Une nouvelle vague de froid avait frappé Magnolia. La neige s’était accumulée en couche épaisse dans les rues de la ville et marcher sur les trottoirs n’était pas une chose aisée. Scarlett aurait pourtant bien dû le savoir, mais elle était entêtée. Elle en avait marre d’être enfermée chez elle et était sortie après avoir enfilé son manteau. Personne n’était là pour la retenir… Enfin libre ! Elle avait l’impression de vivre dans une prison depuis le jour de son accident. Sa voiture avait glissé sur la neige et percuté celle d’un autre conducteur… pas n’importe qui, le petit ami de sa meilleure amie. Scarlett avait pourtant été bien plus contente de le retrouver indemne que d’avoir la force de lui en vouloir pour avoir failli la mettre en morceaux. Elle s’en était tout de même moins bien sortie que lui avec sa jambe cassée, ses côtes qui lui faisaient mal à chaque respiration, et son traumatisme crânien qui l’avait plongée dans le coma pendant deux bonnes journées. Si elle s’était accommodée à ses migraines et aux petites douleurs au niveau de sa poitrine, elle ne supportait toujours pas devoir se balader avec des béquilles… enfin plutôt de devoir rester dans le repos complet qu’on lui avait préconisé… Conseil que suivait à la lettre tous les membres de sa famille en l’empêchant de bouger, enfin de se « fatiguer » selon eux, pour qu’elle puisse se remettre plus vite. Entre se faire apporter son café ou amener ses cours qu’elle devait étudier, et tout un tas d’autres attentions. Scarlett en avait assez de se faire chouchouter depuis une bonne semaine…. Période où elle avait aussi dû accepter le fait de ne pas pouvoir partir à Londres pour son stage à cause de son accident. Aller dans la capitale anglaise dans cet état… mauvaise idée. Ses parents n’avaient pas accepté. Vu les circonstances, la jeune femme avait donc pu trouver une autre offre plus à proximité et pour une période plus tardive de son année scolaire, ce qui était un mal pour un bien, car cette option arrangeait bien les choses entre Elias et elle, puisqu’ils ne vivraient finalement pas trois mois loin de l’autre. La jeune femme sortit de ses pensées et continuait de marcher pour prendre un bon bol d’air. Elle poussa la témérité à faire l’aller jusqu’au bout de la rue avant de se retourner pour reprendre le chemin jusque chez elle. Les trottoirs étaient glissants à cause de la neige, et elle commençait à ressentir la fatigue dans ses bras à forcer ainsi. Dans un moment de distraction, Scarlett dérapa. Quelle imprudence de sortir par temps pareil aussi ! Son entêtement allait lui coûter cher, toutefois elle ne tomba pas. Quelqu’un venait de la rattraper par le bras. Une mini-colère monta dans la poitrine de la jeune femme. Non ! Elle ne voulait de l’aide de personne ! Elle n’était pas une éclopée ! Elle était juste… frustrée de devoir l’endurer. La prudence n’était donc pas de mise pour elle. Elle tourna alors son regard vers son mystérieux sauveur et ravala ses mots dans la gorge pour les remplacer aussitôt par un diminutif. « Parrain ?! » S’exclama-t-elle étonnée. Elle se rendit alors compte qu’elle venait juste de passer devant chez lui.

Scarlett avait toujours bien aimé les temps enneigés. Rester enfermée chez elle depuis aussi longtemps la rendait complètement malade et si elle ne sortait pas prendre l’air, elle allait péter un câble. Elle avait donc décidé d’enfiler son manteau et de prendre ses béquilles pour aller faire un tour. Elle avait besoin de marcher un peu, ne fut-ce que dans la rue devant chez elle. Elle avança jusqu’au bout de la rue à une vitesse d’escargot, le sol était couvert de neige et glissant, quelle idée de sortir par un temps pareil. Mais il était hors de question pour elle de faire demi-tour avant d’arriver au bout de la rue, comme si elle essayait de se prouver quelque chose à elle-même. Quitte à se faire engueuler par sa famille après… C’était stupide, elle le savait, mais elle détestait renoncer quand elle était certaine de pouvoir y arriver. Pourtant, ce ne fut pas sa jambe qui lui posa problème lorsqu’elle voulut faire demi-tour, mais plutôt le manque de force qu’elle avait dans les bras. Marcher dans la neige était un vrai calvaire en béquilles, même si elle n’avait qu’à s’en prendre à elle-même. Ce qui devait donc se passer arriva quand elle manqua de glisser par terre. Par chance, quelqu’un la rattrapa à temps. Scarlett tourna la tête vers son ‘sauveur’ providentiel et constata qu’il s’agissait de son parrain. Son regard se porta derrière lui, elle était devant la maison des Kings. Elle faillit se braquer, mais il ne lui fit pas de reproches, se contentant de souligner qu’il était arrivé juste à temps avant qu’elle ne soit bonne pour les urgences. « Merci » Souffla-t-elle en reprenant contenance. Scarlett pouvait parfois se montrer très entêtée par simple orgueil, elle essayait de corriger ses mouvements d’humeur, mais elle n’y parvenait pas toujours. Rester enfermée une semaine entière chez elle l’avait rendue irascible et à fleur de peau. Elle ne supportait plus l’ambiance qui régnait et devait encore en plus la tolérer à plein temps. Heureusement, Elias passait parfois la chercher le soir quand il ne travaillait pas au bar, mais elle se sentait tout de même emprisonnée chez elle. Scarlett comprenait enfin les sautes d’humeur fréquentes d’Elisabeth qui devaient supporter les tensions de famille aussi bien à la maison qu’à la morgue où elle travaillait toute la journée. La plus jeune des sœurs Spencer étaient en train de vivre la même chose en devant tout le temps rester chez elle. Elle avait donc préféré prendre le risque de se recasser la jambe plutôt que de devoir attendre une minute de plus de se retaper. Mais une semaine, c’était beaucoup trop peu. Elle écouta alors Daren lui dire qu’il comptait venir la voir et lui demander où elle se rendait ainsi. La jeune femme posa une de ses mains sur l’épaule de son parrain pour s’appuyer légèrement. Elle était fatiguée par l’effort qu’elle venait de faire et rassembla ses pensées pour lui répondre. « En fait, je venais te rendre visite, enfin plus ou moins… » Dit-elle en souriant. Ce n’était pas tout à fait l’exacte vérité, mais si elle s’était rendue de ce côté-ci de la rue, il devait bien y avoir une raison inconsciente. Si elle n’avait pas trébuché, elle se serait probablement arrêtée devant chez lui en rebroussant chemin.

Scarlett manqua de tomber à cause d’une mauvaise glissade sur la neige, mais elle fut heureusement rattrapée par son parrain qui était arrivé au bon moment. La jeune femme releva alors les yeux et constata qu’elle venait juste de passer devant la maison des King. Elle n’y était plus allée depuis un moment, mais elle les avait vus à Noël puisqu’ils étaient venus célébrer le réveillon chez les Spencer. Ses parents avaient dû faire bonne figure ce soir-là et essayer de ne pas se prendre la tête devant les invités. Au final, ils avaient tous passé une bonne soirée… sans tensions pour la première fois depuis bien longtemps. Scarlett commençait à croire que c’était uniquement la magie de Noël qui avait opéré, car les tensions avaient repris aussitôt après. En fait, elle ne devait même plus y prêter attention à force… comme si son esprit réussissait enfin à faire abstraction de ces histoires. Elle regarda alors de nouveau Daren qui lui demandait ce qu’elle était venue faire ici. Admettre qu’elle était sortie de chez elle uniquement par fierté de pouvoir contredire ses parents ou avouer qu’elle était venue lui rendre visite ? Elle opta pour la deuxième idée, mais il devina que ce n’était pas tout à fait vrai. Il l’entraîna tout de même jusqu’à chez lui, prétextant que les Spencer seraient en fâchés contre lui s’ils apprenaient que Scarlett se promenait dehors dans son état. La jeune femme n’opposa aucune protestation et préféra suivre son parrain pour se poser. Elle le remercia du regard lorsqu’il lui ouvrit la porte d’entrée et s’introduit ensuite à l’intérieur. Elle déposa un instant ses béquilles pour se débarrasser de son manteau tout en écoutant Daren lui demander si elle connaissait le chemin jusqu’au salon. Il lui faisait une blague là ? Depuis le temps qu’elle était venue ici, à jouer plein de fois avec enfants avec Julian et Joy, elle connaissait leur maison comme sa poche. Elle espérait d’ailleurs les voir eux aussi tiens. Elle n’avait plus parlé au jeune homme depuis Noël et avait à peine croisé sa jolie sœur au Nouvel An… fête qui avait plutôt mal fini d’ailleurs. Elle se demandait ce que Joy en avait pensé, elle qui avait déjà vécu des mauvais moments n’allait peut-être pas avoir envie de ressortir de sitôt après ce qui s’était encore passé. « Un café pour moi. ». Répondit-elle alors à la question de son parrain quant à son choix de boisson. Scarlett avait besoin de se réchauffer un peu. Elle reprit ses béquilles et partit s’installer dans le salon tout en étendant sa jambe sur le canapé. Même si elle n’était pas très proche de son parrain, elle l’aimait beaucoup, mais elle avait toujours peur de faire de travers en venant ici. Tiraillée entre le fils et le père qu’elle tentait tant bien que mal de réconcilier –sans succès jusqu’à présent-, elle ne voulait pas se mettre au milieu des deux. Daren apparut alors quelques instants plus tard et lui déposa sa tasse de café devant elle. « Merci. ». Lâcha-t-elle en sortant de ses pensées. Elle attendit quelques secondes avant de reprendre. « Julian et Joy ne sont pas là ? » S’enquit-elle.

Scarlett regardait les rares photos qui étaient encore affichées au mur du salon. La plupart datait du temps où Alicia vivait encore et où toute la petite famille était réunie : Daren et Alicia entourant leurs jeunes enfants, l’une ou l’autre photo de vacances… Des photos à quatre qui démontrait une union totalement en contraste avec la distance que tous les King entretenaient entre eux depuis le décès d’Alicia, un peu comme s’ils avaient perdu le ciment même de leur famille. Scarlett dévia alors son regard vers Daren lorsqu’il revint de la cuisine et s’installa dans le salon. La jeune femme l’avait vu dégringoler pendant des mois avant de se reprendre depuis peu pour ses enfants. Il avait l’air de commencer à aller mieux même si cette histoire l’avait clairement détruit à vie. On ne savait toujours pas ce qui était arrivé à Alicia, son meurtrier courrait toujours en liberté et beaucoup de questions restaient sans réponse. Scarlett savait que l’enquête menée par la police était partie dans tous les sens jusqu’à en soupçonner en premier lieu les membres de la famille King ou leurs amis les plus proches. Par logique, on visait toujours l’entourage immédiat de la victime parce que dans la plupart des cas, un suspect sortait du lot pour être le candidat idéal au crime commis. Mais dans le cas présent, la police n’avait absolument rien trouvé si ce n’était des fragments d’indice. Difficile de se remettre de cette histoire en l’absence totale de réponses. Scarlett essaya un instant de s’imaginer à la place de Joy ou Julian. Elle pouvait comprendre leur réaction, ce renfermement sur eux-mêmes et cette prise de distance avec tout le monde. Si elle-même avait perdu un de ses parents dans ces circonstances, elle ne sait pas comment elle l’aurait supporté. Chacun vivait la perte d’un être cher à sa façon. En pensant aux enfants King, la jeune Spencer s’enquit de leur présence dans la maison. Daren lui répondit qu’ils étaient sortis depuis un bon moment. Il laissa sa phrase en suspens, ce qui indiqua à Scarlett que les rapports entre le fils et le père ne s’étaient pas vraiment arrangés depuis la dernière fois qu’elle les avait vus. Elle ne posa néanmoins pas de question, elle était suffisamment proche de Julian pour savoir qu’il n’avait aucune envie de se rapprocher de son père en ce moment. Elle trouvait cela dommage et essayait parfois de l’encourager à parler un peu plus avec Daren, mais il se campait souvent sur ses positions. Les rapports entre eux étaient devenus beaucoup plus compliqués depuis qu’Alicia n’était plus là. Scarlett écouta ensuite la question de son parrain à propos du Nouvel An. Il trouvait Joy changée depuis ce jour-là. « Oui, je l’ai vue à la soirée et elle m’a semblé plutôt bien. Je crois que cette histoire lui a rappelé quelques mauvais souvenirs, mais elle était bien entourée. Elle a pu très vite sortir de la maison après sa déposition. Son meilleur ami l’a même raccompagnée pour s’assurer que tout aille bien. ». Elle se souvenait qu’ils avaient quitté la soirée plutôt soulagés, Joy n’avait pas fait de crise de nerfs en présence des policiers ni quoique ce soit de ce genre. Elle était restée très calme pour quelqu’un qui avait déjà vécu ce genre de situation. « Je ne suis pas assez proche d’elle pour pouvoir l’affirmer, mais je crois qu’elle commence à aller de l’avant. ». Ajouta-t-elle le fond de sa pensée, en regardant son parrain. Pas comme Julian par exemple.

Scarlett n’était plus venue chez les King depuis quelques temps. Elle regardait toujours attentivement les photos sur le mur. Elle se souvenait bien d’Alicia et avait également été touchée de sa perte, même si évidemment, ce n’était pas la même chose que ses propres enfants. Elle avait l’impression que ses parents s’étaient légèrement éloignés de cette famille après le décès de la mère, non pas par volonté, mais parce qu’en ce moment, tout n’était pas rose chez les Spencer non plus. Pourtant, elle savait que son père essayait de se montrer présent pour Daren depuis cette période, tandis qu’Arsinoé prenait ses distances. La même chose s’était produite entre les enfants des deux familles ; Joy et Scarlett s’étaient éloignées l’une de l’autre, tandis que la jeune Spencer s’était d’autant plus rapprochée de Julian. Elle savait ce qui rongeait le fils de Daren qui ne voulait pas que ses sombres secrets s’ébruitent. Comment avait-elle pu le comprendre aussi facilement alors même que son père restait buté et aveuglé par sa simple envie de reconstruire le lien avec son fils plutôt que de voir l’évidence ? Ce n’était pourtant pas difficile de comprendre ce qui n’allait pas, mais ce n’était pas à Scarlett de le dire. La discussion porta d’ailleurs sur les enfants de Daren qui demanda à sa filleule si l’affaire du Nouvel An avait touché Joy. La jeune femme infirma cette idée ; bien sûr, des mauvais souvenirs avaient dû remonter, mais rien dont la jeune King n’avait su faire abstraction ensuite, puisqu’elle était bien entourée ce soir-là. Daren précisa qu’il trouvait pourtant sa fille triste depuis ce jour-là, mais Scarlett choisit de ne pas relever cette remarque, car elle n’en savait rien. A cause de son accident, elle n’avait pas encore revu Joy entretemps, ni même Maxim d’ailleurs. Son parrain dériva alors la conversation sur son deuxième enfant. Le dialogue ne passait toujours pas très bien entre Julian et son père, Daren lui demanda d’ailleurs si elle ne pouvait pas l’aider à rétablir un semblant de lien entre eux. Connaître la vérité n’était pas facile pour elle, mais comme son parrain venait de le dire, elle ne trahirait jamais la confiance de son ami. « Je crois qu’il a juste besoin de temps. C’est très difficile pour lui de ne pas avoir de réponses à ce qui est arrivé. » Répondit-elle sans grande certitude. Même si elle ne lui expliquait pas tout ce qu’elle savait, elle était sincère dans ce qu’elle venait de dire. Julian était perdu dans des questions sans réponses, mais il finirait bien par arrêté de fuir ses démons à un moment ou à un autre pour revenir vers sa famille… ou pas. Et cette incertitude la gênait grandement dans sa propre réponse. Julian redeviendrait-il un jour comme avant ? Probablement pas le même. Elle savait d’ailleurs que la dernière chose en date qui le mettait en colère était le rapprochement de son père avec une autre femme, et la peur que celui-ci envisage un jour de « remplacer » sa mère, même si évidemment, il ne s’agissait pas de cela. Daren avait le droit de reconstruire sa vie.

Scarlett se sentait un peu impuissante sur le moment. Elle était prise entre deux feux avec d’un côté son amitié pour Julian qui s’était renfermé sur lui-même depuis le décès de sa mère et de l’autre son parrain qui tentait de tout faire pour briser la carapace de son fils. La jeune femme avait bien envie de les aider à reconstruire leur lien, mais elle ne voulait pas trahir la confiance de Julian. Quelque chose s’était brisé à l’intérieur du jeune homme depuis ce jour fatidique, et depuis il avait changé. Les enfants King ne seraient plus jamais les mêmes après ce qui s’était passé. Scarlett essayait parfois de faire comprendre à son ami qu’il ne devait pas rejeter la responsabilité sur son père, mais il ne voulait rien entendre à ce sujet. Pour lui, Daren aurait dû être là au moment où c’était arrivé. Comment la jeune femme pourrait-elle honnêtement exprimer le fond de cette pensée à son parrain en sachant très bien qu’elle ne ferait rien d’autres qu’empirer la situation puisque Julian ne lui parlerait dès lors même plus ? Enfin, parler. C’était un grand mot. Disons qu’elle avait deviné beaucoup de choses qui n’allaient pas aussi. Alors, elle préférait rester la plus vague possible devant Daren et lui répondait évasivement sur ses enfants. Elle ne pouvait rien faire d’autre qu’encourager Julian à retourner vers son père, mais si le jeune King s’y refusait, personne ne pouvait l’y obliger. Elle ne savait pas vraiment quoi répondre à ce que venait de dire son parrain, qui admirait une photo souvenir qui reflétait une période où toute la petite famille coulait encore des jours heureux. Scarlett se souvenait bien d’Alicia, puisqu’elle venait souvent jouer ici avec ses enfants lorsqu’elle était petite, et elle avait elle-même souffert de la perte de cette femme, pas autant que ses proches évidemment, mais quand même suffisamment pour s’inquiéter de Daren et ses enfants. Elle était là pour les soutenir comme elle pouvait, enfin surtout Julian de qui elle était le plus proche. « J’essayerais de lui en parler, même s’il reste fort renfermé sur lui-même. » Lâcha-t-elle alors d’un air songeur. Le jeune homme était sans doute plus sur la défensive quand son père essayait d’établir la communication, alors elle tenterait une nouvelle fois de lui faire entendre raison, même si ce qui manquait dans la vie de Julian n’était tant pas la présence de son père qu’il refusait, mais plutôt un élément suffisamment fort qui l’amènerait à se reprendre et à aller de l’avant. Pour cela, il devrait arrêter d’en vouloir à la terre entière, mais surtout, et avant tout, à lui-même, car elle savait qu’il se sentait tout aussi responsable que son père de ce qui était arrivé. Mais elle lui avait promis de ne jamais en parler avec qui que ce soit et s’en tenait à sa parole.

Daren décida finalement qu’il était préférable pour Scarlett de ne pas parler à Julian. Le jeune homme risquerait de se retourner contre elle s’il se rendait compte qu’elle essayait d’aller dans le sens de son père. Or la jeune Spencer ne souhaitait vraiment pas se retrouver entre deux feux. Son parrain lui expliqua alors qu’il essaierait de trouver autre chose pour se rapprocher de son fils et tenter d’arranger la situation avec lui. Scarlett attrapa sa tasse et termina le reste de son contenu. Elle n’osait pas trop parler de l’affaire d’Alicia de peur de gaffer en disant quelque chose qu’il ne fallait pas. La police avait longtemps soupçonné Daren d’avoir un lien avec la mort de sa femme. Scarlett n’avait pas été absolument certaine de tous les éléments de l’affaire au début, mais elle était à peu près sûre de l’innocence de son parrain ; dans le cas contraire, elle ne serait plus venue chez lui. Elle devait bien admettre cependant que le décès d’Alicia l’avait éloignée de lui tout comme les autres Spencer. Pourtant, elle appréciait toujours autant cette famille… surtout Julian à vrai dire. Elle avait toujours été plus proche de lui que des autres King déjà bien avant ce qui était arrivé à sa mère. Daren changea alors de sujet et lui parla du stage qu’elle aurait dû faire en Angleterre si elle n’avait pas eu son accident. « Je trouve dommage de ne pas pouvoir le faire, c’est sûr, c’était une belle opportunité. Mais comme je l’ai dit à ma mère, quand tu passes si près de l’autre côté de la ligne, tu revois les priorités dans la liste. » Confirma-t-elle sa déception, sans pour autant être dévastée par cette nouvelle. Le plus important était qu’elle s’en était sortie sans trop de séquelles qui auraient pu être beaucoup plus grave. Daren lui demanda ensuite si elle avait trouvé un nouveau patron de stage. « Oui, j’ai trouvé un stage dans une petite maison d’édition pas loin d’ici. C’est mon copain qui est content de me garder près de lui. » Répondit-elle en souriant. « Je commencerais dès que je serais tout à fait remise... sûrement le mois prochain. » Après être sortie de l’hôpital, elle avait cherché aussi vite que possible un stage dans les environs, car les places partaient très vite, même si ce n’était évidemment pas la même chose que Londres. Son directeur de stage lui avait proposé en accord avec ses professeurs un délai alternatif pour effectuer sa période de stage le temps qu’elle se rétablisse de son accident.

Scarlett n’était plus venue depuis un petit moment chez les King. A part Julian qu’elle voyait de temps en temps, elle ne passait plus trop de temps avec les autres membres de la famille. Enfin, la jeune femme se concentrait beaucoup sur ses études cette année puisqu’il s’agissait de la dernière, et dès qu’elle avait un peu de temps libre, elle le passait avec son petit ami, maintenant qu’elle était en couple. Pourtant, elle regrettait un peu l’éloignement qu’il y avait eu entre son parrain et elle. Scarlett le trouvait assez renfermé sauf quand il s’agissait de ses enfants et espérait qu’il avait trouvé une personne qui pouvait être davantage présente dans sa vie. La jeune femme avait toujours trouvé Daren assez mystérieux, pourtant s’il y avait bien une chose dont elle était certaine, c’était qu’il n’avait rien avoir dans la mort de sa femme… Du moins, le croyait-elle. Et cette confiance qu’elle lui avait donnée avait permis de maintenir ce lien étrange entre eux malgré l’éloignement de Scarlett. Ce n’était pas un fait voulu, elle avait bien grandi et commençait à faire sa vie de son côté. Lorsqu’elle mentionna donc son petit ami, elle ne fut pas surprise que Daren saute sur l’occasion pour s’intéresser un peu plus à la question. « Il s’appelle Elias, il travaille au Veni Vedi Vici. » Expliqua-t-elle brièvement. Son parrain était sans doute déjà passé dans ce bar à l’occasion et avait peut-être déjà croisé son copain. En tout cas, ils s’étaient probablement croisés à l’hôpital juste après son accident. Elle se souvenait que Daren était passée la voir brièvement ce qui l’avait assez touchée à vrai dire… lui qui fuyait ces endroits-là comme la peste depuis le décès de sa femme. « Et toi ? » Lui retourna-t-elle alors la question. « Il n’est pas trop tard pour refaire sa vie. » Daren était encore dans un âge où il pouvait rencontrer quelqu’un. Elle se rendit alors compte de sa maladresse. Après tout, ce n’était pas comme s’il avait divorcé ou si la séparation était voulue… Elle ne voulait pas donner l’impression d’avoir dit ça pour remplacer sa femme, même si trois années s’étaient déjà écoulées. Daren avait droit de retrouver le bonheur. « Pardon, c’était déplacé. » S’excusa-t-elle aussitôt.

Scarlett ne regrettait finalement pas d’avoir posé sa question à Daren à propos du fait de refaire sa vie. Son parrain se montra du même avis qu’elle : ce n’était pas parce qu’Alicia n’était plus là que le monde s’était arrêté de tourner. Le trader poursuivit en lui expliquant qu’il venait de se lancer dans une nouvelle relation récemment, même s’il préférait attendre d’arranger les choses avec ses enfants, avant que cela ne devienne plus sérieux. Scarlett était très contente pour son parrain. Il tournait la page en quelque sorte. « Je suis très contente pour toi. J’espère que ça s’arrangera bientôt. » Répondit-elle simplement. Elle ne préférait pas poser de questions sur cette femme pour le moment, ne sachant pas si cette histoire tiendrait sur la longueur. Daren avait cependant raison de retrouver le bonheur auprès d’une autre personne… depuis le temps. Scarlett était contente que son parrain lui ait confié cette nouvelle. La jeune femme songea qu’elle comprenait mieux désormais sa bonne humeur. Elle déposa la tasse de café sur la table devant elle et constata, en regardant ce qu’indiquait l’horloge, qu'il était temps pour elle de rentrer. Ses parents n’allaient pas tarder à revenir de la morgue et elle n’avait pas envie de les avoir sur le dos jusque parce qu’elle était sortie pour s’aérer. Ils risquaient de la garder enfermée dans la maison s’ils l’apprenaient. « Je crois que je ferais mieux de rentrer sinon je risque de me faire gronder. Merci pour le café. » Dit-elle en se levant. Elle retourna dans le hall à une allure ralentie et enfila son manteau avant de récupérer ses béquilles. Elle allait devoir faire attention de ne pas glisser sur la neige sur le chemin du retour, mais à l'expression de Daren, elle comprit que son parrain comptait bien la raccompagner jusque chez elle pour éviter qu’elle ne tombe en cours de route. Elle ouvrit donc la porte et sortit suivie du trader. Elle était plutôt contente d’avoir pu discuter un peu avec lui et espérait que les choses s’arrangeraient enfin entre ses enfants et lui.

HJ: Je te laisse terminer