Le petit souci de Lucy - sa grosse quinte de toux, en fait - ainsi que la tentative de Ginny de mettre de la musique furent rapidement oubliés au profit d'un étrange spectacle. En effet, la célèbre et sinistre mélodie du film Requiem for a dream retentit dans la salle de réception, faisait sursauter Lucy et taire tous les convives. Par dessus, la voix mal assurée d'un enfant se fit entendre. Les propos étaient sans aucun doute ceux de Dirty Secret. Qui pouvait bien s'amuser à cela ?! Tout le monde regardait ses voisins ainsi que les autres tables, à la recherche du coupable. Selon ses dires, des assassins étaient présents. Lucy pensa à Madame King et à son fils, assis à sa gauche, auquel elle jeta un rapide coup d'oeil, pour s'assurer que tout allait bien. Lorsque la voix se tut, Lucy poussa un soupir de soulagement. L'ambiance s'était considérablement refroidie au 23 de Magnolia Street.

Elle choisit de ne pas y penser et de faire comme ses voisins de table: se concentrer sur les plats traditionnels qui trônaient au centre de la table. Il était temps, elle commençait à mourir de faim ! Elle se servit en purée de pommes de terre et rutabagas, en haricots verts ainsi qu'en dinde fourrée aux marrons. Des noix de pécan garnissaient le plat. Tant mieux, elle en raffolait. Elle prit la saucière et en versa allègrement sur le contenu de son assiette. Elle regarda autour d'elle et se dit qu'au temps des premiers Thanksgiving, ce devait être le moment où tout le monde se tenait les mains et incantait une action de grâce, en reconnaissance au Seigneur. Mais ce n'était pas à l'ordre du jour: les gens avec qui elle partageait ce repas prenaient certainement plus de plaisir à pécher qu'à remercier le Créateur.

Bon appétit ! lança-t-elle, une fourchette remplie de nourriture à l'apparence succulente dans la main.

Elle espérait que le reste de la soirée allait se passer dans encombre: Dirty Secret s'était déjà suffisamment faite entendre pour ce soir. Cependant, elle n'arrivait pas à se sortir les paroles de l'enfant de la tête. 6 menteurs, 2 fous, 4 témoins, 3 meurtriers 1 complice et 7 cachottiers... Rien de très rassurant. Mais encore fallait il que ces affirmations soient fondées ! Décidément, Magnolia Cresent n'était pas un lien très tranquille, et elle n'était pas la seule à cacher quelque chose...

L’incident d’Andrew était désormais passé, Lucy s’était en plus remise de ses émotions, et les plats continuaient de tourner au sein de la table. L’ambiance redevenait détendue, même si les convives avaient usé de toutes les banalités à dire. Certes les bouches étaient aussi occupées à déguster les mets, mais le silence qui s’était imposé ne semblait pas trop naturel. Puis Ginerva proposa de mettre un peu de musique. Elle avait d’ailleurs sorti son téléphone portable à la recherche de quelque chose de bien. Lou n’était pas certaine que ça soit une bonne idée, surtout que les autres tables n’avaient peut-être pas du tout envie d’avoir un fond musical. Elle reconnaissait bien la famille Wrainwright. Immédiatement, Andrew embraya et lui proposa de chanter, là, elle reconnaissait bien son copain avec ses idées peu réfléchies. La jeune femme ne dit rien, trop occupée à déguster les derniers petits fours qui lui restaient. Alors qu’elle commençait à se servir la dinde, une musique bizarre se fit entendre et chacun cessa de faire ses petites affaires pour lancer à ses voisins des regards interrogateurs. La voix d’un petit garçon prononça des paroles étranges et Lou eut envie d’éclater de rire. C’était fichtrement pathétique comme truc. Elle jeta un coup d’œil derrière elle et vit Holden Turner courir. Il essayait sans doute de trouver la cause de cette mauvaise blague. Peut-être que Dirty Secret était derrière tout ça, mais Lou n’en avait rien à faire. Sauf quand elle se rappela les paroles prononcées ; meurtrier avait-elle dit. Elle lança un bref regard à Julian, qui semblait aussi dans la lune que d’habitude. Il ne devait pas avoir pris ses paroles au sérieux, du moins elle l’espérait. Esperenza essaya de détendre l’atmosphère, prétextant que c’était sans doute une blague. De même Andrew préféra prendre le sujet à la légère, laissant néanmoins une question en suspend. Personne ne lui répondit, les invités préféraient se dire bon appétit et attaquer la dinde sans mettre le sujet sur le tapis.

« En tout cas je ne suis pas déçue, les Turner ont mis la barre très haut. » la jeune étudiante venait tout juste de terminer son assiette. Elle avait trop mangé, surtout parce qu’elle s’était gavée de petits fours avant d’attaquer le plat principal… et il restait encore le dessert. Sur le coup elle pensa à sa jupe, serrée, qui n’allait sûrement pas tenir le choc une fois le repas terminé. Toutefois ce n’est pas cela qui allait l’arrêter ; Lou était gourmande et avait hâte de découvrir le dessert. « Vous pensez qu’on aura le droit à un dessert traditionnel aussi ? » et voilà, leur discussion était de nouveau partie sur la nourriture, sujet banal. En tout cas ils étaient loin du message qui avait été diffusé et c’était une bonne chose, parce qu’en y réfléchissant un peu plus Lou trouvait maintenant que c’était un peu flippant.

Lorsque le repas commença à être servi aux tables, la rouquine sortit son téléphone pour mettre une petite musique d'ambiance. Habitude de Wainwright: on ne mangeait jamais sans musique. Alors que Ginerva venait de trouver une mélodie parfaite, Andrew lui dit qu'elle n'aurait pas le choix de chanter. La rouquine leva les yeux vers lui et se mit à rire. Chanter sur une mélodie sans parole, quelle idée étrange! Elle allait rétorquer quelque chose, mais une musique macabre se fit entendre dans toute la pièce. Ginny jeta un oeil sur son cellulaire: cette musique ne provenait absolument pas de là, ce n'était donc pas de sa faute. Mais Ginerva devait bien admettre que cette mélodie était divine et avait atteint son objectif: changer l'ambiance de la soirée de façon dramatique. Elle en avait des frissons sur les bras. En levant les yeux, son regard croisa celui de Julian qui avait aussi cru que ça venait d'elle. Ginny le regarda, rangea son cellulaire puis tourna la tête vers une voix enfantine qui semblait apeurée. Les propos qu'il déblatérait en disait long sur l'origine de cette blague de mauvais goût: Dirty Secret. Évidemment. Qui d'autre connaissait les petits secrets des autres voisins et le criait sur tous les toits? Une fois la voix disparue, un cri se fit entendre, faisant sursauter Ginny. La seule qualité qu'on pouvait donner à Dirty Secret, c'était qu'elle savait pimenter une soirée, même si c'était de la mauvaise façon. Après cette mise en scène remarquée, un petit silence s'installa à leur table, puis les convives entamèrent leur repas en essayant de ne plus penser à DS. Comme d'habitude, en fait. On ferme les yeux et on fait comme si elle n'existait pas. Sauf qu'elle existait. Et qu'elle venait de donner des pistes troublantes. La faim finit par vaincre sur la curiosité: un vrai festin se trouvait devant la rouquine et tous les autres avaient commencé à manger. Elle attaqua alors le repas, se servant de la dinde et un peu de tous les accompagnements se trouvant sur la table. Son assiette remplie, Ginerva termina sa bouchée qu'elle avait entamé tranquillement un peu plus tôt et put enfin calmer son ventre affamé, non sans souhaiter un "Bon appétit et joyeux Thanksgiving!" aux convives avec qui elle partageait ce repas. Elle mangea tranquillement, prenant le temps de goûter chacune de ses bouchées. Ce qui était dommage cependant, c'était le manque de conversation durant le repas. Et Wainwright n'osait plus sortir son cellulaire. Cependant, elle ne commença pas de sujet de conversation, sachant pertinemment que tout ce qui sortirait de sa bouche aurait rapport à l'incident de toute à l'heure, et puisque ses convives semblaient faire l'autruche, Ginny s'abstint et mangea en silence. Puis, Lou, qui avait terminé, lança des éloges sur ce repas. La bouche pleine, Ginny hocha vivement la tête. Ce repas était tout simplement orgasmique! Les Turner étaient exigeants sur la qualité, que ce soit pour la décoration ou pour la nourriture, c'était évident. La rouquine termina finalement son assiette, le ventre prêt à exploser. Et Huntington qui parlait déjà de dessert! Ginerva se mit à rire.

"Et après c'est moi qu'on traite de gourmande! Ils risquent d'attendre encore avant de servir le dessert, mais j'espère qu'il sera à la hauteur de ce repas fabuleux!"

Évidemment, on était chez les Turner: Ginny ne s'attendait pas à recevoir de la crème glacée et des biscuits achetés au supermarché comme dessert. Ça serait une immense déception, surtout après un repas de cette qualité.

La discussion ne fut pas des plus éloquentes, lors du plat principal. Les convives s'appliquaient à remplir leurs estomacs, plutôt que la conversation. N'en déplaise à Andrew, d'ailleurs. Comme tout le monde dans la pièce, il s'était repéré dans la liste du petit garçon invisible, et il préférait largement ne pas en parler. Son appréhension quand à son repas s'avérait désormais justifiée, cette soirée de quartier ne se détachait pas des autres : Dirty Chieuse Secret venait perturber leur tranquillité. À croire qu'il valait mieux éviter de côtoyer des voisins. En soit, cela ne penait pas énormément le garçon, passer sa vie avec sa seule Lou était plaisant et suffisant. Sa chère Lou qui évoqua d'ailleurs le dessert. Andrew hésitait entré une traditionnelle tarte à la citrouille, ou une bûche glacée peut-être. Mais il garda pour lui ses prévisions hypothétiques. Il espérait que Ginny se trompe, et que le dessert soit vite servi. Désormais, il avait hâte de rentrer. " j'espère qu'ils ne vont pas nous faire trop attendre pour le dessert ! J'ai bien envie d'une bûche glacée, en tout cas s'ils nous servent une simple tarte à la citrouille, je serai déçu. !" sur ces mots, les serveurs apparurent pour débarrasser leurs assiettes vides.

Goûter au plat principal offrit à Julian un ravissement sans égal. Il trouvait chaque aliment parfaitement cuit et assaisonné. En mâchant chaque bouchée, il ne pouvait s'empêcher de penser qu'il serait intéressant de manger des choses saines chez les King. Mais bon, ce n'était pas un combat gagné d'avance, surtout avec les trois personnages autant occupés que des ministres au sein du foyer.
On dit que les bons repas appellent le silence, et cela se vérifia à la table six où Julian était installé. Autant dire que cela ne le dérangea pas le moins du monde. Il n'avait pas à faire semblant, ou à se forcer, pour lâcher une phrase d'un ridicule monstre. Le silence était son esclave, et maître de la situation, Julian se délectait de vivre pleinement dans son élément.
Bientôt, il dut accepter une chose déplaisante, cependant : son assiette vide, et celles des autres convives. Car l'absence de denrée dans les plats signifiait bien que les pipelettes à ses côtés allaient trouver quelque chose à redire. N'importe quoi du moment qu'il y avait une discussion. Et cela ne loupa pas.
Lou s'autorisa le débarrassage des couverts pour faire des pronostics sur le dessert. Traditionnel, selon elle. Andrew lui, préférait quelque chose de classique mais mis au goût du jour. Et surtout : il ne semblait pas vouloir attendre. Voilà au moins un point sur lequel ils étaient d'accords, tous les deux !
Julian se fichait bien du dernier plat de la soirée. Une tarte à la citrouille ou une pièce montée, un vulgaire gâteau au chocolat ferait aussi bien l'affaire. De toute façon, il fallait avouer qu'il n'avait plus très faim.
Le King se contenta de sourire aux bavards de sa table, sans participer à la conversation. Après tout, il n'avait aucun avis. Et puis, ce n'était pas comme s'il témoignait de l'animosité ou du désintérêt. Il était présent, aimable, mais silencieux. Etait-ce une tare ?

Le repas fut succulent. La promesse des Turner était tenue, en tout cas aux yeux de la jeune Lucy qui s'était régalée ! Après la dernière bouchée du plat principal elle se laissa aller contre le dossier de sa chaise, un sourire satisfait sur le visage. Il était clair qu'elle n'avait plus du tout faim, et l'évocation du dessert la fit culpabiliser. Elle n'aurait certainement même pas une toute petite place pour le dernier plat, quel dommage ! Elle vit leurs assiettes se volatiliser et pria, elle, pour que le dessert n'arrive pas trop vite. Cependant, si la cuisine était une réussite, l'ambiance à table n'en était pas une. Ces grands blancs avaient le don de rendre Lucy mal à l'aise. Que dire ? Que faire ? Elle comptait sur Andrew le bout-en-train, Gilly la pipelette et Esperanza la madame pour décoincer tout ça, mais le message de Dirty Secret semblait avoir refroidi tout le monde. Lucy choisit de porter son attention sur son verre de vin quasiment plein qu'elle finit d'une traite. C'est alors qu'Esperanza se mit à poser des questions aux jeunes de la table numéro 6... à propos des études. Le regard de Lucy s'assombrit. Bien sûr, il fallait parler des études, toujours des études ! Pourquoi ne lui posait on jamais de questions sur son jour de la semaine préféré ? Sur son Walt Disney préféré ? Elle aurait pu parler de La Petite sirène pendant des heures, plutôt qu'aborder ce sujet là. Elle sourit à Esperanza, quand même, et lui répondit.

J'ai fait des études de lettres, mais j'ai arrêté, déclara-t-elle d'une traite, espérant que cela serait suffisant.

Elle lança un regard à Ginerva l'air de dire, allez enchaîne s'teup !

Le repas se passait dans le calme, personne n’osait plus parler, certains sans doute trop occupé à apprécier le repas, et les autres sans doute encore mal à l’aise à cause du message bizarre qui avait été diffusé. Même si tous s’employaient à faire l’autruche, cette intervention avait causé pas mal de dégâts. Une fois que Lou eut terminé son assiette, elle n’avait pas pu résister et avait dû relancer la conversation. D’accord, le sujet tournait encore une fois autour de la nourriture, mais au moins chacun avait une opinion là dessus et ça ne risquait pas de semer la discorde au sein des invités. Ginny rebondit immédiatement à ce que venait de dire Lou, Andrew aussi espérant que la suite arriverait vite (Lou avait bien vu que le jeune homme commençait fortement à perdre patiente), et enfin Esperenza donna à son tour le sien. Seul Julian restait muet. Il devait avoir considéré avoir déjà fait trop d’efforts pour une seule soirée. Toutefois, la jolie espagnole semblait déterminée à relancer un peu l’action à la table numéro six. Elle questionnait maintenant les invités sur leurs différents parcours. Se présentant d’abord elle-même. Lou eut l’agréable surprise de découvrir qu’elle était cuisinière et lança un regard discret à Andrew en mode « oh tiens, elle fait un truc que tu kiffes ». Lucy fut la première à répondre à la jeune Maman, mais elle semblait gênée d’évoquer son passé. Peut-être qu’elle avait « honte » d’être simplement une employée chez les Wainwright désormais. En tout cas Lou ne voyait pas trop où était le problème, mais face au mal être de la brunette elle décida de répondre illico après elle. « Moi je suis en deuxième année de droit et j’ambitionne de devenir juge d’application des peines. » répondit-elle assez fièrement (a). Lou avait toujours été super déterminée quant à son avenir professionnel, et puisqu’elle était sûre d’elle, autant le montrer.

Andrew était-il toujours aussi impatient? Tout le monde avait le ventre plein, ça étonnerait beaucoup la rouquine si les serveurs débarquaient avec le dessert tout juste après avoir desservi les plats vides. Et comment pouvait-il avoir faim aussi rapidement? Ginny but une gorgée de vin pour faire passer sa nourriture. Après que les serveurs eurent terminé de vider la table de leurs assiettes sales, Espéranza leur posa des questions pour apprendre à les connaître davantage. La rouquine sourit, elle trouvait que c'était une excellente idée, mais son sourire se transforma en rire incontrôlé lorsqu'elle vit le regard que Lucy venait de lui lancer. Roberts n'avait pas quitté l'université par choix et ça la tracassait, du coup elle n'aimait pas en parler. Mais voir son visage désespéré fit rire Ginny, ce qui ne devait certainement pas aider Lucy! Elle devait être en train de passer une soirée bien moche: elle s'étouffait avec du vin et elle devait parler des études, sujet qu'elle détestait aborder. Au moins, elle était à côté de Julian King. Ginny savait qu'ils s'étaient connus à l'université et la rouquine les trouvait bien mignons ensemble - en même temps, Ginny voulait que tout son entourage soit heureux et amoureux, du coup elle trouvait un tas de possibilités de couple, dont Lucy & Julian. Dommage que Julian soit encore dans sa période de déprime. Mais l'amour pouvait tout guérir, non? Pour changer les idées de sa colocataire, Ginerva s'amusa à lui lancer des regards langoureux et à pointer le jeune King avec ses yeux durant quelques secondes. Si les autres la regardaient présentement, ils la trouveraient complètement stupide et peu subtile! Finalement, Lou répondit à la question de Damenez en expliquant qu'elle voulait devenir juge. Classe, la Huntington! La rouquine se tourna vers elle, les yeux brillants.

"Super, le titre!" En fait, Ginny ne savait pas du tout en quoi pouvait bien consister le futur métier de Lou, à part juger les gens. Puis elle tourna la tête vers la plus âgée de la table. "J'étudie au Conservatoire de musique, concentration Piano. J'aimerais devenir professeure là-bas plus tard."

La rouquine aimerait bien travailler avec les plus jeunes, leur apprendre plein de choses, voir leurs yeux s'illuminer. Et puis ils étaient si impulsifs, la rouquine ne risquerait pas de s'ennuyer! Elle termina son verre de vin d'une traite et regarda le reste de la tablée, attendant leur réponse.

La discussion ne resta pas longtemps sur le sujet du dessert, puisque Esperanza la détourna adroitement sur leurs parcours respectifs. Il ne l'écoutait que d'une oreille, distrait par sa hâte de rentrer chez lui, mais quand il entendit parler de cuisine, son sang ne fit qu'un tour. Il tourna vivement son regard vers la jeune femme, curieux d'en apprendre d'avantage. Pourtant, elle se tut pour laisser la parole aux autres. Andrew attendit donc patiemment que son tour arrive, pour questionner la cuisinière qu'il enviait tant désormais. Il remarqua la gêne de Lucy, sans la comprendre, mais également la fierté prononcée de sa petite amie. Il ne put s'empêcher de sourire, lui aussi était si fière de sortir avec une fille si intelligente, et si déterminée. Puis ce fut au tour de Ginny, et enfin les regards se tournèrent vers Andrew. « Alors moi je suis en 2ème année de commerce et finance ... Mais j'adore la cuisine ! J'aurais trop voulu faire comme vous, mais mes parents n'ont pas voulu » Il grimaça avant de reprendre de plus belle. « Vous êtes cuisinière où ? »

Après Lucy, chaque personne présente autour de la table résuma en quelques mots ses études, ou dans le cas d'Esperanza, sa profession. Lucy fut bien contente que l'on ne s'attarde pas sur son cas ! Moins elle en parlait, mieux elle se portait. En plus de cela, Andrew et Esperanza semblaient avoir trouvé un terrain de discussion: la cuisine, leur passion commune. Lucy les écoutait d'une oreille distraite tout en piochant dans son assiette. C'est alors qu'elle croisa le regard de Ginny... ou plutôt les haussements de sourcils et coups d'oeil peu discrets qu'elle lançait en direction de son voisin de table: Julian. Lucy piqua un fard et se mit à pouffer. Cela faisait un moment que la Wainwright se doutait de quelque chose et l'harcelait de questions à son sujet. Lucy finit par relever les yeux et fusilla Ginny du regard. Cela n'eut pas l'air de fonctionner, alors elle décida d'employer la manière forte. Elle donna un coup de pied dans ce qui lui semblait être le tibia de la rousse, mais qui, à l'évidence, était plutôt celui d'Andrew.

Andr-Andrew ! Je suis désolée, je...

Elle ne pouvait pas s'exprimer au delà de ces quelques mots, vu le fou rire qui la gagnait. Tout était la faute de cette mesquine petite rousse à l'autre bout de la table ! Avec ces bêtises, Lucy venait d'interrompre la discussion d'Andrew et Esperanza. Elle qui voulait se faire discrète, c'était manqué !

Lou n’apprenait rien de vraiment bien nouveau sur ses voisins de table, elle savait à peu près tous ce qu’ils faisaient de leur vie. Sauf Esperenza qui s’avéra être cuisinière, bien entendu Andrew fut heureux de cette découverte et la questionna un peu. Lou ne connaissait pas du tout le restaurant où la jolie maman travaillait, mais se promettait d’y faire un tour un de ces quatre. Toutefois Andrew n’eut même pas le temps de répondre qu’elle sentit un mouvement sous la table. Lucy reprit la parole, elle venait apparemment de taper dans le pied du jeune homme. Définitivement cette Lucy était un peu spéciale. « Tu essayais de lui faire du pied Lucy ? » demanda-t-elle pour rire, et un tout petit peu jalouse (a). Lucy partit dans un fou rire, visiblement gênée d’avoir tapé son voisin de table. Lou lança un regard à la tablée, tentant de comprendre ce qui venait de se passer, et à part Ginny tout le monde semblait un peu perplexe. Lou posa son regard sur son meilleur ami, légèrement inquiète, depuis ses efforts de début de soirée il s’était fait plutôt discret. Elle tenta de capter son regard pour lui lancer un sourire, mais il restait les yeux rivés sur son assiette, et finalement Lou décida d’en faire autant. Elle goûta son dessert, une farandole de saveur. C’était délicieux et léger à la fois. Au moins elle n’allait pas finir par exploser. Et puis plus vite le dîner terminé, plus vite ils pourraient tous rentrer chez eux.

Le tour de table était maintenant terminé et Ginny avait une meilleure idée de ses voisins de table. Elle les connaissait, certes, mais parler des études n'était pas vraiment un sujet de conversation lorsqu'elle les croisait. Andrew préférait parler des cheveux de la rouquine, Lou lui parlait des problèmes de Julian, Lucy habitait chez elle, donc rien de nouveau, et Julian ne lui disait pas grand-chose, comme à son habitude. Ginny essayait un peu d'arranger les choses entre eux, mais ne trouvait jamais les mots pour le consoler. Le mieux qu'elle pouvait faire était de lui sourire et de lui dire que tout ira bien, mais que pourrait-il bien arriver de positif dans la vie du jeune King? Lucy. D'ailleurs, l'expression sur le visage de la principale intéressée était hilarant, mais la rouquine garda son calme même si elle pouffait intérieurement. Et lorsque sa colocataire la fusilla du regard, la rouquine lui lança un clin d'oeil. Soudain mouvement sous la table, puis regard effaré de Lucy. Ginny ne comprenait plus rien, jusqu'à ce que Roberts se mit à s'excuser platement à Andrew. Non, elle n'avait pas... Si. Le menton de Wainwright se mit à frémir tant elle se retenait d'éclater de rire. Lou lança une remarque à Lucy et Ginny en profita pour se calmer et prendre un air choqué.

"Lucy! Mais comment oses-tu frapper un de nos voisins de table?"

La rouquine s'attaqua ensuite à son dessert comme si rien ne s'était passé. Avoir la bouche pleine l'empêcherait ainsi de se moquer. Le dessert était sublime, comme l'avait précisé Espéranza. Mais Lucy lui donnait toujours autant envie de rire. Du coup, la rouquine éclata de rire en plein silence, les larmes lui montant aux joues. Quelques secondes plus tard, son instant de fou rire étant terminé, Ginerva respira pour se calmer.

"... J'approuve, ce dessert est exquis!"

Puis, elle continua de manger.

Ce dîner prenait une tournure intéressante, il n'aurait pas cru trouver quelqu'un avec qui partager sa passion ce soir. D'un côté, évoquer la cuisine, alors qu'il ne pouvait pas en faire son métier, était quelque peu frustrant. Mais bizarrement, il alimentait la conversation. « Ce n'est pas le restaurant des parents de Katya Fitzgerald ? » Ce nom réveillait vaguement de vieux souvenirs. « Je cuisine chez moi, j'ai pris des cours à Londres, mais je ne fais rien de plus » avoua-t-il, penaud.

Il n'eut pas le loisir de continuer sur le sujet, car il reçut un coup dans la jambe. « AÎE EEH !! » dit-il d'une voix forte, avant de se frotter son mollet endolori. « Tu es violente Lucy ! » ajouta-t-il n se reprenant. A vrai dire, il ne comprenait pas trop pourquoi Lucy l'avait violenté ainsi, ça ne pouvait pas être un mauvais coup comme ça, trop fort pour ne pas être prémédité. Peut-être détestait-elle qu'on parle de cuisine, allez savoir. C'était sans compter sur Lou, qui trouva une explication à sa façon. Andrew fit la moue, amusé. « Si c'est comme ça que tu fais du pied Lucy, j'espère que ton futur copain aimera les filles violentes, tu manques de douceur ! »

Le dessert vint bien vite clore cet incident, et Andrew s'y attaqua, impatient. Il avait bien mangé tout au long du repas, mais il gardait toujours une place pour le dessert. « Vous avez raison, délicieux ! Voilà une belle façon de clore ce dîner de Thanksgiving » conclut-il, sentant que la soirée touchait doucement à sa fin.

Lucy se confondit en excuses, rouge de honte, et gagnée par un fou rire. Elle venait de se ridiculiser devant tous les convives en voulant donner un coup de pied à Ginny. Les cris de douleur d'Andrew ne firent qu'augmenter sa gêne. Lou sous entendit qu'elle faisait du pied à son copain, et Ginny - cette fourbe - se moquait d'elle ouvertement. Andrew, lui, souhait à Lucy un petit ami qui aimait les filles violentes. Devant Julian King. La honte. Internationale. Lucy ne répondit pas et préféra se réfugier dans le dessert. Elle fut du même avis que les autres: c'était une fois encore délicieux ! Au point qu'elle se resservit même une seconde fois, la gourmande.

Le repas touchait à sa fin, les dernières discussions furent closes et tout le monde finit par rentrer chez soi, le sourire aux lèvres et le ventre plein. La soirée avait été... pleine de surprises. Si le menu avait enchanté tout le monde, l'intervention de Dirty Secret, elle, laissait un arrière goût amer. Sur le chemin du retour, Lucy attrapa la main de Ginny et la menaça de toutes les morts possibles et imaginables si elle lui refaisait un jour un coup pareil... et de la part de Ginerva Wainwright, c'était à prévoir.

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