Il était à peine 23h qu'elle était déjà enfermée dans les toilettes, la tête dans la cuvette à dégueuler tout ce qu'elle avait bu pendant la soirée. Elle avait prit le pari avec une des meufs du bar qui avait visiblement autant envie qu'elle de se bourrer la gueule, de pouvoir s'enfiler plusieurs shots d'affilés sans vomir. Apparemment, c'est pas vraiment possible et ça elle s'en est bien rendue compte après qu'elle ait arrêté de compter les verres et qu'elle a commencé à rouler des pelles à tous les mecs qu'elle croisait. Mais bon, voilà où est-ce que ça la menait.

« Non, arrêtes. J'ai pas envie de rentrer chez moi, j'vais encore me faire gueuler dessus. »

Elle avait les larmes aux yeux qui ne finissaient pas de couler, les cheveux complètements en bataille et la pince qu'elle avait mit pour les attacher avait même disparu.

Elle se leva en titubant jusqu'au lavabo ou elle fit couler l'eau pendant une bonne demi-minutes avant de s'en prendre dans les mains pour s'en passer un peu sur le visage, puis se rincer la bouche abondement. Ce qu'elle n'avait pas vu, c'était que la meuf qui l'avait accompagné aux toilettes lorsqu'elle commença à se sentir mal. En effet, cette dernière avait profité du fait qu'elle dise bonsoir à la cuvette, pour lui piquer son téléphone et envoyer un sms à la première personne qu'elle avait trouvé dans le répertoire et malheureusement pour Amy, c'était Maximiano, son fère.

Lorsqu'on lui rendit son téléphone et qu'elle vit l'accusé de réception, elle ne put s'empêcher de pousser un juron.

« Putain, mais t'es chiante, pourquoi t'as fait ça ? »

Elle s'appuya sur le rebord du lavabo et essaya de reprendre ses esprits ne serait-ce qu'un petit instant. Elle essayait d'abord de se résumer ce qu'elle avait fait depuis le début de la soirée et qui pourrait la mettre encore plus dans la merde qu'elle ne l'était déjà et elle se rappela qu'en plus de s'être bourrée la gueule, elle avait utilisé une fausse carte d'identité dans le but de se bourrer la gueule justement.

« Bon ! » dit-elle en se levant brusquement puis s'appuyant de nouveau à cause de la tête qui lui tournait. « Faut qu'on se casse, mais façon film d'action t'sais ! »

L'alcool qui ne s'était pas encore évaporé lui faisait – et allait lui faire – dire pas mal de conneries, mais là, elle avait raison, fallait qu'elle se casse et vite.

Elle enleva les chaussures qu'elle avait aux pieds qui étaient pourtant déjà plats pour la simple et bonne raison qu'il ne s'agissait que de ballerines, et au lieu de partir, elle observa l'intérieur sans savoir pourquoi. Elle était en fait inspirée par le vide de sa chaussure.

La musique me vrillait les oreilles. Tout mes sens étaient en éveil. Je m’approchais lentement des lèvres chaudes de ma blondie. De nouveau, je ne passais pas ma soirée seul. L’alcool que j’avais ingurgité quelques minutes auparavant commençait doucement à me monter à la tête. Quelle drôle de sensation que l’alcool enivrant lentement mes sens, perdu dans un autre monde, à mi-chemin entre le réel et l’imaginaire. Après avoir quitté à regret les lèvres de ma putain d’une nuit, j’observais la piste en face de moi, les gens se collant les uns les autres pour improviser des mouvements sensés ressembler à une danse, les hommes se rapprochant des femmes tels des bêtes en rut, ne cherchant qu’à calmer leurs hormones pour quelques heures. Je ne dis pas que je ne cherche pas pareil, mais moi je n’ai pas besoin d’autant de simagrées pour arriver à ce que je désire. Et puis me ridiculiser en bougeant mon corps, très peu pour moi. Blondie décida d’aller un peu plus loin en passant sa main sous mon tee-shirt, lorsque la poche droite de mon jean eu un soubresaut. J’en sorti mon portable qui continuait de vibrer (bande de pervers…) me demandant qui pouvait bien me faire chier dans un moment pareil. J’observais l’écran d’un œil vide, le dj passant en même temps une musique électro qui me donnait mal à la tête. Un nouveau sms de ma très chère sœur. Ah non, apparemment d’une amie à elle. Selon son amie, ma bien-aimée petite sœur avait fait amie-amie avec l’alcool et la cuvette des toilettes. Tiens, tel frère, telle sœur. Sauf qu’Amy elle ne savait pas boire. Et c’était souvent moi qui la ramassais dans le caniveau.

Je me détachais difficilement de ma belle et me levais en titubant légèrement, mon devoir de grand frère m’appelant. Elle me la revaudrait celle-là. Comme si ma sœur faisait tout pour me pourrir la vie. En tout cas je commençais sérieusement à en douter. Je traversais rapidement la foule autour de moi, poussant les gens pour me faire un chemin. Je récupérais ma veste au vestiaire et l’enfilais, avant de sortir de la boite de nuit. La nuit fraiche me fit frissonner, et je recouvrais légèrement mes esprits. Suffisamment pour ne pas chercher pendant des heures les clefs de ma voiture dans mes poches. Je m’approchais donc de ma modeste voiture, activant l’ouverture centralisée avant de me glisser dedans. Et dire que j’avais quitté une bonne soirée ou j’étais sûr de finir accompagné, tout ça parce que ma très chère conscience me disait que je ne pouvais pas laisser ma sœur dans la situation où elle était. D’ailleurs je me demandais bien comment elle avait pu boire de l’alcool alors qu’elle était toujours mineure. Les lois étaient pas sensées être là pour m’éviter d’avoir à la retrouver bourrée ? J’allumais le contact, et me dirigeais rapidement vers l’adresse que m’avait envoyé son amie, tant pis pour les limitations de vitesse. Si les flics m’arrêtaient, j’étais mort.

Arrivé à l’adresse indiquée, je rentrais rapidement dans le bar, m’obligeant à ne pas observer toutes les filles assises ou passant à côté de moi. Que voulez-vous, le naturel revient vite au galop. J’allais directement vers les toilettes des filles, ne faisant pas attention aux regards désapprobateurs des gens. En ouvrant la porte, je stoppais net, tombant sur Amy… Très attentive à l’observation de la semelle de ses chaussures. Allons bon, qu’est-ce qu’elle foutait ? Elle avait pris des cachets avec l’alcool ou quoi ? Je m’approchais d’elle, lui retirant ses ballerines des mains, l’arrachant par la même occasion de sa contemplation. Je passais ensuite une main dans mes cheveux, ne sachant pas vraiment comment réagir. Je savais que si je m’énervais contre elle, elle allait se braquer et n’en faire qu’à sa tête. C’était pour cela que je haïssais mes parents d’être partis, me laissant seul dans le rôle de père de substitution pour mon frère et ma sœur, gâchant par la même occasion une partie de ma jeunesse. Je m’approchais lentement de ma sœur, passant un bras derrière ses épaules avant de lui chuchoter :

- « Allez petite sœur, on y va. »

Cela ne me ressemblait absolument pas de rester aussi calme, moi qui suis d’habitude si caractériel, mais je n’avais pas vraiment le choix. Je savais parfaitement ce que c’était d’être bourré pour avoir eu son âge, et l’état dans lequel elle était. Et puis c’était une raison de plus pour laquelle je ne pouvais lui en vouloir. J’attendais donc qu’elle réagisse, patiemment.

Les yeux rivées sur sa chaussure, elle ne pouvait pas en détacher le regard. C'était une sensation assez étrange, c'était comme si elle était en train de planer et qu'elle était déconnectée de tout. Elle était tellement ailleurs qu'elle n'entendait même pas que les autres filles qui étaient dans les toilettes faisaient du bruit, beaucoup de bruit.

Ce ne fût que lorsqu'elle sentit sa chaussure s'en aller comme par magie qu'elle revint à moitié les pieds sur terre. Elle sentit un bras passer autour de ses épaules mais ne réagit pas plus que ça, baissant la tête pour regarder le sol, elle fixait le sol et ne disait rien. Elle ne comprenait pas ce qui lui arrivait tellement elle était ailleurs, on lui aurait demandé son nom à cet instant précis qu'elle ne saurait même pas répondre.

« Euh... »

Lorsqu'elle entendit la voix de son frère, elle ne sait pas pourquoi, mais une larme coula – comme chaque fois qu'elle était bourrée – et ça devait d'ailleurs être la première fois que Max la voit comme ça. Pas qu'elle la voit bourrée, non, ça c'était pas nouveau, ça commençait même à devenir un peu un rituel qu'Amy se bourre la gueule et que son frère vienne jouer son rôle de grand frère, mais qu'elle laisse couler une larme, ça c'était inhabituel. Elle avait toujours fait en sorte de ne pas pleurer devant lui, il devait avoir assez à faire et à gérer de son côté pour voir sa petite sœur dans un état pareil. La jeune Hopper préférait donc que son frère la voit saoule, voire ivre morte, plutôt que de pleurer devant lui.

Elle posa sa tête sur l'épaule de Max avant de ramener une main à sa tête. Elle commençait à se rendre compte qu'ils n'étaient pas seuls et surtout, qu'elle se trouvait dans les toilettes du bar.

« Tu préfères pas prendre une photo et l'encadrer au lieu d'nous mater comme ça ? » dit-elle en se redressant un peu à l'attention d'une fille.

Elle leva les yeux au ciel avant de reprendre sa chaussure dans les mains de Max et se détacha de « l'étreinte » dans laquelle elle était et se tourna pour être face au miroir des toilettes.

Lorsqu'elle vit son reflet, elle resta bloquée pendant une bonne dizaine de secondes. Elle avait les yeux rouges à force de pleurer, le teint blafard... bref, une sale gueule quoi.

« Bon, on y va, parce que bon. Il se fait tard quoi, puis voilà quoi !»

Elle se retourna vers son frère pour qu'il ouvre la marche et qu'ils se cassent d'ici et essayait de sécher ses larmes en passant grossièrement ses mains sur ses yeux qui, au lieu de les sécher les rendait encore plus rouge qu'auparavant, comme si elle venait de fumer. Elle avait du mal à tenir sur ses jambes et tanguait alors qu'elle ne bougeait même pas à cause de l'alcool qui faisait bien son effet.