Andrew avait tourné et retourné le problème dans tout les sens, mais rien n'y faisait : il ne trouvait toujours pas la solution miracle pour récupérer l'amitié de son brother perdu. Il avait pourtant abusé des plats japonais, afin d'avoir le petit biscuit de la chance à la fin, mais de tous les proverbes délirants qu'il avait pu y trouver, aucun ne lui avait apporté l'équation manquante à son problème cornélien. Il avait alors imaginé, en parler à Lou. Mais celle-ci s'en voudrait, c'était hors de question. Même si c'était le mensonge le moins crédible du siècle, il répétait à sa douce que perdre Christian n'était pas si difficile à vivre, et qu'il s'en remettait petit à petit. En vérité, il avait l'impression qu'il lui manquait un bras, une jambe, un bout de son coeur. En le quittant, Christian avait emporté une moitié de lui. Andrew sans Christian, c'était comme Troy sans Zac, Woody sans Buzz, Lilo sans Stitch (c'est Christian qui fait la fille), Aladdin sans le génie, Tigrou sans Winnie. Mais l'avouer à la princesse, hors de question. Après avoir recroisé Katya la semaine dernière, il s'était dit que lui demander conseil pourrait peut-être l'aider. Mais après quelques minutes de conversation, il comprit que son ancienne amie n'avait plus beaucoup de nouvelles de l'ancien warrior. Dire que, avant, cette nouvelle lui aurait fait plaisir, car il avait toujours vécu leur couple comme une trahison de la part de Cricri. Il avait commis pire, depuis. Et à dire vrai, il avait finalement réalisé que Cricri et Katou, c'était un duo qui collait bien, en fait. Il osa croire que, si Cricri se terrait chez lui, c'était parce que son bro lui manquait. Et non pas uniquement parce que sa copine était partie loin de lui à Philly. Oui, il préférait y croire ... Mais toutes ces suppositions ne lui ramèneraient pas son meilleur ami perdu.

Alors, il décida d'en parler à un garçon qui croisait Christian tous les jours : William. En plus, ce dernier avait l'avantage de ne pas totalement détester Andrew, contrairement à certains de leurs amis qui, lors du divorce de Christian et Andrew, avaient choisi de rester amis avec le premier. Il alla donc attendre Willy à la sortie des cours, après l'avoir prévenu d'un bref sms qu'il voulait lui causer quelques secondes. Il l'aperçut bien vite, entouré de sa horde d'amis. William était tout le contraire de son grand frère. Pourtant, quand ils étaient petits, ils jouaient ensemble, tous les trois. Mais chacun avait emprunté des chemins de vie différents, en grandissant, et même si Andrew était toujours ami avec Will, le comportement de ce dernier le surprenait parfois. « Eh William, ça va ? Bien ta journée de cours ? » Même si William ne croirait pas une seconde que le warrior venait uniquement s'enquérir de son assiduité au lycée, Andrew préférait commencer par les banalités. Après tout, c'était méchant, de lancer de but en blanc qu'il voulait seulement de l'aide pour reconquérir Christian.

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J'aimerais que ton bro redevienne aussi mon bro.

Dés que la sonnerie libératrice des cours retentit, William s'élança hors de la classe. Va, cours, vole ! Étaient-ce les cours de son cher professeur qui le poussait à prendre la fuite ? Les oeillades bovines que lui lançait sa partenaire de chimie ? Ou encore les plaisanteries stupides d'Alistair qui auraient probablement été hilarantes si elles n'étaient pas si prévisibles ? Que nenni.
Non, rien de tout cela ne rentrait en ligne de mire. Car pour l'instant, les seules pensées du jeune garçon étaient pour le message qu'il avait reçu un peu plus tôt dans la journée.
Pas n'importe quel message, attention. Un message d'Andrew Davies, le fameux Andrew Davies, l’inimitable Andrew Davies, le seul, l'unique, et tout le patatras. Ce même Andrew Davies qui semblait avoir quitté le monde des Livingstone, quelques mois auparavant, lorsque Christian avait décidé de passer de "Bestahforever" à "It's complicated". Cela faisait un moment que William n'avait pas eut des nouvelles d'Andrew à cause de cette histoire, et recevoir un SMS de sa part était tout aussi surprenant que de recevoir un message d'outre tombe de la part de Mickael Jackson. Quoiqu'il en soit, Andrew restait Andrew, le même petit bonhomme un peu déconnecté, un peu déluré, dresseur de Pokémon à ses heures perdues. Celui qui lui avait apprit en premier au petit William à capturer un Sabelette sur sa première Game Boy Color - paix à son âme. Impossible pour lui de garder la moindre rancoeur contre le garçon. Pourquoi aurait il dut d'ailleurs ? Après tout Andrew n'avait jamais rien fait contre lui. Prendre part dans cette histoire aurait été bien ridicule de sa part.
Alors que ses pas le guidaient machinalement à l'extérieur du bâtiment vieillot de la Sterling High School, William continuait d'alimenter ce passionnant monologue intérieur. Il fut néanmoins interrompu dans ses pensées lorsqu'il aperçut justement le fameux M.Davies qui venait à sa rencontre. Quand on parle du loup...
William fit signe à sa petite bande qui était sur ses pas, et s'éclipsa rapidement pour se retrouver seul avec lui. Seuls au milieu d'un océan de lycéens, certes, mais seuls quand même. Il adressa à Andrew un sourire sincère. En vérité, il était réellement content d'avoir des nouvelles du bonhomme. D'ailleurs, Andrew ne tarda pas avant d'engager la conversation sur des banalités sans réelles importances. William eut un demi sourire amusé. En réalité, il se doutait bien que le jeune homme n'était pas simplement venue le chercher à la sortie de ses cours pour lui donner le goûter et porter son sac jusqu'à la maison, tout en conversant sur les meilleures marques d'adoucissants pour le linge. A vrai dire, William avait même sa petite idée en tête sur la raison de sa venue. William se moqua affectueusement.

« - Salut Andrew ! Ma journée était tout simplement palpitante, je ne te raconte pas ! Philo, physique et... oh, mais je ne t'ai même pas raconté ce que j'ai mangé à midi, dis moi ! Comme tu dois être impatient de savoir. »

En réalité, William ne blâmait pas le garçon. Il appréciait même le fait qu'il fasse l'effort de faire semblant de s'intéresser à sa journée. Pourtant, dans son infinie bonté, il décida de le libérer de son fardeau en lui tendant une perche. Il lui adressa un sourire amusé et reprit :

« - Allez Andrew, tu ne vas pas me dire que tu es venu jusqu'ici juste pour savoir où en était ma relation passionnelle avec le vieux prof de chimie, je ne te croirais pas ! Alors, qu'est ce qui t'amène ici, vieux garnement ? »

Fidèle à lui même, William le vanna. Andrew l'avait bien cherché, sa phrase d'accroche pour entamer la conversation pouvait concourir aux jeux olympiques des phrases d'accroche, catégorie "les pires phrases d'accroche les plus pourries". Pourtant, Andrew ne put s'empêcher de rire, il l'aimait bien, ce William là. Ce n'était pas celui qui se la racontait devant ses copains, en roulant des mécaniques tel un gros 4x4 pollueur. Non, le vrai William, celui qu'Andrew connaissait depuis tout petit, était plutôt une mini cooper toute rigolote, peinturlurée de toutes les couleurs par un mec sous influence de cannabis. Malheureusement, probablement sous l'influence de sa mère, William se transformait parfois en bad William, assoiffé de popularité et de filles à ses pieds. Ce que Andrew ne voyait jamais d'un très bon oeil, étant donné qu'il considérait sa voisine Sara - titulaire du prestigieux titre de "petite amie de William Livingstone" - comme sa petite soeur. Mais Andrew venait aujourd'hui pour quémander la précieuse aide du frère de son bro, laisser échapper une remarque sur le comportement de bad William aurait donc été tout à fait déplacé. Qui plus est, ce dernier avait revêtu son costume de gentil William rigolo à tendance warrior. Alors loin d'Andrew l'idée de provoquer la sortie du dragon hors de sa grotte (vous savez, sa grotte là, sous le château de la princesse, où il fait tout noir et que t'as peur). « T'as mangé quoiiiii ? » demanda-t-il en trépignant comme une fille. Même si William voyait clair dans son jeu, il ne put s'empêcher de le suivre dans cette petite blague. Mais il cessa bien vite, conscient que tourner autour du pot plus longtemps ne l'aiderait en rien. Il finit par lever les mains en l'air, devant le flingue imaginaire de William (aucune comparaison perverse dans cette phrase). « Bon okay je suis coupable, tu m'as démasqué. » Il soupira, avant de se lancer. « Tu le sais, ça fait deeees mois que Christian et moi on se zappe. Et je me demandais si t'avais pas la solution magique pour tout arranger. Il ne te parle pas de moi, parfois ? »

Le rire d'Andrew eut sur William un effet aussi vivifiant qu'un bon Hollywood chewing-gum double menthe forte. Cela faisait à présent tellement longtemps qu'il n'avait pas entendu ce rire dans le calme foyer des Livingstone ! En l'entendant, William fut prit d'une pointe de nostalgie. Il se revoyait, quelques mois auparavant, pousser la porte de la chambre de son grand frère, et découvrir les deux complices avachis, se livrant à moultes activités farfelues et rocambolesques. Il voulait à nouveau revenir à cette tendre époque, celle où le Davies n'était alors pas encore une espèce en voie de disparition, et qu'on pouvait en observer un curieux spécimen, qui avait presque élu domicile dans la chambre de Christian. De temps en temps, William venait les observer dans leur habitacle naturel. Il ne leur balançait pas des cacahuètes, certes, mais pour se faire pardonner, il avait parfois quelques barres chocolatées à leur apporter. Mais à présent, le temps avait filé aussi vite qu'un bolide de course, et le Davies était sorti de leur vies. En le voyant, William eut une folle envie de le bombarder de questions pour savoir ce qu'il avait loupé ces derniers mois. Andrew avait il enfin apprit à mettre enfiler sa couette dans son drap sans s’emprisonner lui même ? Se prenait il toujours le petit doigt de pieds dans la même commode lorsqu'il se levait en étant mal réveillé ? Et avait il avancé sa collection de cartes Pokemon ?
Mais pour l'instant, ce n'était pas à lui de poser les questions. Le jeune Davies l'avait prit de vitesse, et lui avait enfin poser la question, ou plutôt LA question, celle qui devait déjà probablement lui brûler les lèvres depuis plusieurs mois. Christian, quandquoicommentpourquoi ?
William reçu ce questionnaire en règle sans aucune surprise. A vrai dire, si il y avait bien une chose qui l'étonnait, c'est qu'il ne l'ai pas subit un peu plus tôt. En effet, il savait bien pourtant que Christian sans son Andrew, c'était comme Superman sans son super slip, le village des stroumphs sans la stroumphette, ou Loana sans sa piscine : ça n'avait aucun sens. Presque contre-nature. C'est pourquoi, au nom du bien de l'humanité tout en entière, les deux compères étaient fait pour se retrouver, dans une scène de retrouvailles digne des plus grands romans de gare. Une petite image au ralenti, une petite musique de fond, des petit figura... Oh, mais voilà que déjà William s'égarait sur les possibilités de réussite de leur mission commando. Pour l'instant, l'heure n'était pas encore aux plans sur la comète, mais bel et bien aux questions du Davies. Il s'empressa de lui répondre.

« - Une solution magique ? Tu as déjà essayé d'aller chanter la sérénade sous ses fenêtres ou pas encore ? »

William esquissa un léger sourire, avant de reprendre avec plus de sérieux.

« - Pour être tout à fait honnête avec toi, c'est vrai que Christian évite souvent ce sujet. Dès que j'essaye de l'aborder avec lui, il se défile, et se met à me parler de la pluie et tu beau temps... Tu vois le genre ? Enfin bref. On le connait par coeur le bonhomme, depuis tout ce temps. Ce n'est pas avec ses piteux subterfuges qu'il arrivera à nous faire croire qu'il vit aussi bien cette situation qu'il veut le laisser croire. Mais moi je pense surtout que tu lui manques terriblement, et ce même si cette tête de mule refuse pour l'instant le reconnaître. »

Une sérénade. Elle était donc là, la solution. Andrew avait espéré ne pas devoir en arriver là, mais il devait désormais employer les grands moyens. Il s'imaginait déjà, agenouillé dans l'herbe, une guitare à la fenêtre de Christian, cherchant à néantiser désespérément les dernières traces de rancune. Le seul problème, c'est que Andrew n'avait jamais voulu jouer de la guitare, car il avait toujours considéré que tout le monde joue de la guitare, or il n'est pas tout le monde. Résultat des courses, sa sérénade serait désaccordée, assortie à sa voix, en somme. Au final, peut-être réussirait-il à faire rire son ami, or le rire peut être un premier pas vers une réconciliation. Oui, Andrew était prêt à tout pour récupérer son amoureux meilleur ami, même se ridiculiser devant tous les passants. En psychologie, on pourrait le classer chez les masochistes. Lui, il se trouvait juste paumé, sans Christian. « Je suis en train de lui composer un morceau, mais j'ai du mal à faire rimer Christian. J'hésite encore, je ne suis pas sûr que "Christian reviens moi même si t'es chiant" lui plaise à fond »

C'est alors que William prit un ton plus grave, attention il ne rigolait plus. Tel Sasha Ketchum qui retourne sa casquette quand le match pokémon devient serré, et qu'il doit envoyer l'un de ses meilleurs atouts au combat, William joua la carte (oui après pokémon Yu Gi Oh, je sors) de la sincérité. Même si c'était ce qu'Andrew était venu réclamer, il n'aimait pas cette vérité qui le frappait au visage telle une ex dont il aurait oublié le prénom. Pourtant, il était là pour ça. Mais finalement, la vérité ne lui plaisait pas, alors, il aurait souhaité que William la ravale illico. Lui, avait espéré que Christian pleure toutes les nuits, dans son lit, criant le nom de son meilleur ami perdu, implorant son retour, défaisant à la lueur d'une bougie la tapisserie qu'elle avait tissée le jour. Tapisserie qui, une fois terminée, signifierait qu'il devait choisir un nouveau meilleur ami, parmi tous les prétendants se bousculant à sa porte. Mais la vérité était autre. « Ou alors, peut-être qu'il ne veut pas en parler parce qu'il a tiré un trait sur notre amitié, passé un coup de tip-ex sur mon nom et supprimé mon 0 6 de son répertoire. » Il soupira, dépité. « Je l'imagine tellement m'envoyer bouler si je viens le voir. Déjà si je viens chez vous, ça sera trop bizarre. Sauf que le petit, il passe toujours tout son temps dans son lit, j'imagine ? » Surtout que, maintenant que sa dernière forme de vie sociale - à savoir Katya - avait émigré à Philly, Christian devait de nouveau jouer la marmotte tout le temps, et se trouvera fort dépourvu quand la bise viendra.

Un petit rire s'échappa de la gorge de William. Il ne put s’empêcher d'imaginer ce grand bonhomme d'Andrew Davies livrer le tourment de son âme dans un solo de triangle endiablé. Tel un Roméo 2.0, Andrew savait comment vendre du rêve en pack de douze. Qui pouvait prétendre résister à un charme si envoûtant ? Pas Christian, ça il l’espérait. En preuve de sa bonne foi, il vint au secours de notre Rimbaud national.

« - Et pourquoi pas Christian, reviens ou je demande au juge la garde des enfants ? »

Avec une telle intro, Cupidon pouvait toujours aller se brosser les fesses avec son arc. Mais la partie n'était pas finie pour autant, et il leur restait encore du pain sur la planche. Et là, changement d'ambiance : plus de violons, plus de hautbois, seulement la vérité, cette sale vérité qui laissait sur la langue un gout aussi aigre que le vinaigre du bocal de cornichon. Dur à avaler. William l'avait déjà comprit, mais il le réalisa d'autant plus lorsqu'il vit le visage d'Andrew grimacer. Ca y est, la bombe était lâchée. Pourtant, aux yeux de William, cette vérité n'était pas si dramatique qu'elle n'y paraissait. Si ce gros boudeur de Christian ne disait mot à son sujet, c'était que justement, quelque chose n'allait pas. Cela faisait maintenant dix-sept ans que William vivait avec un insatiable moulin à paroles, qui déblatérait à longueur de journée sur tout et n'importe quoi. Si un sujet d'une si grande importance était tenue sous silence, il y avait fort à parier que c'était que le chapitre n'était toujours pas clôt, la page toujours pas tournée, et que Christian pataugeait en plein brouillard avant d'en écrire les prochaines lignes de leur histoire. Si Andrew réussissait à toucher quelques mots au Livingstone, nul doutes qu'il finirait par avoir le droit à son happy ending. Alors, quand ce dernier se mit à désespérer sur ses chances de réussites, William l’interrompit rapidement.

« - Eh oh, on parle de Christian et Andrew, pas de Brad Pitt et de Jennifer Aniston. Vous deux, c'est fait pour durer, pas de discussion possible ! Si ce grand cadet de Christian ne parle pas de toi, c'est tout simplement parce qu'il souffre de ne plus t'avoir dans sa vie. Te remplacer ? Allez, toi et moi on sait très bien qu'il n'y arrivera jamais. Il déjà même pas foutu de changer sa taie d'oreiller, alors changer de meilleur ami ? Et puis, il n'y a que toi qui le connaissent aussi bien, et qui lui corresponde autant. Alors vous allez me faire le plaisir de vous vous retrouver, de vous sauter dans les bras au ralenti, et de rester potes jusqu'à ce que la mort vous sépare, blablablabla. »

Il s'arrêta, histoire de reprendre son souffle et répondit à la question qui lui était posée avec un petit sourire amusé.

« - Tu as déjà vu Christian en position verticale, toi ? »

William interrogea le Davies du regard.

« - Tu voudrais passer un de ces quatre, pour une audience avec le grand Livingstone ? Tu sais, c'est aussi ma maison, il n'est pas le seul à pouvoir inviter des gens... »

William entrait dans le jeu d'Andrew à pied joins, trouvant probablement la meilleure rime de tous les temps avec le prénom de leur bro commun. Quand il voyait son "beau-frère" se comporter ainsi, Andrew oubliait un temps que William était aussi le roi du lycée, que tout le monde l'adulait, que toutes les filles rêvaient d'être aspergée de la sueur de ses cheveux après ses matchs de basket ball. William menait une double vie. Tel le Superman de la popularité, il redevenait Clark Kent une fois en dehors du lycée, un Clark Kent qui n'était pas journaliste mais bout en train professionnel, diplômé de l'université du lolilol Davies & Livingstone. Effectivement, William avait été à bonne école, mais Andrew ne comprenait pas pourquoi Will s'obstinait à devenir ce super héro du lycée. Il aurait au moins pu revêtir la tenue assortie, histoire que ça soit rigolo. En plus, sa Lois Lane aurait très bien pu lui prêter des collants, et il devait certainement avoir un slip rouge dans son placard. Même bordeaux, ça ferait l'affaire. Mais paradoxalement, un tel accoutrement aurait nuit à son efficacité de superman de la popularité. C'était ironique, que la tenue traditionnelle de super héro soit sa kryptonite. Et ce n'était pas gentil pour Sara, toute fille rêve d'être la kryptonite de son copain. Lou était celle d'Andrew, en tout cas. Face à elle, il perdait tous ses muscles, lui répétait-il à chaque fois qu'elle le voyait torse nu. Car en réalité, Andrew était très musclé, oui oui oui.

« Mais Willy, sa taie d'oreille n'est jamais sortie avec son ex, à ce que je sache. Ah moins que je ne connaisse pas tout des conquêtes de Christian ... » Sa petite blagounette lui faisait à peine esquisser un sourire. Il était tellement dégoûté que Lou soit au milieu de ça. Leur Livingstone en commun était devenu un sujet tabou dans leur couple, mais au fond Andrew n'était pas idiot : Lou devait forcément s'en vouloir, se sentir responsable d'avoir brisé cette amitié imbrisable même par une énorme météorite lancée tout droit sur le lien amical invisible (oui tout est en wifi de nos jours) qui liait auparavant Andrew et Christian. Pas une seconde, Andrew ne la tenait pour responsable. C'était la faute à Cupidon, au destin, à l'idiot qui écrivait le grand Livre de l'Histoire de la vie, ce cycle éternel. Car pas une seconde, Andrew ne regrettait d'aimer Lou plus fort que n'importe quel prince de Walt Disney puisse aimer sa princesse. « C'est gentil de le proposer, mais j'ai peur qu'il le vive comme une intrusion, même comme une trahison qu'on manigance contre lui. S'il se met à t'en vouloir à toi aussi, il perdra définitivement tout contact social, je ne voudrais pas qu'il devienne un ermite par ma faute ! » Et pour tout dire, Andrew avait aussi un peu peur.

Face au schisme qui séparait Andrew et Christian, le plus jeune des Livingstone se sentait démuni. Que faire pour faire comprendre à ses deux idiots qu'un Batman ne serait rien sans un Robin à ses côtés ? William aurait put se rouler par terre jusqu'à ce que le monde ait recommencé à tourner, mais il doutait de l'efficacité de sa requête, qui risquait fort de lui être refusée. Il aurait put tout aussi bien tenté son regard de Chat Potté. Mais pas sur que les deux gaillards soient très sensibles à son charme viril. Retour à la case départ donc.
Non, pour tenter de ramener le Davies dans le clan des Livingstone, seules deux options s'offraient à lui. Premièrement, le kidnapper, le ramener à la maison et l'enfermer dans la cave qui risquait bientôt d'afficher complet, ou deuxièmement, réussir à le convaincre d'aller parler à Christian. Même si depuis qu'il s'était englué dans cette histoire, il commençait à croire que l'option numéro un restait la plus facile.

« - Peut être, mais c'est pas faute d'avoir essayé ! »

Le Livingstone était connu pour ses petites plaisanteries Williamiennes pur jus, préparées avec amour, élevées en plein air en pleine campagne, produit certifié. Malheureusement, aujourd'hui elles lui semblait bien indigestes face à la situation cornélienne qui venait le frapper au visage. Il ravala donc ses pitreries, avant que le fin gourmet qu'était Andrew ne fasse pas une indigestion.
Il se concentra donc sur le sujet principal. Cette fois ci, c'était du sérieux. Il aurait presque put entendre la musique des experts Miami en arrière fond, accompagnant son froncement de sourcils.

« - Si tu le dis, Davies... Mais alors, qu'est ce que tu compte faire pour récupérer ton précieux ? Je veux dire... Il faudra bien que tu ailles lui parler un jour... non ? »

William avait l'air d'oublier à qui il parlait, à savoir Andrew, un gars réputé flemmard. Il n'était pas le (ex) meilleur ami de Christian pour rien : lui aussi, trompait sa petite amie avec son lit, dans une relation fusionnelle et destructrice. Alors essayer une mission suicide dont le résultat n'était même pas certain, très peu pour lui. Andrew n'avait pas peur du ridicule, ou alors il serait déjà mort plus d'une fois. Mais passer pour un idiot aux yeux de Cricri n'était pas anodin. Pire, si en plus, au final, l'opinion du flemmard ne changeait pas, si Andrew ne quittait pas le niveau "voisin à éviter" pour le niveau "de nouveau meilleur ami pour toujours" au Christianland, il risquait de le vivre très mal.

« Je sais pas mec, j'ai l'impression que c'est voué à l'échec. Tu nous imagines parler ? Déjà qu'on parle pas beaucoup, si en plus on se fait la gueule, on va avoir la plus grande conversation muette de tous les temps, digne de la médaille d'or des conversations muettes. Et après je devrais prétexter une urgence pour déguerpir, comme des cookies laissés dans le four »

Mais bizarrement, Andrew se sentait soudainement pousser des ailes. Tel l'oiseau de l'amitié et de la réconciliation, il s'imaginait déjà voler jusqu'à la chambre de Christian. Celui-ci lui ouvrirait sa fenêtre, lui offrirait quelques graines, et pour une raison magique et encore non identifiée, finirait par lui pardonner. Parce que en fait, même si Andrew se cherchait des excuses depuis tout ce temps, il ne pouvait pas imaginer Christian le traiter avec indifférence plus longtemps. L'éviter était une chose, mais si Andrew venait le confronter, Christian ne pourrait pas le rejeter. Du moins, il l'espérait.

« En fait, t'as ptet raison. Si on se parle enfin, même si on ne dit rien, il ne peut pas m'envoyer bouler, c'est pas possible » revigoré, il fit un grand sourire à William. Il y croyait, désormais.

L'homo Andrewus des lits était une espèce réputée pour être non seulement têtue, mais aussi dramatisante : pour lui, non seulement le verre était à moitié vide, mais en plus l'eau était croupie, le verre ébréché et on se couperait la lèvre en essayant d'y boire. En un mot comme en cent, l'homo Andrewus était sceptique. Pourtant, il n'y avait aucun mal à voir la vie du bon côté de temps en temps. De se dire que les roses était roses, les violettes violettes, et que toutes les tartines ne tombaient pas forcément toutes du côté de la confiture. C'était plutôt de cette manière que William envisageait leur retrouvailles. Ex ou pas ex, le garçon savait son frère désespérément attaché à ce grand dadais. Il restait persuadé que la situation finirait par s'arranger, et qu'en passant le porche de la maison n°21, Andrew avait des bonnes chances d'en ressortir vêtu de blanc, porté à bout de bras par son aîné. Éventuellement, William pourrait s'arranger pour leur balancer des pétales de fleures s'il n'avait pas mieux à faire ce jour là.

« - Je t'ai connu moins défaitiste, monsieur ! Qu'est il arrivé à l'inébranlable dresseur Davies qui a réussi à capturer un Artikodin après des heures de travail, SANS se chopper une crise d’épilepsie, hein ? Sans parler de celui qui a finalement réussi à monter un putain de soufflet au bout d'une dizaine d'essais. Et que dire de celui qui a réussi à survivre, juste après avoir accidentellement cramé la voiture de maman Livingstone ? Tu as déjà affronté des obstacles tout aussi casse gueule, si je ne m'abuses. Tu n'as rien à perdre, ne l'oublie pas. Et puis de nos jours, on fait de très bons films muets, d'abord. C'est un peu comme improviser un playback, quoi. Il parait que le langage des signes est moins compliqué à apprendre que l'on ne le croit ! Regarde, t'as déjà commencé : un pouce pour okay, un majeur pour je t'emmerde... »

Un non sens. C'est ce à quoi s'apparentait le discours de William. Une ineptie qui croissait de minutes en minutes. On lui avait grillé les neurones au grille pain, et pour un peu le jeune homme aurait put sentir son cerveau lui dégouliner des oreilles. Mais ce n'était pas sa faute aussi ! La simple vu du Andrew le rendait plus stupide que jamais. A nouveau, William avait l'impression d'avoir six ans, de retrouver sa folle jeunesse d’antan, cette époque bénite où William pouvait encore s’asseoir dans le caddie du supermarché. Il se souvenait encore de ces longues heures passé avec les deux complices, de cette fierté qu'il avait d'être ainsi autorisé à traîner avec des "grands", de ces étoiles dans ses yeux lorsque les garçons allait jusqu'à le laisser toucher leurs joysticks. (Oui, on est d'accord : hors contexte, cette phrase peut s'avérer dégueulasse.) Renoncer au Davies serait aussi douloureux que de passer un rouleau compresseur sur ses derniers vestiges de l'enfance, et ça William n'arrivait pas à s'y résoudre.
Heureusement pour lui, Andrew ne semblait pas complètement insensible à ses arguments. William le sentait sur le point de céder. Oui, ouuui ! Aie confiance mon garçon, aie confiance ! C'était bien ce que disait Kaa pour hypnotiser Mowgli, non ? Bah, peut importe après tout. William n'aurait peut être même pas besoin d'hypnotiser le garçon pour le rallier à sa cause. Il lui suffirait juste de trouver les bons mots.

« - A la bonne heure ! Cette guéguerre a durée trop longtemps. Il est temps que les choses reviennent à la normale à présent, et que la terre se remette à tourner, et cette fois du bon côté. »

William adressa son plus beau sourire au Davies, celui qui était sponsorisé par Signal White Now, et par toute la confrérie des lovers de Barbés. Andrew allait avoir du mal, pour ne pas succomber.
En l'observant, William remarqua que son visage avait changé. Il semblait déterminé, et dans ses yeux brillait une lueur d'espoir. L'heure était venue pour lui d'enfiler son slip et ses collants, il allait avoir du pain sur la planche.

Finalement, Andrew commençait à regretter sa venue impromptue. William le provoquait, il ne prononçait pas les phrases que Andrew avait envie d'entendre, comme "je vais raisonner Christian pour toi et tout ira bien", ou "C'est ton jour de chance, Christian me disait justement ce matin lors du petit déjeuner qu'il comptait venir s'excuser pour son comportement inacceptable". Non, William vantait astucieusement ses mérites, pour déduire ensuite qu'il était capable de reconquérir le coeur de son Cricri. Andrew, de mauvaise foi, se renfrogna d'abord. Un tel comportement était plus facile, que d'agréer les dires de son ami. Il avait peur, c'était le mot. Peur de se prendre une veste, peur que son meilleur ami le remballe. Mais il était un warrior, un dresseur pokémon ... et putain, son pote lui manquait salement. « Je ne suis pas d'accord avec toi, j'ai à perdre. je pourrais salement y perdre ma fierté et mon égo » Si Christian répondait par la négative à l'invitation de réconciliation, Andrew risquait de très mal le vivre.

Cependant, comme il l'avait dit, Andrew en avait raz la casquette. Il s'était construit une véritable armurerie pour se protéger d'un éventuel rateau de ce tire au flanc. Mais la seule façon d'être fixée était de se lancer. Tant pis, s'il devait au passage croiser cette morue de maman Livingstone, où même réveiller Christian et le mettre de mauvaise humeur. « Mais j'imagine que c'est un prix à payer, pour qu'on se réconcilie. En plus, même s'il me rejette, me voir le fera peut-être réfléchir, et il finira par revenir et on sera deux idiots et on se fera un gros câlin, voilà » Il imaginait déjà la scène, non sans rêver. Il était beaucoup trop optimiste, mais il en avait besoin, pour se motiver. Andrew fonctionnait ainsi. En grand flemmard, quand Juliet lui demandait de faire quelque chose, il répondait toujours "Pourquoi ?" (oui, même quand elle lui disait d'aller se doucher). Et si elle trouvait de bonnes motivations, alors Andrew démarrait, au quart de tour. Mais toujours, il avait besoin de cette carotte pour attirer l'âne qu'il était. « Bon je ne vais pas y aller aujourd'hui, je ne suis pas habillé en circonstance. Tu rentres chez toi là ? » William avait accompli sa tâche de Warrior (il était un membre honoraire reçu à titre honorifique) et pouvait donc désormais retrouver le cours de sa vie de simple mortel. Andrew, lui, allait filer dans sa batcave, enfiler son costume, dire au revoir à Alfred, faire un bisou à Batgirl grimper dans la batmobile, puis partir reconquérir son Robin.