You just call out my name,
And you know wherever I am
I'll come running to see you again.

Lucy avait eu une panne de réveil, ce matin là, et avait été en retard dans toutes ses tâches à accomplir. Elle qui était déjà de nature désorganisée, était encore plus débordée que d'habitude. Elle avait du courir partout: à la fac, à la banque, au pressing... Cela faisait à peine un mois qu'elle avait emménagé chez les Wainwright, et il lui restait encore plein de détails à régler. A la fin de la journée, après la répétition de piano de Satine, et le cours d'Anglais de Balthazar, elle put souffler. Enfin, c'est ce qu'elle crut... jusqu'à ce qu'elle jette un oeil à l'horloge du salon. 17h42 ! Elle devait retrouver Benjamin dans moins d'une demie heure ! Elle courut à la salle de bain, prit une douche en moins de deux, changea de vêtements, emporta manteau et sac et courut à sa voiture. Les deux amis habitaient dans la même rue, mais ne faisaient pas de covoiturage cette fois ci, parce que Benjamin avait quelque chose de prévu ensuite. Elle démarra et roula - un peu trop vite - jusqu'au lieu du rendez vous. Elle regarda sa montre avant de sortir de la voiture. Elle avait moins de dix minutes de retard... Il ne lui en voudrait pas, si ? Elle lança un regard circulaire à la recherche du blondinet et le vit devant le Gordon Coffee. Oh, il l'avait attendue avant d'entrer ! Elle se dépêcha de traverser la rue pour le rejoindre. Ils se saluèrent, et Benjamin enchaîna avec une petite moquerie, à propos de son habituel retard. Argh, il commençait à bien la connaître ! Elle fit une mine contrite, et s'apprêtait à s'expliquer, mais il lui assura qu'il ne lui en voulait pas. Ouf ! Ils entrèrent dans le café et s'installèrent. Lucy poussa un soupir de soulagement en posant son derrière sur la chaise molletonée. Elle pouvait enfin souffler, quel bonheur !

Alors comment tu vas ? lui demanda-t-il.
Ex-té-nu-ée ! lui répondit elle avec un sourire. Et toi alors ? Quoi de neuf ?

Elle se redressa et posa ses deux coudes sur la table, portant toute son attention sur son ami, qui venait d'appeler la serveuse. Elle l'avait connu le jour de son emménagement, un mardi matin. C'était à vrai dire la première personne en dehors des Wainwright qu'elle avait rencontrée à son arrivée à Magnolia Cresent. Il l'avait aidée à déménager ses affaires, et depuis ils ne s'étaient pas lâchés. Il était l'une des rares personnes ici que Lucy considérait comme son ami.

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Benjamin lui raconta qu'il avait du faire le ménage de son appart pour la simple et bonne raison qu'il avait perdu un pari. Ah ça, c'était bien une coloc' entre mecs ! Elle rit un peu à ce récit, et pensa à cette pauvre Shelby. Il évoqua ensuite l'emménagement de Lucy à Magnolia Cresent, pour lequel il l'avait aidée en portant ses cartons à l'intérieur. Elle sourit à ce souvenir. C'était la première fois qu'elle l'avait vu, et elle l'avait de suite apprécié, pour sa gentillesse et sa spontanéité. Mais Lucy n'était pas aussi enjouée que d'habitude, et cela ne passa pas inaperçu auprès de Benjamin qui lui demanda:

Mais dit moi, t'as vraiment pas l'air d'être en forme. Un souci ?

Elle resta muette deux minutes, ne sachant que répondre. Des soucis, elle en avait, mais fallait il vraiment en parler ? Et puis, Benjamin demandait certainement cela par politesse, et pas pour qu'elle déballe tout ce qu'elle avait sur le coeur. Non, Lucy n'avait pas envie de gâcher le moment qu'ils passaient ensemble et préférait se taire. Elle attendit que la serveuse leur apporta leur boisson - un café pour lui, un thé pour elle - avant de formuler une réponse.

Non, ça va, ne t'en fais pas.

Elle tenta un petit sourire pour le rassurer. Mais aujourd'hui, Lucy était une piètre menteuse. Et même si ses lèvres assuraient que tout allait bien, ses yeux criaient le contraire. C'était la fatigue, ça ne pouvait être que ça, accumulée au stress du à son emménagement récent. Elle n'avait pas eu une minute pour souffler en un mois, et cela commençait à se faire ressentir. Benjamin ne la lâchait pas des yeux, ce qui eu pour cause de la rendre encore plus mal à l'aise. Elle se sentait mal, et les larmes lui montaient aux yeux. Pour cacher son trouble, elle se réfugia dans sa tasse de thé... et se brûla la langue.

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Benjamin fit une remarque sur son incapacité à mentir convenablement, ce qui lui arracha un sourire. Il fallait admettre que Lucy avait déjà été meilleure que cela, mais son état général ne lui permettait pas de faire de grands efforts. Benjamin, alors, insista pour découvrir ce qui tracassait la jeune fille. Erreur fatale. Elle sentit deux grosses larmes rouler sur ses joues et renifla. Elle les essuya vivement, et cacha son visage dans ses mains, pour ne pas qu'il la voit. Lucy détestait craquer. Ou alors, si elle le faisait, il fallait que ce soit à l'insu de tous. Sous la douche, par exemple, ou sous sa couette... Mais pas au milieu d'un café bondé, et pas en face d'un ami. Elle souffla un coup et redressa la tête.

Je suis désolée... En ce moment c'est, fiou...

Elle secoua la tête et se frotta les yeux. Heureusement, elle avait sauté la case maquillage ce jour là.

Je n'ai pas envie de t'embêter avec mes histoires... Je suis crevée, et y a plein de trucs qui s'accumulent...

Elle vit bien qu'il n'allait pas se contenter de ça, et qu'il était prêt à l'écouter. Cela faisait longtemps que Lucy n'avait pas eu quelqu'un à qui se confier, sur lequel se reposer. Peut être que Benjamin était la bonne personne ? Peut être que ça lui ferait du bien ? Elle décida de laisser un peu de côté son orgueil et de s'ouvrir à lui, chose qu'elle ne faisait pas à la légère.

J'ai du mal à me faire à ce déménagement... Je suis dégoutée d'avoir arrêté la fac... Et je suis en froid avec mes parents depuis trois mois...

C'étaient les trois raisons principales de son malaise. Elle n'en dormait plus la nuit, et s'en rendait malade. A vrai dire, il s'agissait surtout de la dispute avec ses parents qui la rendaient mal. Elle était en plein questionnement, elle doutait de ses choix... Bref, c'était la panique totale.

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Et voilà, elle avait fini lâcher le morceau. Elle lui avait expliqué dans les grandes lignes les soucis qu'elle avait. Après tout, elle lui devait bien ça, elle ne pouvait pas ruiner leur sortie en pleurant comme une madeleine sans même lui expliquer la raison. Benjamin était un garçon vraiment gentil, en tout cas avec Lucy, et elle ne doutait pas qu'il saurait l'écouter et la réconforter. C'est pourquoi lorsqu'il posa la main sur son épaule, cela ne l'étonna pas. Elle apprécia le geste et lui sourit. Elle n'avait plus envie de pleurer désormais, ce n'était qu'un petit moment de faiblesse passager. Et puis, peut être qu'en parler l'avait soulagée ? Elle prit sa tasse de thé et en but une longue gorgée.

Pourquoi tu es en froid avec tes parents ? lui demanda le jeune homme.

Ah, lui, il ne tournait pas autour du pot ! Lucy ne savait pas s'il s'agissait de maladresse ou juste de curiosité. Mais maintenant qu'elle avait commencé à parler, il allait falloir qu'elle continue et lui explique un petit peu mieux. Elle soupira doucement et s'humecta les lèvres.

Ben... quand j'étais en cours tout allait bien, même si j'étais loin. Mais quand ils ont appris que je commençais à sécher les cours, ne pas aller aux partiels etc, on s'est disputé assez violemment et ils m'ont coupé les vivres. Résultat deux mois plus tard j'étais à la rue. Et là, soit je rentrais en France, soit je me débrouillais pour rester dans le New Jersey.

Elle fit une pause, cherchant comment poursuivre sans trop s'emmêler.

Et alors, j'ai expliqué à Madame Wainwright mes soucis, je donnais déjà des cours à son fils à ce moment là. Et elle m'a proposé de venir habiter chez eux et travailler pour eux le temps d'avoir de l'argent, de rétablir les choses avec mes parents, et de pouvoir reprendre mes études.

Elle souffla, assez satisfaite de son petit résumé. Mettre des mots sur ce qui l'obsédait depuis deux bons mois déjà avait un effet cathartique: cela lui permettait d'évacuer un peu. Après ces réflexions, elle se rendit compte qu'elle ne faisait que parler d'elle, et cela la gêna un peu. Finalement, elle savait peu de choses de Benjamin. Enfin, peu de choses profondes. Peut être qu'avec ces quelques révélations, leur amitié prendrait un nouveau tournant.

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