Someone wants to save you
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Lucy marchait seule et tranquille dans Magnolia Cresent. Elle avait horreur des transports en commun: trop de monde, trop de bactéries, trop d'accidents, elle préférait de loin se rendre dans le centre ville à pieds. Elle revenait de la bibliothèque, son petit sac à dos en cuir rempli de quelques livres qu'elle comptait bien dévorer en moins de trois semaines. Elle marchait donc, sereine, dans ce quartier qui était son chez elle depuis un an et demi déjà, profitant des derniers rayons de soleil de la journée. L'air était frais mais le ciel plutôt dégagé pour un mois d'octobre. Bientôt allaient venir l'hiver et le grand froid, ce qui la réjouissait. Au passage, elle croisa Madame McClair, qu'elle salua d'un signe de main.

Alors qu'elle arrivait presque chez elle, des pas pressés se faisaient entendre derrière elle, mais elle n'y prit pas garde. Pourtant, une main se posa sur son épaule comme pour l'arrêter. Lucy, s'attendant à tout sauf cela, eut un sursaut de surprise, et se retourna. Il s'agissait d'Andrew, Andrew Davies. Elle avait déjà eu l'occasion de le croiser quelques fois. Elle savait qu'il vivait avec la terreur des roux, et parfois, il partait même un peu loin dans son délire... Heureusement que cela faisait rire les Wainwright ! En tout cas, elle, ça l'amusait.

Salut Lucy ! lui dit il. Est ce que tu vas bien ?

Jusque là, il se comportait de façon plus ou moins normale... Même si sauter sur les gens en pleine rue pour leur demander s'ils vont bien n'est pas des plus courants. Elle lui répondit que oui, elle se portait à merveille, tout en souriant. C'est ensuite qu'elle retrouva le Andrew "roussophobe" qu'elle connaissait !

C'est en revenant du supermarché, un gros sachet à la main, que Andrew aperçut Lucy. Demain soir, il avait convié sa petite amie à dîner, le repas devait donc être parfait. Lou avait déjà testé de nombreuses fois les talents culinaires du jeune homme, mais il faisait toujours tout un cinéma quand il cuisinait pour elle. Si jamais il ratait un seul de ses plats, la vie serait fichue.

Néanmoins, il se paya le luxe d'aborder Lucy. Il jeta d'abord un coup d'oeil à sa montre, il lui restait encore beaucoup de temps devant lui. Rassuré, il appela donc la jeune fille. « Salut Lucy ! » Il pressa son pas pour arriver à hauteur de la jeune fille. « Est-ce que tu vas bien ? » Inconsciemment, par cette question le jeune homme s'inquiétait aussi de la santé mentale de Lucy. Pour cause, elle demeurait depuis bien longtemps chez les Wainwright. Délibérément. Sans y être forcée. De son plein gré. Au début, Andrew avait cru à une farce, et avait même eu un fou rire. Mais quand il remarqua que Lucy gardait son sérieux, son amusement laissa place à l'inquiétude. Pourquoi ? Fut la question qu'il lui posa ensuite. Pourquoi rester délibérément chez ces êtres diaboliques. A sa place, Andrew aurait eu peur pour son âme. C'était du masochisme pur et dur. Ah moins que Lucy ne soit victime d'un sortilège. Oui c'était probablement ça, un mauvais sort lancé par les roux, elle avait l'air trop saine d'esprit pour s'infliger un tel supplice.

« Alors tu t'es décidée à quitter la maison du dia... des Wainwright, comme je te l'ai conseillé ? » Pris d'un élan héroïque, Andrew s'était mis en tête d'aider Lucy, de la sauver. Il avait passé de longues heures sur internet, et avait trouvé deux ou trois solutions possibles, pour annuler un sort lancé par le Diable. Remarquant qu'ils continuaient à avancer, il se stoppa, afin que Lucy en fasse de même. Si elle retournait chez les roux, il ne pourrait plus rien pour elle.

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Lucy ralentit le pas et, voyant son interlocuteur s'arrêter, fit de même. Après qu'elle ait répondu positivement à sa première question, Andrew lui demanda:

Alors tu t'es décidée à quitter la maison du dia... des Wainwright, comme je te l'ai conseillé ?

Lucy lui lança un petit regard contrit, faisant mine de le prendre au sérieux. Intérieurement, ce petit jeu là l'amusait.

Ecoute, Andrew... ces gens sont vraiments gentils avec moi... je leur dois beaucoup ! Ils ont besoin de moi, et j'ai besoin d'eux, je peux bien accepter qu'ils soient roux, tu ne crois pas ?

Face à elle, le garçon eut une mine horrifiée, et Lucy se mit à rire. Elle allait finir par croire qu'il était sérieux ! Elle s'imaginait tout d'un coup kidnappée en pleine nuit et exorcisée par un prêtre fétichiste à l'orée d'une forêt, un soir de pleine lune... Et cela lui rappela un film d'horreur qui l'avait particulièrement marquée. Elle regarda attentivement le jeune homme, il n'était pas particulièrement musclé, il aurait du mal à la traîner de sa chambre jusqu'à la forêt la plus proche de toute façon. Et puis la maison des Wainwright était très sécurisée, elle ne risquait pas grand chose.

Alors que le garçon cherchait quoi lui répondre, elle remarqua qu'il tenait un sac dans les mains. Elle tenta alors de faire diversion.

Mais dis moi... d'où viens tu comme ça ? Qu'y a t'il dans ce sac ?

C'était sans compter sur la détermination -ou plutôt l'obsession !- d'Andrew.

Ils sont gentils ... Andrew était persuadé qu'il s'agissait là d'une diversion, d'une tactique sournoise pour mettre Lucy en confiance, avant de la tuer, l'utiliser, la dévorer, ou autre activité de roux qui n'était pas dans ses coutumes. Cette jeune fille était définitivement trop naïve, et Andrew se surprenait parfois à chercher pourquoi il l'aidait. Puis, il se rappelait qu'il était un warrior, une de ces personnes qui doivent défendre ses concitoyens et faire régner la paix sur la ville. Or Lucy était en danger, un gros danger même. « Ma petite Lucy, ne penses-tu pas qu'il s'agit là d'une simple diversion ? Ils gagnent ta confiance, puis quand tu te sentiras en sécurité, tu baisseras ta garde et BAM ! ils t'attraperont » Il avait délibérément crié son interjection, pour la surprendre, pour qu'elle réalise l'ampleur de la situation.

Quand il avait rencontré Lucy, au début, il avait cru à une farce, un leurre. Pour vivre chez les roux, elle devait forcément être des leurs. Elle devait donc être une rousse déguisée, probablement un appât pour attirer Andrew chez le Diable. Alors, il l'avait suivie pendant plusieurs jours, afin de la surprendre chez le coiffeur en pleine teinture flamboyante. Il avait également examiné ses cheveux dès qu'il la croisait. Mais force était de constater qu'aucune racine ne faisait son apparition. Et que Lucy ne fréquentait pas assidument les salons de coiffure. Il avait donc classé son idée ... et décidé que Lucy était saine d'esprit, et donc soit maso soit ensorcelée.

Néanmoins, elle n'en restait pas loin maligne. Observatrice, elle lui lança une remarque sur son sac de courses. Oublier le sujet de conversation Wainwright, là était son but évident. Andrew se renfrogna un peu, Lucy le prenait vraiment pour un idiot. Alors certes, dès qu'il entendit la question, il voulut devenir un bisounours et lui raconter tout ce qu'il préparait pour sa petite amie en sautillant et virevoltant dans la rue, mais il se retint. Il fallait la sauver. « Oh quelques ingrédients pour préparer un repas pour ma petite amie demain soir » Il marqua une pause, conscient tout à coup qu'il tenait là une occasion en or. Mais Lou lui en voudrait. Mais pas s'il lui expliquait la gravité de la situation. Mais elle allait encore lui rire à la figure, et s'énerver ensuite. Mais la vie de Lucy en dépendait. « Tu veux te joindre à nous ? » L'éloigner des roux en l'invitant chez lui, pourquoi n'y avait-il pas pensé plus tôt !

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Le garçon face à elle n'avait vraiment pas l'air décidé à la lâcher avec cette histoire. Elle ne savait pas s'il s'agissait d'une détermination sans faille, due à une lecture à trop forte dose de BDs Marvel, ou à un sérieux trouble du comportement. Le fait est que, ce cher Andrew, avait l'air bien décidé à lui porter secours. Lorsqu'il lui fit son petit sermont à propos des Wainwright cherchant à faire diversion, pour gagner sa confiance, afin qu'elle baisse sa garde pour qu'ils puissent BAM ! l'attraper ! Lucy dut se retenir de rire, et préféra ne pas répondre.

Pendant un court instant, elle crut que sa tentative de changer de sujet avait fonctionné... Jusqu'à ce qu'il l'invite à dîner chez lui... Jusque là, l'invitation était très sympathique, mais la suite l'inquiéta: avec sa petite amie. Sérieusement, il déconnait là ?! Lucy savait qu'il sortait avec Lou, une fille vachement chouette d'après ce qu'elle avait entendu, mais qu'elle n'avait encore jamais eu l'occasion de rencontrer. Elle n'était pas certaine que s'incruster dans un rendez vous d'amoureux était la meilleure façon de la rencontrer. Il était vrai que Lucy n'avait pas beaucoup d'amis à Magnolia Cresent, depuis son arrivée, et que passer un peu de temps avec des jeunes de son âge lui ferait du bien. Mais ce plan là, elle ne le sentait pas des masses.

Euh, écoute, Andrew... je ne suis pas sûre que ce soit une bonne idée... Ta copine risquerait de ne pas apprécier, j'ai pas envie de tenir la chandelle... et puis tu n'as pas pris assez à manger je parie !

Elle ne voulait pas se montrer ingrate ou même méchante avec Andrew. Au fond, elle l'aimait bien ce gars là, et c'était l'un des rares à se soucier d'elle. Alors pour ne pas le vexer, elle essaya de rattraper le coup.

Mais si tu veux on peut remettre ça bientôt, ça me ferait plaisir de passer du temps avec toi, pour discuter d'autre chose que de roux par exemple !

Elle lui fit un joli sourire, espérant qu'il accepterait.

Andrew n'avait pas fondé énormément d'espoirs sur sa proposition, et effectivement, Lucy la déclina sans surprises. Elle eut même le culot de fournir une excuse bidon, à propos de Lou qui n'aurait pas apprécié sa présence. On aura tout entendu. Lucy avait peur des représailles des Wainwright, c'était évident. Mais Andrew se retint de tout commentaire à ce sujet. Il devait la jouer finement et ne pas vexer la jeune fille, s'il voulait la sauver. Il savait qu'il marchait sur des oeufs avec elle, la faute à ce mauvais sort que les roux lui avaient lancé. Il la plaignait, sincérement. Elle était une preuve de plus qu'il devait créer une association pour virer les roux de ce quartier. Ils étaient beaucoup trop dangereux pour cette communauté, encore plus que Jesper, ce voisin qui vivait seul et effrayait les enfants. « Comme tu veux. Par contre ne dis pas de bêtises : je prends toujours trop à manger ! Quand je suis tout seul au moins je me réchauffe des restes. Et puis il y a mon chien aussi » Au fil du temps, Andrew avait arrêté d'appeler Milou "le chien qui errait dans le quartier et qu'il hébergeait", et le qualifiait désormais simplement "mon chien". Au moins, il se sentait moins seul chez lui, puisque Juliet n'était jamais là.

Néanmoins, il fut sincèrement surpris quand Lucy proposa de reporter cette soirée. Elle était donc capable d'accepter un sortie en dehors de chez elle ? Surprenant. Le sortilège avait peut-être ses failles, après tout. Y voyant la possibilité de se rapprocher de Lucy, Andrew choisit de sauter sur l'occasion. « C'est vrai que je ne sais pas grand chose sur toi, à part que tu habites chez le Diable. » Son cerveau réfléchit à la vitesse de la lumière, pour trouver une autre occasion à proposer à la jeune fille. « Tu veux passer chez moi maintenant ? Je ne peux aller nulle part car certains produits dans ce sac doivent être mis rapidement au frais. Mais je peux t'offrir un café ! » Il lui sortit son plus beau sourire, elle ne pourrait pas dire non à ça !

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Ouf, Andrew ne semblait pas vexé ou énervé. Cela lui semblait sûrement plus raisonnable aussi qu'elle ne s'incruste pas dans leur rencard ! Après tout, il avait peut être proposé par politesse, sans imaginer qu'elle accepterait. C'est avec étonnement qu'elle entendit le jeune homme lui proposer de venir chez elle prendre un café. Elle hésita trois secondes. Peut être était il en train d'échaffauder un plan, peut être voulait il réellement la séquestrer puis l'emmener en pleine foret un soir de plein lune pour qu'elle se fasse exorciser... Oh, c'était un risque à prendre.

Hm... avec plaisir !

Elle lui sourit, et ils reprirent tout deux leur marche, dépassant la maison des Wainwright. Lucy pouvait lire le soulagement sur les visage d'Andrew. Elle espérait aussi qu'il finirait par la croire lorsqu'elle disait qu'il n'y avait rien de bizarre chez cette famille de roux ! Elle décida quand même d'envoyer un message à Satine pour la prévenir qu'elle rentrerait plus tard que prévu, elle se mit donc à pianoter sur son téléphone.

Par ailleurs, elle ne savait quasiment rien de cet Andrew, et ce petit café lui donnerait l'occasion d'en savoir plus sur lui. Ils marchèrent quelques minutes et arrivèrent devant chez lui.

C'est ici !

Il semblait tout content de montrer à Lucy sa maison, comme un enfant, ce qui était assez drôle à voir. Elle le suivit et ils entrèrent.

Si Lucy refusait une nouvelle fois la proposition de Andrew, le jeune homme en déduirait qu'il y avait un problème, que le sortilège lancé par les roux était plus puissant que ce qu'il avait cru. Loin de lui l'envie de sous estimer les envoyés de Satan, non. Mais d'après ce qu'il avait lu, Lucy était hypnotisée mais encore capable de prendre ses propres décisions. Effectivement, elle accepta. Tout se déroulait donc comme Andrew l'avait prévu. « Cool ! »


Ils se dirigèrent donc vers la maison du warrior, et Andrew remarqua non sans suspicion que la jeune fille envoyait un sms. Pour prévenir quelqu'un ? « C'est malpoli d'envoyer un sms quand on parle avec quelqu'un tu sais ! Je suis ennuyeux c'est ça ? » Il rit pour accentuer le ton de la plaisanterie, mais en fait ça question avait juste pour but de déterminer si elle prévenait les roux.


« C'est ici ! » Ce quartier avait beau être grand, on pouvait facilement être chez l'un ou chez l'autre en quelques minutes, et Andrew avait toujours apprécié cet avantage. C'est vrai, autrement il aurait toujours eu la flemme d'aller chez ses amis. Il ouvrit la porte et se dirigea tout de suite dans la cuisine, Lucy sur ses talons. Il posa alors son sac sur le plan de travail, et alluma la machine à café. « Tu as une préférence pour le café ? » Il ouvrit le placard qui renfermait toutes leurs dosettes Nespresso. « On a du café du Brésil, café-caramel, café-vanille, café-noisette ... » Il se tourna vers elle, attendant sa réponse. La laissant réfléchir quelques instants, il commença à ranger les produits frais.

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C'est malpoli d'envoyer un sms quand on parle avec quelqu'un tu sais ! Je suis ennuyeux c'est ça ?

Elle leva les yeux de son téléphone et rit un peu, mais il ne semblait pas sérieux, heureusement. De toute façon, ennuyeux n'était pas un adjectif qui convenait à Andrew. Farfelu, jovial, ou... fou alliés lui conviendraient mieux.

Oh mais non, je préviens juste Satine de mon retard. En général elle m'attend pour ses exercices au piano, cette fois elle devra commencer sans moi.

Elle lui sourit et ils entrèrent chez lui. Andrew prit la direction de ce qu'elle imaginait être la cuisine, elle le suivit, regardant partout autour d'elle. Lucy aimait entrer pour la première fois chez quelqu'un. Chaque maison était si défférente, avec son odeur bien à elle, son atmosphère bien à elle. Si elle le pouvait, elle furèterait un peu partout, à la recherche de photos, d'objets quelconques qui lui en apprendrait plus sur l'histoire de ses habitants. Mais elle se retin. La maison d'Andrew était chouette, avec du goût et pas mal d'espace. Elle semblait un peu vide d'ailleurs, et elle se rendit compte qu'elle ne savait même pas qui vivait ici. Elle déposa son sac rempli de livres sur une chaise et s'accouda au plan de travail. Andrew lui demanda quel café elle préférait. Elle mit quelques minutes à réfléchir, temps pendant lequel Andrew rangea ses provisions au frais. Elle se décida pour café-noisette, son préféré. Alors qu'il se chargeait des cafés, elle engagea la discussion.

Tu vis tout seul ici ?

Andrew avait donc vu juste : Lucy prévenait Satine. Il contrôla ses émotions, mais cette information le dérangeait grandement. La jeune fille était donc plus dépendante que ce qu'il avait pu croire. Elle était reliée aux roux, ne pouvait agir sans qu'ils ne soient au courant. Cela compliquait grandement la tâche du warrior, mais il ne s'avouait pas vaincu pour autant. Jamais. « Est-ce que ça t'arrive de faire quelque chose sans les prévenir, ou en es-tu incapable ? » Il afficha un air détaché, pour que ça question ne sonne pas comme un interrogatoire. Il récoltait juste des infos pour son enquête, après tout.


Quand Lucy choisit un café à la noisette, Andrew se contint, mais il voulut vraiment pousser un cri de joie. Le parfum noisette cacherait le goût de la petite mixture qu'il prévoyait d'ajouter au café. Il avait trouvé ça sur internet, un mélange de verveine (non Vampire Diaries ne déteint pas sur moi), de gingembre et de paprika pouvait annuler les sortilèges de magie noire. Il allait donc tester. Il y a quelques jours, il avait également préparé des cookies avec cette même mixture, et leur avait ensuite lancé un sort de magie pure, comme l'indiquait le livre qu'il avait emprunté à la bibliothèque. Mais d'abord, il prépara le café. « Va pour un café noisette ! » Il s'activa, mais prit soin d'écouter la jeune fille, afin de ne pas éveiller les soupçons. « Non, je vis ici avec ma grande soeur, elle a quelques années de plus que moi. Mes parents eux, sont toujours absents à cause de leur boulot. » Le café prêt, il sortit sa boîte de cookies soigneusement cachée, pour que Juliet ne mange pas tout, et les disposa dans un plat. « Et toi d'ailleurs, tu as de la famille ? »

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Est-ce que ça t'arrive de faire quelque chose sans les prévenir, ou en es-tu incapable ?

Plutôt étrange comme question... On pouvait y sentir de la suspicion, et même de l'agacement. Cela gêna un peu Lucy qui répondit évasivement.

Hm... oui, en général je les préviens, puisque je bosse pour eux... Mais pendant mes congés, je n'ai aucun compte à leur rendre.

Ils ne s'attardèrent pas sur le sujet. Andrew servit donc un café noisette, légèrement amélioré si l'on peur dire. Mais cela, Lucy ne le remarqua pas. Elle souffla sur le liquide et y trempa ses lèvres. Chaud. Elle souffla à nouveau et but une petite gorgée. Tiens, drôle de goût. Elle se permit de faire une réflexion: ce café noisette différait de ceux qu'elle avait l'habitude de boire, et c'était vraiment bon comme ça ! D'ailleurs, Lucy voulut connaître la marque, pour la recommander aux Wainwright, grands amateurs de café !

La jeune fille écouta attentivement les explications du jeune homme. Ce devait être bizarre, pensa-t-elle, de vivre à deux dans cette grande maison, et de ne jamais y croiser ses parents...

Oui, oui, j'ai de la famille mais en France. Mes parents et mon petit frère. Je suis née ici, j'ai grandi là bas, et je suis revenue étudier ici... Et puis j'ai arrêté les cours, et me voilà à Magnolia Cresent ! dit elle avec un sourire. Tu connais tout de la palpitante existence de mademoiselle Roberts !

Andrew ne préféra pas s'attarder sur le sujet Wainwright, du moins pas pour l'instant. Il continuait à penser que Lucy était leur prisonnière, malgré les arguments et explications de la jeune fille. Il réfléchit quelques secondes, cherchant quelles preuves Lucy pourraient avancer pour que Andrew accepte sa version des faits. Pour qu'il croit au fait qu'elle travaillait là bas de son plein gré et qu'elle n'était pas victime d'un sortilège diabolique, que les roux ne buvaient pas son sang chaque nuit en chantant des cantiques satanistes. Il passa quelques instants à sa réflexion, mais la réponse fut claire : rien. Lucy ne pourrait pas le duper. Et bientôt, les Wainwright ne pourraient plus la duper elle.

Effectivement, elle but son café trafiqué sans rechigner. « En France ? Je n'y suis jamais allé ! C'est beau ? Et tu y retournes souvent ? Ça doit être difficile de vivre si loin de sa famille » De façon anodine, Andrew but son café caramel, alimentant la discussion afin de faire disparaître tout soupçon possible. Il hésitait à faire un essai tout de suite, pour voir si la jeune fille était libérée du sortilège. Mais il préférait d'abord lui faire manger un ou deux cookies, par précaution. Ceux-ci n'anéantissaient pas les mêmes types de sort que la mixture du café. Oui, Andrew voulait parer à toutes les éventualités. Il avait bossé son sujet à fond, la vie de Lucy en dépendait après tout. « Tu veux un biscuit ? Je les ai fait hier » Ne voulant faire naître aucun doute chez la jeune fille - après tout un garçon qui cuisine n'est pas des plus communs - il choisit de lui raconter quelques bribes de son histoire. « J'ai passé un an à Londres, en cure de désintoxication. Là bas, ils m'ont appris à remplacer ma ... dépendance, par autre chose. J'ai choisi la cuisine, et ma spécialité ce sont les gâteaux, biscuits et pâtisseries ! » Il sourit, peut-être un peu trop, pour exprimer sa fierté, et sa sincérité.

Spoiler:

Andrew tiqua tout de suite quand Lucy expliqua que les Wainwright remplaçaient peu à peu sa famille. Avouez que c'est louche ! Pour Andrew, ça ne faisait pas de doute : c'était l'un des effets du sortilège. Il ne comprenait pas comment agissait ce sort, mais n'ayant jamais fait de magie noire, ce n'était guère étonnant. Tout ce qu'il en déduisait donc, c'était que cette magie était très très puissante, et il nota dans un coin de sa tête de trouver comment s'en protéger, une fois Lucy hors de danger. Accrocher de l'ail à sa porte d'entrée, boire de la verveine, des trucs comme ça ...

« Étudier ? Je ne savais pas que tu continuais tes études en même temps que tu travaillais chez les Wainwright ! » Son visage trahissait une surprise certaine qu'il ne voulait pas cacher. Curieux, il s'empressa de continuer. « Et tu étudies quoi ? » Il ajouta un petit sourire, témoignant de la simplicité de sa question. Il avait conscience de lui faire vivre un interrogatoire, et ne voulait pas se montrer déplacer. Il culpabilisa cependant beaucoup moins, quand Lucy fit preuve d'une maladresse sans nom.

Andrew avait mis du temps à parler de sa cure sans honte, ni gêne. Bien sûr, sa rechute au bal de promo l'année dernière avait un peu précipité les choses. Bien vite, l'histoire s'était répandue comme une traînée de poudre, et le warrior avait eu peu de choix devant lui : être à l'aise avec son passé, ou tuer tous ceux qui évoqueraient cet épisode. Etant bien moins doué que Dexter pour dissimuler les scènes de crime, il avait rapidement choisi la première solution. Et puis, il était fier, à chaque fois, quand il réussisait à en parler comme de la pluie et du beau temps. C'était passé, fini, terminé. Bien sûr, il regrettait car il avait abîmé sa relation avec son meilleur ami, que désormais il ne pouvait plus toucher ni une goutte d'alcool ni un joint ... Mais d'un autre côté, peut-être serait-il toujours avec Annie à l'époque, et donc ... Bref, il arrêta de faire ces plans sur la comète. Ils ne pourraient changer les faits. « Oui oui » Il rit gentiment, cherchant à la mettre à l'aise. « Ne sois pas gênée, c'est normal. Disons que j'étais un peu ... rebelle avant, un peu trop. Mais c'est réparé maintenant. » Il comprenait parfaitement qu'elle veuille se focaliser sur le lieu de son séjour, plutôt que sur la raison. « J'ai adoré ! Tellement différent de cette banlieue morose. Et comme le quartier et ses principes guindés m'horripilaient à l'époque, je garde de mon séjour là bas un souvenir inoubliable. » Il marqua une petite pause, réfléchissant quelques instants. « D'un autre côté, je n'ai jamais vraiment beaucoup voyagé, pas récemment en tout cas. Donc je ne peux pas comparer Londres à une autre grande ville tu vois. J'ai l'impression que pour toi c'est différent, et que tu es un peu globe-trotter, non ? »

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Lucy comprit qu'elle s'était mal exprimée, et que du coup, Andrew pensait qu'elle poursuivait ses études. Elle lui expliqua que, malheureusement, ce n'était pas le cas.

Avant de vivre chez les Wainwright, j'avais un logement étudiant et j'étudiais les lettres à la fac du coin. Je travaillais déjà chez eux puisque je donnais des cours particulier à Balthazar, le petit dernier. Mais j'ai eu quelques soucis d'argent, alors j'ai arrêté les cours lorsque Madame Wainwright me proposa de bosser à temps plein chez eux...

La déception et la tristesse pouvaient se lire dans sa voix. Lucy adorait la littérature, française comme anglaise d'ailleurs. Et elle s'en voulait parfois d'avoir sacrifié cela, alors qu'elle aurait tout à fait pu repartir en France afin que ses parents subviennent à ces besoins pendant qu'elle étudiait. Mais non, il était nécessaire qu'elle reste près de Magnolia Cresent, ou mieux encore: à Magnolia Cresent ! Elle finit son premier cookie et chassa ces idées de sa tête.

Elle acquiesçait tout en écoutant Andrew lui parler de sa cure. Elle le trouvait très courageux d'aborder ce sujet aussi facilement, et avec autant de sincérité. Cela avait certainement été une période très difficile de sa vie. Elle avait peine à imaginer ce garçon si plein de vie dans un état lamentable... Elle sourit lorsqu'il la qualifia de globe-trotteuse, c'était un peu exagéré. En dehors de la France, et du New Jersey, elle ne connaissait pas grand chose. Londres, un peu, Bruxelles, pas mal, Madrid, un peu aussi... Les capitales européennes proches de Paris, en fait. Elle but une longue gorgée de son café et lui demanda:

Et tu comptes rester à Magnolia Cresent, toi ?

Lucy Roberts a écrit:

Spoiler:

Andrew se concentra pour ne pas recracher son café sur Lucy. Mais à l'intérieur, son cerveau indigné faisait des soubresauts. Elle avait arrêté ses études A CAUSE DES WAINWRIGHT ? Et Lucy osait encore les voir comme de bons samaritains ? De vrais samaritains auraient aidé leur prochain en leur proposant une avance d'argent, que sais-je ! Et elle ne pouvait pas payer ses études alors qu'elle travaillait ? Andrew n'en croyait pas ses oreilles, il était énervé qu'une telle injustice ait pu être commise dans son quartier, sans que personne ne l'empêche. Cette si gentille Mme Wainwright aurait dû aider Lucy à trouver un boulot mieux payé, non mais ! Quel était son avenir, désormais ? Tourneuse de pages pour Balthazar, puis pour ses enfants, puis pour ses petits enfants ? Effectivement, un métier avec énormément de possibilités d'évolution de carrière. « Mais ... Tu vas faire ce boulot chez eux à vie alors ? » Il ne trouva pas d'autre façon d'aborder le sujet, et pourtant il avait fait un effort de recherche, voulant poser la question sur un ton le plus normal possible. Mais le timbre de sa voix trahissait sa surprise, et un brin de colère. Il connaissait peu Lucy, mais qu'importe, Andrew n'aimait pas les injustices. Et surtout, il était aussi condamné à faire un métier qu'il n'avait pas choisi, alors si Lucy pouvait échapper à ce triste avenir, il l'aiderait. A défaut de pouvoir s'aider lui-même.

D'ailleurs, Lucy embraya la conversation, sans le vouloir, sur ce sujet qui fâche. Son avenir, déjà tout tracé au feutre indélébile par M. et Mme Davies. A côté de ça, sa cure de désintoxication était une promenade de santé. Mais aborder le sujet "futur", c'était une mission impossible, un vrai parcours du combattant. Il réfléchit patiemment, comment formuler sa réponse sans trahir son agacement. Il ne voulait pas paraitre désagréable, mais quand on abordait ses parents Andrew était incapable de rester calme. « Je ne pense pas non, j'étudie le commerce en vue de reprendre l'entreprise de mes parents. Et comme je te l'ai dit, ils sont toujours en déplacement je ne sais où dans le monde, donc je ne pense pas rester à Magnolia éternellement. » Il marqua une pause et porta sa tasse à sa bouche, plus pour masquer ses émotions que pour boire une nouvelle gorgée de café. Une fois calmé, du moins un petit peu, il reprit la parole. « Pourquoi ? Toi oui ? »

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Lucy n'aimait pas trop qu'on lui pose douze mille questions au sujet des raisons pour lesquelles elle restait chez les Wainwright. Elle avait besoin de ce job, et son futur lui apparaissait clairement: elle économiserait pendant encore un an, puis reprendrait ses études et un logement sur le campus, travaillant à côté. En attendant elle n'avait pas assez d'argent de côté, même si les Wainwright la payaiten convenablement. Et de toute façon, sa place chez eux lui allait très bien pour le moment. Elle tenta d'expliquer cela à Andrew, mais lui ne semblait n'avoir jamais été à court. Ses parents, bien qu'absents, avaient toujours subvenus à ses besoins. Il ne comprenait tout simplement pas. Lucy ne se plaignait pas de sa situation, elle ne crachait pas sur ses parents et ne cherchait pas à se faire plaindre. Il n'y avait d'ailleurs aucune raison qu'on prenne pitié d'elle. Elle avait choisi de rester ici et de travailler, alors qu'elle aurait pu rentrer faire ses études en France. Bref. C'était son choix et elle l'assumait pleinement.

Ensuite, le sujet se déplaça sur son avenir à lui. Cela ne semblait pas être la partie de la discussion qu'il préfèrait, et Lucy s'en voulut d'avoir posé la quesion. Elle apprit qu'il étudiait le commerce en vue de reprendre l'entreprise familiale. Elle eut la nette impression qu'il ne s'agissait pas d'un choix personnel. Lucy ne savait rien de ses parents, et finit par lui demander si c'était ce que lui voulait. Elle mangea un nouveau cookie pendant qu'il parlait. Ils avaient un arrière goût incongru mais cela ne lui déplut pas, en fait.

Patiemment et poliment, Andrew écoutait les arguments de la jeune fille. Ils étaient recevables, pourtant il ne pouvait pas y croire. Il ne pipait mot, mais son cerveau fonctionnait à 100 à l'heure. Une partie était occupée à glaner les informations fournies par Lucy, en conserver les éléments importants. Et l'autre calculé le temps passé depuis que Lucy avait ingurgité les biscuits et le café. Dix bonnes minutes avaient déjà passé, le livre de sortilèges en réclamait 15 pour que la potion fasse son effet. Andrew était aisément capable de tenir la conversation un peu plus longtemps. « Je suis vraiment désolé, mais je crois que jamais je ne pourrais comprendre. » Il marqua une petite pause, faisant délibérément monter le suspense. Il prit le temps de porter sa tasse de café à sa bouche et d'en boire une gorgée. « Chez eux tu n'as aucune vie privée ! Imagine tu veux ramener un garçon chez toi, en arrivant dans la maison tu fais un détour par le salon et lui présente tes employés ? Moi à sa place, je penserais que tu es dérangé ... » La fin de sa phrase prit un ton bienveillant. Tout en exposant sa théorie, il réalisa que la situation s'était peut-être déjà présentée, et que la jeune fille avait pu souffrir de ce problème.

La jeune fille fit d'ailleurs de même, quand ils évoquèrent son avenir à lui. Sa voix était douce, compatissante, il ne savait dire si elle le faisait exprès ou si c'était son timbre naturel. Après tout, Lucy était aussi comme ça, douce. « J'ai 20 ans, je suis incapable de dire ce que je veux plus tard ... » Faux, mensonge. Une petite lumière rouge se mit à clignoter dans sa tête. Mais il ne regrettait pas d'avoir caché la vérité à la jeune fille. Si sa cure de désintox n'était un secret pour personne, les problèmes familiaux des Davies étaient au contraire secret d'Etat. Et même si Lucy était gentille, Andrew ne pouvait pas faire pleinement confiance à une fille habitant chez des roux. Quoi que ... il jeta un coup d'oeil à la pendule : le temps nécessaire était écoulé. Il devait faire un test. « Rappelle moi, chez ces Wainwright, tu y habites de ton plein gré ? Ils ne t'ont forcé à rien ? Tu n'as aucun trou de mémoire sur ton arrivée chez eux ? Réfléchis bien ... »

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Comme elle s'y attendait, Andrew ne crut pas un mot à ses explications. Tant pis pour lui, c'était pourtant la vérité ! Lucy n'avait jamais rencontré quelqu'un d'aussi obstiné... S'il n'était pas aussi sympathique, cela en deviendrait vraiment agaçant ! Elle le laissa douter de ses dires en silence, occupée à grignoter son cookie. Lorsqu'il aborda le sujet "garçons", elle éclata de rire. Cela lui rappela sa discussion avec Madame Wainwright quelques jours après son emménagement. Toute gênée, elle était venue dans sa chambre lui expliquer son embêtement. Car la règle pour ses filles était strice: pas de garçon admis dans les chambres, sauf que Lucy était une femme adulte, et n'était pas sa fille. Cependant, si elle permettait à Lucy de faire dormir des garçons à la maison, Satine et Ginerva risquaient de ne pas apprécier. Lucy lui dit alors que si un jour le problème se posait, elle parlerait d'abord du garçon en question à la mère de famille. Ce souvenir l'amusa, mais elle le garda pour elle.

Oh tu sais, je ne fréquente pas de garçon depuis mon arrivée ici, alors on n'a pas encore rencontré ce problème !

Elle rit un peu et finit son cookie. Lorsqu'ils parlèrent d'Andrew et de son avenir, Lucy comprit qu'il ne souhaitait pas s'attarder sur le sujet, et laissa tomber. Peut être qu'un jour elle en saurait un peu plus. Tout d'un coup, il se mit à remuer sur sa chaise, et à regarder nerveusement l'horloge. Lucy pensa qu'il voulait qu'elle s'en aille, mais au lieu de ça il se mit à lui poser plusieurs questions à la suite, celles qu'il n'avait pas cessé de lui poser depuis qu'ils s'étaient vus d'ailleurs. Un peu étonnée, elle ne sut pas quoi répondre d'abord, soudain confuse. Et puis elle se mit à balbutier:

Je... Euh... Oui... Non... Ca va... Mais qu'est ce qui te prend ?!

Andrew avait pleinement conscience que, à tout moment, Lucy risquait de s'offusquer de ses questions. Il entrait sans gêne dans sa vie privée sans se soucier des limites à ne pas franchir. Il espérait seulement que Lucy se permette juste de le remettre à sa place, mais ne s'énerve pas. Il n'aimait pas réfléchir trop longuement à ses paroles, se demander à chaque fois s'il pouvait employer tel ou tel mot, prononcer telle ou telle phrase, gâchait toute la spontanéité d'une conversation. Parfois, deux personnes qui dialoguaient pouvaient avoir des accros, cela faisait partie des choses de la vie. Mais la jeune fille répondait à toutes ses questions, sur un ton calme, gardant un visage impassible. Il n'aurait même pas su dire si elle ressentait de l'agacement : elle ne laissait transparaitre aucune émotion. « Aucun ? Zéro ? Sérieusement ? Je croyais que tu étais ici depuis longtemps ! » Il réfléchit, il avait l'impression sincère d'avoir croisé Lucy quelques jours seulement après son retour à Magnolia, soit près ... d'un an et demi ? Il devait faire une erreur de calcul. « Tu es ici depuis combien de temps, en fait ? »

Elle ne pouvait pas être là depuis si longtemps, de toute façon. Quel que soit le plan des Wainwright, ils ne pouvaient pas l'avoir gardée en vie si longtemps. Ah moins qu'ils ne l'utilisent comme espion. Malheureusement, il n'aurait pas les réponses à ses questions aujourd'hui : ses essais de sauvetage de la jeune fille en détresse ne fonctionnaient pas. Lucy avait répondu à ses questions par des mots qui n'étaient pas ceux escomptés. Zut. « Oh je vérifie juste, on ne sait jamais. Maintenant qu'on se connait un peu mieux, peut-être serais-tu décidée à me dire la vérité et à me laisser t'aider, sait-on jamais. »

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Lucy fut quelque peu vexée par la réaction d'Andrew, lorsqu'elle lui dit qu'elle n'avait fréquenté personne depuis son emménagement ici. Elle lui rappela qu'elle s'était installée chez les Wainwright il y a un et demi. S'ensuivit un silence gênant. Elle soupira.

Non, bah non, zéro. Tu sais j'ai beaucoup de travail, je ne rencontre pas énormément de monde à part les amis de Satine et Ginerva. Je ne traîne pas dans les bars, ou aux soirées... Il y a bien eu ce gars, il y a quelques mois... il n'y a rien eu.

Lucy hésita. Elle avait bien envie de se confier un peu plus à Andrew, de lui parler de ce garçon qu'elle avait rencontré à la fac et qui vivait à Magnolia... Elle en pinçait pour lui, sans avoir jamais rien tenté, et aujourd'hui ils ne se voyaient quasiment jamais. Mais elle préféra se taire, ne sachant pas si elle pouvait lui faire confiance. D'autant plus que le garçon en question, il le connaissait surement et ne tarderait pas à deviner de qui il s'agissait.

Ensuite, elle comprit que les questions d'Andrew étaient un test pour savoir si elle était toujours sous l'mprise des roux ou non. Ah, mais quel cruchon ! Pour se moquer de lui, elle décida d'entrer un peu dans son jeu, quitte à le regretter par la suite...

M'aider... murmura-t-elle. C'est plus compliqué que ça Andrew... tu... tu ne te rends pas compte de l'ampleur de... Oh, oublie ce que j'ai dit.

Elle avait employé un ton mystérieux, et gardait les yeux fixés sur le bois de la table. Elle ne pouvait le regarder sans à coup sûr exploser de rire. Voilà qu'elle lui tendait une perche énorme. Elle se dit qu'avec ce genre de bêtises, il allait finir par la séquestrer chez lui.

Andrew éprouvait une peine sincère pour la jeune fille. Ils ne se connaissaient pas encore très bien, leur amitié était encore au stade d'embryon, mais il avait de la sympathie pour elle. Lucy faisait partie des rares filles ici qui n'en faisaient pas des tonnes et était restée simple. Contrairement à la flopée de mannequins et de lycéennes superficielles qui hantaient ces rues. Alors qu'elle ne fréquente aucun garçon était malheureux. Pire, elle ajouta qu'elle ne sortait qu'avec les amis de Satine et Ginerva. N'avait-elle donc pas sa propre bande d'amis à elle ? Obligée de sortir avec des rousses, quelle calamité. Il s'apprêtait à pleurer à chaudes larmes la détresse de son amie, quand celle-ci ajouta une information anodine qui retint pourtant son attention. Il y avait donc un garçon ... qui où quand comment pourquoi quel âge profession des parents ? Toutes ces questions se bousculaient dans la tête du jeune homme. Malgré lui, il se retrouvait charger d'une nouvelle mission : la libérer des roux ne serait pas suffisant, il devait aussi l'aider à trouver le bonheur. Or, celui-ci ne se trouvait pas dans les kinder surprise, aussi bons soient ces chocolats. « C'est qui ce garçon ? » Une nouvelle intrusion dans sa vie privée, mais il n'était plus à une près. « Lucy, tu es sûre que tu ne te cherches pas des excuses là ? Si tu voulais te trouver quelqu'un, avoir d'autres amis, que ceux de Ginny et Satine, tu trouverais le temps ! D'ailleurs, à la prochaine soirée organisée dans le quartier, je te force à venir tu es prévenue ! » Il lui fit un sourire gentil et bienveillant, témoignant de sa sincérité. Pas une seconde il ne se moquait d'elle. Le sujet était bien trop sérieux.

D'ailleurs, Lucy elle même commençait à s'en rendre compte. D'abord sur la défensive, elle baissa ensuite sa garde et prononça quelques mots très étranges, qui réveillèrent l'instinct du jeune homme. Alors avachi, il se redressa, alerte, à l'affut de la moindre révélation. Mais Lucy préféra retourner dans le silence, par peur sans aucun doute. Zut, il était près du but et venait de faire un nouveau pas en arrière, sans retour par la case départ pour toucher 200euros. Le temps de reprendre ses forces, il fit escale dans l'un de ses hôtels (non le monopoly n'a pas affecté mon esprit) et but une nouvelle gorgée de café. Il devait trouver le mot magique pour que la caverne d'ali baba s'ouvre de nouveau, et ne se referme plus aussi brusquement. Aladdin avait peut-être été pris au piège, mais lui ne commettrait pas la même erreur. « Lucy ... tu n'as pas confiance en moi ? Je ne suis pas roux, je ne te veux aucun mal. » Il cherchait comment gagner sa confiance, mais il lui avait quand même déjà confié beaucoup d'évènements de sa vie. Elle devait s'en rendre compte et arrêter de psychoter. Ah moins que le sortilège des Wainwright n'altère aussi sa vue, et lui donne l'apparence d'un roux répugnant ?

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Lucy pouvait lire dans les yeux d'Andrew la pitié qu'il éprouvait pour elle. Quelle horreur ! C'était à la fois gênant et vexant pour la jeune fille. Elle s'était fait des amis à la fac après tout, mais n'avait quasiment pas gardé contact avec eux à partir du moment où elle avait commencé à travailler chez les Wainwright. Cela, elle se garda bien de le lui dire: ça ne tomberait assurément pas dans l'oreille d'un sourd et il l'interprèterait à sa façon, elle en était certaine. Parfois, Lucy regrettait de ne pas avoir d'ami, garçon ou fille, à appeler le soir pour un oui ou pour non, à harceler de textos débiles H24, à voir même pour ne rien faire, et avec qui rire d'un détail... C'est là qu'elle pensa à la petite Ginerva, de deux ans sa cadette, et avec qui elle avait tissé de forts liens depuis son emménagement. On pouvait en quelque sorte dire qu'elle était ici sa seule véritable amie. La réaction qu'eut Andrew suite à sa déclaration la toucha, en quelque sorte. Il semblait véritablement s'en faire pour elle. C'était assez étrange d'ailleurs, il la connaissait à peine. Mais Lucy commençait à cerner qui elle avait en face d'elle, et elle était contente de voir qu'il l'appréciait.

Mais, à la seconde où elle parla de ce garçon, elle sût qu'elle avait fait une erreur stratégique. Non, vraiment, ça, c'était top secret. Elle ne pouvait en parler à personne, pas même à Ginerva ! Elle secoua la tête l'air de dire "motus et bouche cousue". Et lorsqu'il l'accusa de chercher des excuses, elle tenta de se défendre:

Mais non mais... bon, peut être. Je ne suis pas associable ! Je n'ai juste pas eu l'occasion de rencontrer l'homme de ma vie, et puis des amis j'en ai un peu. Roh, souffla-t-elle, soudain agacée, et puis ce ne sont pas tes affaires ! Toi tu as tes amis, ta copine, tout ça, qu'est ce que tu viens t'embêter à m'inventer des problèmes.

Bim. Andrew avait touché un point sensible, en fait. Lucy ne se considérait réellement pas associable. Des amis, elle en avait, et elle pouvait s'en faire. Mais parfois, réaliser que ses seuls amis étaient avant tout ceux des Wainwright la mettait en boule. Elle se concentrait sur son travail, ce qui l'empêchait de se remettre véritablement en question.

Ensuite, elle se mit à regretter sa petite blague: faire croire à Andrew que sa technique d'anti-roux était en train de fonctionner. Quelle idée elle avait eue ! Elle croisa les bras, sérieuse.

La couleur de cheveux n'a rien à voir là dedans, Davies. Tu ne devrais pas te mêler des affaires des Wainwright, Je te trouve un peu fouinard sur les bords, tu n'es pas d'accord ?

Elle espèrait ne pas le vexer avec ses fausses accusations. Elle souhaitait juste détourner un peu le sujet. Elle s'était coincée toute seule: elle ne pouvait ni lui rire au nez parce qu'elle s'était moquée de lui, au risque de le vexer, ni raconter des histoires sur les Wainwright, au risque de lancer une vilaine rumeur dans le quartier. Pfiou, quelle galère !

A force de creuser, Andrew allait forcément tomber sur un os. Ainsi, sans surprise, Lucy se vexa un peu de ses intrusions obsessionnelles dans sa vie privée. Son agacement gêna le jeune homme, conscient qu'il avait dépassé les bordes. Il se gratta la nuque, toc incontrôlable qui le prenait quand il était mal à l'aise. Un sourire crispé s'afficha sur ses lèvres, mais il fit en sorte de se ressaisir, la jeune fille ne devait pas voir qu'il était si touché. Mais ce n'était pas la première fois que sa curiosité lui faisait ainsi défaut. Depuis tout petit, Juliet lui répétait sans cesse que ce mauvais côté de sa personnalité le perdrait. Il en avait une nouvelle preuve aujourd'hui, à ajouter à une liste déjà trop longue. Mais il ne pouvait pas s'excuser simplement auprès de Lucy et passer à autre chose. Déjà, Andrew détestait formuler des regrets, se remettre en question, admettre qu'il avait tort. Et puis, il voulait continuer sur ce sujet, même si l'air agacé qui se lisait sur le visage de sa voisine l'effrayait un peu. Peut-être était-elle une rousse cachée, en fait. Complice des Wainwright, elle s'était déguisée en brune pour s'attirer la sympathie du voisinage, et apporter aux roux de nouvelles victimes. D'instinct, il jeta un oeil discret vers les couteaux de cuisine, au dessus du plan de travail. Ouf, Juliet avait fait la vaisselle, ils étaient tous là. Soulagé, il fut en mesure de se re concentrer sur la conversation. « T'inventer des problèmes ? Lucy, si tout allait bien tu crois que tu réagirais comme ça ? Et ce sont mes affaires depuis que tu es entrée ici et qu'on a commencé à papoter ! Tu en sais trop sur moi, je dois t'aider, sinon je serais dans l'obligation de te faire taire à jamais ! » La carte de l'humour, ça fonctionnait à tous les coups. Elle permettait de détendre l’atmosphère, d'évacuer le stress ... et pourquoi pas de piéger Lucy un peu plus tard.


En effet, ce n'est pas par la magie qu'il aurait la jeune fille à défaut. Ses potions ne furent d'aucune utilité, et elle lui cloua le bec de façon nette. Zut, il avait échoué sur le coup. Il détestait cette sensation, quand il ne sortait pas vainqueur. Un sentiment de honte l'envahit, le goût amer de l'échec se faisait sentir dans sa bouche. Pour l'oublier, il but une gorgée de café. Ce ne serait probablement pas aujourd'hui qu'il coincerait les Wainwright, alors. Mais il devait au moins rattraper le coup avec Lucy, sauver les meubles ... pour une tentative de sauvetage future. « Nous ne parlons pas des affaires des Wainwright, mais des tiennes. Et je ne fouine pas, c'est toi qui en a trop dit ou pas assez ! » Il marqua une pause, pesant calmement chacun de ses mots. « Mais j'ai bien compris que quelque chose n'allait pas, et je n'abandonnerai pas Lucy. » Il se pencha vers elle, et posa sa main sur la sienne. « Tu n'es pas seule Lucy, tu comprends ? » Peut-être déciderait-elle de partir, aussi devait il être prudent pour aujourd'hui, et ne pas gâcher leur amitié naissante. Celle-ci sera forcément utile par la suite.

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Lorsque Lucy commença à s'énerver un peu contre lui, la réaction d'Andrew ne se fit pas attendre. Elle regretta assez vite d'avoir été agressive avec lui. Il semblait mal à l'aise: il se gratta la nuque et afficha un sourire crispé. Après tout, il tentait seulement d'être gentil avec elle... Lucy n'avait juste plus vraiment l'habitude qu'on vienne lui poser trois tonnes de questions sur ses petits soucis. Ses parents étaient de l'autre côté de l'Atlantique et elle n'avait pas d'amis proches qui venaient chercher la petite bête. Elle comprit que maintenant, ce serait Andrew celui qui chercherait la petite bête, celui qui la harcèlerait jusqu'à savoir le pourquoi du comment, celui qu'elle aurait à la fois envie de fusiller sur place et de prendre dans ses bras. Lorsqu'il lui dit ses quatre vérités en face, Lucy se sentit cernée, et s'affala sur la table, les bras en avant, la joue contre le bois, complêtement amorphe. Quel chieur. Quel adorable petit chieur. Elle soupira longuement... jusqu'à ce qu'il parle de la trucider pour en savoir trop sur lui. Là, elle redressa la tête et éclata de rire. Quel idiot ! En tout cas, il avait trouvé comment détendre l'atmosphère. Puis il reprit son petit discours habituel, du style: je suis là pour toi, tu ne seras plus jamais seule, parle moi Lucyyyy ! Elle lui sourit, l'attention était touchante. Il fallait seulement qu'elle se réhabitue à ce genre d'amitié. Oui, il était clair qu'Andrew et elle commençaient à construire ce que l'on appelle une amitié. Il allait juste falloir qu'elle accepte ses coups de folie, et le fait qu'il soit très, mais alors très, tétu ! Elle regarda la main qu'il venait de poser sur la sienne, et lui sourit encore, d'un air reconnaissant. Puis elle se leva, et récupéra sa veste sur le dossier de la chaise.

C'est très gentil Andrew, vraiment.

Elle regarda sa montre.

Il commence à se faire tard, je devrais rentrer. Mais on devrait se revoir bientôt. Que dis tu de venir boire un thé ou un café à la maison dans la semaine ? Je suis seule la journée, lorsque les parents travaillent et les enfants sont en cours.

Lucy faisait un test: elle espérait qu'il dise oui, et qu'il se rende enfin compte que les Wainwright ne sont pas des démons. Mais elle y croyait peu.