Scarlett était rentrée tard d’une soirée avec sa meilleure amie la veille. Elle était un peu plus sortie ces derniers temps, et pour elle qui n’avait pas trop l’habitude avant, elle avait du mal à récupérer. Elle manquait clairement d’heures de sommeil, et ce matin-là, elle n’y échappa pas. Elle avait sombré dans une somnolence prolongée et n’était pas prête d’en sortir. Emmitouflée dans ses couvertures, bien au chaud, Scarlett se glissa un peu plus profondément dans son lit. Les souvenirs floutés de la veille au soir grésillaient dans son esprit tels des images mal enregistrées ; elle avait dû mal à remettre les événements de sa soirée par ordre chronologique. Elle sentit vaguement un petit mal de tête, une migraine sans doute, la saisir. Elle se promit de mettre un peu le holà cette semaine… C’était sans compter sur l’esprit tordu de sa sœur bien-aimée…

Plongée dans son profond sommeil, la jeune Spencer n’entendit pas son aînée approcher. Elle ne la sentit même pas monter sur son lit et commencer à sautiller. Ce n’est que lorsque sa sœur lui adressa la parole, que Scarlett ramena davantage vers elle, les couvertures qui tombaient doucement du lit, avant de répondre machinalement un « T’as vu l’heure ? Laisse-moi dormir ! », accompagné d’un petit râlement boudeur.

Elle se sentit soudain secouée, et manqua de valser hors du lit. Cette fois, ses yeux s’ouvrirent et elle comprit rapidement, que loin d’être un rêve, Elisabeth sautait bien au-dessus d’elle pour la réveiller. La grasse mat’ ne serait donc pas pour aujourd’hui ! Scarlett se retrouva alors brusquement projetée dans un souvenir, lorsque les deux sœurs avaient respectivement six et cinq ans, et qu’Eli s’amusait à taquiner sa sœur ainsi… La jeune femme se rappelait également ce qu’elle infligeait à sa sœur, quand celle-ci venait la réveillait de la sorte. Se retrouvant à nouveau dans la réalité, elle attrapa la jambe d’Elisabeth, pour la faire tomber sur le lit et la glisser jusqu’à sa hauteur. « Tu ne perds rien pour attendre ! » Rigola-t-elle à son tour, en écho à la plaisanterie de sa sœur.

Malgré la fatigue, Scarlett était assez réactive, surtout quand on la réveillait. Elle n’en voulait pas du tout à Eli, rentrant même dans le jeu ; ça faisait bien longtemps que les deux jeunes femmes n’avaient plus fait ça. Elle se pencha donc vers sa soeur et commença à la chatouiller au ventre. Leurs éclats de rire se mêlèrent et la jeune brune se retrouva tantôt bourreau, tantôt victime de son aînée. Elle finit par attraper son oreiller, et par lui assener un petit coup dans le visage, elle se leva de son lit et commença à courir… sentant la bataille d’oreiller venir. Il n'y a pas à dire, elles retombaient vraiment en enfance parfois. Pour leur plus grand bien... ou pas.

Elisabeth s’était laissé surprendre par la réaction assez rapide de sa petite sœur. La jeune Spencer, pourtant encore à moitié endormie, avait su trouver l’énergie suffisante pour renverser la situation. Avoir l’occasion d’ennuyer sa sœur ainée n’était pas donné tous les jours ; puis, c’était elle qui avait commencé en la réveillant. Les éclats de rire des jeunes filles se mêlèrent aux protestations d’Eli.

« Pas du jeu ? Attends, tu viens me réveiller de la pire des façons, tu ne croyais quand même pas que j’allais me laisser faire ! ». Répondit Scarlett en souriant à sa sœur. « Laisse moi dormir et j’arrêterai. ».

Mais Elisabeth était évidemment plus en forme qu’elle. Elle repoussa gentiment sa sœur, reprit le dessus sur elle et la cloua sur son lit. Scarlett se retrouva les deux bras coincés au-dessus de sa tête, écoutant ce qu’Eli disait. Une mine horrible ? Normal, non ! Elle venait de se faire réveiller… Cependant, la jeune femme poursuivit en lui proposant de passer une journée uniquement entre elles deux. Cette perspective n’était pas pour déplaire à Scarlett, mais elle n’aurait pas pu attendre un tout petit peu plus tard… ? Elle poussa un petit soupir de fatigue, avant de sourire à nouveau.

« Bon. Dis comme ça, je ne peux pas vraiment t’en vouloir… D’accord, d’accord. J’ai compris, t’as besoin de ta petite sœur… et moi de sommeil. Alors si je te faisais une petite place et qu’on dormait encore un peu ? » Tenta de suggérer Scarlett comme compromis.

Mais elle savait que c’était peine perdue, sa sœur était déjà bien réveillée et avait sûrement plein d’idées la tête. Puis, Scarlett pourrait toujours dormir plus tard… ou le lendemain. D’ailleurs, Elisabeth lui affirma qu’elle n’avait pas le choix. Un peu joueuse, la jeune brune la regarda alors droit dans les yeux. Pas le choix ? On verrait ça !

« Hmm, je serais bien tentée de te dire oui, mais tu vois, je serais curieuse de savoir ce que tu entends par la manière forte… » Dit-elle en souriant à son tour.

Les deux jeunes sœurs ne comptaient plus les bêtises qu’elles avaient pu faire ensemble depuis qu’elles étaient petites ; autant elles s’amusaient à s’allier et se couvrir pour les pires délires qui soient, soudées comme jamais, autant elles adoraient se retourner parfois l’une contre l’autre pour davantage d’éclats de rires. Scarlett se souvenait parfaitement de la créativité divertissante de sa sœur aînée, lorsqu’elle souhaitait avoir quelque chose. La jeune brune n’était pas toujours aussi imaginative qu’Elizabeth, mais elle n’en était souvent pas moins déterminée. Quand une idée passait par la tête des sœurs Spencer, mieux valait ne pas contrarier leurs projets.

Ensuite, les deux jeunes sœurs avaient grandi et leurs routes avaient pris de nouveaux chemins. Cependant, les journées où régnaient leurs lointains rires enfantins survenaient encore à l’occasion. Ce matin, par exemple, Scarlett se crût plonger dans un retour en enfance fracassant. Sa sœur, à califourchon au-dessus d’elle exigeait une journée entre sœurs. Bien sûr, Scarlett était toujours partante pour passer un moment avec Eli, mais aimant la charrier, elle lui laissa entendre qu’elle préférait rester dans son lit toute la journée. Evidemment, sa sœur aînée ne se contenterait jamais de cette réponse, la jeune Spencer le savait pertinemment bien.

« Bien ! Tu ne me laisse pas le choix ! » Lui lança Eli d’un air de défi.
« Je dirais plutôt, te connaissant, que c’est toi qui ne me le laisses pas ». Répondit sa jeune sœur du tac au tac.

Scarlett sourit. Peu importe ce qu’inventerait sa sœur, elle savait que ce serait bon enfant. Elle était curieuse de voir ce que la jeune femme avait concocté pour la menacer de se lever et de passer la journée avec elle. Quelques minutes passèrent, au cours desquelles Scarlett s’assoupit de nouveau, Elisabeth entra à nouveau de manière fulgurante dans sa chambre et annonça d’une voix quelque peu théâtrale, imitant les présentateurs de pubs à lé télé « Mesdames, mesdemoiselles et messieurs, je vous présente la douche portable. Elle est économique, rapide et efficace. »

La jeune Spencer se redressa de son lit, mi-amusée, mi-interloquée. Les menaces d’Elizabeth ne l’effrayait pas, mais elle décida de lui laisser croire qu’elle entrait dans son jeu ; du moins, pour le moment. « Tu deviens économe maintenant ? ». Elisabeth acquiesça, et poursuivit sa présentation, toujours sur un ton d’humour, mais tout à fait sérieuse dans ses propos. « Et ce n'est que la première étape, je vous laisse imaginer ce que je vous réserve pour le brossage de dents, l'habillage & le petit déjeuné. ». Scarlett ne sourcilla pas, elle savait parfaitement de quoi la jeune femme était capable. La jeune Spencer souleva donc sa couverture, sortit les jambes de son lit et fit mine d’enfiler ses pantoufles. « D’accord, d’accord ! Tu as gagné » Dit-elle d’une petite voix, en se levant enfin. « Je me lève, tu es contente ? J’accepte de passer la journée avec toi. ». Reprit-elle en s’approchant de son aînée. Elisabeth n’eut sans doute pas le temps de voir la flamme malicieuse qui s’alluma dans le regard de sa jeune sœur. Seuls les mots de Scarlett résonnèrent encore dans la chambre. « Mais avant, tu devras d’abord tester cette douche portable toi-même ! ». Enfin assez proche de la jeune femme, la jeune Spencer balança un petit coup de pied dans le sceau qui se déversa sur les habits d’Elisabeth. La journée commençait enfin vraiment pour les deux jeunes sœurs et promettait d’être riche en situations cocasses. La surprise de sa sœur n’eut d’égal que leurs rires entremêlés. D’une certaine façon, Scarlett venait d’accepter cette guéguerre entre elles ; ce que dans le fond, voulait Elisabeth en commençant cette journée. Histoire d’échapper à la « fureur » de son aînée, Scarlett prit alors ses jambes à son cou et courut se réfugier dans la salle de bains. Un peu de répit avant la tempête « Spencer » ? Certainement, mais pas pour longtemps.

HJ: vraiment désolée pour cet énorme retard! (:

Après avoir aspergé sa sœur de la douche portable improvisée, Scarlett était partie se réfugier dans la salle de bains. Mécanisme d’autodéfense futile, car elle savait que sa sœur n’en resterait pas là. La vengeance devait déjà se dessiner dans la tête d’Elisabeth, qui se réjouissait sans doute d’avoir droit à son moment de revanche. Mais les deux sœurs aimaient se donner ces occasions de se « chamailler ». Leurs idées plus farfelues les unes que les autres égayaient leur journée et les propulsaient à nouveau dans leur enfance complice.

A vrai dire, si Scarlett était venue s’enfermer ici, c’était uniquement pour avoir un peu de répit, histoire de vite trouver un plan de secours, lorsque sa sœur débarquerait. Il était clair que les sœurs Spencer se rendaient coup pour coup ce que l’autre lui ferait. Aujourd’hui, Scarlett avait lancé la première les « hostilités », mais il fallait avouer que sa sœur était venue la réveiller contre son gré, et en plus en la menaçant de la mouiller… La jeune brune n’avait pas attendu qu’elle s’exécute et l’avait prise à son propre jeu en se levant tout d’un coup.

Scarlett savait qu’elle avait très peu de temps pour réfléchir. D’ailleurs, elle crût entendre les escaliers craquer légèrement. Elisabeth était sûrement déjà en chemin… La jeune brune regarda parmi les produits qui jonchaient les armoires de la salle de bains ; une petite idée lui traversa alors l’esprit… Mais elle eut à peine le temps d’esquisser un sourire, que dans son dos, la voix malicieuse de son aînée s’éleva. Une voix diaboliquement ravie… Paf ! Scarlett reçut sur elle une étrange substance blanche… de la farine ! Elle eut à peine le temps de s’en rendre compte, qu’Elisabeth se plaqua contre elle avec ses vêtements mouillés pour bien l’imprégner de la poudre blanche, et la faire coller.

La jeune Spencer n’eut pas le temps de se ressaisir, essayant tant bien que mal de repousser sa sœur, malgré leur force plus ou moins égale. Peine perdue, Elisabeth réagit plus vite qu’elle et attrapa une bouteille de shampoing qu’elle déversa sans attendre sur sa cadette. « Alors,on fait moins la maline hein ! » Lui dit-elle d’une voix ravie. Scarlett ne répondit pas de suite, parvenant tant bien que mal à éviter d’en avoir dans les yeux, et par désespoir de cause, elle attrapa le produit déjà débouchonné, qu’elle avait préparé sur la tablette pour se défendre. Se protégeant toujours les yeux à l’aide de son bras, et se redressant tout d’un coup, elle aspergea Elisabeth de la mousse à raser de leur frère… C’eût pour effet de la détacher d’elle un peu.

La jeune Spencer profita de ce laps de temps infime pour se jeter sur le dentifrice et en plaquer sur le corps mouillé de sa sœur. Le mélange improbable qui plaquait aux vêtements des deux jeunes filles offrait un spectacle quelque peu chaotique. Complètement barbouillées à cause leurs jeux enfantins, elles ne semblaient pourtant pas encore prêtes de s’arrêter tout de suite… surtout pas vu comment elles étaient parties… Scarlett appuya un peu plus sur le tube de dentifrice et le vida sur la tête de sa sœur… « Toi qui disais aimer le goût du dentifrice, voici de quoi te satisfaire ». Poussa-t-elle le vice à la taquiner. Leurs cheveux s’entremêlaient même entre elles… Sauraient-elles se décoller ? A voir… Scarlett décida alors d’ouvrir la porte de la douche et d’y entrer, emmenant sa sœur avec elle pour se rincer. Cette fois, aucune des deux n’échapperaient à l’eau… L’eau chaude coula sur les jeunes femmes, les débarbouillant un peu… Soudain, une fois un peu plus ‘propre’, la jeune Spencer se décala légèrement pour éviter les nouvelles trombes d’eau… Le flot qui coula tout d’un coup sur sa sœur était gelé, le bouton du robinet tourné discrètement vers le froid glacial… Scarlett ne put s’empêcher de sourire devant le visage surpris de sa sœur… Mais Eli n’avait certainement pas encore dit son dernier mot dans face aux espiègleries de sa soeur.

Deux vraies gamines… Et pourtant, qu’est-ce qu’elles s’amusaient à mettre tout sens dessus-dessous! Dans la salle de bains régnait la confusion la plus totale. Tous les produits passaient entre les mains des deux jeunes femmes, méconnaissables. Entre des « tu vas me le payer », leurs cris aigus et leurs éclats de rires, les sons ne se distinguaient même plus. S’engouffrant dans la douche, les deux jeunes femmes s’aspergèrent chacune à leur tour, d’eau froide et d’eau chaude. Elisabeth prit le pommeau de douche pour se défendre. Impuissante, la jeune Spencer dût subir les assauts de son aînée. Eli s’amusa même à alterner les températures sur sa sœur, tandis que Scarlett tentait de se défendre en lançant des produits, ou des essuies sur elle. Peine perdue, elle était à sa merci.

Finalement, sa sœur s’arrêta rapidement. Scarlett acquiesça sans riposter pour se venger. Elle adorait les délires avec sa sœur, mais si elles ne se stoppaient pas, au bout d’un moment, ce serait la maison toute entière qui serait en piteux état… La jeune brune sourit lorsqu’elle entendit le jeu de mot involontaire de sa sœur. Se faire passer un savon… après avoir presque détruit la salle de bains. On pouvait le voir de cette façon, en effet. « Heureusement que nos parents ne sont pas là, t’imagines… On se serait sûrement faite bien enguirlandées, ou pire… ». Répondit-elle en souriant, et en imaginant leur tête. Bien sûr, elle plaisantait. La jeune Spencer sortit de la douche et prit la serviette que lui tendit sa sœur pour s’essuyer. Eli regarda autour d’elle, se rendant compte elle aussi de l’ampleur des dégâts. Scarlett devina les paroles de sa sœur au mot près. « Oui, on va devoir récurer tout ça maintenant. Dix minutes d’amusement et de folie, pour dix fois plus de travail. ». Dit-elle, un brin désappointée. Mais Eli avait raison, tout devrait être propre pour le retour des parents.

Prenant son courage à deux mains, Scarlett alla chercher tout le nécessaire pour rendre à la salle de bain un aspect un tant soit peu décent. Deux heures plus tard, après avoir bien rattrapé leur partie de rigolade en rendant la salle de bains comme neuve, la jeune brune poussa un soupir de soulagement, non mécontente d’avoir enfin terminé de tout ranger. « Et maintenant, qu’est ce qui est prévu au programme des sœurs Spencer ? » Demanda-t-elle à Eli qui avait toujours de bonnes idées pour les remettre dans le mouvement. Après tout, elle avait sûrement prévu quelque chose pour l’avoir réveillée de si bon matin.

Les filles se tuèrent à la tâche quelques instants, mais Elisabeth ne tarda pas à trouver une nouvelle idée. Son ventre criait famine et avant toute nouvelle activité, elle souhaitait contenter le petit gourmand. Quoique… après l’effort physique qu’elles venaient de fournir toutes les deux, elles pouvaient bien récupérer un peu d’énergie. Sauf que quand Elisabeth voulait quelque chose, il le lui fallait bien souvent tout de suite… Les deux jeunes femmes descendirent dans la cuisine, lieu sacré chez les Spencer… véritable caverne d’Ali Baba pour alimenter toute la petite famille –et en particulier les trois ogres- ; sauf qu’Eli ne semblait jamais rien trouver à son goût… ou alors il y avait trop de choix.

La jeune femme héla sa sœur, qui se rendit à ses côtés. Mais à vrai dire, pour une fois, Scarlett n’était pas plus inspirée qu’elle. Le frigo avait dû vivre un pillage la veille –peut-être une fête organisée par Carl ?- ; il n’y avait plus grand choix. Sauf peut-être le chocolat pour Eli –il n’en manquait jamais chez les Spencer-… Avec cette friandise-là, c’était sûr qu’elle ne ferait pas la compliquée… Mais ce n’était pas vraiment un repas.

La jeune femme s’impatientait déjà, et Maman Spencer n’était pas là pour cuisiner ses ‘bonnes idées avec pas grand-chose’ aux filles. Scarlett réfléchit, puis se retourna vers Eli, peut-être une idée dans la tête finalement. « Aujourd’hui, deux choix au menu de la carte » Commença-t-elle en souriant. « Soit, je me débrouille pour te préparer quelque chose comme maman le ferait… ». Et avec ce qui reste, c’est pas gagné, pensa-t-elle. Elle laissa sa phrase en suspens. En effet, elle se souvenait de plus d’une fois lors de son adolescence, où lorsqu’elle avait une après-midi de libre après les cours, sa mère lui avait appris à se débrouiller pour se préparer plusieurs petites recettes faciles.

La jeune femme chassa ses souvenirs, pour revenir dans le présent ; une idée plus tordue à la clef. « Soit, on va voir ce qu’il y a dans le frigo des voisins. ». Elle sourit. Elle plaisantait... quoique. (a) Cette proposition aussi lui rappelait des souvenirs, d’enfance cette fois. Combien de fois les deux petites chipies comme Eli et Scarlett ne s’étaient pas introduites chez les voisins, les yeux comme des petites anges, histoire d’avoir leurs bonbons préférés. Sauf que cette fois, certains voisins étaient en vacances en cette période de fêtes…

Scarlett regarda sa sœur d’un sourire qui en disait long. Elle était vraiment incorrigible parfois. Quand elle voulait quelque chose, il valait mieux qu’elle l’ait immédiatement sous peine de voir sa contrariété pointer le bout du nez. La jeune Spencer préférait à tout prix éviter cela, elle connaissait trop bien son aînée. Elle lui proposa alors soit de lui préparer quelque chose, ou d’aller voir chez des voisins/amis. Elisabeth choisit la première option, et sembla heureusement prendre son mal en patience en grignotant des crackers en attendant. « Je peux aller vite, mais tout de suite n’est pas encore dans mes cordes. ». Rétorqua Scarlett en souriant de nouveau. « Mais parce que c’est toi, je vais voir ce que je peux faire. ». Ajouta-t-elle. En vérité, elle détestait se faire à manger pour elle, mais elle adorait s’appliquer pour d’autres personnes.

La jeune femme retourna près du frigo et regarda de nouveau ce qu’il y avait dedans. Carl et ses amis l’avaient vraiment dévalisé comme s’ils avaient vidé un rayon de supermarché. Pendant qu’elle réfléchissait, Elisabeth semblait ne pas vraiment apprécier ce qu’elle mangeait. Elle en proposa à Scarlett qui la regarda avec une petite moue, secouant la tête, l’air de dire ‘j’vais pas me farcir ce que tu sais pas avaler’ (a). De toute façon, Carl passerait sûrement par là pour les finir un jour où l’autre. La jeune femme eut soudain le regard attiré par un plat plus grand que les autres. Elle reconnut tout de suite le contenu et eut une illumination. La mère Spencer avait préparé une pâte à blinis qu’elle avait laissé refroidir au frigo. Scarlett n’aurait plus qu’à les cuire. Arsinoé avait-elle deviné que ses deux filles resteraient à la maison, mourant de faim par la faute de Carl ? Aucune idée, mais l’occasion était trop belle. Elles allaient encore retomber dans leur enfance avec cette recette. Finalement, Elisabeth n’aurait pas à attendre longtemps. Les petites crêpes cuisant petit à petit… « Des blinis sucrés ça te va ? » Demanda-t-elle tout de même à sa sœur. Puis sans lui laisser le temps de répondre, elle sortit la pâte du frigo et de quoi pouvoir la cuire. Ce n’était pas comme si Eli avait le luxe du choix.

Scarlett alluma la plaque, posa une poêle anti adhésive et versa la pâte pour cuire chaque blini. Elle y ajouta un peu de sucre pour donner un peu plus de goût et attendit qu’ils cuisent chacun à leur tour. Elle les retourna de l’autre côté, prépara une assiette et une fois cuits, en déposa plusieurs pour satisfaire l’appétit d’ogre de sa sœur. Tout cela n’avait même pas pris dix minutes. Enfin pour les premiers blinis, elle n’avait pas fini le reste… Elle apporta l’assiette devant Elisabeth. « Et voilà, madame est servie. Bon appétit. ». Dit-elle, en reprenant une expression souvent utilisée. Les autres blinis attendant dans un autre plat d’être consommés. Une bonne odeur régnait maintenant dans la pièce. Scarlett regarda alors dans les armoires de la cuisine et trouva un paquet de vermicelles au chocolat. Elle le déposa sur la table, avec ça, ce serait encore meilleur. Cependant, Elisabeth semblait pensive en regardant sa soeur, mais la jeune femme n’eut pas le temps de s’attarder à son regard. Elle retourna près de la poêle, car maintenant qu’elle avait commencé, elle devrait cuire tout le plat à pâte. Ce qui donnerait l’occasion à sa sœur d’en reprendre si son ventre hurlait toujours de faim.

Dans la cuisine, Scarlett prépara quelques blinis pour sa sœur affamée. Même si la plupart du temps, elle adorait contrarier son aînée, la jeune Spencer aimait bien lui faire plaisir de temps en temps. Parfois, elles pouvaient se chamailler des heures durant pour un rien, mais les deux jeunes femmes restaient malgré tout très soudées. Scarlett était heureuse de cette complicité avec sa sœur et ne la changerait pour rien au monde. Alors qu’elle posa une assiette devant Eli, la jeune brune semblait perdue dans ses pensées. Eli la remercia néanmoins, et engloutit son assiette comme une véritable ogresse. Scarlett sourit en la regardant manger ; elle se souvenait qu’étant petites, Eli et elle aimaient faire des petits jeux en mangeant, comme se lancer de la farine dans la figure ou ce genre de choses. Mais elle fut interrompue dans ses souvenirs, lorsque la voix de sa sœur résonna à nouveau dans la pièce, lui demandant qu’elle était le garçon qu’elle ‘kiffait’. La jeune Spencer fut prise au dépourvu par le côté direct de la question. Depuis quand Eli s’intéressait-elle aux fréquentations de sa cadette ? Depuis toujours sans doute, mais il n’y avait jamais vraiment rien eu à en dire, sauf peut-être depuis quelques temps. Drôle de coïncidence, mais de toute façon, après la soirée de Noël, ce n’était plus un secret pour personne. Elle n’eut cependant pas le temps de répondre, qu’Eli expliqua qu’elle trouvait les fréquentations de Scarlett assez louches, et qu’elle ne savait pas trop qui choisir parmi l’entourage de la jeune brune. La jeune Spencer savait que sa sœur détestait le suspens autant qu’elle adorait le lui faire subir. Elle arqua un sourcil et s’appuya sur le meuble de la cuisine, mimant l’étonnement. « Moi des fréquentations louches ? Je pourrais te dire la même chose, puisque la plupart font également partie de ton entourage. ». Commença-t-elle en souriant. « Et depuis quand la vie amoureuse de ta sœur t’intéresse ? » Poursuivit-elle pour la taquiner encore un peu. Elle finit néanmoins par reprendre son sérieux. « Pour tout te dire… il y a peut-être quelqu’un. Mais je serais curieuse de savoir ce qu’il en est pour toi, d’ailleurs je te retourne la question. N’as-tu pas embrassé un beau jeune homme à Noël ? ». Dit-elle les yeux brillant. Comme si elle n’avait pas vu sa sœur, tiens. Scarlett n’avait pas évoqué de nom, mais toutes les deux savaient très bien de qui elle parlait.

Scarlett aimait bien faire languir un peu Elisabeth. Sa sœur voulait toujours tout savoir, tout de suite, mais la jeune femme n’aimait pas vraiment parler de ce sujet, ou en tout cas y être « forcée ». Même si elle devait reconnaître qu’elle disait généralement tout à son aînée lorsqu’elle le souhaitait. Eli avoua s’intéresser à sa vie sentimentale, Scarlett n’en doutait absolument pas. La curiosité qui brillait dans ses yeux parlait pour elle. « Je n’en doute pas, mais après, tu ne me lâcheras plus avec ça ». Rétorqua la jeune Spencer qui connaissait bien sa sœur. Elle s’amuserait sûrement à la titiller gentiment, hors Scarlett préférait plutôt l’inverse. D’ailleurs, elle inversa la situation et lui parla du baiser qu’il y avait eu entre Josh et elle à la fête de Noël. Eli soupira, elle non plus n’aimait pas aborder ce sujet. Mais Scarlett se posait forcément des questions, puisqu’Eli prétendait toujours ne rien ressentir pour le jeune homme. Ils entretenaient peut-être une amitié un peu à part, très complice. Mais Scarlett se souvenait très bien que c’était sa sœur qui était allé vers lui ce jour-là. Y avait-il anguille sous roche ? Evidemment, Eli nia encore une fois qu’il y avait quelque chose entre eux, avant de vite revenir au sujet de sa cadette. Scarlett leva les yeux au ciel. Elle ne changerait décidément pas, lorsqu’elle avait une idée en tête, elle n’en démordait pas. Eviter le sujet Josh en se penchant sur le cas de sa jeune sœur. « Si ça ne signifierait rien, tu ne chercherais pas à éviter le sujet. D’ailleurs, je suis sûre que tu ne lui en as même pas reparlé. ». Dit-elle. Mais elle n’insista pas pour cette fois. Après tout, Eli faisait ce qu’elle voulait de sa vie amoureuse, et si elle préférait se nier à elle-même qu’elle serait bien mieux avec Josh, libre à elle. Quoiqu’en y réfléchissant bien, les Spencer préférait garder une certaine indépendance et ne devoir rendre de compte à personne. Ils étaient perçus comme une des familles les plus étranges du quartier, atypiques et difficiles à cerner. Cette image pouvait déranger, amuser ou attirer la curiosité, mais la famille s’y était habituée. Eli sortit soudain Scarlett de ses pensées en revenant au sujet qui la préoccupait. La jeune Spencer se servit un verre de jus d’orange et s’assit près de sa sœur, puisque celle-ci était déterminée à savoir, elle n’y échapperait sans doute pas. Si elle partait dans une autre pièce de la maison par exemple, son aînée serait capable de la suivre et ne la lâcherait que lorsqu’elle aurait un nom. Même si Scarlett n’avait eu personne en tête, elle aurait dû y passer. Puis de toute façon, elle pouvait toujours lui dire le premier nom qu’elle citerait et lui faire croire qu’il s’agissait de ça (a). Eli lui dit alors que ses fréquentations étaient louches. La jeune Spencer lui répondit qu’elles avaient pratiquement les mêmes, du coup Eli était la première concernée, mais son aînée parla plus précisément de Julian, l’ami de Scarlett. La jeune femme prit sa défense. Même si elle n’était pas toujours d’accord avec ses actions, et qu’elle avait désapprouvé son attitude à Noël, elle savait qu’il n’était pas comme ça habituellement. Qui n’avait jamais pété un câble au moins une fois ? Elle ne lui cherchait pas des excuses, mais il avait passé une année horrible. « Julian est un peu à part, c’est vrai. Mais il a traversé des événements difficiles. Tu devrais être la première à comprendre ce que ça fait que de se faire regarder étrangement à longueur de journée. Ne sommes-nous pas la famille qui s’occupe des « morts » ? Ce n’est pas suffisamment louche pour toi ? ». Scarlett sourit de nouveau, elle avait employé le surnom que leurs voisins leur donnaient parfois. Cela dit, c’était vrai, puisque les Spencer tenaient la morgue de Magnolia. Elle s’était encore éloignée du sujet principal, mais Eli allait sans doute rapidement le lui rappeler. Elle lui proposa d’ailleurs de lui citer des noms. Décidément, elle prenait vraiment ça à cœur de le savoir. « Si tu veux. ». Répondit Scarlett, qui regarda sa sœur, et laissa planer quelques secondes de silence. De toute façon, Eli saurait tôt ou tard, alors autant lui donner la chance de deviner, elle n’en serait que plus contente après. Soudain, une pensée traversa l’esprit de la jeune Spencer. « Attends, tu crois que c’est Julian ? » Reprit-elle après une pause tout en souriant.

Le sujet Eli et Josh fut rapidement éludé, mais contrairement à sa sœur, Scarlett n’était pas du genre à insister si son aînée ne souhaitait pas en dire plus. En revanche, elle adorait faire marcher la curiosité d’Elisabeth et ne se privait pas d’en profiter. Sa sœur avança le nom de Julian et espéra sincèrement que Scar ne fut pas entichée du jeune homme. La jeune Spencer rentra tout de même dans le jeu, et demanda à son aînée ce que ça ferait si jamais elle aimait effectivement le jeune King. Il avait beau être étrange, elle ne voyait pas le problème. Elle n’ignorait pas cependant qu’Eli n’appréciait pas particulièrement Julian. Sa sœur lui expliqua qu’elle était une fille trop pleine de vie pour être avec quelqu’un comme lui… et qu’aussi étranges étaient perçus les Spencer, Julian l’était davantage et ne faisait pas d’efforts pour s’en cacher. Scarlett ne sut que répondre… Elisabeth n’avait pas tout à fait tort dans ses propos. Le jeune King était un garçon dépressif, impulsif et compliqué à comprendre, et très renfermé sur lui-même. Scarlett ne savait pas toujours comment le cerner, mais il faisait néanmoins partie de ses ‘amis’, rien de plus. La jeune femme ne put pourtant pas s’empêcher de sourire à la remarque suivante d’Elisabeth, sa sœur avait toujours le mot pour rire, même quand elle essayait d’aborder un sujet sérieux. « Donc tu t’inquiètes de la personne que je pourrais rencontrer, juste parce que tu te soucies d’être la tante la plus chanceuse du monde ? » Rétorqua-t-elle du tac au tac d’une voix taquine. Elle sourit à sa sœur et vida un verre de jus d’orange. La conversation en était toujours au même point que quelques minutes plus tôt, et Elisabeth ne lâcherait pas le morceau tant que Scarlett ne lui donnait pas un nom… Mais était-ce un nom qu’elle voulait entendre ? Scarlett disait toujours tout à sa sœur, et si aujourd’hui, elle paraissait réticente, c’était parce qu’elle prenait toujours l’avis d’Eli très à cœur, c’était toujours le plus important. Une nouvelle fois, son aînée brisa le silence en la suppliant presque de lui dire un nom. Scarlett prit une inspiration et opta pour un compromis ; un indice en échange de voir sa sœur se triturer les méninges. Ce serait trop facile sinon. « Voyons, toi qui es si bonne enquêtrice... Mes escapades nocturnes au n°18 ne t’ont-elles jamais mis la puce à l’oreille ? ». Dit-elle simplement. Elle donnait un indice flagrant à sa sœur, jouait encore avec elle, appelait à sa mémoire quant à la personne qui habitait dans cette maison… et ils étaient plusieurs. Scarlett était curieuse : Eli devinerait-elle qui mettait la confusion dans la tête de sa jeune soeur ? Même si la jeune Spencer fuyait souvent sa maison, pour sortir du cocon familial parfois étouffant, elle se servait aussi ce prétexte pour se rendre davantage encore à cet endroit.

Scarlett trouvait qu’Eli prenait cette histoire bien trop à cœur. Elle ne comprenait pas pourquoi sa sœur tenait absolument à lui passer un interrogatoire. Elle savait très bien que peu importe le nom qu’elle dirait, son aînée serait toujours en désaccord avec elle. C’était peut-être la raison pour laquelle elle ne s’était pas encore ouverte à sa sœur à ce sujet. Scarlett éteignit la plaque qu’elle avait fait cuire pour les blinis depuis un moment et se servit une assiette pour manger en face de sa sœur. Elle essaya tant bien que mal de déjouer ses questions, mais Eli ne lâchait jamais l’affaire avant d’obtenir des réponses. Elle avoua à sa jeune sœur qu’elle souhaitait savoir qui serait le père de ses neveux et nièces… Scarlett leva les yeux au ciel, elle était bien loin d’en être là. « Tu n’oserais pas frapper des enfants, encore moins les miens. Et puis qui te dit que j’en aurais ? Ça ne me donne pas franchement envie quand j’entends ça. ». Elle sourit de nouveau et décida de donner tout de même un indice à Eli pour rassasier sa curiosité maladive. Mais donner un indice à sa sœur revenait à ne rien donner du tout ; elle insisterait jusqu’à connaître l’entière vérité sans chercher à deviner par elle-même. Evidemment, Eli s’emporta encore prétendant que tous les hommes dans cette maison étaient des cas désespérés. Une nouvelle fois, la jeune Spencer leva les yeux au ciel. Elle ne pouvait pas parler deux minutes sérieusement à sa sœur, à moins de se faire juger. Bien sûr, elle savait qu’avec Eli, elle devait tout prendre au second degré et pas vraiment à cœur, mais parfois elle aimerait bien qu’elle soit sérieuse deux minutes. A moins qu’elle ne le soit vraiment… Soudain, Scarlett en eut assez qu’on parle de sa propre vie amoureuse, surtout si Eli n’approuvait pas ses choix –et en plus, c’est même pas comme si on choisissait vraiment-. Cependant, elle en avait assez de jouer avec ses pieds, dans le fond, si elle ne lui avait pas donné de nom, ce n’était pas juste pour ennuyer sa sœur, mais parce qu’elle-même était confuse sur ses sentiments et ne savait pas vraiment comment les considérer. Etait-ce de l’amour ou une forte attirance ? Et si elle avouait ses sentiments à voix haute que se passerait-il ? Eli lui rirait sûrement au nez, prétextant qu’il était ridicule pour une Spencer de se laisser aller à ce genre de divagations. Pourtant, Scarlett sentait que cette fois c’était différent. Elle finit par choisir la carte de l’honnêteté, le jeu des énigmes avait assez duré. « T’es vraiment nulle aux devinettes en tout cas. Enfin… Tu sais, je ne sais pas si je suis vraiment amoureuse, mais je crois qu’il y a quelque chose avec Elias, après je me fais sûrement des idées, tu sais comment il est. ». Coureur de jupons, égo surdimensionné, et tout ce qui va avec : tout ce qu’elle s’était juré de ne jamais aimer, et pourtant, sans se l’expliquer, elle s’attachait malgré elle. Finalement, elle ignorait comment Eli lui répondrait, mais elle connaissait déjà ce qu’elle en pensait. T’es bête, lui dirait elle ou pire, complètement cinglée. Et Scarlett le savait aussi, mais elle ne pouvait rien y faire. Elle songea alors à sa sœur qui lui affirmait qu’elle avait de mauvaises fréquentations, mais si elle savait ce que Scarlett pouvait dire d’elle, elle ne lui ferait peut-être plus ce type de remarques. Néanmoins, la jeune Spencer ne s’aventura pas dans une conversation qui s’engagerait dans un conflit ouvert avec son aînée. Elle termina son assiette et se releva pour débarrasser la vaisselle. La curiosité d’Eli étant assouvie, elle s’imaginait être un peu plus tranquille. A moins que sa sœur n’ait d’autres questions à lui poser à ce sujet… De toute façon, sa vie amoureuse était tellement compliquée en ce moment, qu’elle n’avait pas été à l’abri de quelques dérapages isolés, mais ça elle comptait bien le garder pour elle.

Scarlett regarda sa sœur d’un air songeur. Toutes les deux savaient très bien que les sentiments ne se contrôlaient pas, mais la jeune Spencer ne pouvait rien y changer. Cependant, elle n’était pas idiote au point de s’imaginer un couple hypothétiquement idyllique. Sa confusion pour ses sentiments ne portait pas tant sur les doutes qu’elle avait pour eux, mais plutôt parce qu’elle était bien consciente qu’elle ne devrait pas les ressentir pour quelqu’un qui jouait sans doute avec elle. Néanmoins, une petite voix au fond d’elle persistait à lui dire qu’elle ne se trompait peut-être pas sur son compte, et malgré toute sa prudence, Scarlett se raccrochait follement à ce murmure en elle. L’amour était toujours une histoire compliquée, comme un langage impossible à décoder. Personne ne pourra jamais être bilingue avec l’amour… c’était peut-être ce qui en faisait la beauté. Scarlett lut dans les yeux de sa sœur une sorte de réprobation, mais Elisabeth se retint de la traiter de cinglée. La jeune femme connaissait bien l’avis de sa sœur sur la question. Cependant, Eli comprit qu’elle était profondément atteinte. Elle prit une inspiration et demanda une chose à sa sœur : de bien réfléchir avant de se lancer dans une histoire qui pourrait la faire souffrir. Entre d’autres mots, son aînée lui déconseillait fortement de s’engager tête baissée dans ses sentiments. Scarlett savait que sa sœur avait parlé avec le plus de tact possible, elle appréciait la franchise d’Eli qui ne lui cachait pas sa désapprobation dans les moments où il le fallait. Dans ce cas présent, elle lui conseillait plus ou moins de suivre sa raison plutôt que son cœur. Cependant, Eli était-elle vraiment objective dans cette histoire ? Scarlett savait qu’elle avait vécu une drôle de période avec Elias, il ne le lui avait pas caché. Elle avait l’impression qu’il était entrain de changer… Mais comment pouvait-elle tout baser sur une impression ? De toute façon, le mal était déjà fait. Elle s’était plus ou moins ouverte à lui à Noël et n’avait pas eu de réponse, ce qui répondait à sa question. Elle devait probablement avancer… ou pas encore. En fait, elle ne savait plus où elle en était. La jeune femme sentit l’atmosphère devenir sérieuse tout d’un coup, Scarlett n’aimait pas ça. « Merci, mais ne t’en fais pas, je ferais attention. Je sais ce qui pourrait me faire du mal, et je suis plus résistance que tu ne crois. ». Tenta-t-elle de rassurer Eli, lui montrant qu’elle avait bien conscience des dangers de sa folie. Et c’était vrai, ces derniers mois, la jeune Spencer s’était davantage ouverte aux autres et s’était en même temps construite une force de caractère qu’elle ne se soupçonnait pas. Scarlett sourit de nouveau. Elle voulait retrouver la légèreté de l’atmosphère complice qu’elles avaient partagées ce matin. Oublier cette conversation et la reléguer au fond d’elle. Elle ne voulait plus y penser pour le moment.