Demain, demain, demain, demain... Ce mantra ne s'arrêtait pas dans la tête de Ginerva. Il devait arrêter. Mais rien n'y faisait, il envahissait sa tête, chaque lettre de ce mot résonnait tel un piano abîmé ou un violon joué par un amateur. Ginny était partie courir, écouteurs aux oreilles. Elle avait couru dans le quartier, dans la ville, dans tous les recoins possibles et imaginables. Elle s'était même mise à écouter du rap, la pire musique qui pouvait exister selon Ginny. Elle s'était mise en tête de jouer du piano pour simplement taper sur les touches, mais la simple vue de l'instrument lui donnait terriblement envie de vomir. Heureusement, Satine était partie en Australie et ne revenait que le lendemain matin, sinon Ginerva aurait enduré sa grande soeur jouer, ce qui lui semblait pénible en ce moment. Même Balt, qui grattait un peu sur sa guitare, l'énervait. Elle devait sortir de la maison. Elle devait s'occuper l'esprit. Tout dans sa maison lui rappelait la terrible vérité de demain. Fuir était la meilleure solution, du moins jusqu'à demain.

Argh, demain!

Ginerva quitta la maison, puis le quartier. Arrivée au centre-ville, elle s'installa sur un banc et prit une grande respiration. Elle devait se calmer. Le regard des passants lui rappela qu'elle devait avoir l'air un peu folle en ce moment, avec ses cheveux décoiffés et ses vêtements de jogging. Mais elle s'en était toujours fichue. Pourquoi le remarquait-elle aujourd'hui? À cause de demain.

Non non, ne pas y penser, ne surtout pas y penser!, se répéta Ginny dans son esprit en continuant de prendre de grandes inspirations. Allez, on positive, tout ira bien demain, l'important c'est de se calmer pour éviter une crise de nerfs au moment fatidique. La rouquine ferma les yeux et pensa à de jolies choses, du genre à des chiots qui gambadent dans un champ de fleurs. Mais derrière sa jolie image, la musique se faisait toujours entendre, presque inaudible mais toujours présente.

La musique de son solo.

Ginerva se leva de son banc. James. James saura lui changer les idées, la faire rire, faire disparaître cette musique interminable. Oui, James était la solution à tous ses problèmes. Il l'a toujours été. Ginny n'a jamais eu de vrai problème avant aujourd'hui, mais elle savait pertinemment que James saurait le régler. Bien sûr qu'il la trouverait bizarre au début, Ginny n'est jamais stressée, elle est toujours calme devant toutes les situations. Mais c'était la première fois qu'elle jouait un solo. Seule. Sans personne. Elle serait le centre de l'attention, ce qu'elle n'a jamais été de sa vie.

Elle avait envie de vomir.

Durant tout le trajet la séparant de James, Ginerva tenta de se calmer. Inspiration, expiration. Visualisation. Vide dans sa tête. Mais même une fois arrivée devant la maison des Fitzgerald, la chanson était toujours là. Ginny cogna, puis vit apparaître une tête blonde. Julia. La rouquine lui sourit.

"Hey, Julia!"

Puis son sourire disparut.

"Est-ce que James est là? Dis-lui que je dois le voir. Classe 5."

Ginny et James s'étaient fait une liste de classes. La classe dépendait de l'urgence de la situation. Ennui? Classe 1. Un garçon en vue? Classe 3. Peine d'amour? Classe 4. Ils n'avaient pas convenu d'une classe 5, donc il saurait à quel point il y avait urgence.

Des jeunes sortent de la boite de nuit, bourrés. Ils titubent, rient bêtement en se dirigeant vers une vieille voiture. Cassée de partout, celle-ci démarre avec difficultés et le conducteur doit s'y reprendre à trois fois avant que le moteur ne se lance.
Cette nuit, la police ne patrouille pas. Ils ne pourront donc pas arrêter la voiture et le groupe de jeunes à son bord qui dépasse la vitesse maximum autorisée. Ils font le tour de la ville plusieurs fois, hurlant des grossièretés à qui veut bien les entendre. Ils s'amusent.
La voiture finit par s'arrêter en plein milieu de la route, devant une maison plongée dans le noir. Une jeune femme ouvre la portière et descend, lance encore quelque blagues à ses amis puis marche en chancelant jusqu'à la porte d'entrée. Elle fouille dans son sac et en sort un petit trousseau de clefs, elle ouvre le battant et s'engouffre à l'intérieur, morte de fatigue et d'alcool pendant que la caisse repart.

4h38.

La tête encore dans les vapes, je me fais un café que je bois avec lenteur. Je me suis bien amusée hier nuit, et même avec tout le raffut que nous avons fait, Leeda et Henry - et Jaylann - ne se sont pas levés quand je suis rentré.
Maintenant, j'ai la gueule de bois et je suis seule à la maison. Bon Dieu, je devrais avoir l'habitude des fêtes, des clopes et de l'alcool après toutes ces soirées non ? A croire que c'était ma première fois.
Je n'ai dis bonjour à personne, je n'ai vu personne ce matin. Tous barrés pendant que je pionçais. Au moins, je n'aurais pas à supporter Jaylann. Mais ils auraient pu laisser un mot pour dire où ils allaient quand même ? James et Katya je veux dire, parce que l'Autre je m'en fiche d'où est-ce qu'elle s'est barrée. Quant à mes parents, eh bien écoutez ils sont assez grands pour savoir où ils vont. Ils nous ont bien assumé - Jaylann du moins - quand ils nous ont eu, alors pas besoin que je les surveille.

Je m'installe dans le salon et allume la télé en sirotant le reste de mon café. Ça va me réveiller, ça, sauf s'il n'y a que l'alcool qui a un effet sur moi. Je zappe les chaînes, soit ce sont les infos, soit ce sont des émissions qui veulent à tout prix vous vendre des trucs. J'imagine qu'ils ne vendent pas de la coke ou de la marijuana ?
Énervée, je change encore et tombe sur Dora. Oh génial, elle et Babouche ont tellement la classe, j'attendais trop de les voir, c'est vrai. En France, Dora parle anglais. Et bien figurez-vous qu'aux États-Unis, Dora parle... italien ! Vous l'auriez pas deviné hein ? J'aurais préféré qu'elle nous apprenne du français, au moins j'aurais pu me casser là bas une semaine ou deux. Que voulez-vous faire en sachant parler italien ? A part commander des pizzas et des glaces italiennes, ça sert pas à grand chose. Ah si, la drogue est peut-être moins chère là-bas.

Je m'apprête à retourner dans la cuisine, quand justement on sonne à la porte. Qui peut bien me vouloir quelque chose à cette heure ? Certes, il est onze heures passé mais... Je pose ma tasse sur le buffet et j’entrouvre la porte en passant ma tête dehors. Je dois avoir une mine affreuse, après la nuit dernière mais je m'en fiche. Ça fera peut-être peur à la personne qui partira et me laissera tranquille.

Elle - parce que c'est une fille, vous l'auriez pas deviné non plus hein ? - a des cheveux roux. J'ai jamais essayé de me teindre les cheveux en orange, il faudrait que j'essaie un jour. Manquerait plus que James se fasse une cicatrice en forme d'éclair, et que Katya prenne une tête d'intello et le tour serait joué. Sa tête ne me dit rien, mais elle semble me connaître puisqu'elle m'appelle par mon prénom.
Elle demande James, classe 5. Qu'est-ce que c'est que ce truc ? Classe 5 ? Les lycéens sont pas en vacances ? Je fronce les sourcils.

« Pardon ? James est en vacances, il n'a pas de "classe". Et tu es... ? Ginerva Wainwright ! Excuse moi, je suis un peu dans les vapes. »

Comment ais-je pu ne pas la reconnaître ? Non seulement c'est l'une des rares du quartier a être rousse, mais en plus on a fumé et bu un ou deux verre ensemble. Quand même ! Et elle est ami avec James, alors forcément je la connais.

S'il y avait bien quelqu'un qui semblait en plus piteux état que Ginny en ce moment, c'était Julia Fitzgerald. La rouquine pouvait se plaindre autant qu'elle le voulait sur son état hystérique, jamais elle ne réussirait à ressembler à la grande soeur de Katya et James. Même si elle essayait. Heureusement que Ginny la connaissait et savait qu'elle était sympathique, sinon elle aurait pris les jambes à son cou depuis bien longtemps. Tiens, Julia n'avait même pas reconnu la rouquine! Après toutes les sensations que Julia a fait découvrir à Ginny pour la première fois... C'était vrai qu'il devait y avoir tellement de roux qui passaient chez les Fitz', Julia devait être perdue... Mais heureusement, la mémoire lui est revenue après un moment. Par contre, Ginerva ne comprenait toujours pas la première phrase de la grande soeur de son ami. Ça a pris un instant pour que la rouquine comprenne la situation.

"... Oh! Non, ce n'était pas classe dans le sens de groupe, c'est classe dans le sens de catégorie. James et moi on s'est fait des niveaux d'urgence, et aujourd'hui c'est une urgence de classe 5, d'où l'importance de le voir tout de suite!"

Toujours sur le seuil, Ginerva regarda les alentours à l'extérieur de la maison familiale de son ami tout en sifflotant la mélodie de son solo. Elle faisait même du air piano avec ses doigts sur ses pantalons de jogging. Lorsque Ginerva s'en aperçut, elle grogna et croisa les bras. S'ils sont coincés, ils cesseront de bouger sans mon consentement. La rouquine tenta de voir par-dessus l'épaule de Julia la moindre trace de son ami - sa petite sacoche qu'il aimait traîner partout, sa veste préférée, un signe, merde! -, mais Ginny ne voyait rien. Elle tourna donc son attention vers son dernier espoir, Julia.

"Est-il dans sa chambre? Dans la cuisine? Dans la cour? Est-il parti? Reviendra-t-il bientôt?"

Sans aucune gêne, Ginny prit les épaules de Julia fermement. À voir la tête de la Fitzgerald, la rouquine préféra ne pas la secouer d'avant en arrière, de peur de recevoir les restes de sa veille qui n'a pas du tout semblé reposante.

"Je dois le voir."

Puis Ginerva réfléchit quelques instants avant de reposer son regard vers l'alcoolique qu'elle tenait. À défaut de James, Julia pouvait quand même lui tenir compagnie avant de pouvoir parler à son meilleur ami. Et Julia avait certains ingrédients exprès pour la détente... Tiens, une agréable option s'offrait à Ginerva, pourquoi ne pas sauter dessus? Son niveau de stress était au plus haut.

"Ça te dérange de me tenir compagnie en attendant?"

La rouquine lâcha Julia et lui sourit. Ce n'était pas son genre de limite agresser les autres, mais aujourd'hui n'était pas un jour ordinaire.

« Whowh, whowh, whowh ! Du calme duchesse. Commence pas comme ça alors que je viens de me lever tu veux ? James n'est pas là et je ne sais pas où il est barré. » Ginerva lâcha mes épaules qu'elle avait pris. « Bon, entre. » ajoutais-je en ouvrant la porte et libérant le passage, devant son air affolé.

Pourquoi faisais-je ça ? Était la première question qui me venait à l'esprit. Elle avait l'air plus qu'en forme : excité comme une puce ; la laisser entrer était synonyme de chamboulement, dès le réveil. Un truc à ne pas faire avec moi.
Je lui indiquais le salon, en reprenant ma tasse en main. J'en bus une gorgée et la suivais lentement dans le couloir, pour ne pas risquer de tout mettre par terre. Ginerva fixait intensément et avec surprise la télévision restée allumée sur la ... même chaîne que je l'avais laissée...
Je posa ma tasse rouge sur la petite table qui servait à poser les apéritifs lorsque nous recevions à la maison et me hâta vers le poste télé.

« Non, non ! Je ne regardais pas ça Dora, c'est juste que quand tu as sonné la télé a changé de chaine. Enfin je veux dire j'ai changé de chaîne... Et c'est tombé sur Dora l'Exploratrice. »

Quelle poisse quand même ! J'aurais pu aussi bien tomber sur les Infos, maintenant Ginerva pensait que je regardais ces idioties le matin. Enfin, elle prendrait peut-être ça avec humour - je l'espérais, parce que j'avais beau être d'humeur à plaisanter, je ne l'étais pas du tout à être affichée devant tout le monde parce que lorsque Ginerva Wainwright était rentré, c'était Dora qui passait à la télé. Enfin, elle ne ferait pas ça quand même, la jolie et gentille rousse du n°42, hmm ?
Le son de fond - c'est à dire Babouche qui s'émerveillait sur quelque trouvailles qu'il avait fait, sur quoi Diego cassait l'ambiance en expliquant le pourquoi du comment cette Merveille était arrivée - par hasard, rappelons-le - là - s'évanouit lorsque j'éteignis le poste.
Un gros silence s'installa. Ginerva semblait...perturbé. Eh bien quoi, elle ne me croyait pas ? C'était pourtant vrai, même si j'étais restée sur Dora l'Exploratrice un petit peu plus de temps que je ne le disais.

« Alors, quoi de neuf Ginerva ? » demandais-je, souriante, pour que ce détestable silence pesant cesse. « Je peux savoir pourquoi tu tiens tant à voir James ? Ou c'est une classe secrete ? »

Hey, j'essayais d'ajouter un peu d'humour à la situation.
Lorsque je voulus à nouveau me réveiller en buvant mon café, je me rendis qu'il n'y en avait plus dans le gobelet. Je m'assis - à vrai dire, le verbe s'affaler convenait mieux - sur le canapé.
Si je me souvenais bien - je côtoyais tant de gens, en plus de ceux du quartier que ça devenait difficile de m'y retrouver avec toutes ces têtes à retenir, qui me font "Hey, salut, ça va ?" alors que je ne suis pas fichue de dire leur prénom - la famille Wainwright avait le piano comme instrument de prédilection. La fille Satine et la mère ... comment déjà ? Bref, la fille et la mère en tout cas. Et Ginerva, si j'en crois que ce me raconte James à son propos.

Bon, James était absent. Hé merde. Heureusement que Julia lui avait répondu, s'il n'y avait eu personne chez les Fitz', Ginny aurait tenté sa chance chez les Dekker et advenant une seconde absence de réponse, elle se serait assise sur le bord de la rue et se serait balancée d'avant en arrière en attendant le lendemain. Tout pour oublier, en fait. Au moins jusqu'à minuit. À partir de minuit, entendre sa mélodie sans cesse lui serait utile pour son solo du soir. Mais pas aujourd'hui. Aujourd'hui, Ginerva voulait mettre ça de côté, question d'avoir une vie sociale contrairement à Satine. Et Julia pouvait l'aider à ne pas se sentir seule et à oublier sa mélodie pour aujourd'hui. Cette dernière l'avait d'ailleurs invitée à entrer. La rouquine poussa un léger cri de joie. Ginny tentait de se modérer, Julia venait de se lever après tout. Elle suivit la blonde à l'intérieur, puis vit le programme à l'écran. Dora l'Exploratrice!? C'était ça qui aidait Julia à se réveiller? Ginerva plaignait James et Katya qui devaient entendre ce programme tous les matins! Et ses explications semblaient un peu tirées par les cheveux, mais bon...

"Ouais, c'est ça... Mais ne t'en fais pas, ton secret sera bien gardé."

La rouquine fit un clin d'oeil à Julia. Méchant secret! Mais il faut dire que la Fitz' avait une certaine réputation à garder... Le silence qui s'était tout à coup installé titilla Ginny. À défaut de la télévision, la musique du solo reprit sa mélodie dans la tête de la rouquine. Merde, merde, merde! Ginerva prit la manette et rouvrit la télévision. Dora l'Exploratrice n'était pas si mal que ça, après tout. Elle aidait à oublier sa mélodie. Wainwright s'installa sur le canapé et se rendit compte que Julia lui avait posé une question avant que Ginny n'ouvre la télévision.

"Oh! Excuse-moi Julia, je réfléchissais à un moyen de faire taire ce silence... Elle est sympa Dora, non?" Ginny posa un regard à ladite Dora, puis reprit. "J'ai un important concert demain. Ça me stresse énormément, donc j'espérais que James serait là pour qu'il me change les idées. L'important, c'est que je ne sois pas seule. Au moins, j'ai toi et Dora et tous ses amis maintenant!"

Ginerva n'aurait jamais cru qu'un dessin animé la calmerait autant. Remarque, elle n'avait jamais eu besoin de se calmer, elle l'était naturellement. Aux grands maux les grands remèdes, mais Dora serait-elle suffisante? Pour le moment oui.

"Et toi, quoi de neuf? Tu as passée une bonne soirée hier? D'après ta tête, je dirais que oui."

Ginny lui sourit. La subtilité n'a jamais été son fort, mais elle s'en fichait puisqu'on ne pouvait pas vraiment dire que Julia Fitzgerald l'était plus qu'elle.

Mais c'est qu'elle ne me croyait pas en plus ! Dora était tout le contraire de ce que je regardais habituellement. J'étais tombée dessus par hasard et n'avais pas pu changer de chaîne parce que Ginerva avait toqué à la porte. Vous êtes témoin ! Agacée, je grogna. Elle avait cassé tout mon essai pour paraître sympathique dès le matin - chose au combien difficile et dont le chemin était semé d’embuches... . Mais je finis par ajouter :

« Je ne regardais pas Dora. Mais oui, disons qu'hier soir était une nuit secouée... » dis-je avec un petit rire, ma bonne humeur aussitôt retrouvée.

Oooooh oui ! Hier soir, je m'étais bigrement bien amusée. Pas le genre de Papy et Mamy Je Marche à Deux à l'Heure sur un Air de Cloclo. Alcool, mecs, musique à fond, mecs, danses déchaînées, mecs, sexe, mecs, sexe, mecs. . . Aheum. Je n'allais pas dire ça à Ginerva, quand même. Elle avait beau avoir goûté à quelques-uns de mes produits de spécialité, elle restait la fille d'une grande pianiste, éduquée et pas aussi trash que mes fêtes et moi l'étions. Elle restait innocente, même si elle ne le voulait pas. Et même si elle avait fait des choses trash. Ce genre de trucs, quand c'est dans les veines ça part plus.
Voulant changer de sujet, je lui lança :

« T'as un concert demain et tu t'inquiètes pour ça ? Mais nan, t'as pas à t'en faire. Je t'ai jamais vu joué, mais j'imagine que tu es quand même douée. Et au pire, si tu ne l'es pas et que tu rates tu t'en fiches ! C'est pas toi qui a payé pour venir voir un spectacle... ». Je faillis ajouter « ...raté ».
Aucuns regrets pour ma franchise, peut-être un peu trop directe. Bah c'était mieux que tourner autour du pot et lui dire des âneries non ? C'était pas mon genre, je ne l'avais peut-être pas rassuré mais au moins je lui avais dis la vérité.

« Non mais sérieusement. Tu stresses pour rien. Arrête de t'inquiéter et pense à autre chose. Et puis, qu'est-ce que James aurait pu faire pour toi ? Je sais qu'il est sympa, réconfortant quand on en a besoin, bref un vrai ami mais tant que toi tu n'es pas sûre que tu en es capable, on ne peut rien pour toi chérie. »

Dis donc, je devenais sage ! En fait, je tirais surtout ça de mes expériences à moi. Certes les concerts de piano n'avaient rien à voir avec les fêtes sans fin parce qu'un mec te draguait, mais ça revenait au même, au final. Tant que tu n'as pas confiance en toi, rien ne bougera dans tes sentiments.

Nuit secouée? Ginny esquissa un sourire. Julia avait-elle peur de la froisser en parlant ainsi? Bien que ce n'était pas le genre de la rouquine ce genre de fête, il fallait avouer que c'était tout à fait le type de Julia, et ce fait étant de notoriété publique, tenter de changer son vocabulaire pour diminuer la réalité ne servirait à rien.

"Haha! Secouée dans le sens de 'je me suis bourrée la gueule avec plein de trucs illicites et j'ai fini dans les toilettes avec un inconnu sexy'? Ou tu as changé de vie et tu as passée la nuit à méditer sur Bouddha?"

Le second choix étonnerait Ginny au plus haut point. Elle ne faisait que l'imaginer et déjà, elle pouffait de rire. Julia et un habit de moine ne feront jamais bon ménage. Un gargouillement provenant de son ventre fit taire son imagination trop fertile. Il était quoi... onze heures? et elle n'avait pas mangé depuis son réveil à cinq heures. Le stress ne lui va pas bien, à la Ginny. Ça la rend un peu insomniaque. Et anorexique. Non, elle ne se fait pas vomir, mais à son réveil sa gorge était tellement serrée qu'elle avait été incapable de manger une simple rôtie. Et son café matinal avait un goût si infect qu'elle l'a laissé sur le comptoir après avoir posé ses lèvres sur le rebord. Mais là elle avait changé d'environnement, elle parlait tranquillement avec Julia, Dora s'amusait en background, le solo était pour le moment loin dans son esprit. Son ventre se manifesta encore.

"Dis Ju', ça te va si je vais dans la cuisine me préparer un petit quelque chose? Si ça te dérange, tu peux toujours me ramener quelque chose à bouffer, j'ai tellement faim..."

À force d'être avec James et Katya, Ginny s'est habituée à cette maison, tellement qu'elle s'y sent un peu comme si c'était une seconde maison. La rouquine s'y sent très à l'aise et ne se gêne pas pour fouiller dans le frigo à la recherche de nourriture. Julia se mit à vouloir la réconforter, à l'encourager, à la persuader que tout ira bien, et sinon, je la cite: "tu t'en fiche". Ah oui, qui lui disait qu'elle s'en fichait d'être nulle? Et puis même si Ginerva s'en fichait un tant soit peu, sa famille ne tarderait pas à le lui remettre sur le dos. Enfin, surtout sa mère. Elle lui dirait quelque chose comme 'Tu vois, tu aurais dû te pratiquer davantage, pourquoi ne fais-tu pas comme Satine? Satine, elle, aurait réussi, et blablabla...'. La routine, quoi.

"Ouin, tu diras ça à ma mère, que l'important c'est de participer et ce genre de conneries. Elle te répondra que ces expressions-là ont été faites par des perdants. Ce qui doit probablement être vrai. Et puis James m'aurait aidé à me changer les idées et à me dire que je suis la meilleure de ma classe. J'ignore si c'est vrai, mais après on aurait changé de sujet et on se serait mis à déconner."

Son petit James d'amour avait toujours les mots justes pour la réconforter. Ça servait surtout à ça, des amis. Réconforter celui qui en a besoin, puis changer de sujet pour qu'il n'y pense plus. Ils ont toujours agi ainsi, alors cette fois aurait été comme toutes les autres fois. Sauf qu'il manquait à l'appel.

Ah oui, d'accord. J'essayais de rassurer Ginerva, parce que James n'était pas là et que c'était lui faisait ce genre de choses habituellement et elle me répondait que ce que je disais c'était des phrases de perdants. Et que James l'aurait bien mieux rassurer... Là, j'avoue, elle avait raison. Mais franchement, elle devait bien le savoir que ce n'était pas à moi qu'il fallait demander ça, non ? J'étais peut-être diplômé pour devenir psy, je l'étais pas pour être psy du piano.

« Je ne dis pas des phrases de perdant, je dis juste que t'en as rien à battre si tu rates. Et oui, sache que Bouddha m'a très bien accepté telle que je suis. J'ai mal aux genoux d'ailleurs, à force d'être par terre. C'est très... reposant comme religion, tu devrais essayer. Au lieu de faire la fête tout la nuit, hin. »

Bien entendu, j'étais allé prié Bouddha toute la nuit.

« Ouais pis moi aussi j'ai la dalle. »

Je me relèva et me dirigea paresseusement vers la cuisine. A peu près en ordre, à tel point que ça me donnait envie d'y foutre le bordel. Particulièrement si c'était Jaylann qui l'avait rangé.
Il n'y avait pas grand chose à se mettre sous la dent dans le frigo - je ne prenais pas de yaourt ni de fruits le matin ; j'en sortis seulement la bouteille de jus de fruits - alors j'ouvris le placard à gâteaux et choisis au hasard une multitude de paquets. Brioche pour moi. Je bus le jus de fruits au goulot si vite que je faillis m'étouffer. Ca allait mieux quand quelque chose me coulait dans la gorge. Ne pouvant pas tout avaler, je rangea la bouteille. Si Ginerva en voulait, qu'elle se serve.

« Heuh... »

On me connaissait plus pour mes présences aux fêtes, que pour mes réconfortions. Ça, c'était James, encore et toujours. J'aimais rire mais étrangement il fallait toujours que les blagues ne viennent pas lorsqu'on en avait besoin.

« Quoi de... neuf ? L'école j'veux dire. Les copains, tout ça... »

Jaaaames ! A l'aide ! Help ! Help ! Need Help to the house of Fitzgerald !
J'étais carrément pitoyable. On aurait dis une mémé qui demandait des nouvelles de la vie de sa petite fille, la moitié des dents tombées et qui arrivait à peine à avaler un morceau de brioche. Remarquez, j'étais psy. Enfin, je pouvais prendre le poste de psy dans la ville, donc si Ginerva voulait me parler, raconter sa life, no problem ! Mais pas sur son concert de piano. Du peu que j'en avais entendu ce matin - dès le réveil, my god - c'était bien assez.
Pour me donner une contenance, je mordis dans ma brioche et déglutis. Histoire d'être sûre que je pouvais toujours le faire.

À la télévision, Dora l'Exploratrice est retournée dans son joli monde pour être remplacé par un autre dessin animé tout aussi enfantin. Le générique était rempli de "La la la la la la" et tout le monde chantait et dansait. Vous voyez le genre. Ginerva posa son regard sur les images du dessin animé. Qu'ils étaient laids. Ils faisaient presque peur. Et dire que c'est destiné aux enfants! La rouquine fit une face de dégoût, puis posa son attention sur Julia qui lui expliquait les bienfaits de la religion bouddhiste. Ginny pouffa. Si elle avait mal aux genoux, ce n'était certainement pas pour avoir prié!

"Okay, on va dire que je te crois. Et puis ce que tu ne comprend pas, c'est que ça me dérange d'être nulle. Pas question d'être parfaite, mais je veux juste être bonne! Mais peut-être que le bouddhisme pourra m'aider, tu as l'air tellement reposée."

Le sarcasme était rare chez Ginerva, mais le stress ne lui va pas bien. Et la faim par-dessus n'aide pas non plus. Oh! Julia se lève pour aller manger. La rouquine se rua vers la cuisine, dépassant Fitz' qui avançait trop lentement à son goût. D'abord, un café. Un bon café. Ginny partit la cafetière et se sortit une tasse. Julia avait fini par rejoindre Wainwright et s'était prise une brioche. En regardant les choix offerts dans le garde-manger, Ginny opta pour des bagels. Elle s'en prit un et se sortit une assiette pour le couper. En fait, pour le détruire était un terme mieux choisi. Parce qu'après l'avoir coupé, ça ne ressemblait plus vraiment à un bagel. Ginerva le mit dans le grille-pain, se servit son café et mit du beurre sur son bagel une fois celui-ci prêt. Entretemps, Julia se mit à lui parler, mais d'un autre sujet que du solo. Sujet complètement inutile, mais c'était bien qu'elle ait changé de sujet. Même si elle galérait un peu. C'était toujours mieux que rien, en fait.

"Pas grand-chose en fait. Toujours la routine la plus banale chez les Wainwright, à part tu-sais-quoi demain. Et toi? Tu n'as toujours pas tué Jaylann à coups de hache?"

Chez les enfants Fitzgerald, il y avait deux clans: Jaylann et les autres. Jay' a toujours été un clan à elle seule. L'amour et la joie n'ont jamais régné entre les deux clans, ce qui doit être moche pour les parents. Wainwright alla s'installer dans la cuisine une fois son déjeuner prêt et dégustà sa première bouchée. Extase! Ce n'était qu'un bagel avec du beurre, mais pour Ginny elle avait l'impression d'avoir goûté au paradis. Elle ferma les yeux et savoura. Puis elle engloutit sa première moitié de bagel.

À la remarque de Julia, Ginerva regarda son assiette, la blondasse, puis revint sur son assiette. Qu'est-ce qu'il y avait de si énorme pour que Julia croie qu'elle était sous-alimentée? La rapidité à laquelle la rouquine préparait ses choses, peut-être.

"Haha! T'inquiètes, le frigo est toujours plein, je n'ai pas à me plaindre que je suis sous-alimentée. Mais on a pas de bagels chez nous, et je n'ai pas mangé lorsque je me suis levée vers 5 heures du matin."

Se vantait-elle indirectement de la richesse de sa famille? Non. De toute façon, Julia savait bien que la famille Wainwright avait un niveau de vie élevée, bien que Ginny ne le montrait pas. On ne pouvait pas en dire autant de la famille Fitzgerald, mais chez eux, l'harmonie et la joie régnaient - ou presque -, donc la rouquine s'y sentait mieux que chez elle. Ginny avait entamé son bagel avec délice mais, malheureusement, il fallait que Julia revienne sur le sujet du solo de demain. Devait-elle lui ré-expliquer la façon de faire de son meilleur ami?

"Ha-ha."

Le tout étant sarcastique, évidemment. Parce que sa remarque était loin d'être drôle, pour Ginny en tout cas. Demain, elle en rirait peut-être. En attendant, elle prit une gorgée de café. Qu'elle eut de la misère à avaler correctement, parce que la Fitzgerald avait décidé de parler du solo. Le stress recommença à la ronger, et son bagel avait tout à coup l'air moins appétissant qu'il y a deux secondes. Si Julia considérait Jaylann aussi tabou que son solo, elle allait en baver.

"Non, je ne sais pas qui... à moins que tu parles de Jaylann Fitzgerald, ta grande soeur que tu détestes?" Grand sourire. "Et puis en même temps, si elle finit comme Alicia, ça ne sera pas une grande perte. Je me demande qui serait là à ses funérailles, à part tes parents. Irais-tu?"

Oeil pour oeil, dent pour dent tiens. Elle avait réussi à lui changer les idées - avec de la bouffe, ça marche toujours - et puis paf, elle revient sur le sujet. Non mais. Et puis Julia devrait se considérer chanceuse, Ginny a terminé sur une pensée positive - certainement pas pour Jaylann, mais bon.

Bon, Julia avait compris le message. On ne parlait pas de Jaylann si on ne parlait pas de son solo. Tout était clair, maintenant. Ginerva pouvait terminer son bagel tranquille. Mais elle eut à peine de temps d'avaler une bouchée que Julia lui proposa autre chose. La rouquine haussa le sourcil et leva la tête vers le blondinette, curieuse et intéressée. Lorsque Julia lui précisa que ce petit quelque chose la ferait planer, Ginny sourit.

"J'aime bien ta méthode anti-stress, Julia."

Mais elle avait déjà commencé à monter les escaliers vers sa chambre. Hé! Et son bagel, elle en faisait quoi? Ginerva se tourna vers son déjeuner: il ne restait que quelques bouchées et son café était trop chaud pour le boire en une traite. La pianiste décida de négliger son café - elle le boirait plus tard - et termina rapidement son délicieux bagel avant de suivre les pas de Julia. Si sa méthode pour se calmer était loin de ressembler à celle de James, elle lui semblait tout aussi efficace et c'était ça qui enchantait tant Ginny. En entrant dans la chambre des deux plus jeunes soeurs Fitzgerald, cela prit peu de temps à Wainwright pour déterminer quel lit appartenait à quelle soeur. Julia avait toujours été un désordre ambulant, ce n'était donc pas étonnant de voir que sa chambre réflétait cette image. Ginerva s'installa sur le bord du lit et essayait de ne pas regarder le derrière de Julia qui gigotait à deux pouces de son visage, le haut du corps occupé derrière le lit à chercher quelque chose. Une fois cela trouvé et Julia installée dans une position plus... décente, Ginny se tourna vers la blondinette qui lui montrait fièrement son petit sac. Hé oui, pour ceux qui n'avaient pas suivi, il s'agissait de drogue. À fumer, plus exactement. La rouquine sourit et jeta un regard entendu à Juju.

"Maintenant, on jase!"

Ginerva prit le petit sachet, regarda rapidement à travers le sachet pour déterminer la quantité et le posa sur le lit. Elle croisa les jambes et attendit patiemment la professionnelle agir. Ginny essayait de calmer son excitation, elle avait si hâte d'oublier ce qui la tracassait, même si les effets s'estomperont dans quelques heures. Ça ferait quand même quelques heures à relaxer en attendant le jour J, non? Et puis elle n'entendait plus sa mère la gronder à distance dans sa tête.

Ginerva était trop occupée à regarder Julia faire son joint pour penser à faire le sien. Inconsciemment, elle s'attendait à ce que son "mentor" le fasse à sa place. Mais apparemment, ce ne sera pas le cas. La rouquine prit donc de la drogue et la mit sur une partie d'un petit morceau de papier. En le roulant, il y en a eu un peu qui est tombé sur le lit, mais c'était le premier qu'elle roulait, un peu d'indulgence! Une fois roulé, Ginny le montra fièrement à Julia - qui semblait déjà un peu loin, allongée sur son lit, les yeux au plafond -, puis l'alluma et prit une première bouffée. Et s'étouffa. Mais après avoir toussé un petit coup, ça allait mieux. Seconde tentative. Pas d'étouffement. Ginerva sourit et prit une autre bouffée en signe de victoire. À la question de Fitzgerald, la rouquine se contenta de hausser les épaules.

"La famille, ça va, comme toujours. Et oui, j'ai un petit frère."

Julia semblait se concentrer très fort pour se souvenir du nom de Balt', autant lui laisser le mérite si elle s'en souvenait. En attendant de connaître le nom que Julia allait lui attribuer, Wainwright continua de fumer son joint, attendant les effets qui viendront prochainement. Et puis même si les effets n'étaient pas immédiats dans son cas, voir Julia sortir des noms ridicules la distrayait et lui faisait penser à autre chose qu'à son solo. D'ailleurs, la rouquine s'étouffa avec son joint lorsque la blondinette sortit le prénom de César. César, quel nom moche! Aucun habitant de MC portait ce nom, sinon Ginny s'en serait souvenue et en aurait ri! Puis vint Maltazard. La mâchoire de la rouquine venait de se détacher.

"Juju! C'est presque une insulte aux Wainwright, là! Maltazard, c'est tellement... tellement!"

Voilà, Ginny commençait à perdre ses mots. En même temps, comment définir ce prénom d'une laideur atroce? Au moins, ça a permis à Julia de se souvenir du vrai prénom de son frère.

"Pff, tu parles d'une référence! Un film pour enfants..."

N'empêche, Ginerva n'y avait jamais pensé. Peut-être parce qu'elle n'avait jamais vu le film. Mais elle en avait vaguement entendu parler. La rouquine tourna le dos à Julia et se laissa tomber sur le lit aux côté de la blondinette, les yeux rivés sur le plafond. Son joint était bien amorcé et Ginny commençait à avoir un sourire niais au visage.

"On pourrait l'écouter, ton film avec Maltazard! Question d'avoir les mêmes références... tu crois qu'on pourrait le projeter sur le plafond? J'ai pas envie de me rasseoir."

Wainwright tourna la tête vers Fitzgerald et lui sourit.

"On imaginera le visage de Balt' à la place de Malt'!"

Un film pour enfants peut-être mais un beau surnom de trouvé maintenant ! Je ne me souvenais même plus si on avait le DVD de Arthur et les Minimoys... Quant à le projeter au plafond, ce genre de choses c'était pas pour moi. Pas de connaissances et de toute manière, pas de matériel pour faire ça.

« Wowh, wowh, wowh. Arrête de divaguer Ginny, laisse sa tête à ce bon vieux Maltazard ! Et qu'est-ce que t'as avec ce prénom ? Il est très joli, héhé.. »

Une fois encore, je me mis à pouffer doucement toute seule jusqu'à ce que la drôlerie de la blague s'en soit en allée. Là, je tirai quelques bouffées de ma cigarette en souriant à la pensée de Ginerva en train de tousser. Elle avait perdu l'habitude on dirait. Mais ça allait vite revenir, aucun soucis de ce côté là.

« Tu sais que tu m'as quand même réveillé tôt. Par rapport à d'habitude j'veux dire. »

D'habitude après m'être levée, je restais dans les vapes encore quelques minutes. Ou plutôt dire, je ne fumais pas de la drogue dès le matin. Cette fois-ci était une fois exceptionnelle, je le faisais pour Ginny et son solo - même si j'avouai que c'était bon, de se fumer une petite clope - mais moi c'était plus le soir, pendant les fêtes que je faisais ça.

« Enfin bref. » soupirai-je. « Tu sors plus beaucoup ces temps-ci. En soirées je veux dire. »

Oui parce que c'était plutôt moi qui ne sortait pas énormément en journée. Je me doutai que Ginny faisait sa petite vie pendant que je dormais et inversement la nuit. Nous faisant manquer pas mal de choses l'une et l'autre dans la vie de l'autre. Je n'étais peut-être pas énormément proche de Ginerva - ça, c'était James -, j'aimai bien être avec elle et surtout savoir tous les derniers petits évènements qui avaient "chamboulé sa vie". C'était rigolo.

Zut, Ginerva ne pourra pas écouter de film couchée sur le lit de Julia, même s'il y avait de bonnes chances que le film ne soit même pas bon. Si c'était pour les enfants, il y avait de grosses chances que l'histoire soit tout mignonne et que ça finisse super-bien. Voilà, la rouquine connaissait la fin du film. Lorsque son amie évoqua la beauté du nom Maltazar, Ginny tourna la tête vers Julia et haussa les sourcils.

"Ah oui? Tu appellerais ton fils Maltazar, toi? Si tu le fais, je viens brûler son certificat de naissance et toutes les copies que le gouvernement pourrait avoir."

Heureusement qu'elle serait là si une telle chose arrivait. Ce petit garçon se serait tellement fait ridiculiser durant sa jeunesse! Déjà que les enfants Wainwright, qui avaient des prénoms insolites, s'étaient fait lancer des surnoms débiles petits, imaginez ce pauvre Maltazar! Ça ne ressemblait à rien, en plus. Bref, la rouquine se calma avec une autre bouffée de son joint. Puis Julia lui parla de l'heure matinale à laquelle Wainwright l'avait réveillé. Ginny ne put s'empêcher de lui faire un câlin sur le lit. La drogue de Julia commençait à faire effet et la rouquine était plus câline une fois droguée - ce que Julia a pu remarquer lors de sa première fois, alors qu'elle faisait des câlins aux murs.

"Onnh désolée Juju! Je suis tellement habituée à me lever tôt que je me rend pas compte, tu vois. Tu vas survivre?"

Julia ne pas survivre à quelque chose? Impossible. Lorsque la blondinette se demanda à propos des rares sorties en boîte de la rouquine, celle-ci se contenta de hausser les épaules.

"Manque de temps et de partenaires, je crois. Tu me vois sortir et prendre de l'alcool avec Satine? Et Balt est encore mineur, alors..."
Puis, illumination. Ginny leva la tête vers Juju et lui fit un gros sourire.
"C'est une invitation?"

Ces temps-ci, Ginerva était tellement absorbée par son solo et par la fin de l'année que le social en avait pris un coup. Et puisque demain la pression aurait disparu, elle serait bien heureuse de faire quelque chose de sa peau. La rouquine se décida à - enfin, pauvre Julia! - cesser de la câliner et se poussa un peu sur le côté.

"Si oui, tu n'as qu'à me dire une date et un endroit, et crois-moi que j'y serais!"

Et puis la rouquine connaissait assez le caractère de Julia pour savoir que si elle sortait avec, la soirée serait passionnante et elle ne risquerait nullement de s'y ennuyer.

« Tcheu, même pas cap. »

De toute manière, cap ou pas cap je n'aurais pas de fils. Ni de fille. Gosse rimait avec vie de merde, adieu les fêtes, femme au foyer débordée et tous ce genre de trucs pas faits pour moi et que je détestais. Donc, je n'aurais jamais d'enfants. Comme ça, au moins, le sujet était clos. Gosse rimait aussi avec câlins envahissants, précisément ce que Ginny était en train de me faire.

« Ça risque d'être dur, Bibi a besoin de ses heures de sommeil complètes. »

Je restai figée dans les bras de Ginny en faisant une fausse tête de vexée pour l'embêter, attendant surtout qu'elle se dégage pour pouvoir reprendre la clope mais elle ne bougeait pas. Bon, certes, Balthazar ne pouvait pas encore boire -oui oui, bien sûr c'était un ado sage qui passait ses soirées devant ses cours, on y croit- mais ça allait venir (a). Quant à Satine, elle n'avait qu'à tester, peut-être qu'elle aimerait ça, après tout. Parce que franchement, ça m'étonnerait qu'une fille pareille ait déjà touché à tout ça en totale détente. Je l'imaginai plus en train de se shooter parce que le solo du lendemain la stressait. Genre, Ginny. Et encore, les deux sœurs étaient bien différentes. Quant à moi, je n'avais pas pensé une seule seconde à l'inviter faire la fête. Surtout avec ce gros câlin qui me compressait. Et joie, elle me lâchait !

« Aheuh... Nan, c'était pas une invitation. » Je profitai de ce moment de liberté retrouvée pour respirer un peu de ma cigarette. Maintenant qu'elle le proposait, pourquoi pas. Ça pouvait être intéressant de voir comment la joueuse de piano bien élevée se débrouillait au milieu d'alcool, drogue, fêtards souls, shootés et avides de cul.

« Enfin, à la base. » Je ne tenais pas non plus à vexer Ginny. « Mais on pourrait se faire une soirée, c'est vrai. T'arrêteras peut-être enfin de stresser jour et nuit ? » Je tournai la tête vers elle avec un sourire, sûre qu'elle allait réagir à ma pique.

"Crois-moi que oui!"

Tout pour que le pauvre fils de Julia ne vive pas une vie d'enfant martyrisé! Julia semblait d'ailleurs douter de sa capacité à faire ça. Elle serait étonnée, tiens. Et là Julia faisait mine d'être triste de ne pas avoir assez dormi. Quelle petite nature.

"C'est à toi de te coucher plus tôt, voilà! Pardonne-moi s'il te plaît..."

Ginny était encore collée à Julia et lui lança un regard comme celui du Chat Potté dans Shrek en faisait aller allègrement ses cils. Et serra un peu plus fort. Tout pour se faire pardonner, quoi (a). Elle finit néanmoins par la lâcher, trop excitée de faire le party avec Julia, la party rock de service. Lorsque la blondinette lui dit que son "invitation" à sortir avec en boîte n'en était pas une, Ginny fit une moue triste. Toutes les jolies images qu'elle s'était mise en tête - parce qu'elle imaginait que les bars étaient beaux et propres avec seulement des hommes sexys - venaient de s'écrouler. Puis Julia finit par "l'inviter", si on pouvait dire ça ainsi. La rouquine fit une petite danse avec ses bras, puis revint rapidement à la réalité. Julia la trouvait stressée jour et nuit!? La rouquine était sous le choc.

"Quoi!? De toute la famille Wainwright, je suis la moins stressée - et de loin! Aujourd'hui est une exception! Et tu me trouves stressée, en ce moment!?"

Stressée n'était effectivement pas le mot, mais énervée la résumait bien en ce moment. Légère différence. Au pied du lit, une sonnerie se fit entendre. La rouquine réalisa que c'était le sien et courut vers sa sacoche pour prendre son cellulaire. En voyant le numéro entrant, Ginny le remit dans sa sacoche et le laissa finir de sonner. La pianiste rejoint Julia sur le lit, se coucha comme tout à l'heure, prit une des dernières bouffées restantes de son joint - il était presque terminé - et, en expirant, dit simplement:

"Ma mère. Je vais devoir y aller bientôt."

La jeune femme prit une autre bouffée de joint.

Me coucher plus tôt ? Je ne pourrais pas, jamais ! Sérieusement, qui pouvait bien se coucher.. tôt ?! J'espérais que Ginny n'était pas le genre à se coucher hypra tôt ; genre 20h00, 21h00, parce que sinon... ça allait être dur de faire la fête. Je ne tenais pas à ce qu'elle me tombe endormie dans les bras, style Belle au Bois Dormant, alors que ça venait à peine de commencer, non. Sinon, je la laissais tomber par terre. Et je me cassais. Cap.

« Calme toi sinon Bibi ne t'emmène pas en boite. » (a)

Quel joli moyen de pression, j'avais trouvé un truc là ! Enfin, c'était un bien grand mot, sachant que Ginny était déjà stressée. Et la rousse réagit aussitôt à ma pique, claironnant que de tous les Wainwright, elle était la moins stressée. Ah. Vu sa réaction, bien sûuuur que j'allais la croire ! Non non, elle était juste aux anges. (a) Mais bon, c'était sûr que comparé à Satine, c'était autre chose. Et pas besoin de connaître plus que ça son frère et sa sœur, elle m'en parlait assez le peu de fois où on se voyait pour que je sache tout !

« Bah, ceci... » répondis-je en lui montrant ma cigarette « ...devrais arranger ton état. »

Arheum, nouvelle pique. Mais bon, j'allais arrêter sinon Ginny allait vraiment se vexer. Un appel entrant lui changea les idées et elle se précipita. Mais ne décrocha pas. Euh.. ? Je compris en apprenant qui c'était. Ah, bon, alors, si c'était Maman, elle avait bien fait. (a) Enfin, dommage quand même qu'elle doive partir, je m'amusais bien moi ! Et à sa place, j'aurais fait la même chose : un vent. Et mieux : double vent ; je ne serais même pas rentrée du tout. Enfin, même si Maman Wainwright faisait un peu peur parfois - oui, je l'avouais, honte à moi - et qu'elle était sûrement de pair avec Leeda pour nous cerner et nous empêcher de nous amuser, il fallait quand même que Ginny pense à sa vie sociale. N'était-ce pas un peu ce qu'elle m'avait dit, qu'elle n'avait quasiment plus de vie sociale ?

« Ooooh non, je t'en supplie sexy girly, ne me laisse pas seule ! »

Ne rêve pas trop Ginny et contente-toi de ce que je t'offre ; je ne me mettrais pas à genoux pour te lécher les pieds.

La menace de Julia renfrogna Ginerva: on invite pas quelqu'un pour ensuite le rembarrer! Même si ce n'était pas une vraie invitation. Et même si Julia disait n'importe quoi seulement pour la frustrer. Et ça marchait.

"C'est bon, c'est bon, je me calme."

Bon, on ne pouvait pas dire que ça avait changé beaucoup de choses chez Ginny. Mais étonnamment, le simple fait de dire qu'elle se calmait la calmait réellement. S'il n'y avait pas eu ce solo, la rouquine aurait été beaucoup moins stressante, c'était dans sa nature d'être détendue. Mais Julia ne la croyait visiblement pas; elle allait devoir le lui prouver. Mais pas aujourd'hui. Lorsque la blonde lui pointa sa cigarette comme un remède-miracle au stress, Ginny ricana.

"Pas tant que ça, comme tu peux le constater! N'empêche que je me sens mieux."

Et c'était vrai. Si ce n'était de la pique de Julia concernant son stress, Ginny serait restée couchée à regarder le plafond de la chambre de Julia et à faire des câlins à cette dernière - chose que Julia détestait, mais bon. Il faut vivre avec les conséquences de ses actes. Leçon: il ne faut pas donner de la drogue à Ginerva Wainwright si on aime pas les câlins. Après l'appel "manqué" de sa mère et l'obligation de Ginny de quitter, Julia se rebella. Mais Julia qui ne se rebelle pas est un extra-terrestre déguisé en Julia. Ginerva se mit à rire, s'étouffant une nouvelle fois avec la fumée de son joint. Elle toussa et se reprit.

"Sexy girly! Tu as failli m'achever! Mais j'ai pas le choix, pour mon solo. Mais on se reprendra pour sortir! Tu me diras quoi mettre, je ne suis pas trop habituée aux boîtes de nuit."

Ginny termina son joint, le mit dans le cendrier et se leva. Le fait de se lever aussi rapidement lui donna légèrement le vertige, mais elle se reprit.

"Un dernier câlin avant mon départ?"

La rouquine avait les bras ouverts, grand sourire au visage, prête à faire un câlin à la grande soeur de son meilleur ami.

Une grande rousse élancée comme Ginny dans une boite ? Oh, je m'y voyais déjà, et les réactions avec ! Et les gaffes, les regards appuyés.. Héhé, elle ne risquait pas de s'endormir, c'était sûr. Après réflexion, c'était une bonne idée ! Bon, il faudrait peut-être que je la guide un peu concernant l'ambiance, l'alcool et tout ça - vu comment elle avait toussé en respirant la fumée de sa cigarette tout à l'heure, il allait falloir que je la réhabitue vite - mais on allait s'amuser, j'en étais certaine. Après tout, il ne fallait jamais se fier aux apparences, comme on disait. Ce n'est pas parce que Ginny venait d'une famille un peu... cucul la praline, qu'on ne pouvait pas s'amuser. Même si sa mère venait de tout casser là, m'enfin bon, de toute manière j'étais sur le point de faire une gaffe avec mes plaisanteries alors on pouvait dire que pour une fois, je remerciai Madame Wainwright pour son intervention.

"Un dernier câlin avant mon départ?"

Hey, quand même, je savais que j'avais pas l'air comme ça des fois, mais j'aimais les câlins. Certains. Parfois. Donc je pris la peine de me lever du lit et de serrer Ginny dans mes bras. Qui était quand même un peu plus grande que moi - en taille bien sûr -, m'enfin.

« Ouais, t'inquiètes je te ferais une formation et tout. Allez, file. »

Sur ce coup-ci - parce qu'habituellement, c'était un poil rare - je daignai raccompagner Ginny jusqu'à la porte. C'est qu'elle me civilisait la Ginny ! Quand elle fut prête à partir, j'ouvris grand la porte. Plus grand que lorsqu'elle avait sonné pour voir James, en tout cas. Un coup d’œil dans le miroir accroché au mur m'indiqua que j'avais toujours une tête de fifolle - si ce n'était pas plus, avec le joint qu'on s'était fumé - mais en un peu plus réveillée. Ça n'avait pas fait peur à Ginny, comme je l'avais espéré quand elle m'avait tiré des vapes, mais au final on avait passé un bon moment. Et je m'étais trouvé une coupine de soirée !

« Rentre bien et ne parle pas aux inconnus ni aux donneurs de bonbons, hein. »

Elle habitait juste à trois maisons de là.

Julia s'était levée pour lui faire un câlin. Étonnant! Ginny avait pensé qu'elle serait restée dans cette position un long moment avant d'abandonner. C'est pour ça que son câlin avec Julia dura plus longtemps. Et serra plus fort. La rouquine profitait de la bulle Câlinours de Julia pleinement, mais elle dût la lâcher parce que bon, elle devait respirer aussi.

"J'en prend note et je m'assurerais que tu n'oublies pas, crois-moi!"

Puis la rouquine prit sa sacoche et les deux jeunes femmes descendirent les escaliers. Ginerva se tenait un peu à la rampe, par mesure de sécurité. Les murs semblaient un peu vibrer. Elle regretta durant quelques instants de quitter alors que la drogue commençait à faire effet. Elle aurait à pratiquer son solo droguée devant sa mère, ouch! Mais pour l'instant Ginny ne s'en inquiétait pas, mais si sa mère la sentait ou découvrait ce que sa fille venait d'inhaler... en fait, la rouquine ignorait quelles conséquences ça pourrait avoir. Elle verra rendu à la maison. L'air frais enlèvera l'odeur - peut-être. En passant devant la cuisine, Ginny remarqua qu'elle n'avait pas terminé son café. Tant pis, elle en prendra un autre une prochaine fois. Rendues à la porte d'entrée, Julia donna ses recommandations de sécurité.

"Tu me connais, je ne vais certainement pas sauter sur le premier inconnu venu!"
Quoiqu'avec la drogue et sa manie de faire les câlins, on ne savait jamais.
"En tout cas, merci pour le moment-détente et on se revoit bientôt!"

Ginny lui fit un - autre - câlin vite vite et quitta la résidence des Fitzgerald. Arrivée sur le trottoir, elle se tourna et salua Julia de la main. Puis, elle se rendit vers sa maison en traînant des pieds. Plus le temps passait, plus les effets s'estomperaient.

Mais arrivée chez elle, la rouquine sentit encore les effets. Peut-être qu'elle verra son solo d'une autre façon, le jouera mieux.

Elle entra.