'a proposé un contrat il n'y a pas longtemps." On voulait de moi à en Californie, pour une durée de deux ans, renouvelable. Ils connaissent mon père, et connaissent également la réputation des O'Conell. En tant que jeune diplômé, ils voulaient tout de suite m'avoir dans la poche. J'ai jusqu'à la fin du mois pour faire un choix. J'aimerais m'en aller, tout quitter et laisser à MC et m'en aller loin d'ici pour une longue durée, histoire de vivre ma vie, être plus indépendant et autonome que je ne l'étais jusqu'à maintenant. D'un autre côté, c'est plus difficile que ça. J'suis attaché à certaines personnes ici, à la famille plus particulièrement. Enfin, Claire surtout. Parce que mes parents... Autant dire que j'm'en fiche de ne plus les voir. Je réfléchis deux secondes et j'ai soudainement l'impression d'avoir manqué un épisode dans la vie d'Adrian. Venait-il de dire "la place est prévue pour toi." ? Je ne comprends pas, et j'aimerais avoir des explications. C'était la première fois qu'il disait quelque chose dans le genre. "Comment ça ? T'sais Adrian, tes histoires à la con tu peux te les garder." Oui, faut pas qu'il me donne de faux espoirs. Je ne veux pas qu'il joue avec moi sur ce sujet. Je ne veux pas qu'il s'amuse à me faire des mini promesses comme "la place est pour toi" alors que tout est faux.

Mon frère me dit ensuite qu'il ferait des efforts pour moi, en étant plus souvent à la maison. Ce n'est pas ce que j'ai dit, mais mon frère a compris où je voulais en venir. C'est tellement bizarre parfois entre nous. On se fréquente de moins en moins, parce qu'on n'est plus trop souvent ensemble à la maison, mais on se connait toujours aussi bien. "T'as tellement de travail qu'on ne se croise jamais. Au fait, j'attends toujours tes fameuses crêpes." Dis-je en le regardant, d'un air amusé. Il m'avait fait la promesse de me faire des crêpes un jour, ça date de deux ans environ, voire trois, mais je n'ai toujours pas eu mes crêpes et je n'oublie pas. Je parle encore de nourriture certes, mais c'est pas ma faute si bizarrement, j'ai une envie soudaine de crêpes. "Juliet va bien ?" Mon frère était engagé depuis très très jeune avec cette fille, qui s'avère être la sœur du mec le plus immature du monde. Ça faisait longtemps que je n'ai pas pris de nouvelle de sa fiancée, de leur relation, de ses sentiments. Il me semble qu'il en a jamais eu pour elle, contrairement à Juliet mais j'espérais que cela changera un jour.

J'ai tout de suite senti que mon frère ne voulait pas parler de son boulot et surtout pas du mec qui nous sert de père. Je le déteste plus que tout et pourtant, je lui ressemble comme deux gouttes d'eau. Ou presque. J'ai hérité de son caractère, et Adrian aussi. Et franchement, c'est peut-être la seule chose qui nous lie. Bon, en parlant de côté ouest, j'annonce une nouvelle à mon frère, ne sachant pas du tout comment il va réagir. Il se lance dans un monologue et j'suis plutôt étonné de sa réaction. J'fais les gros yeux quand j'le vois terminer son dialogue et se lever, complètement énervé. Qu'est ce qu'il lui arrive franchement ? Il avait ses règles ou allait les avoir bientôt ? J'comprends pas sa réaction. Maintenant que j'ai son diplôme, j'ai le droit de travailler où je veux, avec qui je veux non ? D'après Adrian, non je n'ai pas le droit d'aller en Californie pour ce poste. Décidément, personne ne voulait que je m'en aille, j'comprends vraiment pas pourquoi. Surtout que là, Adrian n'a donné aucun argument pour que je reste, aucune explication, rien du tout. Si il pense que c'est lui qui va m'interdire d'aller à l'autre bout du pays, il se trompe. Je fais ce que je veux, je ne dépends de personne et si je prends la décision d'aller travailler à Los Angeles, alors j'irais, qu'il le veuille ou non. J'aurais voulu au moins qu'une personne me soutienne, qu'elle soit avec moi du début jusqu'à la fin, qu'elle soit contente pour moi et ma nouvelle vie là-bas. Décidément, non, je ne trouverais pas cette personne. Merde alors, c'est le poste que j'ai souhaité depuis tout petit et vous croyez que j'vais rester ici à vous regarder alors que j'peux me construire une toute nouvelle vie, en réalisant mes rêves d'enfant ? "Qu'est ce qu'il t'arrive ? Pourquoi je ne pourrais pas y aller ? C'est ma vie Adrian, d'accord ? Je fais c'que je veux et j'vais y aller." Bon, là je mentais un peu, parce que ma décision n'était pas prise, j'avais jusqu'à la fin du mois pour décider et c'était encore flou dans ma tête. Normalement, je ne devrais pas trop réfléchir, une proposition comme celle-là ne se refuse pas mais bon, beaucoup de choses me retiennent ici. "T'as fait ta vie, t'es fiancé, t'as ton cabinet, t'es l'avocat le plus réputé à Magnolia et plus encore. Laisse moi faire ma vie maintenant."

Quand mon frère me parle ensuite du fait que j'avais ma place dans son cabinet, ça me surprend encore plus. Mais qu'est ce qu'il lui arrive, pourquoi me voulait-il avec lui ? C'est tellement pas normal venant de lui. J'pensais qu'il allait être content que je parte loin d'ici, il n'aura pas de concurrents - parce que oui, j'suis un bon avocat je pense et j'arrive à la hauteur de mon frère, il a juste l'expérience en plus. Il prend ensuite un air sérieux et s'explique sur ma soi-disant place dans son cabinet. "Tu nous dans un cabinet, tous les deux ? On n'arrive pas à rester dans un endroit plus de cinq minutes sans se battre." C'était vrai. Mais on savait aussi faire preuve de professionnalisme et quand on est au boulot, on parle boulot la plupart du temps. Donc personnellement, d'après les quelques expériences professionnelles que j'ai eu, je sais que j'pourrais garder mon calme et mon sérieux même si j'me trouve dans la même pièce que lui. Pour ce qui est des piques, j'en lancerai c'est sûr, parce que ça ne se contrôle pas.

Je soupire quand Adrian me parler d'envoyer les crêpes en Californie. Il revient encore sur ça et ça me met encore plus mal parce que j'sais vraiment plus quoi faire. Je reprends un mars, comme si pour me défouler j'étais obligé de manger, et je me lève à mon tour, alors que lui entre temps s'était assis. "Alors qu'est ce que je fais O'Conell ? Je reste ici, dans ce bled pourri, à te regarder réussir ? Et je traine de bars en bars, sans rien faire de mes journées ? C'est le poste que j'ai toujours attendu. Maintenant que j'ai ce putain de diplôme, laisse moi y aller." C'est comme si je lui demandais l'autorisation, et pourtant, ce n'est pas comme ça que j'aurais voulu formuler ma phrase. Néanmoins, il reste mon grand frère, celui qui donne conseils, qui a vécu plus de trucs que moi et qui sait sans doute mieux que ma petite personne.

On parle ensuite de Juliet. Ca fait longtemps qu'il ne ma pas parlé d'elle et elle non plus ne me calcule plus ces derniers jours. Il me confie qu'il ne la voit plus trop. Je ne sais pas comment réagir, j'aurais voulu plus d'explications, certes, mais si mon frère préfère qu'on en parle pas, alors je me taierai. C'est un sujet délicat, puisque mon frère n'est pas heureux avec elle, du moins, il n'a pas de sentiments, pas comme sa fiancée qui est folle amoureuse de lui. "Elle mérite qu'on s'occupe d'elle correctement."

Des félicitations ? Non ce n'est pas ce que j'avais voulu de sa part, mais au moins qu'il comprenne que j'en ai marre d'être ici à Magnolia à ne rien foutre. J'en ai marre de ne pas travailler dans ce que je veux, d'avoir un diplôme mais de ne pas m'en servir. J'en ai marre aussi d'avoir besoin de l'argent de mon père, où d'utiliser mon nom de famille pour qu'on me traite comme il le faut. Puisque je n'ai pas pu faire mes preuves dans ce petit bled, alors autant partir sur la côte ouest pour être un des plus riches et un avocat des plus populaires. "Arrête de jouer le "grand frère gentil" avec moi, ça ne marche pas. Pourquoi tu n'oses pas me dire clairement que tu t'en fous que je sois là ou pas !" Bah oui, mon frère je le connais. Il ne m'aime pas forcément, il ne pense qu'à sa réputation et son argent, et réfléchit un peu comme Joey. Alors oui, quand je le vois parler de telle sorte, je m'en pose des questions. A quoi il joue, merde ! Il enchaine ses clopes, tout en faisant les cents pas devant moi. Ca me stresse tout ça. Annie en premier, lui en deuxième... Pourquoi personne ne voulait que je parte ? Pourquoi personne n'étais content pour moi, pour ce job que j'ai décroché, pour cette réputation que j'aurais quelques années plus tard. Pourquoi personne ne pensait à moi avant de penser qu'à sa propre personne en jouant l’égoïste ? Merde enfin, je veux vivre ma vie et s'il fallait que je sois loin d'eux, loin de tout ça, des problèmes, de Magnolia, de la famille, des amis, d'Annie, alors je m'éloignerai pour faire ma propre vie. On veut jouer l’égoïste ? Alors je fais pareil, je penserai qu'à ma gueule et tant pis pour les autres.

Plus facile à dire qu'à faire, quand on a tout ce stress sur soi et quand on sait qu'on compte ENFIN pour certaines personnes. J'aurais juré pourtant qu'Adrian ne me veut aucun bien et voilà qu'il vient de me tendre les clés de son cabinet. A vrai dire, je suis sous le choc. Je ne m'attendais pas à ça. Danser la macarena, non merci, mais prendre les clés de ce cabinet... Pourquoi pas. Tout arrivait trop vite : D'un côté L.A qui m'attend, avec ce cabinet réputé qui manque d'avocats. On m'a dit que je pouvais m'y faire et me faire une place parmi les grands avocats du pays. De l'autre côté, Adrian qui me propose de travailler avec lui. Parce que oui, c'est comme ça que je l'ai compris moi. Il m'a d'abord dit que ma place était à ses côtés, et maintenant me tend les clés de son cabinet. Si ce n'est pas une proposition ça ! Je me méfie tout de même de mon frère, on ne sait jamais ce qu'il cache derrière cette gentillesse. Je prends les clés, je les regarde tout en m'imaginant dans son cabinet, avec un bureau à mon nom et mes propres clients, mes propres affaires. Et lui dans le bureau d'en face. On travaillera de temps en temps ensemble pour certaines affaires. Franchement, pour dire vrai, j'ai toujours rêvé d'avoir cette vie là. Mais je n'ai pas rêvé longtemps, parce que vu la relation qu'on entretient mon frère et moi, ce n'est pas gagné. Et puis, je ne veux pas non plus que le nouvel avocat se pointe pour faire de l'ombre à mon frère. Joey n'a pas le droit de lui faire ça. D'ailleurs ça me surprend un peu venant de lui, vu qu'il souhaite la réussite, le bonheur de son fils ainé. Mais je crois bien que tout est question d'argent.

"Je les prends. Mais ça ne veut rien dire, pour l'instant. Mais, t'es vraiment sérieux ?" Je le regarde dans les yeux, pour comprendre à quel point il est sincère. "Admettons que je refuse le poste à Los Angeles, et qu'au final tu changes d'avis, qu'est ce que je deviens ?" J'attends une réponse mais avant, je reprends rapidement. "Bien que j'te pète la gueule si tu changes d'avis." Je termine enfin mon mars et je me reconcentre sur mon grand frère, afin de voir ce qu'il a à répondre.

Je parle de Juliet et je ne crois pas que c'est une bonne idée, j'aggrave mon cas. "Je ne suis peut-être pas capable de comprendre parce que j'tombe pas amoureux, j'ai presque pas de coeur. Je ne t'apprends rien, c'est juste que j'aimerais que tu me parles plus souvent de ta fiancée et de ce que tu penses de votre relation." En fait, j'aimerais qu'il me parle plus souvent tout court, parce que généralement, on ne se parle pas, on s'emmerde, on se crie dessus, on se cherche.

Adrian, je partirai et plus vite que tu ne le penses. Je ne suis pas du genre à écouter les autres, je n'en fais qu'à ma tête et là, j'ai décidé de changer de vie, de partir pour découvrir de nouvelles choses. Je le ferais, oui, parce que j'ai besoin de ce changement, j'ai besoin d'avoir un nouveau job et j'ai beaucoup de chance d'avoir cette proposition pour mon premier poste d'avocat. Des stages, j'en ai fait, mais c'était dans le coin, donc rien de très "grand". Mais là, on parle de L.A, on parle de la Californie, on ne parle pas d'un petit quartier où le seul avocat reconnu est mon frère. Il a réussi à faire ses preuves et maintenant, c'est un avocat réputé, certes, mais son nom de famille joue beaucoup aussi. Un des hommes les plus riches du pays n'est autre que Joey et je ne saurais dire si c'est une chance de porter son nom de famille ou non. Je suis peut-être jeune pour un premier grand job, mais je pense pouvoir réussir, je veux me battre et faire ma place parmi les autres avocats de la côte Ouest. "Oui, t'es le plus chiant et con, mais là tu joues le gentil, alors arrête parce que ça fait limite peur. Ca te fait quoi à toi, si je pars d'ici ?" Bah oui, pourquoi voulait-il que je reste à ses côtés, alors que je le fais chier à chaque fois qu'il tente d'avoir une conversation sérieuse. Ou l'inverse. Il m'a l'air trop gentil et ça me parait bizarre, ce n'est pas normal venant de sa part et je lui fais comprendre.

Quand il me tend les clés, je les prends. Je ne suis pas aussi con pour les refuser. Mais encore faut-il que mon frère soit sérieux dans sa proposition. J'ai encore des doutes et je lui demande encore une fois pour être sûr. Il prend la parole pour me faire comprendre que oui, il ne peut être plus sérieux que ça et en passant me lance des piques. Je me concentre pour ne pas m'emballer et lui répondre, sinon on s'en sort jamais. Vous voyez, des efforts j'en fais et tous les jours ! Alors là, je ne m'attendais pas à ça. Il me propose de travailler avec lui ici à Magnolia, et sérieusement. Qu'est ce que je fais maintenant, alors que j'étais décidé de partir loin d'ici. Je me voyais déjà là-bas, entouré de nouvelles personnes, dans un bureau traitant des affaires personnelles. Dans mon propre cabinet. Je me méfie encore, et lui demande s'il allait changer d'avis ou non. Mais il avait l'air très sérieux et c'est vrai que changer d'avis ne ressemble pas à Adrian. Il me cherche encore et bizarrement, je ne réponds pas. En fait, je pense à tout ça et me demande ce que je dois faire. Je suis tenté de rester ici avec mon frère, ma soeur, mes amis. Je suis de plus en plus tenté, quand j'y pense. Travailler avec mon frère. C'était quelque chose qui m'avait traversé l'esprit pendant une petite période de ma vie mais j'ai vite enlevé ça de ma tête quand j'ai vu comment évoluait notre relation. Mais là, tout s’accélérait on dirait. Je dois donner une réponse d'ici la fin du mois, et tout devenait de plus en plus clair dans ma tête. Je voulais rester, oui. Mais est ce que j'allais regretter mon choix ? Et si L.A était bien mieux qu'ici ? Je ne réponds pas à mon frère, et il a compris que je ne prenais pas sa proposition à la légère. Ca allait changer ma vie, presque.

On parle ensuite de Juliet, et je lui fais comprendre que j'aimerais qu'il partage un peu avec moi, dans le sens où même si je ne capte pas toute cette relation, je suis là pour lui et je ferais presque tout pour l'aider. "T'as jamais su où tu en étais avec elle, la pauvre." Dis-je comme pour aggraver la situation. Je reprends rapidement. "Ca fait tellement longtemps que ça dure entre vous... Mais votre relation a t-elle évolué durant toutes ces années ? Oui je suis chiant et je t'emmerde."

Vraiment ? Ca le faisait autant chier que je m'en aille ? Et pourquoi, j'comprends pas ? Il est bizarre quand même Adrian, jamais je n'aurais pensé qu'il me veut à ses côtés à ce point. Bon, dans tout les cas, ça ne change pas grand chose, je vais aller à Los Angeles pour ce nouveau job et je sais que c'est la chance dont tout le monde rêve, alors pas le droit de refuser. Refuser pour Adrian et regretter après ? Parce que commencer dans le monde du travail à Magnolia et commencer en Californie... C'est loin d'être la même chose. Si je venais à quitter Magnolia Cresent, la famille me manquerait, c'est sûr. La première à me manquer sera Clairou, parce que c'est la seule soeur de sang que j'ai eu, la seule fille dans la maison - on ne compte pas la copine de Joey parce qu'elle n'est jamais à la maison -, j'dirais même que c'est mon rayon de soleil. Je suis obligée de la croiser tous les matins, sinon je ne sors pas de chez moi. Obligé de l'emmerder quand j'en ai envie parce que personne d'autres le fera sinon. Obligé d'aller la câliner quand elle va mal parce qu'Adrian est loin d'être proche de la petite soeur. Pas autant que moi en tout cas. Quant à Adrian, ça va me faire chier de le quitter, c'est sûr mais pas au point d'en pleurer. Pas au point de revenir à MC parce que je regrette d'être parti. Pas au point de l'appeler tous les jours quand je serais à L.A. En fait, quand j'y pense, je n'ai jamais quitté la famille pour une longue période. Certes, j'ai découché quelques nuits d'affilées, mais je ne suis jamais parti aussi loin pendant deux longues années. Alors pour dire vrai, je ne sais pas si quitter mon grand frère me ferait du mal ou non. Il a tout de même une place dans mon coeur, tout comme Clairou, alors il y aura un vide dans ma vie si je ne les fréquente pas régulièrement. Alors je décide de prendre les clés.

"Tu veux que j'dise quoi, merde à la fin !" Dis-je en me levant soudainement. Mais oui, qu'attendait-il de ma part ? J'ai pris les clés, laisse moi tranquille maintenant, laisse moi respirer. Je n'ai pas envie de répondre, tu n'comprends pas ? Je soupire et regarde autour de moi avant de reposer les yeux sur mon grand frère. "J'ai pris tes clés, ça te va ? Personne ne veut que je parte d'ici mais, vous y pensez à mon futur à moi ? Si j'reste ici j'aurais rien, j'deviendrais rien du tout. Et j'veux surtout pas gagner ma vie PARCE QUE je suis le fils de Joey." Le fait d'être un O'Conell joue beaucoup dans ma vie. Tout le monde connait mon père, vu que c'est l'homme le plus riche de Magnolia, un grand politicien, un VRAI homme, d'après lui. Etant son deuxième fils, j'ai la chance - si on peut appeler une chance - de trouver facilement du travail. Même s'il ne parle de moi à personne, parce qu'il passe son temps à faire la pub de son fils aîné tellement il l'aime, je porte quand même son nom de famille alors ça joue beaucoup. Bref, on enchaine donc le sujet de sa fiancée et il n'est pas forcément d'accord. Tant pis, moi je veux savoir. Je veux prendre des nouvelles de mon frère et de sa relation amoureuse. Mais oui, comme il le dit si bien, je n'y comprends rien à l'amour. L'amour, ce n'est pas la même chose que le flirt. Déjà à la base, c'est un sentiment et faut avoir un coeur pour ce genre de truc. Non merci, ce n'est pas pour moi. "Mais t'emmerdes les gens Adrian, non ? C'est toi qui m'a appris que les O'Conell emmerdaient les gens." Dis-je en me rasseyant sur le banc. Le seul point faible de mon frère s'avère être Juliet, mais merde, elle ne mérite pas tout ça la pauvre. Je garde ça en moi et je réfléchis à ce qui pourrait sortir de ma bouche, parce que j'dois éviter les gaffes. "Alors ne gère pas, laisse faire les choses. Ce qui doit arriver arrivera."

J'essayais d'imaginer l'instant où nous commencerions à travailler ensemble et même s'i l'idée m'avait traversé l'esprit, je ne savais pas trop ce que ça allait donner. Je ne m'inquiétais pas, je sais que le ptit Heath' se débrouillerait comme une chef, enfin pas autant que son grand frère. Bine sûr au début il aurait un peu de mal, j'avais aussi la galère des premiers dossiers. Mais c'est peut être pour cela que Joey avait pris soin de me faire encadré par Fred. Et aujourd'hui, je ne sais pas vraiment comment je m'en serait sorti si Fred n'avait pas été là depuis le début. J'avais déjà parlé du fait que je souhaitais que Heath' nous rejoigne, une idée qui ne posait pas de problème à Frédérik, lui même impatient de pouvoir s'occuper d'un petit nouveau. Oui car Fred commence à en avoir marre du grand O'Conell, en même temps, tous s'accorderont à dire qu'il faut me supporter ! FAUX FAUX ! Je suis quelqu'un de facile à vivre, demandez à Juliet !

Heath' avait donc pris les clefs, et ne semblait pas réagir. Je le poussais donc à ouvrir sa bouche, et me dire ce qu'il en pensait, et comment il voyait les choses. Les choses ne sont pas si simple, enfin j'imagine. Quand on nous demande à l'autre bout du pays dans une ville connue dans le monde entier, forcément ça donne envie. Mais je connais bien tout ça, et Heathcliff pas suffisamment. Il se lancerait à tête baissé, et se planterait parce que ce sont de toutes façons les "fils de" qui finissent par percer à Los Angeles. Et Heath' ne sera pas un "fils de" là bas, le père O'Conell n'a aucun pouvoir à Los Angeles. Mais ici, dans le New Jersey, on sait qu'il ne faut pas l'embêter. O'Conell father nous porte préjudice souvent, depuis tout petit on est traité comme des rois, on a tout ce qu'on veut, mais on déguste aussi quand notre père fait un écart de travers. Nous sommes méprisés par les pauvres, adulés par les riches... et je n'aime pas l'idée d'être idolâtré par tous, je ne m'appelle pas Joey. Personnellement, j'aime qu'on me laisse tranquille, et quand ce n'est pas le cas... je mords.

"Heath', en restant ici tu gagnes une place, et une place sûre. Je sais très bien comment sont les cabinets d'avocats à Los Angeles. A première vue, il donne envie, mais tu ne connais pas l'envers du décors. Tu travailleras deux, trois mois... puis tu finiras sur les bancs d'un square, parce qu'un "fils de" t'aura piqué ta place, ou parce que tous les avocats du cabinets te laisseront les cas merdiques voir même rien du tout. Et depuis le début, je fais la réputation du cabinet O'Conell, et non papa. Viens forger la réputation du cabinet et par la même occasion ta propre réputation ici... Joey n'a aucun pouvoir sur le cabinet."

Je ne savais pas ce qu'Heath en pensait, s'il voulait vraiment me rejoindre, s'il était prêt à laisser de côté cette lubie d'aller à Los Angeles. Je pense qu'il devrait réfléchir, et prendre la bonne décision, du moins celle qui lui convient le mieux... mais ça, je ne peux pas décider pour lui. Je sais qu'O'Conell junior a un minimum de jugeote et qu'il fera le choix le plus judicieux, c'est à dire rester auprès de son grand frère chéri ! xD

"Mais je laisse faire les choses, c'est peut être le problème. Juliet attend que je lui rende des comptes, et je veux bien dire aux gens d'aller se faire foutre. Je n'arrête pas de le faire, mais à chaque fois ils reviennent à la charge. Andrew Davies en est un exemple."... Oui Andrew Davies, je voudrais l'égorger des fois, pour qu'il arrête de me dévisager avec sa gueule de merdeux insolant. Il est insupportable, et ressemble beaucoup à sa soeur quand il s'énerve. Il peut être très piquant... Mais il se trompe, ça ne marche pas avec moi, enfin c'est ce que j'essais de lui montrer. Je ressors une clope de mon paquet, en pensant que si je continuais comme ça, je serais bientôt allongé à l'intérieur de l'hôpital et plus assis sur un banc devant.

Mon frère me fait chier quand même, à me pousser à bout pour que je parle enfin. Je ne réagis pas et alors ? En quoi ça peut te gêner Adrian ? Je ne sais pas comment réagir à vrai dire, alors je reste bloquer comme un con devant lui, sans prendre la parole alors qu'il n'attend que ça. J'ai pris les clés, ce qui est une bonne chose déjà. Alors je commence à lui expliquer ce qui me pousse à aller à L.A. Je n'y suis jamais allé alors je ne sais pas comment ça marche mais j'apprendrais ! Je verrais bien comment c'est et ça me plaira sûrement. Mais le grand O'Conell me fait descendre de mon petit nuage en me disant que je ne ressemblais pas à ses "fils de". J'comprends rapidement ce qu'il tente de m'expliquer et c'est vrai que dit comme ça, ça laisse à réfléchir. Adrian avait encore une fois réussi à me faire douter : Je ne sais plus si L.A est une bonne décision pour moi ou non. Je ne sais plus ce que je dois faire, y aller ou rester ici pour travailler avec lui. De l'autre côté, il y avait Annie, qui ne voulait pas non plus que je m'en aille. Adrian me fait aussi la pub de son cabinet, en disant que Joey n'avait aucun rapport avec son cabinet et qu'il faisait ses preuves tout seul jusqu'à maintenant, sans l'aide de Joey. Bizarre d'ailleurs : Mon père est toujours présent pour aider mon grand frère, surtout financièrement, et Adrian a toujours l'aide d'aimer cette aide. Il est quand même le successeur de la famille, on doit bien s'occuper de lui et c'est ce que fais Joey. D'ailleurs, je n'ai jamais compris pourquoi Clairou et moi ne comptons pas lui, pourquoi il nous accorde aucune importance. Pourquoi depuis la mort de maman, tout est différent avec lui. Il n'a jamais été proche avec moi ni avec ma soeur, mais depuis la mère O'Conell est partie, c'est encore pire.

Après tout ce que mon frère vient de me dire, je réfléchirai quand je prendrais ma décision. Je dois la prendre d'ici la fin du mois et je passerai une semaine à L.A dans "mon" cabinet pour voir si c'est intéressant ou non. Et je ferais bien attention au "fils de" qui m'entourent, pour voir si Adrian disait vrai ou non. Tout dépendra de cette semaine d'essai. Je me poserais les bonnes questions, que ce soit par rapport à Adrian ou Annie. En parlant d'elle, tout restait encore flou dans ma tête concernant mes sentiments envers elle. Enfin non, je n'ai pas de sentiments amoureux ou quoi que ce soit, mais je ne sais pas si je la veux plus qu'une amie ou si je pose mes limites. Depuis qu'elle m'a avoué ses sentiments, j'me perds dans mes pensées chaque soir, en pensant à ce qu'il se passerait si jamais on se mettait ensemble. "Andrew Davies est un cas ! Je ne l'ai jamais aimé ce type." Dis-je d'un ton assez calme. Je ne veux pas qu'on se mêle de la relation de mon frère avec sa fiancée, ils sont assez grands pour gérer leur relation tout seuls. Mais beaucoup de personnes reviennent à la charge, d'après mon frère. On les emmerde, merde. Je me lève et m'approche de lui pour lui piquer son paquet de cigarette. J'en prends une en passant, et je range le reste. Je ne fume que de temps en temps, juste pour passer le temps. Mais une chose est sûre, c'est que je fume beaucoup moins de mon frère. "Et si tu prenais genre une semaine de vacances avec Juliet, loin des cons de Magnolia qui se mêlent de vos histoires ?" Je voulais aider mon frère, parce que je ne l'ai jamais réellement fait. J'ai toujours été froid et distant avec lui, mais quand il a des problèmes, je suis là. A ma manière, mais j'suis là quand même. "Si tu penses à ton cabinet, n'oublies pas que j'ai les clés maintenant." Dis-je pour le rassurer. Il peut se permettre une semaine de vacances ! C'est rien et ça passe vite. Ca lui fera du bien aussi. "Attention, je ne parle que d'une semaine. Ne crois pas que j'ai accepté ta proposition. Mais j'y penserai sérieusement."

Bon, laissons de côté les histoires d'amour entre Joey et son nouvel avocat tout droit venu de la côte Ouest. Quand il viendra à Magnolia, je sais ce qu'il me reste à faire, qu'Adrian veuille ou non, je m'y mêlerais. C'que mon frère ne sait pas, c'est que j'suis prêt à faire n'importe quoi pour la famille. Tout le monde pense de moi que j'suis le p'tit O'Conell qui vit sa vie comme il veut, sans limite ni devoir envers ses parents. C'est vrai, j'fais c'que j'veux de ma vie, mais j'y tiens au O'Conell. A ma façon, mais j'y tiens. Et Adrian faisait parti de ces personnes que j'aime mais je ne vois pas l'intérêt de le lui dire clairement. J'lui faisais comprendre de temps en temps, quand on avait une discussion sérieuse comme maintenant. Mais c'est rare qu'on se retrouve à deux dans un même endroit, parce que généralement, on ne se supporte pas. C'pour ça que je me demande comment on va faire pour se supporter tous les jours, du matin au soir, dans un même et unique cabinet. Je prends les clés et ça pourrait ressembler à un "oui", mais pas définitif. "Merci." Dis-je tout simplement à mon frère. Rare sont les fois où j'remercie quelqu'un, et encore moins Adrian. "J'aurais peut-être pris ma décision trop rapidement sans toi et ta tchatche." Dis-je pour clore le sujet. Je ne voulais pas m'étaler là-dessus, j'ai pris les clés et basta. Après ma semaine à Los Angeles, je reviendrais peut-être vers mon frère pour lui annoncer que j'accepte sa proposition. Ou pas.

On parle alors de la relation avec Juliet et il ne semble plus l'apprécier comme avant. Pourtant, c'est la fille dont tout le monde rêve. Elle a tout pour plaire et j'étais content que mon frère tombe sur cette Davies plutôt que de se taper une moche avec un sale caractère. Je ne la connais certes pas autant que mon frère, qui sort avec elle depuis ses 14 ans, mais assez pour dire que c'est une fille bien et qu'elle mérite d'être heureuse. Avec ou sans Adrian. Il m'explique donc qu'il n'y a plus de complicité, qu'ils ne s'entendent pas comme avant et quelque chose me vient en tête. Et si il y avait quelqu'un d'autre ? Et si mon frère avait kiffé une autre fille et il n'osait pas l'avouer à sa fiancée. J'le comprends franchement, être avec la seule et même personne depuis près de dix ans, moi non plus je n'aurais pas pu. "Mec t'as quelqu'un d'autre dans ta vie ou quoi ? Tu parles comme si c'était mort entre Juliet et toi, comme si vous deviendrez plus comme avant." Faut qu'il se ressaisisse et trouve une solution, laisser Juliet en plan n'est pas une bonne idée.

On revient encore sur le sujet de tout à l'heure avec les clés. Et les dernières paroles de mon frère me donne envie de rester avec lui, je veux lui faire confiance et accepter sa proposition mais il va se sentir fier si j'le fais aussi rapidement. "Joey sait que j'ai eu ce poste à L.A mais j'sais pas ce qu'il en pense. Il t'en a parlé ?"

Encore aujourd'hui Heath' et Claire me reprochait de n'être pas suffisamment proche d'eux, de ne pas m'occuper assez d'eux, de leur vie, et de répéter le comportement exact de mon père. Et je n'aimais pas entendre ça, je n'aimais pas savoir qu'ils pensaient cela de moi. J'avais toujours été présent à la maison, depuis la mort de notre mère, plus inquiet à leur propos qu'au mien. Alors oui, j'observais tout de loin sans montrer le moindre signe d'affection, mais j'étais là. Je les laissais vivre, sans m'incruster dans leur vie. Mais eux ne comprenaient rien, ils n'y voyaient rien, rien d'autres que de l'indifférence du moins, ce qui n'était absolument pas le cas. J'espérais juste pour eux qu'ils puissent un jour ouvrir les yeux et se rendre compte qu'ils portent sur moi le plus mauvais et faux des jugements. Et pour une fois, j'avais l'impression que Heath' avait pris en considération mes conseils. J'avais enfin réussi à lui faire entendre ce que je lui disais. "Sans moi tu ferais de la merde Heath'!" et j'ajoutais un léger sourire. 12 ans après la disparition de notre mère, c'était peut être la première fois que nous nous retrouvions tous les deux là sans se disputer, sans s'insulter et partir chacun de notre côté.

Lorsque nous parlions de Juliet, Heath' m'interrogeait sur ma fidélité à la jeune femme. Alors oui, on racontait partout dans Magnolia que je me tapais Diana. Et oui, on avait entamé un jeu de séduction, mais sans jamais aller plus loin, car j'avais été clair sur le sujet, nous ne finirions pas ensemble. Donc je n'avais jamais trompé Juliet, malgré ce que peuvent en dire les mauvaises langues. "Non Heath, je n'ai personne d'autres. Mais tu sais, on est ensemble depuis nos 14 ans, donc on se connait par coeur... je ne pourrais jamais retrouver la Juliet d'avant, c'est trop tard...". Je soupirais alors.

Nous changions de sujet, et mon petit frère me demandait ce que pensait Joey du fait qu'il parte à Los Angeles. "Non je ne sais rien Heath', tu viens toi même de m'annoncer que tu risquais de partir à Los Angeles. En tout cas, ça n'a pas l'air de déranger Joey puisqu'il ne m'en a jamais parlé. Ne lui fais pas ce plaisir Heath'..."

C'est ça oui, sale con. A ce qu'il parait, sans lui j'fais de la merde. Il prend son rôle de grand frère trop à coeur : Adrian ne m'a été d'aucune aide jusqu'à ce soir. En fait, je n'ai jamais voulu l'écouter, pensant qu'il ne raconte que de la merde. Et à chaque fois qu'on essaye d'avoir une conversation sérieuse, c'est loupé dès le début parce qu'on ne fait que de s'embrouiller. La conversation que nous venons d'avoir est l'une des meilleurs conversations de toute ma vie avec mon frère.

On continue notre discussion sur Juliet et plus on en parle, plus j'ai l'impression qu'il s'ouvre à moi, qu'il se confie. Même si j'comprends rien à sa relation avec sa fiancée, je le laisse parler parce que ça doit faire du bien de se vider. J'ai voulu savoir s'il avait quelqu'un d'autres dans sa vie : c'est ce qui expliquerait pourquoi ce n'est pas comme avant avec la Davies. Mais apparemment non, il n'a personne d'autre que Juliet. De ce côté là, Adrian ne me ressemble pas. Il est charmeur, beau parleur et beau gosse, mais il n'a pas trompé sa copine depuis très jeune. Il a forcément été tenté mais vu ce qu'il me dit, il n'y a eu personne dans sa vie et il n'y a aujourd'hui personne d'autres qu'elle. J'sais pas comment il fait par contre depuis tout ce temps avec une seule et même fille. Personnellement, mes relations n'ont pas duré aussi longtemps et mon record est d'un an - sisi le record à battre 8D - si mes souvenirs sont bons. Mon frère avait l'air désespéré, il ne savait plus quoi faire avec Juliet et j'pouvais pas lui proposer d'autres solutions que de prendre des vacances, de lui en parler clairement ou de se séparer d'elle. Quoique je n'ai pas osé proposer cette dernière solution. Ils sont ensemble depuis tellement longtemps que s'ils venaient à se séparer, personne n'en croirait ses yeux. Peu de monde sait que cette relation n'était pas basée sur l'amour à leur 14 ans mais c'était plutôt un arrangement entre familles, pour une histoire d'image ou j'sais plus quoi. Mais Juliet n'est pas une mauvaise fille et j'comprends que mon frère ait pu rester avec elle tout ce temps, même si ce n'était pas toujours tout beau, pour ne pas dire pas du tout.

"Il le sait depuis longtemps. Bizarrement il n'a pas réagi quand j'lui en ai parlé, comme s'il savait quelque chose à ce sujet. Si ça se trouve Joey a quelque chose à voir avec cette histoire de L.A. C'est peut-être lui qui m'a trouvé un travail." Dis-je en réfléchissant un petit peu. Il a peut-être parlé de moi à son entourage pour que j'puisse trouver du travail rapidement et vu qu'il recherche toujours la perfection, autant m'envoyer à L.A ? "S'il attend des remerciements pour ça, il attendra longtemps le coco." Je me lève de mon banc et je trouve qu'on a beaucoup parlé de tout et de n'importe quoi. Des problèmes, surtout. Alors pourquoi ne pas se vider la tête dans un bar, à boire, au lieu de pleurer en mangeant des mars. Ce n'est pas dans mon habitude de proposer à mon frère d'aller boire un coup ensemble, mais ça ne nous ferait pas de mal. "Les mars nous ont donné soif. Allons boire un coup O'Conell." Une petite tape à l'épaule et je marche devant lui, sans attendre de réponse de sa part.

Heathcliff en avait donc parler avec le paternel. Etonnant, je m'attendais à ce qu'il le lui ait caché, et préparer son départ en douce, juste pour montrer à Joey qu'il n'est pas un homme aussi important. Mais soit, je devais être le dernier à apprendre la nouvelle, et je ne lui en voulais pas... c'est vrai, on a jamais été très proche Cliff et moi, surtout quand il s'agit de discuter calmement comme nous le faisions ces dernières minutes.

"Venant de Joey, ça ne m'étonnerait même pas... tu sais bien comment il est. On n'est jamais à l'abri qu'il ait orchestré tout ça pour m'éviter de te faire rentrer au cabinet O'Conell! Bizarrement, lorsque je lui ai fait part de cette idée il y a quelques jours au téléphone, il n'a pas répondu. Je comprend pourquoi maintenant!"

Quel enfoiré, je n'avais plus qu'une hâte, me retrouver face à lui lorsqu'il rentrerait de son voyage, et lui en toucher deux mots. "Je ne vais pas le laisser faire Heath'... je ne veux pas lui donner satisfaction...".

Puis, nous nous levions de ce banc où nous étions assis depuis presque une heure, et Heath' décidait alors de nous emmener boire un verre, ce que nous n'avions pas fait ensemble depuis des lustres. Sans trop me poser de questions, je décidais de le suivre. Pour une fois, nous repartions de cet endroit serein, et la complicité semblait avoir pris place entre nous... mais ça ne durerait pas, comme toujours. Dans ma tête, je repensais alors à cette scène, lorsque nous étions plus jeunes, où j'avais dit à Heath' qu'un jour, nous serions des adultes, et qu'à ce moment là, nous finirions peut être par nous entendre, par discuter sans se chamailler. Et cette discussion était peut être un aperçu de notre future relation, personnelle, mais aussi professionnel. Oui, car quand je regarde Heath', je me rend surtout compte d'une chose, c'est qu'il est désormais grand, c'est un homme... ce n'est plus vraiment le petit frère a qui jamais tant faire des crasses... non désormais, Heathcliff était un grand garçon, fier, fort et intelligent. Et bien qu'il soit encore difficile pour nous de communiquer, j'étais content d'être là, avec mon petit frère... Bref ... "Bonne idée...". Je me levais alors, commençant à le suivre, et posais alors ma main sur son épaule en ajoutant "Je t'invite à manger frangin ! Moi aussi je sais comment te faire plaisir !" ... et j'esquissais un grand sourire, et nous nous éloignons peu à peu de cet endroit qui nous rappelait tant de chose, trop de chose...

TERMINÉ