« Minniiiiie, tu fais la sieste ou quoi sale moule ?! »

Julia s'acharnait sur la porte depuis cinq bonnes minutes... bon d'accord, dix secondes en fait, mais elle avait un besoin urgent de parler à Minnie McCormick, la Minnie McCormick folle et vive d'esprit, celle qui avait toujours des idées de trucs bizarres à faire, du genre envoyer une carte de St Valentin à son ex... Mais elle ne voulait pas la Minnie McCormick ensommeillée, comme s'il était sept heures du matin, qui n'allait comprendre qu'une phrase sur deux de tout ce que Julia avait à lui dire. Et elle en avait des choses à faire sortir. Meredith, la mère de la tant souhaitée McCormick, finit par lui ouvrir, tout sourire, après ce qui avait semblé à la Fitz une perte de temps énorme, avec sur le visage une expression du style "tu n'es pas obligée de faire ton sport sur notre porte tu sais".

« Bonjourest-cequeMinniestlàsivouplait ? »

Elle savait que Minnie était là, elle le sentait, elle le devinait... peut-être qu'elle se trompait et si tel était le cas alors elle lui ferait la peau, mais pas trop non plus sinon elle n'aurait plus personne à qui dire ce qu'elle avait à dire, surtout qu'elle avait besoin de cette personne en particulier pour délivrer tout ce que sa langue s'efforçait de retenir depuis un bon moment déjà. Meredith s'effaça pour appeler sa fille, confirmant l'hypothèse de Julia, mais aussi l'excitant encore plus. Cette famille devait avoir des gênes d'escargot quelque part dans la lignée pour être aussi lente ! Peut-être que si elle en baffait deux ou trois, ça leur remettrait le cerveau en place. Surtout Minnie, la priorité. Celle-ci apparut, trainant les pieds, comme lassée de tout. Julia allait vraiment lui mettre une claque si elle continuait de descendre l'escalier marche par marche, une toutes les cinq secondes. Si ça pouvait la réveiller, parce que Julia n'en était pas sûre.

« Minniefautqu'j'teparle, j'ai...cramé un gâteau. »

La métaphore était surtout destinée à ne donner aucun indice à Meredith si celle-ci se trouvait dans les parages – ce qui ne devait pas être le cas puisque personne n'intervint pour donner de conseils culinaires – mais elle était bien là. Si l'on pouvait considérer la Saint-Valentin comme un gâteau, alors oui, Julia avait cramé un bon gros gâteau, et bien en plus.

Julia suivit Minnie lorsque celle-ci, enfin arrivée en bas des escaliers, lui fit signe de monter avec elle jusqu'à sa chambre. Une fois à l'intérieur, elle ferma la porte, sûre que Meredith ne les entendrait plus. Le langage codé, ça va deux minutes, pas plus. Machinalement, la Fitz sortit une cigarette du paquet que son amie lui tendait, mais ne l'alluma pas, trop pressée de raconter tout ce qu'elle retenait depuis...trois jours seulement. Ca lui avait semblé beaucoup plus long que ça, tant son esprit avait remis ça sur le tapis. Le premier jour, date de son anniversaire, elle avait été occupée par son travail au Gordon Coffee et par la petite fête à deux organisée par Carl. Plus précisément, elle avait commencé à sentir la culpabilité monter en elle mais avait préféré la laisser de côté, pensant qu'elle partirait bien assez vite. Ce ne fut pas le cas. Le deuxième jour, toute aussi obstinée à ignorer ses remords, elle s'était occupé l'esprit en prenant un verre avec Julian mais n'avait pu s'empêcher de glisser dans leur conversation un peu de la Saint-Valentin. Et la troisième journée , soit aujourd'hui, elle avait totalement craqué, ne pensant qu'à cela depuis qu'elle avait posté cette maudite lettre.

« Cramé, cramé, cramé. J'aurais pas dû faire ça, oui ça m'a soulagé sur le coup mais maintenant je regrette. Pourquoi je regrette, je sais même pas ! enfin il a fait quelque chose de pire lui ! Moi c'est juste une lettre, une toute petite lettre, avec des conneries en plus, et je pense qu'à ça. Ou presqu'à ça. C'était pas une bonne idée, j'aurais dû rester muette, c'était ce que j'avais prévu ! »

Elle ne voulait pas faire porter le chapeau à Minnie, bien que ce soit son idée d'écrire une lettre à Zach avec tout ce que Julia avait sur le coeur, mais son besoin de parler venait d'exploser et tout sortait en même temps. Elle s'obligea à s'arrêter pour reprendre son souffle et soutint le regard de McCormick, qui n'avait rien dit. La laissait-elle simplement s'exprimer ou se foutait-elle de sa gueule ? Difficile à dire. Julia était certes ridicule de réagir ainsi, mais pour une raison qu'elle-même ignorait, elle ne pouvait se résoudre à faire payer Zach pour son cocufiage, bien que la vengeance soit tentante. Et les rares fois où elle arrivait à se convaincre de le faire – la lettre de la Saint Valentin par exemple – elle finissait par regretter. Après tout, il existait bien un proverbe qui disait quelque chose comme "on ne veut s'abaisser aux bassesses d'autrui".

Si la lettre de Saint-Valentin était une idée horrible qui faisait culpabiliser Julia à fond, l'idée d'aller parler à Zach était inimaginable pour elle. Minnie avait vraiment de drôles d'idées parfois. Non, Julia imaginait plutôt la scène ainsi : elle, l'évitant, comme elle l'avait toujours fait quand elle en voulait à quelqu'un. C'était peut-être fuir devant le danger, mais aujourd'hui elle ne savait faire que ça, fuir. Et si elle allait le voir, que lui dirait-elle ? Elle n'avait rien à lui dire. Enfin, si, lui avouer à quel point elle le détestait pour ce qu'il avait fait, mais aussi à quel point elle l'aimait, ce qui rendait la rancune tellement plus difficile. Mais elle tenait trop à sa fierté pour reconnaître ça autrement que dans ses rêves.

« Tu rigoles ! »

Minnie ne semblait pas bien réaliser. Pire : elle avait l'air de penser que c'était facile de choisir entre les deux options qu'elle venait de lui réciter. Seulement, Julia devait bien avouer qu'elle avait raison. Ou elle pardonnait, ou elle ne pardonnait pas, mais il n'y avait pas d'autres alternatives possibles. La Fitz baissa les yeux vers ses Converses usées. Jusqu'à présent, elle avait préféré repousser à plus tard les réflexions sur ce qu'elle allait faire maintenant. Certes, d'autres avaient déjà émis l'éventualité qu'il fallait avancer, qu'elle n'allait pas rester à ruminer sur cette histoire avec Zach, mais tout prenait vraiment un sens lorsque c'était Minnie qui prononçait ces mots. Oui c'était tout simple ; tout simple d'avoir les possibilités devant les yeux, mais c'était beaucoup plus compliqué de choisir. Et cela pouvait prendre des heures, même avec l'aide de Minnie.

« Je sais pas Minnie... Je lui en veux, mais... »

Elle fixait McCormick droit dans les yeux, consciente qu'elle venait de violer l'une de leurs plus importantes règles d'or : ne jamais, jamais, jamais pleurer, se rendre triste, ou faire quoique ce soit de contraire à ce qu'on avait prévu à cause d'un garçon. Ou d'une fille. Bref, à cause d'un amour, ou un coup d'un soir. Mais en particulier les garçons. En se mettant à aimer Dekker, Julia était tombée dans un piège et avait aujourd'hui toutes les peines du monde à s'en sortir. Et c'était précisément ce que leur règle d'or cherchait à éviter.
La remarque de Minnie déstabilisa Fitzgerald encore plus qu'elle ne l'était déjà. Comment ça, elle n'avait rien à perdre ? Au contraire, elle avait tout à perdre ! Si elle choisissait d'en vouloir pour toujours à Zach, ou du moins pour longtemps, elle le perdait lui. Si elle hésitait tant à lui pardonner, c'était parce que depuis cette histoire, un rien lui laissait penser qu'il n'était pas digne de confiance, qu'il la manipulait depuis le début et allait continuer encore si elle revenait vers lui.

« Qu'est-ce que t'en sais ? J'ai quelque chose à perdre, sinon j'me pencherais pas autant sur la question. »

Ne rien décider était quand même beaucoup plus alléchant que réfléchir à ce qu'elle allait faire maintenant. Julia se prenait déjà beaucoup la tête avec cette histoire, si elle pouvait repousser à plus tard le moment de la décision alors elle le ferait sans hésitation. Elle était néanmoins plus que consciente que Zach n'allait pas attendre l'éternité, et c'était pour cette raison que ce choix à faire la stressait autant. Si elle patientait et finissait par lui pardonner, elle n'était pas sûre qu'il soit encore là. Après tout, elle ne savait pas combien de temps ça allait lui prendre pour oublier, ou au moins pour mettre de côté cet adultère, et c'était tout à fait compréhensible que Zach en ait marre et passe à autre chose – à quelqu'un d'autre. Cependant, si elle lui disait d'attendre et qu'au final, elle n'arrivait pas à l'excuser, ce serait lui qui serait déçu. Dans les deux cas, l'un des deux était perdant. Il y avait aussi la possibilité que Zach soit encore là quand elle lui aurait pardonné, ou qu'il ne le soit plus quand elle lui en voudrait toujours mais, pessimiste, Julia ne voyait que les deux plus mauvaises alternatives.
La Fitzgerald laissa Minnie envoyer balader sa mère qui venait proposer à boire et à manger. Julia n'avait pas faim, l'excitation qui l'animait à l'idée de pouvoir se confier était même retombée entre temps. Elle s'assit à son tour par terre à l'indienne, et se força à rester silencieuse lorsque son amie fit remarquer que Dekker était un idiot. Oui c'était un idiot. Un con, un abruti, un connard, un salaud. Tous les mots de la Terre, des marsiens, toutes les insultes, les surnoms dévalorisants. Et elle était tombée amoureuse de ce type-là. Elle avait fait fort ce coup-ci. Encore que, Zach pouvait presque rivaliser avec Julian. Laquelle des fins était la pire ? On ne savait pas vraiment.

« Non, faut pas être un mec, ils ne savent pas qu'il y a des limites. »

La preuve ; jamais Julia n'aurait soupçonné que Zach pût être capable de la tromper, et c'était pourtant ce qu'il s'était passé. Prise par surprise, elle avait par conséquent du mal à digérer le morceau. Certes, on ne pouvait pas vraiment dire qu'il l'avait trompée au sens propre du terme, puisqu'elle l'avait largué juste avant, mais ça restait quand même vache de sa part. Et avec sa soeur en plus, et précisément celle que Julia ne pouvait pas encadrer.

« Il s'est excusé jesaispascombiendefois, il a dit qu'il regrettait, il s'est lui-même traité de connard. Et il m'a appelé, il m'a envoyé des sms. C'est limite s'il me harcèle pas. Mais tu veux que je réponde quoi moi ? »

Elle lui avait peut-être répondu une ou deux fois. Une fois, pour lui demander d'arrêter et de lui laisser du temps. C'était tout. Et il y avait la lettre de Saint-Valentin maintenant, bien sûr. Mais la différence était qu'elle regrettait d'avoir envoyé ce fichu mot, alors que ne plus être pressée par Zach et ne plus sentir la rancune doubler à chacun de ses texto était reposant. Même si, elle devait l'avouer, recevoir ses messages d'excuse lui donnait le sentiment qu'il pensait à elle et la voulait encore. ♥

Ce que Minnie pouvait avoir raison parfois... C'en était horrifiant. Et comme elle le disait si bien, la vérité n'était pas toujours celle que l'on souhaitait. La preuve, Julia ne savait même pas si elle préférait se rendre compte que Zach regrettait vraiment ses actes, ou qu'il n'en avait rien à faire d'elle. Le premier cas était bien sûr le plus tentant, mais ça voudrait dire que tout reposait désormais sur elle : est-ce qu'elle le pardonnait, ou non ? La Fitz aurait cent fois préféré ne pas avoir à prendre cette décision. C'était tellement plus simple quand c'était aux autres de faire la lourde tache. En l'occurrence, Minnie était bien partie pour convaincre Julia de se décider ; et elle trouvait de bons arguments pour défendre Dekker.
Soutenir son amie, certes à sa manière, c'était dans les cordes de Minnie. Avoir des idées farfelues, c'était totalement son genre. Mais faire passer des tests, ça, ce n'était plus elle. Il était loin le temps où Julia pleurait pour un joint, et non pas un garçon. Elle qui avait toujours considéré n'avoir besoin de personne dans sa vie, voilà qu'elle se surprenait elle-même. Et se décevait. Non mais, l'ancienne Julia ne se serrait jamais laissée faire par un type qui n'avait même pas un rond !

« Regarde-nous. On est en train de devenir des cuculs-la-praline, c'est n'importe quoi ! »

La Minnie McCormick que Julia connaissait depuis près de deux ans revint bien vite pour lui dire ses quatre vérités en face : ce qu'il s'était passé, c'était aussi de sa faute. Sur ce point, la Fitzgerald n'était pas totalement d'accord. Oui, elle n'aurait peut-être pas dû s'emballer aussi facilement ce soir-là, mais est-ce que ça lui avait plu de le lâcher et de ne revenir que bien après le mal effectué ? Non, elle avait regretté, et bien qui plus est. Et maintenant on voudrait la rendre coupable de son mal ?

« Wowh wowh wowh. Je me suis p't'être emportée, mais je vois pas en quoi ça l'excuse de s'être envoyé en l'air avec Jaylann. Chez moi les couples ça marche pas comme ça, tu te tapes pas l'entourage de ta copine parce qu'elle t'a énervé. Ou alors j'peux faire la même chose moi aussi, mais je doute vraiment que ça lui plaise. »

C'était bien sûr une chose que Julia ne ferait pas. Premièrement parce qu'elle n'avait pas du tout envie de compliquer les complications, réduisant à néant tout espoir de le pardonner un jour puisque lui-même devrait dans ce cas envisager de la pardonner et que, comme elle, il ne serait pas sûr d'y arriver. Deuxièmement parce qu'elle n'en éprouvait même pas le désir. Non l'idée d'aller coucher avec tous les ami(e)s de Zachary, même si c'était une belle vengeance, ça ne tentait pas le moins du monde Julia.

Minnie et sa franchise étaient parfois...légèrement mortelles. C'était ce qui avait tout de suite plu à Julia chez cette nana, son côté franche, fou, paranoïaque, un peu comme une droguée H24 qui avait toujours des idées de trucs bizarres à faire. Une fille qui lui ressemblait sur beaucoup de points et qui se ressemble s'assemble ! Les caractères difficiles des deux filles avaient cependant fait qu'elles passaient leur temps à se chicaner mais étaient restées très amies depuis tout ce temps, s'avouant tout l'une à l'autre. Aujourd'hui, même si Julia était venue pour se confier, peut-être qu'elles allaient devoir encore passer par la case chamaillerie. La Fitz s'avérait tellement têtue qu'elle refusait d'avouer son implication dans l'histoire. Oui elle n'était pas une sainte, et alors ? Elle au moins n'avait trompé personne, elle avait mis son côté volatile de côté pour pouvoir rester avec lui. Mais si ce n'était pas elle qui fichait tout en l'air, c'était lui. Alors à quoi bon ?

« Il ne fera rien pour m'aider à le pardonner parce que je ne le laisserais pas m'avoir encore une fois. »

Si Minnie ne pouvait plus l'aider, alors elle n'avait rien à faire ici. Merde, elle avait quand même mieux à faire que se préoccuper d'un con qui avait cru pouvoir jouer avec elle. Elle non plus ne savait pas ce que pouvait bien penser Zachary, elle ne savait pas ce qui lui était passé par la tête pour agir ainsi, lui qui n'était pas du tout ce genre de gars. Elle s'était trompée sur son compte. Tant pis. Trop tard. Et elle n'irait certainement pas le voir, non il n'avait qu'à se déplacer lui-même, ce n'était pas à elle de faire des efforts. À supposer qu'elle accepte de le voir.

« Peut-être que, là, patauger dans la merde c'est la meilleure chose à faire. »

Ils pouvaient être des adultes quand ça leur chantait, oui. Quand il s'agissait d'aller se défoncer en fête avec n'importe quoi ils pouvaient bien être jeunes, naïfs et innocents, quand il s'agissait de parler de choses sérieuses ils devaient oublier leurs niaiseries et faire plus que leur âge. Vingt-trois ans, ils faisaient des conneries, et alors, c'était l'âge. Ce qu'il avait fait n'était pas très adulte non plus, il avait voulu s'amuser un peu, lui faire du mal, il avait fait le gamin. Il avait réussi son coup. Julia fouilla dans sa poche et en sortit son briquet, avec lequel elle alluma sa cigarette. Elle jeta un coup d’œil à Minnie et reporta son regard vers la fenêtre. Des nuages flottaient dans le ciel, passant leur chemin sans s'arrêter. Pourquoi ne pouvait-elle pas être un nuage, et passer son chemin sans interruption, sans blocage sur quoique ce soit, quique ce soit. Ça aurait été tellement plus simple, elle se serrait sentie légère, sans remords ni regrets, elle aurait pu oublier tout et n'importe qui, sans même se soucier d'une blessure à son cœur. Quel cœur ? Elle ne serait que multitudes de gouttelettes, comme une grosse barbe-à-papa volante. Et puis finalement ce n'était pas une si mauvaise comparaison, elle était déjà cassée en milliers de gouttelettes, gouttelettes de ses larmes qui ne coulaient qu'une fois qu'elle était seule. Si elle voulait garder un allié, elle ne devait pas se disputer avec Minnie. Il fallait bien des chagrins et des ennuis, sinon la vie serait trop morne pour être vécue. Il fallait bien quelque chose qui la complique, sinon on ne la savourait pas. Il fallait bien de la discorde, sinon on se lasserait de l'amitié. Mais fallait-il essayer sans cesse de briser son âme sœur pour s'en sortir ? Fallait-il se venger, encore et encore, après chaque machination, répéter le malentendu, le faire tourner en rond, et se broyer le cœur ? Et si tout ça détruisait leur amour, leur amitié même ? Alors tout serait fini, mal fini mais terminé quand même, une bonne fois pour toute. Et si tout ça la renforçait ? Faudrait-il continuer sur cette voie ? C'était tellement compliqué, décourageant, à la dégouter définitivement de l'amour. Elle ne savait plus quoi faire, elle était perdue et avait incontestablement besoin d'une carte, d'un GPS, d'un guide. Mais qui ? Minnie ?

Après avoir fixé pendant un moment les nuages qui défilaient par la fenêtre, Julia reporta son attention sur sa cigarette. Elle regarda les tout petits fils, le mince papier qui les enrobait, elle regarda la partie déjà brulée du filtre, puis elle l'approcha de ses lèvres, inspira et garda un moment la fumée dans la bouche avant de l'expirer. Il n'y avait donc qu'avec Minnie qu'elle osait avouer ses faiblesses, les laisser sortir et s'exprimer à la vue de tous. À la vue de Minnie, surtout. Ça faisait du bien mais sa fierté en prenait un coup, c'était le prix à payer. Même si elles détestaient faire preuve de faiblesse comme c'était le cas maintenant, les deux filles se soutenaient toujours dans les coups durs, et aujourd'hui c'était au tour de Julia. D'ailleurs elle avait l'impression que c'était souvent son tour, plus que Minnie, mais bon parfois elle ne pouvait pas s'en empêcher. Cependant Minnie ne pouvait pas supporter tous les poids et les problèmes de Julia, et elle avoua en avoir marre. Juju aussi se lassait vite de cette situation, mais elle voyait mal comment elle pourrait « s'amuser » aujourd'hui, bien que ce soit une gentille idée de la part de son amie. La Fitzgerald jeta un œil à l'heure qu'affichait son téléphone ; l'après-midi avait déjà bien commencée et elle avait à faire, ses heures de service au Gordon Coffee allaient bientôt commencer. Elle se leva, écrasa sa clope contre le cendrier près de la fenêtre et frotta ses mains l'une contre l'autre pour enlever la cendre de cigarette qui s'y était déposée.

« Non désolée copine, il faut que je file. Mais je t'appelle bientôt, promis. »

Elle s'approcha de Minnie, lui fit un bisous sur chaque joue et sortit de sa chambre avant que la blondinette ne fasse un commentaire qui la forcerait à rester, ce dont elle serait bien capable. Elle n'avait pas envie d'être en retard à son travail – même si le retard elle le connaissait bien – puisque depuis quelques temps les services lui occupaient l'esprit. Elle salua Meredith rapidement pour ne pas avoir à être retenue, mais surtout parce que la discussion avec des adultes ce n'était pas son fort. Quelques minutes plus tard elle faisait son sac pour aller au Coffee, mettant de côté pour quelques heures ce qui venait de se dire.