Cela faisait quelques temps que je connaissais Julian, et je connaissais d'avance ses réactions. Je n'attendais pas de lui un grand étonnement, mais pas non plus un désintérêt total. En fait, il restait impassible tout en paressant tout de même à l'écoule de ce que je pouvais bien lui dire. Et à tous les coups, mon explication ne l'impressionna guère. Ce n'était pas nouveau que l'aînée des Albright était une petite folle qui rêvait d'évasion et d'aventure. Tout le monde me connaissait pour mes excursions dans le quartier. En réalité, je me sentais emprisonnais dans ce quartier. Je n'avais jamais aimé les quartiers résidentiels. Je préférais de loin les maisons de campagne, la tranquillité, le joli paysage pour faire des promenades. Donc depuis quelques années, j'essayai de trouver une solution pour me sentir libre, d'autant plus que mes parents, depuis quelques temps, ne cessent de me mettre la pression pour que j'aille dans une université de droit. Je soupirais et regardais mon ami qui me répondait.

« Elle s'appelle Savannah. Mais je lui parle pas, à sa soeur par contre... » Je pinçais les lèvres et fermais les yeux. Je repensais à la dernière fois que j'avais passé une journée avec Zain. Ce devait être un mercredi après-midi, il était passé me chercher chez moi et sur nos skates, on était partis vers le centre-ville. Il m'avait acheté un pain au chocolat pour le goûter - parce qu'il sait que j'adore ça -, et m'avait fait un bisou sur la joue lorsqu'on était parti. Je me souviens de ce bisou parce qu'il m'avait blessé, avant, nous nous faisions quelques bisous sur la bouche, mais jamais de bisou sur la joue pour nous dire au revoir. J'avais donc compris ce jour là que les choses avaient changé... Je sentis du mouvement à côté de moi, ce devait être Julian qui changeait de position. Je ne pris donc pas la peine d'ouvrir les yeux pour voir ce qu'il trafiquait. Il me posa alors la QUESTION. Je me sentis rougir et lorsque j'ouvris les yeux, son visage était à quelques centimètres du mien. Je rougis d'avantage encore, il allait me voir rougir, ça craignait un max. Je me tournais dans l'autre sens et secouais la tête de droite à gauche, comme si le rouge allait redescendre automatiquement.

« C'était... »Je passais la main dans mes cheveux que je laissais en arrière et me tournais de nouveau vers Julian. Il souriait, sûrement fier de sa connerie. Alors j'attrapais un coussin sur ma droite et lui lançais à la figure. Il bascula en arrière, surpris par ce projectile et je me mis à rire.

« Oui... On a rompu et on s'est éloignés. C'était aussi mon meilleur ami et comme mon frère. » J'attrapais le coussin que Julian venait de m'envoyer et le serrais dans mes bras, assise en tailleur. Cela me blessait de remémorer ce que Zain et moi étions... Avant... Mais le dire tout haut était une manière d'accepter la chose. Je n'avais pas de meilleure amie, donc personne avec qui parler de cet éloignement. Je n'avais donc, plus de meilleurs amis, rien que des amis, des amis comme Julian, des amis comme Ginny. Je me sentais seule, car je n'avais personne à qui me confier réellement, je n'avais personne dont qui j'étais sûre de ne jamais embêter avec mes histoires, et personne pour m'embêter avec les siennes. Même si j'étais quelqu'un qui débordait d'énergie, d'idéaux et d'amour à revendre, j'étais quelqu'un d'assez solitaire qui n'aimais pas me mêler aux foules, faire partie de bandes. Je n'avais jamais approuvé le système leader et bras droits, comme le système bourreau et victime.
Avec Zain, aucun de nous deux n'était plus important que l'autre, car nous deux, ensembles, nous formions une personne entière. Je n'ai jamais compris comme cette amitié fusionnelle avait pu se terminer ainsi, mais j'avais dans l'espoir que notre complicité ne s'en aille jamais, et que même après des mois, des années sans se parler, nous ressentions cette même attirance qui nous avait rapprochés et avait fait de nous des meilleurs amis, des amoureux, des enfants naïfs et dans leur bulle construite à deux. Maintenant, cette bulle avait explosée, et je n'étais plus que toute seule...

« Comme ça... C'était une question par pure curiosité. » La voix de mon ami Julian m'avait ramené à la réalité, et prenant soudain conscience que j'étais restée quelques secondes dans mes pensées, je clignais des yeux plusieurs fois et souris à Julian. Je serrais un peu plus le coussin dans mes bras et y laissais tomber brusquement ma tête dedans. Je me mis à respirer lentement, et fermais les yeux en attendant sa réponse.

« Pas grand chose. En fait, c'est dur à expliquer... Tu sens dans ta gorge la fumée, mais pas tant que ça, et puis ça soulage. Moi ça m'apaise, et c'est aussi un plaisir... » Je le regardais et souriais. A vrai dire, j'avais commencé à fumer parce que je me faisais chier toute seule, et parce que j'ai toujours été curieuse et j'ai toujours voulu essayer des choses qui n'était pas pour moi ou pas de mon âge. Ainsi, j'avais fumé ma toute première cigarette lors de cette escapade de quelques jours. Tout en jouant avec mes manches, je me pinçais les lèvres. Maintenant, j'avais bien envie d'une cigarette.
Je tournais alors brusquement la tête vers Julian. Pourquoi m'avait-il posé cette question? Avait-il l'intention de fumer? Est-ce que cela l'attirait? J'affichais une moue. Je voyais très bien Julian fumer, d'ailleurs, je pensais que c'était déjà le cas. Après tout, il était plus vieux que moi, et semblait être ce genre de garçon à essayer par envie, et non pas pour faire comme les autres. Il était donc presque évident pour moi que l'envie l'aurait prit plus tôt.

« Pourquoi cette question? Tu veux essayer? » Sans attendre sa réponse, je me levais et me dirigeais vers mon armoire. Je l'ouvris, m'accroupissais et me mis sur mes genoux, parallèle à l'armoire. Je me penchais et tendais le bras pour aller chercher mes cigarette dans le fond de l'armoire. Je les sortais et refermais l'armoire. Puis j'allais près de mon ami et m'accroupissais à son côté. J'ouvris le paquet et en sortis deux cigarettes, je les coinçais dans mes doigts, droites devant lui. Je souris et l'incitais à en prendre une. Je ne me serai pas vexée s'il avait refusé, je ne voulais pas le pousser à faire quelque chose contre son gré, mais si je pouvais lui faire découvrir quelque chose, cela aurait été un véritable plaisir pour moi.