Andrew donna un coup rageux sur son réveil, au hasard. Bingo, il l'avait arrêté, voire cassé. Qu'importe, dans cinq minutes il se levait. Encore cinq petites minutes de répit, il était actuellement dans un super rêve et voulait en connaître la fin, avant de se porter jusque dans la douche, puis jusqu'à la cuisine, puis jusqu'à la fucking université. Il maudissait amèrement l'idiot qui avait fixé le début des cours à 8 heures. Dans une autre vie, 8 heures, c'était l'heure où il rejoignait les bras de Morphée. Désormais, il se levait avec les poules, et bientôt il se mettrait à glousser sans s'en étonner. Voilà ce que ses parents avaient fait de lui, une poule.

Il jeta un nouveau coup d'oeil vers le réveil - priant avidement pour que les cinq minutes ne soient pas encore écoulées. 10h45. Ah mince ... Il en conclut qu'il s'était rendormi ... et c'est tout. Même s'il serait bien resté plus longtemps dans son lit, il fut incapable de retrouver le sommeil. Il tourna sur lui même, plusieurs fois, peu à peu envahi par un sentiment de remord. Il le repoussait, de toutes ses forces, se répétant que ses parents étaient les fautifs, ils n'avaient qu'à le laisser étudier ce qu'il aime. Quand il était revenu de Londres, il était tellement ravi de s'être découvert une passion, une possibilité d'avenir. Il imaginait déjà ses parents accepter que leur fils travaille dans la cuisine, soulagés qu'il ne veuille plus devenir bon à rien professionnel. Mais non, ils lui avaient simplement rit au nez. Un rire moqueur que le warrior entendait encore retentir. Après tout ce temps, la réponse de ses parents l'énervait toujours autant. Il était impuissant face à eux, se retrouvait obligé d'obéir, alors qu'il voulait faire des cupcakes à plein temps comme Miss je-ne-sais-plus-quel-région-française. Pour la peine, il resterait chez lui aujourd'hui, et ferai des muffins. Bien fait pour eux.

Une fois lavé, habillé et pas coiffé, il descendit dans la cuisine, et eut le malheur de croiser Juliet. Depuis quelques jours, sa soeur était exécrable. Certes, elle l'était déjà l'accoutumée. Mais là, elle battait des records. Peut-être concourrait-elle pour l'oscar de la meilleure chiante du quartier. Andrew soupçonnait son fucking petit ami en carton, d'être derrière tout ça. Mais il attendait que Juliet soit moins électrique pour la questionner. Un pressentiment lui disait que prononcer le simple prénom de Adrian devant sa soeur lui vaudrait une gifle, la foudre, les éclairs, et tout le tralala. Or la fin du monde n'était pas encore aujourd'hui, et Andrew prévoyait de vivre assez vieux. "Bonjour sister de mon coeur, ça te dit de faire des muffins aux framboises aujourd'hui ?" Fidèle à lui même, il fit un câlin furtif à sa soeur, exagérant toujours ses élans d'affection à son égard. Puis il se dirigea vers la cuisine.

Avant même d'avoir atteint la cuisine, sa grande soeur le réprimanda. Il leva les yeux au ciel, sincèrement agacé par cette soeur qui se donnait des airs de grande dame. Elle n'avait aucun droit de le fliquer ainsi, elle n'était pas sa mère. Et Andrew se réjouissait même que sa soeur ne soit pas encore enceinte. D'une part, avoir de l'O'Conell dans le corps serait un cauchemar, et Andrew frissonna à cette idée. D'autre part, sa soeur ne portait pas vraiment dans ses veines la fibre maternelle. Ce n'était pas sa faute, c'était génétique. Et Andrew - raisonnable contrairement à d'habitude - savait que s'il adorait s'occuper des enfants, c'était uniquement parce qu'il en était resté un lui même. Mais sa soeur ... Elle préférerait sauver son couple plutôt que de s'occuper de son enfant. Et même si Andrew serait bien content d'avoir un neveu ou une nièce, que ce gosse soit à moitié O'Conell le bloquerait. Ce serait comme avoir face à soi la progéniture du diable, et de ne pas le dénoncer à la police. Cependant, Andrew choisit d'agir avec tact. Pourquoi ? Simplement parce que Juliet restait sa soeur. Une soeur bien malheureuse qui gâchait sa vie. « Juliet s'il te plaît, ne me prends pas la tête si tôt dans la journée, surtout si j'ai le ventre vide ! » Et il pénétra dans la cuisine. Quelques secondes de répit, il savait que Juliet ne tarderait pas à l'imiter, et à continuer cette discussion fâcheuse qu'il avait vainement tenté d'écourter.

Effectivement, sa soeur pointa le bout de son nez alors qu'il se faisait couler un Nespresso. « Tu viens pour prendre un café avec moi, c'est ça ? » Sans attendre sa réponse, il sortit une seconde tasse de l'armoire. « Ça te dit qu'on prépare des pizzas pour ce midi ? » Il savait qu'éviter ainsi le sujet qui fâche énerverait encore plus sa grande soeur. Mais au fond, c'était un peu plus fort que lui.

Au fond, il savait bien que sa sœur n'était pas animée par de mauvaises intentions. Tout ce qu'elle voulait, c'est que son frère soit heureux, et surtout ne soit pas un raté. Mais en réalité, Andrew se demandait si Juliet ne voulait pas plutôt éviter d'avoir un frère qui lui ferait honte. Il imaginait bien la scène, où une de ses amies la féliciterait de son heureux mariage avec Adrian, de leur premier enfant mignon et déjà parfait ... Puis évoquerait ce fameux frère, la tare de la famille, celui qui entachait le nom Davies. "Et moi je n'ai pas envie de reprendre la boîte de papa" rétorqua-t-il simplement, comme si cette donnée justifiait son attitude et comportement.

En fait, c'est surtout qu'il ne voulait pas en parler. Ce n'était pas Juliet qui le dérangeait, c'était le sujet de discussion en lui même, c'était son futur sans avenir, ses prochains jours sans lendemain. Il fallait être honnête, jamais Andrew ne tiendrait toute une vie à la place de son père, une semaine serait déjà un exploit. Mais il n'y avait pas de solution possible, alors pour couper court à cette discussion déplaisante, Andrew fuit dans la cuisine ... Où Juliet le suivit, à la poursuite utopiste et naïve d'une discussion fraternelle qui arrangerait leur relation, et la situation du garçon. Quand elle lui suggéra d'en parler avec leurs parents, il éclata de rire. "Tu es sérieuse Ju ? Je leur en ai déjà parlé tellement de fois, ils n'en ont rien a faire, et même voir que je m'accroche depuis tout ce temps ne leur fait pas changer d'avis, alors tu rêves ma pauvre, leur parler ne changera rien " il sentait la colère monter en lui, motivée par cette injustice devant laquelle il restait inlassablement impuissant, tel le spectateur malchanceux de sa propre vie, qui n'était faite que de lumières et d'artifices, à l'instar de leur famille. Et à l'instar de la vie que Juliet voulait vivre à son tour. Ce n'était pas la faute de sa sœur, elle n'y était pour rien, pourtant ce fut plus fort que lui. À défaut de pouvoir énerver contre ses parents sans cesse absents, il passa sa colère sur sa pauvre sœur, cette Juliet complètement aveuglée par des rêves dorés en toc. "Tu le sais bien, ils sont exactement comme toi, ils préfèrent une vie qui a la classe, qui rend jaloux les autres, même si cette vie c'est de la merde au final ... Comme ta relation avec Adrian que tu obstines a continuer alors que ce mec est un connard fini" il était dur avec celui qu'il devait appeler beau-frère, sa colère a l'encontre du couple, a l'encontre de sa sœur, était démesurée. En fait, elle témoignait seulement de son mal-être ambiant, qu'il s'appliquait si habilement à cacher, la plupart du temps.

Andrew appréciait ces rares moments où sa soeur exprimait réellement ses pensées, et non celles inculquées de force dans sa tête par leurs parents. Si Juliet s'était accommodée à sa vie dictée par leurs supérieurs, elle était consciente que Andrew ne le pourrait jamais, contrairement à elle. Et elle le sommait se battre pour ses rêves. Il réalisa alors, non sans honte, qu'il n'avait jamais questionné Juliet, sur ses rêves à elle. Bien sûr, il n'avait pas oublié cette passion pour la danse qu'elle avait dû arrêter, tuée dans l'oeuf car "on ne peut pas vivre de la danse ma chérie voyons, ne dis pas de sottises. En plus, que dirait ton mari, si tu te pavanes à demi nue devant tout un public". Tous deux se comprenaient, au fond, à cela près que Juliet avait arrêté de se battre ... Mais il semblait suivre la même route, à force. « Alors je fais quoi, j'arrête ? Et quand ils me mettront à la rue, tu me laisseras habiter dans notre ancienne cabane dans le jardin ? » Andrew avait beau être inconscient et flemmard, il s'agissait des prochaines 60 années de sa vie, il ne pouvait pas rester sans rien faire comme à son habitude. Malheureusement, il était impuissant ... Et sa seule solution, était donc de passer ses nerfs sur sa soeur, malgré lui. Il s'en voulait, mais trop tard, la discussion était lancée, sur l'un des sujets les plus tabous de la maison. « Je ne le connais pas assez ? Ça fait une dizaine d'années que je le vois te traiter comme une ... comme tout sauf sa fiancée ! Et ça fait une dizaine d'années que je te vois acquiescer sans rien faire, et dire amen à tout ! Je ne le connais peut-être pas, mais toi je te connais Juju » Il n'aimait pas être méchant avec sa soeur, tous deux devaient se serrer les coudes, se soutenir ... Mais il était tellement triste que sa soeur ne soit pas heureuse, alors que si elle quittait Adrian, tant d'hommes viendraient postuler pour le prestigieux titre de petit ami de Juliet Davies. Et le pire, dans tout ça, c'est qu'elle n'aimait pas cette vie qu'elle s'imposait.

Il la suivit hors de la cuisine, l'occasion était trop belle pour ne pas la saisir. Il attrapa sa soeur par le bras, doucement, pour l'inciter à se retourner vers lui. « Alors change la, ta vie, Ju, oublie le lui il n'en vaut pas la peine, reprends la danse même ! » Il lui sourit, gentiment, ne voulant pas être méchant. Il l'observait, attentivement, posant sur sa grande soeur un doux regard protecteur. « Tu vas bien Ju ? tu as l'air palote, t'es malade ? » Avec tout ce qui traînait ces derniers jours, sa soeur avait dû attraper un rhume, ou autre maladie. En tout cas, Andrew espérait que ce ne soit pas la gastro. Mais si sa soeur était malade, ça lui faisait une raison pour rester chez lui et sécher les cours : il devait s'occuper d'elle, pardi !

Même s'il entretenait un lien fraternel fort avec sa soeur, Andrew n'aurait pas cru que Juliet s'investisse autant dans sa cause. A peu discuter avec elle, il n'avait jamais vraiment réalisé à quel point la vie imposée par ses parents lui convenait peu. Bien sûr, il concevait, qu'arrêter la danse fut un coup dur pour elle. Mais il s'était toujours imaginer que s'accrocher au bras du bellâtre Adrian O'Conell l'avait vite consolée. En fait, la réalité était différente. « Juliet, tu sais qu'ils ne te laisseront jamais m'aider si c'est le cas ! » Il ne voulait pas que la vie de sa soeur soit gâchée un peu plus. « Moi, je crois en toi, et je pense que tu devrais reprendre la danse, au moins par plaisir. Et je parle en connaissance de cause ... » Même s'il ne pourrait jamais faire des cupcakes à longueur de journée, ou s'occuper d'enfants à plein temps, il n'arrêtait pas les activités qu'il aimait. Ça, et la présence de Lou dans sa vie, les éléments nécessaires pour se lever (plus ou moins) chaque matin pour aller en cours.

Mais pour l'heure, il n'était plus question de lui. Sa soeur l'inquiétait, il voulut lui proposer de se coucher, ou au moins de s'allonger dans le canapé, mais elle assura qu'elle se portait bien. Pourtant, la seconde suivante, elle perdit connaissance et Andrew la rattrapa de justesse. Ses yeux s'écarquillèrent, paniqué. « PUTAIN JULIET REVEILLE TOI ! » Il était perdu, ne savait pas quoi faire. Il regarda à droite à gauche, cherchant une solution miracle. Puis il se calma, il devait l'emmener aux urgences, voilà c'est ça. Il la prit dans ses bras pour la mener jusqu'à sa mini, l'allongea comme il put à l'arrière et grimpa au volant. Il aurait pu appeler une ambulance, mais l'idée que celle ci puisse arriver en retard le paniquait. Il réalisait que, s'il arrivait quelque chose à sa soeur, s'il se retrouvait seul, il serait fichu. « Je t'emmène à l'hôpital Juliet, ça va aller » souffla-t-il avant de démarrer, en espérant qu'elle l'entende ...