Les mots parcoururent les pages une à une, s’encrèrent pour former au fur et à mesure les pensées de la jeune femme. Lorsqu’un cœur s’écorche, personne n’entend le son douloureux qui résonne à l’intérieur. Scarlett recommençait à écrire depuis quelques temps s’exprimant de la façon dont elle l’avait toujours fait. Les parois asymétriques de son esprit l'encombraient, la poussaient dans différentes directions, loin des rêves factices et des idées sans fond… et toujours plus près du néant émotionnel qu’elle instaurait en elle pour se protéger. Ne pas s’abandonner… n’était-ce pas la condition qu’elle s’était toujours imposée ? Pourtant, elle n’était que le résultat inopiné de ses propres réflexions, bien plus sensible qu’elle n’y paraissait… et bien trop attachée à ceux qui occupaient ses pensées. Plongée dans ses méditations, la musique dans les oreilles, elle n’entendit pas les multiples coups frappés à sa porte. Ce n’est que lorsqu’elle releva la tête qu’elle aperçut Carl devant l’entrée de sa chambre. Elle ferma son journal qu’elle jeta sur son lit et retira ses oreillettes. Son frère semblait avoir quelque chose d’important à lui dire pour prendre la peine de s’introduire dans la pièce sans attendre sa réponse. Entre ses mains, il tenait le téléphone qu’il lui tendit en lui soufflant un « s’il te plait, rends moi ce service. ». Scarlett acquiesça ; son frère ne lui demandait jamais rien, alors s’il le faisait il devait avoir une bonne raison. Elle prit le combiné et entendit alors la voix de Cameron. Après avoir écouté le problème, elle regretta aussitôt d’avoir accepté. Elle devait l’accompagner ce soir à un gala snob organisé par son université. Si Scarlett n’avait aucun problème pour se glisser dans ce genre de milieu social, éduquée avec soin par sa mère, traîner avec le jeune Cooper avait toujours été une mauvaise idée. Depuis quand Scarlett se devait de l’aider après ce qu’il lui avait fait ? Carl ignorait certes tout de l’histoire, sinon il n’aurait jamais proposé à Cameron de voir sa soeur. La jeune Spencer avait peut-être « pardonné » à Cameron après tout ce temps, mais elle n’était pas prête à retenter l’expérience de se retrouver seule avec lui. Qui sait quel autre coup bas il inventerait ? Mais il était trop tard pour revenir en arrière. Si elle refusait… Carl comprendrait que quelque chose ne tournait pas rond. Après avoir fait promettre au principal intéressé de bien se tenir –elle espérait qu’au moins il avait une parole-, elle accepta de l’accompagner à sa soirée. Elle raccrocha ensuite le téléphone ; Carl lui déposa un baiser sur le front pour la remercier et sortit de sa chambre pour la laisser se préparer. En effet, Scarlett n’avait que quelques heures avant de devoir aller rejoindre Cameron alors si elle voulait être présentable, elle avait intérêt à réfléchir à sa tenue dès maintenant. Il ne fallut pas très longtemps pour qu’elle trouve ce qu’elle cherchait. Elle sortit sa robe emballée et la mit de côté pour le soir. Elle descendit ensuite déjeuner avant de commencer à se préparer. Elle ne devrait pas quitter Magnolia trop tard si elle voulait arriver à l’heure à l’université du jeune homme. La jeune femme sortit de table et remonta dans sa chambre. Elle se fit un sac avec quelques affaires et fila ensuite dans sa douche. Elle préférait commencer à se préparer chez elle… moins de temps elle passerait avec lui, mieux elle se porterait. La fraîcheur de l’eau lui susurra alors une idée démoniaque ; pourquoi ne pas le lâcher au dernier moment qu’elle puisse enfin prendre un bon coup sa revanche ? Non. Elle n’était pas comme lui –elle ne deviendrait pas une de ces attitudes qu’elle n’aimait pas chez lui. Elle aurait tout aussi bien pu se rétracter avant, mais Scarlett ne revenait jamais sur ses engagements. Elle sortit enfin de la douche et s’habilla d’un jean et d’un t-shirt tout simple. Elle s’imaginait déjà la tête qu’il ferait en arrivant et en la voyant dans cette tenue. Elle en jubilait déjà (la vilaine !). Scarlett se maquilla déjà ; elle aurait pu attendre d’être chez Cameron mais elle avait la chance d’avoir une peau qui retenait les couleurs et les tons qu’elle y apposait suffisamment longtemps pour tenir toute la soirée, voire même la nuit. Elle resta très sobre et classique en choisissant un noir de jais qui serait en contraste avec les couleurs claires de sa robe, mais qui s’accorderait aux motifs sombres de celle-ci. Une fois qu’elle eut terminé, la jeune femme regarda sa montre. Il était grand temps qu’elle parte de chez elle si elle voulait arriver avec un peu d’avance pour se préparer. Elle attrapa ses affaires et grimpa dans sa voiture. Au bout de quelques temps, elle arriva enfin chez le jeune homme. Il lui restait un peu moins d’une heure pour se préparer, mais elle serait prête à temps. Scarlett sortit de sa voiture et sonna à la porte de l’appartement de Cameron. C’était la première fois qu’elle venait ici. Mais habituée à fréquenter les milieux universitaires, elle ne serait sûrement pas surprise de se retrouver en milieu étudiant. Le jeune Cooper vint enfin lui ouvrir. Scarlett devait bien admettre qu’il était très élégant dans ce smoking – ça faisait plus homme. Elle eut un petit sourire lorsqu’elle vit le regard dubitatif du jeune homme qui l’observa de haut en bas sans même s’en rendre compte. « Bonsoir ! On devra bientôt te nommer Sexy Cam avec cette allure. » Répondit-elle d’une voix enjouée, satisfaite de son entrée. Le flatter pour mieux l’enrober –même si elle pensait ce qu’elle venait de dire. Dans la housse, sa robe était toujours cachée à l’abri des regards indiscrets. Hors de question qu’il la voit avant qu’elle soit prête. Elle lui rendait déjà service, elle n’avait pas besoin en plus de supporter ses commentaires éventuels avant la soirée. Quoique… Il ne put s’empêcher de lui en faire avant même de l’avoir vu prête. Il lui proposa à boire avant de lui rappeler qu’il lui restait peu de temps. « Ne t’en fais pas, je serais prête à temps. ». Le coupa-t-elle dans son long discours. Elle s’apprêtait à se rendre dans la petite salle de bains, mais Cameron ne lui en laissa pas le temps, reprenant de plus belle et la pressant à nouveau. Scarlett leva les yeux au ciel, c’en était presque désespérant. « Ne t’étrangle pas en veines élucubrations. As-tu oublié de la part de qui je viens ? Douterais-tu de sa parole ? Je doute qu’il apprécierait. ». Elle lui fit un petit sourire condescendant –parce quand elle était avec lui, elle devenait comme lui- ; point faible de Cameron touché. Parler de son frère lui ramènerait peut-être les pieds sur terre. Elle lui rendait uniquement ce service, parce que Carl le lui avait demandé. Cameron trouvait encore le moyen de râler, mais la jeune femme préféra ne pas réagir à ses propos. Pourquoi perdre son temps en paroles alors qu’on pouvait agir de suite ? Il ne lui restait plus beaucoup de temps. Sans poursuivre la conversation, elle laissa le jeune Cooper seul à sa méditation suite à la remarque qu’elle venait de lui faire, et s’engouffra dans la salle de bains. Il ne restait plus à la jeune femme qu’à s’habiller et à se coiffer. Elle commença par démêler sa longue chevelure brune. Elle enfila ensuite sa robe bustier essayant d’éviter de faire des plis dedans et s’attaqua ensuite à nouer ses cheveux élégamment. Une paire de talons noire aux pieds et une pochette noire pour accompagner le tout et la jeune femme fut fin prête. Scarlett sortit enfin de la salle de bains – elle s’était même offert le luxe de garder cinq minutes pour s’enfiler un verre d’eau. Elle ne regarda pas la réaction de Cameron, elle n’avait absolument pas envie de l’entendre dire combien il était déçu ou qu’elle n’était pas assez ci ou ça. Elle avait essayé de faire de son mieux en l’absence de sa sœur pour l’aider à se préparer. Rôdée à ce genre de soirées, ce n’était certainement pas lui qui allait lui apprendre comment s’habiller en pareille occasion. Elle termina son verre d’eau et mit une petite veste noire cintrée à la taille comme touche finale de son ensemble. Scarlett n’avait pas envie de mourir de froid entre le parking et l’université. « Prêt à y aller ? » Demanda-t-elle alors au jeune homme. « Je ne voudrais pas froisser ton smoking en étant obligée de rouler trop vite. ». Elle prit sa pochette noire et sortit de l’appartement. Cameron avait sans doute déjà compris qu’il ferait bien de ne pas la contrarier davantage.

Scarlett ferma les yeux et respira un bon coup en entrant dans l’appartement. Elle ne devrait pas réagir du tout aux piques de Cameron ; il arrivait à la faire sortir de ses gonds beaucoup trop vite. La jeune femme décida alors que le mieux était de tenter d’ignorer qu’elle passerait deux jours avec lui. La dernière expérience où elle s’était retrouvée seule avec lui ne lui avait pas vraiment laissé un bon souvenir. Cette fois, elle avait bien pris soin de ne prendre que le strict minimum avec elle ; pas son journal par exemple. Elle se souvenait encore du sentiment qui l’avait traversée lorsqu’elle avait découvert la trahison du jeune homme. Même si elle lui avait « pardonné » cette incartade, elle n’était pas prête à lui refaire confiance de nouveau. Elle s’engouffrait donc sur le qui-vive à l’intérieur. Un sourire s’esquissa sur son visage lorsqu’elle constata le visage déconfit de Cameron. Chaque petite déception dans son regard était une petite satisfaction pour elle. Il devrait le supporter… Au risque de manquer sa soirée sinon. Il mit en doute sa tenue ; ce que Scarlett dénoua par une pirouette à propos de son frère. Le jeune Cooper douterait-il de la parole de son meilleur ami ? Il en fallait évidemment plus pour mettre Cameron mal à l’aise, mais il comprit néanmoins qu’il n’avait pas à lui mettre la pression. Après ce bref échange distant, la jeune femme se dirigea dans la salle de bains pour se préparer. L’appartement était petit, mais elle n’entendit aucun bruit en dehors. Elle imaginait très bien Cameron en train de se regarder encore dans son miroir. Devait-elle lui dire que son air stressé dénotait un peu avec la fausse aisance qu’il souhaitait dégager ? Certainement pas, il était capable de lui piquer une crise sur place si elle osait prononcer ne fut-ce que ces mots. Scarlett sourit en son for intérieur et termina de se préparer. Elle sortit ensuite de la salle de bains et se dirigea dans la petite cuisine pour se servir un verre d’eau. Elle n’était certes pas chez elle, mais elle n’avait pas envie de lui demander quoique ce soit. Cameron l’interpella d’une voix étonnée et plus joyeuse qu’à l’arrivée de la jeune étudiante. Scarlett se retourna vers lui et vit le grand sourire qui s’étalait sur son visage ; il était agréablement surpris par sa transformation.

« Oui, je me la joue Cendrillon ce soir. ». Rétorqua-t-elle en souriant.

Cette histoire d’une fille en haillons qui se transforme en belle jeune femme à la fin du film, tout le monde le connaissait. Enfin sauf que dans le cas présent, Cameron était loin d’être un « prince charmant » qui accompagnait le personnage féminin dans le dessin animé. Il était… plutôt le contraire. Scarlett prit ensuite sa pochette et demanda à sa façon au jeune homme s’il était fin prêt. Il lui avait mis la pression pour partir ; elle n’avait pas envie de rouler trop vite pour arriver à temps. Le jeune homme éclata de rire en entendant sa réplique ; si bien qu’il finit par s’excuser de l’accueil qu’il lui avait fait. La brunette acquiesça et ouvrit la porte pour sortir de l’appartement. L’obscurité était tombée, le soir était déjà bien avancé. Heureusement, Cameron habitait non loin de l’université. Elle ne devrait pas le supporter dans l’espace confiné de la voiture trop longtemps ; endroit qui lui rappelait des souvenirs sur leurs jeux dangereux. Avant de monter dedans, le jeune homme lui demanda s’il pouvait lui refiler ses clefs avant d’ajouter qu’il était vraiment ravi qu’elle passe la soirée en sa compagnie. Il était vraiment sérieux ? Deux jours… deux longs jours, songea-t-elle. Il pouvait se passer beaucoup de choses dans un laps de temps aussi long.

« Tu sais bien que tout dépend de toi et de ce que tu veux vraiment. Si tu souhaites que ça se passe bien, je ne vois pas pourquoi ce ne serait pas le cas. ». Répondit-elle en prenant les clefs qu’il lui tendait pour les ranger dans sa pochette.

Elle n’avait nullement l’intention de s’embrouiller avec lui à moins qu’il ne lui en donne une raison valable. Elle n’aurait pas accepté de lui rendre service si elle n’avait pas pensé pouvoir se gérer. Cependant, Scarlett n’était jamais à l’abri des sautes d’humeur de Cameron… et des siennes. Soudain, il se rapprocha d’elle et replaça une de ses mèches de cheveux soulevée par le vent frais du soir. Scarlett s’étonna de la douceur de ce geste ; il l’avait accueillie en furie et s’apaisait de minutes en secondes. Qu’est-ce-qui lui prenait encore ? Elle avait l’impression qu’il ne savait plus trop sur quel pied danser avec elle. Réalisant que la jeune femme le regardait avec des yeux d’incompréhension, il se lança dans une longue justification sans queue ni tête. Scarlett ne s’était rien imaginée du tout dans son geste ; elle s’était juste questionnée sur son changement d’attitude par rapport au début de la soirée.

« Cameron, des fois tu parles trop et tu t’enfonces. ». Constata-t-elle gentiment.

Scarlett se détourna de lui et monta dans la voiture. Elle alluma la radio en mode sourdine ; écouter de la musique en silence la détendait quelque peu. Elle sentait le stress commencer à monter en elle. Et si elle n’était pas à la hauteur ? Et si elle commettait un faux-pas ? Elle était habituée à ce genre de soirée, mais la présence de Cameron avait toujours eu le don de la perturber quelque peu. Il ne lui facilitait pas la vie en lui mettant la pression. Cependant, il semblait enfin s’être concentré sur la soirée plutôt que sur la jeune femme. Elle inspira un bon coup et se focalisa sur la route. Le trajet s’effectua rapidement. Scarlett se gara non loin de la salle principale. Elle sortit de la voiture et accompagna Cameron jusqu’à l’entrée. Un photographe attendait chaque couple invité pour les immortaliser dans l’album photo de l’année. La jeune femme sentit son ami de plus en plus tendu à côté d’elle. Réflexe ou non, elle glissa sa main dans la sienne comme pour ne pas le laisser s’immerger seul dans ses doutes.

« Prêt ? » Demanda-t-elle alors qu’ils n’étaient plus qu’à quelques pas. « Tout se passera bien, tu verras. ». Poursuivit-elle d’une voix plus assurée.

Cameron donna son nom inscrit sur la liste des invités. Scarlett et lui furent ensuite photographiés, ayant presque l’air d’un de ces vrais petits couples glamour. Une fois à l’intérieur, la jeune femme desserra son étreinte et se tint à quelques pas en retrait tandis que le jeune homme se familiarisait à l’ambiance de la salle.

Remettre Cameron en place avait parfois du bon. Il ne se sentit pas vexé par la réplique de Scarlett et se tint même tranquille durant tout le trajet jusqu’à l’université. Le silence ne provoquait pas de malaise, il était même plutôt apaisant. Scarlett gara la voiture non loin de l’entrée et se montra présente au bon moment pour calmer son partenaire de soirée. Elle l’encouragea à rentrer et prit sa main pour le laisser moins seul dans sa bulle stressante. Le cœur de la jeune femme commençait lui aussi à battre à tout rompre et elle essaya de se rassurer. Elle ne devait rien laisser paraitre de sa tension, sous peine de le contrarier davantage. Mais il avait plutôt l’air content de l’avoir à ses côtés – son sourire sincère en disait bien plus long que ses mots. Ils entrèrent dans la salle bondée. Une douce musique d’ambiance résonnait en fond en attendant l’arrivée de tous les invités. Des chaises et des tables avaient été installées à la disposition de tous à l’occasion du discours du doyen de l’université qui se tiendrait sous peu. Scarlett se mit un peu en retrait pour laisser le jeune homme s’imprégner à son aise de l’ambiance de la salle, mais il se retourna aussitôt vers elle. Elle rougit légèrement lorsqu’il lui demanda si elle était nerveuse. Mais lorsqu’il commença à débiter qu’elle était son égal, elle éclata d’un petit rire. Cameron et son égo… Deux éternels inséparables. « C’est bon, je crois que tu viens de faire passer la nervosité. ». Dit-elle tout à fait redescendue sur terre. « Je me demande ce que je fais ici, on est trois à cette soirée. Ton ego, toi et moi. ». Elle lui rendit son clin d’œil et regarda un peu autour d’elle. Bien sûr, elle ne connaissait personne à part le jeune Cooper. S’il décidait de la planter là en plein milieu de la cérémonie, elle n’hésiterait pas une seconde à faire pareil en quittant la soirée et en prenant sa voiture. C’était l’avantage d’être la conductrice (a).

Il la tira alors de ses pensées en lui proposant d’aller boire un verre. « Volontiers. ». Dit-elle en apercevant des garçons se balader avec des plateaux remplis de coupes de champagne. Scarlett suivit Cameron plus avant dans la salle et prit la flûte que lui tendit le jeune homme. Il lui porta alors un toast auquel elle répondit tout aussi enthousiaste. « A cette soirée. ». Il était visiblement content qu’elle soit là. Elle n’avait jamais compris comment ils avaient pu redevenir « amis » d’ailleurs, après ce qui s’était passé, mais c’était plus fort qu’eux. Ils adoraient se chercher et se lancer des piques – pour le plus grand malheur d’Annie et de Carl. « Au fait, si tu veux me remercier, tu éviteras de parler de cette soirée à ta sœur. » Lâcha-t-elle soudainement parallèlement à ses pensées. « Elle m’en veut déjà assez de me voir passer autant de temps avec vous. ». Ajouta-t-elle alors en souriant sincèrement. Le vous impliquant bien évidemment Carl et Cameron.

Le jeune homme semblait quelque peu mal à l’aise et tira sur le bas de sa veste de smoking pour parfaire sa tenue. Scarlett s’approcha de lui pour lui remettre quelques cheveux en place, lorsque soudain, elle entendit un gémissement qui n’annonçait rien de bon. Et pour cause ! Quelqu’un venait de renverser sa coupe de champagne sur la veste de smoking du jeune homme. La couleur était foncée mais la catastrophe allait se voir. La jeune femme regarda derrière lui ; sans doute la bousculade avait-elle provoqué l’accident, elle ne vit néanmoins pas le ou la responsable qui s’était probablement enfoui. Elle songea alors l’impensable – est-ce que ça avait été fait dans un but délibéré ? Cameron avait-il des connaissances jalouses à cette soirée ? Elle garda pourtant sa pensée pour elle pour le moment. Elle sentait monter en lui la colère et le calma instantanément. Autant éviter un scandale inutile qui pouvait encore être épargné. Elle l’aida à retirer sa veste, mais la garda avec elle. « Ne t’en fais pas. Vas m’attendre aux toilettes pour hommes avant que quelqu’un ne le remarque et fais-moi confiance d’accord ? ». Sans lui laisser le temps de répondre, elle le planta là et quitta la salle. Scarlett avait l’habitude de ce genre de soirée –elle en avait fait quelques-unes à son université- ; il y avait toujours quelque chose qui n’allait pas et elle avait appris à toujours avoir un coup d’avance et des plans B à gogo. Chose que Cameron ignorait d’elle et qu’il n’aurait certainement pas eu avec les pimbêches qu’il invitait habituellement à ce genre de soirée.

Elle retourna dehors et se rendit à sa voiture. Dans le coffre, un des smokings de son frère. Le jeune Cooper était légèrement plus grand que Carl, mais une chance qu’il prenait toujours ses affaires assez amples. Ça irait sans problème. Elle attrapa la housse contenant la veste de smoking de son frère qui allait très bien s’accorder avec le costume de Cameron – à croire qu’ils avaient été les acheter ensemble ! Elle laissa l’autre veste et rentra ensuite dans la salle par l’arrière –merci les yeux doux aux sorteurs xD-. Elle se rendit discrètement dans les toilettes pour homme sans se faire voir. Elle frappa à la seule porte qu’elle trouva fermée. « Cam ? C’est moi. ». Elle attendit qu’il ouvre avant de lui tendre le trésor avec un sourire, assez fière de sa prévoyance. « Voilà. ». Dit-elle en lui faisant un clin d’oeil. « On se retrouve dans la salle, mais cette fois fais gaffe, il n’y aura pas de troisième chance. ». Elle sortit des toilettes et croisa les regards étonnés de garçons qui rentraient en sens inverse. Elle entendit leurs rires derrière elle –Qu’allait imaginer les gens franchement ? Qu’elle s’était envoyée en l’air ou quoi ?-, mais elle n’y prêta pas attention.

Elle arriva de nouveau dans la salle qui s’était bien remplie depuis quelques minutes. Elle attrapa un verre et alla se mettre debout dans un coin. Le doyen allait justement commencer son discours annonçant l’ouverture officielle de la soirée. Elle se fit alors aborder par un jeune homme – du même âge environ que Cameron. « Que fait une si jolie demoiselle seule dans un coin ? ». Scarlett arqua un sourcil étonné. Ne lui dites pas qu’il y avait de gros lourdeaux à cette soirée censée huppée. C’était une soirée pour les élèves censé être snobs, voire coincés du c** mais les organisateurs s’étaient visiblement trompés sur quelques noms. Quoiqu’il n’avait pas l’air bien méchant. « Je profite de la vue. ». Répondit-elle alors faisant semblant d’être aussi une de ces filles idiotes et faciles à emballer. Elle avait dû faire mouche, le jeune homme la dévora plus du regard –limite pervers-, ce qui la mit légèrement mal à l’aise. « Puis-je… » Commença-t-il alors à répondre. Mais Scarlett n’écouta pas plus longtemps ses blablatages. Le doyen venait d’arriver sur l’estrade et la plupart des invités s’étaient assis autour des tables. « Mesdames, mesdemoiselles, messieurs. Je suis ravi de vous accueillir parmi nous ce soir. Si vous êtes ici, c’est parce que vous avez été choisis. Elite de l’université, … ». La jeune Spencer n’entendit pas la suite.

Se tenant toujours debout au fond, elle sentit une présence contre elle. Elle crût que c’était l’autre pervers qui était venu se placer derrière elle, mais elle poussa un soupir de soulagement lorsqu’elle constata qu’il s’agissait de Cameron. Il était entrain de la sauver là. Mais visiblement l’autre ne comptait pas lâcher l’affaire si facilement. « Tiens, Cooper. Alors on a eu un petit accident ? ». Cette fois, Scarlett n’écouta vraiment plus le discours et se concentra sur le débile à côté d’eux. Non mais comment il savait ça lui ? Et il connaissait Cameron ? Elle comprit tout – c’était lui le jaloux qui avait fait le coup ! C’était bien bas… Elle était tellement abasourdie qu’elle ne put rien dire sur le moment. « Mais qui avons-nous là avec toi ? Beau brin de fille ! ». Poursuivit-il dans la provocation. Il espérait faire sortir Cameron de ses gonds et lui gâcher la soirée ou quoi ?. Il se tut un instant, faisant comme s’il se focalisait enfin sur les mots prononcés par le doyen, mais il lança un nouveau regard à Scarlett ce qui la dérangea vraiment, avant de chuchoter à nouveau. « Je ne t’ai jamais vu à l’université. Tu danserais bien pour faire plus ample connaissance ? » Tendit-il sa main en faisant une sorte de mouvement qui ressemblait à une mini-révérence ridicule pour l’inviter à danser, alors que la musique s’élevait de nouveau juste après que le directeur de la faculté venait d’enjoindre aux invités de se rendre sur la piste pour faire honneur à Harvard en dansant sur une chanson type.

Scarlett n’en pouvait plus – cette fois, elle perdit légèrement son sang-froid et fut cinglante. « Qui je suis ? Sa copine, et non merci pour la danse, j’ai déjà le meilleur cavalier. ». le cassa-t-elle d’un air hautain, alors qu’il se rendait compte qu’elle n’était pas idiote du tout. Elle laissa éclater son rire cristallin. Le crétin comme Cameron furent sans doute surpris de sa réaction pour le moins inattendue. Non mais elle trouvait ça tellement ridicule. Quelques personnes se retournèrent autour d’eux. Inutile de provoquer un esclandre. Elle n’ajouta pas un mot et tourna le dos au malotru et partit avec Cameron – le tenir le plus loin possible de cet énergumène et le calmer était la meilleure chose à faire. Il avait eu assez de mésaventures pour aujourd’hui, mais qu’à cela ne tienne, Scarlett avait déjà une idée pour se venger de l’autre. Elle se dirigea vers la piste qui ressemblait à celle d’un bal et se retourna vers son partenaire de soirée. La jeune femme avait ayant retrouvé son sourire une bonne fois pour toutes. Elle s’approcha à quelques centimètres de lui pour s’accorder sur la mélodie-slow et se synchronisa sur les autres danseurs. « Tu le connais d’où ? » Lui demanda-t-elle à voix basse, alors qu’elle le voyait toujours le front soucieux.

Cameron semblait content que Scarlett l’accompagne, mais elle sentait qu’il était toujours tendu. Il porta un toast à leur soirée que la jeune femme renchérit en lui demandant de ne pas en parler à sa meilleure amie. Elle savait qu’Annie serait furieuse si elle apprenait qu’elle aidait son frère encore une fois. Même si McCormick ne lui en voulait jamais vraiment, Scarlett préférait éviter une prise de tête inutile. Cameron serra les dents à l’évocation de sa sœur. Il lui promit de ne rien en dire, si elle s’abstenait d’en parler pendant la soirée. « Je crois qu’on est d’accord. ». Acquiesça la jeune femme d’un hochement de tête. Elle ne chercha pas à relever les remarques de son cavalier sur son amitié avec Annie. Elle vida une partie de son verre de champagne et laissa ses yeux admirer la salle autour d’elle. Lorsqu’elle reporta son regard sur Cameron, il était en train de vérifier une dernière fois sa tenue. Scarlett s’avança vers lui pour lui replacer une mèche de cheveux lorsqu’elle fut bousculée et du champagne se retrouva sur la veste du jeune homme. Elle tourna la tête pour voir qui était à l’origine de l’accident, alors que Cameron criait sur elle en s’imaginant qu’elle l’avait fait exprès. Scarlett se retourna vers lui, et serrant les dents, elle répondit du tac au tac. Elle n’était pas ici pour se faire engueuler comme une moins que rien. « Est-ce que tu es juste stupide ou tu crois vraiment que j’ai fait ça ? J’ai été bousculée. ». Rétorqua-t-elle en écho à sa question. Elle inspira alors un bon coup – inutile de s’emporter devant tout le monde ou la soirée serait bel et bien gâchée. Une idée insidieuse se glissa dans la tête de la jeune femme. Et si ça avait été fait exprès ? Après tout, personne ne s’était arrêté pour s’excuser. Elle regarda autour d’elle, mais ne vit personne les observer en particulier avec le sourire aux lèvres. Elle temporisa alors les humeurs de jeune Cooper en lui demandant de l’attendre aux toilettes le temps qu’elle revienne.

Scarlett lui apporta quelques minutes plus tard la veste de Carl. Il semblait déjà s’être calmé, mais son regard ne la trompait pas. Il lui en voulait toujours alors qu’elle essayait quand même de se démener pour rattraper une maladresse qui n’était pas de son fait. Elle retourna ensuite dans la salle et se plaça en retrait pendant que les invités se rassemblaient pour écouter le discours du doyen en introduction de la soirée. Scarlett attrapa une nouvelle coupe de champagne en attendant Cameron, mais fut rapidement rejointe par un inconnu un peu trop collant. Il essaya une approche un peu trop évidente, mais la jeune femme n’y répondit pas aussi facilement. Elle espérait que le jeune Cooper ne tarderait plus, elle détestait ce genre de personne relou et collante. Son souhait se réalisa, Cameron arriva près d’elle et lui glissa à l’oreille qu’elle venait de rencontrer la crème des hypocrites. Scarlett sourit à cette remarque ; l’inconnu tenta alors de les déstabiliser en mentionnant le petit accident qui venait d’avoir lieu. Comment pouvait-il savoir ça ? Elle était tellement abasourdie qu’elle laissa Cameron répondre à sa place. Apparemment, il connaissait bien l’importun. C’était tellement évident qu’ils ne s’appréciaient pas, si bien que l’autre tenta une nouvelle approche en se reconcentrant sur elle. Scarlett sentit le jeune Cooper resserrer son étreinte autour d’elle pour bien montrer à l’inconnu qu’il dépassait les limites. N’ayant pas l’air de se décourager pour un sou, il insista pour l’emmener danser. La jeune femme le cassa alors en disant qu’elle était la petite amie de Cameron et que de toute façon il était le meilleur cavalier. L’idée même l’aurait faite mourir de rire en d’autres circonstances, mais elle espérait qu’il la prendrait assez au sérieux pour les laisser tranquille. Le jeune Cooper serait sûrement ravi d’entendre le compliment implicite qu’elle venait de lui faire. La jeune femme s’éloigna de quelques pas et éclata de rire en entrainant son cavalier sur la piste de danse.

« Quelque chose me dit que c’est de sa faute. ». Dit-elle en référence à l’évènement du champagne, tandis qu’ils commençaient à danser. Elle lui demanda alors comment il le connaissait. Cameron lui expliqua qu’ils étaient dans la même promo et qu’il était cinquième seulement dans le groupe de tête. Il essayait de se propulser en avant en jalousant et dénigrant ceux au-dessus de lui, comme Cameron, et en brossant la manche aux professeurs. En somme, il se prenait pour ce qu’il n’était pas et perdait en plus en crédibilité lorsqu’il essayait maladroitement d’arriver à ses fins. « Je comprends mieux pourquoi il a fait ça. ». Rétorqua Scarlett en réponse au jeune homme. Ça ne faisait désormais plus de doutes que c’était lui qui l’avait poussée à présent. Comment était-elle tombée sur lui ? Elle n’y voyait qu’une explication possible. « Je ne sais pas. Il m’a sûrement vu avec toi au début et m’a peut-être trouvé à son goût ou alors c’était pour essayer de m’utiliser pour te rendre jaloux et te provoquer. ». Dit-elle en haussant les épaules. Il s’était sûrement aperçu de l’absence de Cameron et avait profité de ce moment pour venir l’aborder. Mais elle s’en fichait à présent ; elle rendait service à son frère et elle était venue pour « son ami ». Même s’il l’avait limite engueulée, elle avait su garder son calme et rétablir une situation qui aurait pu finir dans de bien moins bonnes circonstances. « De toute façon, il ne te dérangera plus de la soirée. ». Reprit-elle en voyant le Howard en question s’éloigner en serrant les poings. Scarlett avait subtilement glissé deux-trois calmants dans son champagne posé à côté de lui en partant sur la piste de danse avec Cameron. Il ne reviendrait pas de sitôt endormi dans un endroit quelconque. Bon d’accord, ce n’était pas une idée à la Spencer, mais un truc qu’Annie lui avait un jour donné pour se débarrasser des gros relou. Merci McCormick sur ce coup (a).

La danse était un peu ennuyeuse à vrai dire, et Scarlett fut ravie lorsque la mélodie se termina. Cameron baissa alors son regard vers elle et la remercia d’avoir sauvé la situation un peu plus tôt. Il s’excusa même presque de son emportement… Grande première. C’était la deuxième fois qu’il s’excusait auprès d’elle depuis le début de leur amitié. Combien de fois encore devrait-elle fermer les yeux ? En sens inverse, elle savait qu’il aurait été intraitable avec elle si elle l’avait accusé injustement. Mais elle n’était pas lui. « Ce n’est rien. Je comprends que tu sois sur les nerfs, tu veux que tout soit parfait ce soir. » Acquiesça-t-elle simplement. S’il voulait lui être agréable ? Elle apprécierait vraiment qu’il ne s’énerve plus contre elle à l’avenir. Cependant, elle n’en dit mot. Cameron avait retrouvé son sourire et elle ne voulait pas le lui enlever en étant inutilement sur la défensive. Elle exécuta les derniers pas avec lui puis s’éloigna de nouveau un peu. La prochaine mélodie n’allait pas commencer instantanément. Scarlett aperçut alors une file d’invités un peu plus loin. Ceux-ci remplissaient un papier qu’ils plaçaient dans une urne. « Regarde. On dirait que vous allez gagner un prix ce soir. ». Dit-elle songeuse. La jeune femme se dirigea alors vers la file et attrapa un papier sur lequel elle put lire une quinzaine de noms. Apparemment, les gens cochaient la personne qu’ils souhaitaient et plaçaient le vote dans l’urne. Ils allaient sûrement gagner quelque chose. Le nom de Cameron était dans la liste, tout comme celui d’Howard, en somme les noms des élèves prestigieux sélectionnés cette soirée… Scarlett attrapa un stylo qui trainait et cocha un nom, qu’elle ne laissa évidemment pas voir, avant de glisser à son tour le papier dans l’urne. Chaque élève devait se montrer impeccable ce soir pour confirmer son statut exemplaire. La jeune Spencer se tourna de nouveau vers son cavalier. Elle ne savait pas trop comment aller se dérouler la suite de la soirée. Une nouvelle musique s’éleva, plus vive, plus dynamique, invitant les jeunes gens à se joindre sur la piste de nouveau. Au bout d’une minute, Scarlett s’aperçut que les boîtes avaient disparus. Les votes avaient été clôturés et étaient en train d’être comptabilisés. Ils n’étaient pas juste là pour faire bonne figure à la soirée, mais aussi pour en être distingué. Normalement, les résultats des notes scolaires entraient beaucoup en compte, cependant parfois Scarlett avait entendu que des soirées de ce genre étaient organisées pour les départager dans la dernière ligne droite.

La danse s’arrêta et la salle fut plongée dans le noir, illuminant simplement la scène et le doyen qui revenait pour la suite du discours. Il tenait dans main une enveloppe –sûrement les résultats- pour accueillir à ses côtés les noms prestigieux de l’université et les féliciter en personne. Scarlett glissa inconsciemment sa main dans celle de Cameron en signe de soutien, elle espérait qu’il ne serait pas déçu de sa soirée. « … prix de la meilleure contribution… X… » qui le rejoignit sur scène et reçut les félicitations applaudis par l’assemblée. « … prix de l’efficacité scientifique… » ; c’était parfois des récompenses un peu tordues, songeait Scarlett. « prix de… Howard… ». Mais le doyen dut répéter son nom à plusieurs reprises sans succès. La foule murmura, tandis que la jeune Spencer souriait en coin avec Cameron. Howard ne ferait pas son apparition sur scène… Il poursuivit donc et la liste s’achevait de secondes en secondes, alors que Cameron n’avait toujours été cité. Elle le sentait tendu à côté d’elle. « Et enfin, pour prix d’excellence de cette promotion. Je vous demande d’accueillir Cameron Cooper. Félicitations. ». Il fut appelé à ses côtés. Scarlett ressentit au fond d’elle le même soulagement que lui. Ils allaient passer une bonne soirée, et le jeune homme épouserait son égo ce soir-même. N’était-ce pas là la fin d’une histoire des plus heureuses ? Elle lui lança un mot de congratulation avant qu’il ne s’en aille sur scène. Ils se retrouvèrent quelques instants plus tard, une fois tous les discours terminés et la salle rallumée. Une douce musique résonnait en fond, tandis que Scarlett terminait un nouveau verre de champagne en attendant Cameron. « Tu dois être bien content. » Dit-elle en le voyant approcher de nouveau. « On va au moins pouvoir fêter ça ce soir. ». Ajouta-elle en souriant. Il n’y aurait plus de discours, le gros de la soirée/cérémonie était passé – les gens devaient sans doute encore rester un peu pour faire bonne figure, mais étaient désormais libres de partir lorsqu’ils le désireraient.

Scarlett dansait toujours avec Cameron qui lui expliquait que les fourberies d’Howard ne serviraient de toute façon à rien d’autre qu’à s’attirer la désapprobation de ses professeurs. Elle était bien contente de ne pas avoir ce genre de problèmes à sa propre université. Elle avait d’excellents résultats de son côté, mais n’était pas victime de jalousie maladive à ce point. Rutgers était plus tranquille, mais elle y préférait nettement l’ambiance, surtout avec Annie qui était dans la même section qu’elle une année en-dessous. Elle ne comprendrait jamais les gens qui aimaient perdre le temps à essayer de manipuler et de faire du mal aux autres ; ils s’étouffaient leur propre vie sans même sans rendre compte, gaspillant de précieuses minutes qu’ils n’auraient pas voulu consacré à ceux qu’ils jalousaient s’ils avaient su ouvrir les yeux sur ce fait. La jeune femme avait donc fait en sorte qu’Howard ne revienne plus les importuner. De toute façon, le jeune homme aimait bien trop son égo pour voir clairement ce qui se passait autour de lui. Il devint tout de même d’humeur plus agréable, maintenant qu’il avait bien compris qu’elle n’avait pas cherché à saboter sa soirée, même s’il continuait de lui lancer des piques sur une vengeance hypothétique. « Arrête. Tu ne peux pas simplement profiter de la soirée sans t’imaginer toujours des choses ? » Souffla-t-elle du bout des lèvres en levant les yeux au ciel. Bien sûr, elle savait qu’il la taquinait, mais parfois, elle n’avait plus envie de rire lorsque la situation ne s’y prêtait pas. Enfin, elle n’arrivait jamais à garder son sérieux bien longtemps. « Quoique je devrais peut-être me venger de toi. Tu le mériterais des fois. ». Murmura-t-elle en plaisantant et en plongeant son regard malicieux dans le sien.

Scarlett et Cameron terminèrent de danser et remarquèrent alors la petite file qui attendait devant l’urne. Les élèves sélectionnés gagneraient un prix ce soir. Ils glissèrent chacun un vote puis s’éloignèrent en attendant les résultats. D’ailleurs, le doyen ne tarda pas à faire sa réapparition sur la scène de la salle. La pièce s’obscurcit de nouveau pour se focaliser sur lui et il commença à nommer les noms de ceux qui avaient reçu un prix. Cameron fut récompensé de l’excellence et revint vers elle le sourire aux lèvres après avoir prononcé un mini discours de remerciement. Le jeune Cooper était bel et bien content, mais comme à son habitude, sa modestie ne l’étouffa pas. Scarlett n’y prêtait même plus attention à force. Ils passeraient au moins une bonne fin de soirée. Cameron vida un verre de champagne et lui promit d’être de bonne compagnie. Elle n’en doutait pas. Viendrait sûrement le moment des félicitations et des rencontres avec ses professeurs juste après, alors il ne pourrait que sourire le reste de la soirée. Il serait dans son élément, mis sur un piédestal qu’il chérissait plus que lui-même. Il lui confirma donc ce à quoi elle s’attendait déjà – faire le tour de la salle avant de part. « Je te suis. ». Acquiesça-t-elle d’un mouvement de tête. Ils rencontrèrent tout à tour son directeur de promotion, des professeurs à qui il serra la main tandis que Scarlett saluait, souriait et vidait un verre de champagne tous les quelques minutes en attendant que ces doux échanges se terminent. Son visage avait pris quelques couleurs au terme de leurs entretiens. Cameron finit par se tourner vers elle pour lui annoncer que la soirée était désormais officiellement terminée pour lui et demanda à la jeune femme ce qu’elle voulait faire ensuite. Elle était contente pour lui, mais elle avait aussi envie de rentrer. « Si tout est terminé, on peut y aller. ». Répondit-elle simplement. Elle déposa son verre et se dirigea avec lui vers la sortie.

La fraîcheur de la nuit réveilla les sens de Scarlett qui frissonna sous sa petite veste en ressentant le froid soudain après avoir été réchauffée par la chaleur que le champagne procurait. Elle marcha d’un pas un peu plus rapide. Où était garée cette satanée voiture encore ? C’est comme quand elle allait faire les courses au magasin avec son frère ou sa sœur ; ils devaient s’en rappeler pour elle, parce qu’elle ne se souvenait jamais où elle s’était parquée. Alors quelques verres en plus, et Scarlett était encore pire pour retrouver sa voiture. « Tu sais encore où on est garé ? » Demanda-t-elle à Cameron, qu’elle suivit jusqu’au véhicule qu’il avait vite retrouvé. Une fois à l’intérieur de l’habitacle, elle mit le chauffage. Le silence qui régnait la ramena quelques mois en arrière, ce fameux soir où tout avait dérapé avec le jeune homme. La voiture, les bouteilles, la chambre, puis le journal… Ironiquement, elle trouvait la situation assez similaire ce soir, mais cette fois, elle avait bien pris soin de n’emmener que le strict minimum et de laisser ses livres à Magnolia. Elle hésita un instant à reprendre le volant, mais elle était juste un peu pompette rien de bien grave par rapport à la dernière fois. Elle se sentait en état de conduire. « Alors, tu as eu les options que tu voulais ? » Lui demanda-t-elle. Même si elle avait été à côté de lui tout au long de ses discussions, elle avait fini par décrocher le fil à un moment ne connaissant pas toujours les personnes ou les cours mentionnés. Le trajet s’acheva rapidement. Scarlett se gara devant l’appartement de Cameron et sortit de la voiture. Elle prit un petit sac, histoire d’y ranger ses affaires, et entra derrière le jeune homme. Le quartier était bien plus calme la nuit tombée, ce devait être un coin agréable pour être tranquille. « Magnolia ne doit pas te manquer tant que ça. ». Remarqua-t-elle alors en se remémorant qu’il s’était senti comme un poisson dans l’eau toute la soirée. Harvard était devenu son nouveau chez lui, du moins son terrain de jeu favori.

La soirée s’était parfaitement déroulée. Une fois les récompenses remises et les politesses d’usage formulées, Cameron et Scarlett décidèrent de prendre congé et de rentrer chez le jeune homme. A la sortie de la salle, la jeune femme lui demanda où était garée la voiture. Distraite au possible, elle avait une fâcheuse tendance à oublier l’emplacement de son véhicule lorsqu’elle partait faire des courses ou qu’elle sortait avec des amis. Cameron sortit d’un coup du silence dans lequel il s’était plongé et attrapa la main de Scarlett en riant pour la conduire à bon port auprès de sa voiture. Pour une fois qu’il servait à quelque chose, songea-t-elle en son for intérieur en remerciant son sens de l’orientation inné. Cameron avait surtout un égo surdimensionné qu’elle avait appris à lui faire contenir en sa présence, mais elle le sentait rattraper cette insupportable attitude depuis le succès de cette soirée. Elle comprenait son sentiment de joie, qui ne l’aurait pas été à sa place après avoir vu toutes ses espérances réalisées ? Mais elle détestait quand il affichait son sentiment de fierté comme si tout lui était dû, et elle avait une petite idée pour le remettre à sa place et le faire redescendre sur terre. C’était sans doute ce qui rendait leur lien si explosif – Cameron n’arrivait pas à manipuler à sa guise la jeune Spencer qui s’amusait toujours à trouver quelque chose pour lui rabattre sa fierté étouffante. Le moment serait d’ailleurs bientôt venu…

Ils s’installèrent dans  la voiture et Scarlett lui demanda s’il avait obtenu les options qu’il voulait, connaissant déjà la réponse au fond d’elle au vu de ce sourire béat qu’il arborait depuis leur sortie. Il avait parlé aux personnes qu’il devait pour faire ce qu’il voudrait l’année suivante avant de lui affirmer que soit elle lui portait chance, soit il était le meilleur ; il n’arrivait pas à se décider entre les deux choix, bien que Scarlett devina qu’il préfèrerait se lancer des fleurs. La jeune femme ne répondit pas et se contenta d’esquisser un sourire discret. Le silence n’était pas gênant entre eux. Une fois devant l’appartement étudiant de Cameron, Scarlett lui fit remarquer que Magnolia ne devait pas tant lui manquer puisqu’il vivait dans un coin bien plus tranquille, loin de toutes ces histoires de Dirty Secret. Ils s’introduisirent à l’intérieur du logement tandis que le jeune Cooper lui répondait qu’il s’était toujours senti à sa place à Harvard, même si certaines personnes lui manquaient quand même un peu. Ah bon ? Cameron avait de la place dans son cœur pour d’autres que pour Carl ou lui-même ? Première nouvelle ! Il se dirigea ensuite dans la cuisine avant de poursuivre en s’exclamant qu’il devenait sentimental. Pour sûr !

Le jeune homme sortit alors une bouteille de champagne du frigo et avoua qu’il avait prévu de fêter cette victoire tout seul, mais que finalement il souhaitait la partager avec elle. « Bien sûr, autant finir la soirée en beauté. » Acquiesça-t-elle, ne s’imaginant pas du tout Cameron célébrer ses victoires tout seul, lui qui aimait tant se vanter. Il posa alors la veste de Carl sur la chaise avant de reprendre la parole. Il la remercia une nouvelle fois d’être venue au dernier moment ; celle qu’il avait choisie ne valait pas mieux qu’un pois chiche à la place du cerveau qui ne lui aurait servi que de bel ornement. Il admit être un horrible personnage, mais il n’avait pas l’intention de changer son comportement. Scarlett n’était pas outre-mesure choquée par ses propos, elle avait l’habitude avec Cameron. Á la différence qu’elle n’était pas un si stupide qu’un pois chiche, contrairement à ses rencontres habituelles, et qu’il allait rapidement s’en rendre compte. « Oh ce n’est rien ! Je ne pouvais pas refuser alors que Carl m’a bien fait comprendre qu’il me le revaudrait. » Dit-elle en souriant. Elle plaisantait bien sûr, son frère n’avait rien dû exiger d’elle pour qu’elle accepte à la dernière minute.

Scarlett attendit qu’il ouvre la bouteille de champagne et qu’il verse le liquide pétillant dans deux flûtes pour trinquer. « A ta victoire… et à la mienne. » Souffla-t-elle devant son regard soudain interrogateur. En effet, il n’était pas le seul à avoir gagné quelque chose. « Disons que j’ai aussi entretenu quelques conversations intéressantes avec les bonnes personnes et que j’ai eu certaines propositions à la clef, alors oui, je suis d’accord pour fêter nos victoires. » Reprit-elle la parole en appuyant sur les mots qu’il fallait. « Il faut croire que je ne suis pas qu’un bel ornement. » Ajouta-t-elle devant l’étonnement évident de son ami. BIM. La bombe avait été lâchée. Cameron allait sans doute redescendre de son piédestal et vouloir chercher à comprendre comment elle avait réussi, elle, inconnue à Harvard, à discuter avec des professeurs ou d’éminents responsables de l’université, pendant qu’il se pavanait devant eux. Il voudrait sûrement aussi connaître la nature des propositions qu’elle avait réussi à obtenir. Et oui, pauvre Cameron ! Tout n’avait pas tourné autour de lui ce soir. Contrairement aux pois chiches habituels qu’il utilisait pour sortir, Scarlett n’était pas et ne serait jamais qu’une belle plante qu’il suffisait de promener pour s’afficher en soirée. C’était au tour de la jeune femme d’esquisser un sourire qui en disait long.