Chandler & Tara ♥

Vendredi soir. Un autre professeur avait convaincu l’aîné des Sheirman à sortir, au Dancing plus précisément. Il avait répondu non, puis s'était retrouvé devant la glace de sa chambre à se préparer comme pour aller à un bal. Parce que Chandler n'était pas du genre à faire les choses à moitié. Apprêté comme un ministre, lui et son collègue pénétrait dans le fameux 'The Dancing'. Il en avait déjà entendu parler, mais ce n'était clairement pas le genre d'endroit qu'il aimait fréquenter en règle générale. Clientèle trop jeune, et surtout une musique que Chandler n’affectionnait pas du tout. Shelby avait réussi à lui faire aimer Beyonce, mais il avait encore un peu de mal avec les DJ à succès et les Miley Cyrus en puissance.
Il n'avait vraiment pas l'intention de boire plus de 2 verres et il serait chez lui à minuit songea-t-il, très sérieux. Il avait son sport matinal de prévu demain matin, et des tas de choses sur le feu. Hors de question de se tartiner une gueule de bois le lendemain donc. Mais, ce fut tout l'inverse qui se produisit. Chandler n'a jamais été un gros fêtard, car toute sa vie il a toujours privilégié ses études et son travail à la bringue. Il tient donc moins l'alcool que ce qu'il croyait.
Très vite, la bière se transforme en vodka, en tequila, en shot de n'importe quoi en fait. Il ingurgitait tout ce que son ami lui glissait devant son nez. Enfin voilà, arriva la fin de soirée, c'est-à-dire plus de 2 heures du matin, où Chandler... n'était plus Chandler. Un vocabulaire toujours aussi bassinant que d'habitude, mais tout ce qui sortait de sa bouche n'avait plus de sens.
L'endroit se vidait petit à petit, et il se rendit compte (très tardivement) de la disparition de son acolyte. Il posa difficilement ses fesses sur un tabouret du comptoir du bar, déprimé et déboussolé. Ils n'étaient pas venus avec sa voiture et il n'avait plus de liquide sur lui pour payer un taxi et à moins que l'on se soit téléporté à Paris, les métros n'existaient pas ici. Dans son état normal il aurait avec certitude trouvé une solution, mais là, tout de suite, il avait seulement envie de re boire. Pas très dragueur, toutes sortes de filles l'avaient abordé cette nuit, mais vraiment aucune n'avait titillé sa curiosité. Il était difficile, exigeant et pas du genre à se laisser séduire par n'importe quoi. Mais, alors qu'il tentait désespérément de remettre ses idées en place, il arrêta son regard sur la barmaid. Elle ne lui avait pas spécialement tapé dans l’œil, mais il eut envie de lui parler, sans arrière-pensée malsaine ou autre, quoi que actuellement il ne pensait plus du tout. « Avec ce sourire, vous pourriez vendre des cercueils à deux places. » Il sourit, puis se mit à rire, amusé par sa connerie.

La semaine touche à sa fin, on est déjà vendredi soir et le week end approche. Enfin, pas pour moi qui travaille chaque samedi et dimanche soirs, mais pour la clientèle du Dancing. Cela se ressent sur l'ambiance et les consommations: les gens boivent plus et restent plus tard, ils savent que demain ils pourront dormir. Ce n'est pas mon cas et j'assure mon service avec autant de sérieux que possible. La musique est toujours aussi forte, la chaleur toujours aussi opressante mais pour une fois, je ne m'en plains pas. Je prends les commandes, je prépare les boissons et souris de toutes mes dents pour que le client n'oublie pas le pourboire. Il est à peu près une heure lorsqu'un jeune homme s'installe au comptoir devant moi. La salle s'est un petit peu désemplie et les haleines sont toutes chargées d'alcool. Je le regarde un moment, attendant qu'il passe commande, mais il a l'air ailleurs et ne semble pas désirer quelque chose. Je ne m'intéresse pas à lui plus longtemps et passe à un autre client. Mais alors que je reviens à son niveau, je l'entends parler à voix haute. Je comprends ce qu'il raconte malgré le bruit et ricane. Une tentative de drague minable proférée par un homme en état d'ébriété, ce doit être la dixième de la soirée. Pourtant, il est plutôt séduisant: grand, carré, une barbe de quelques jours... Habituellement je n'y serais pas restée indifférente. Mais j'ai eu mon quotat de relous pour la soirée et me contente de lui sourire gentiment. Oui, oui, il paraît. Est ce que tu veux boire quelque chose ? Je demande, histoire de lui rappeler que je travaille ici.

Il fut très surpris lorsqu'elle le tutoya, puisqu'il ne la connaissait absolument pas et qu'il ne rigolait pas avec les règles stupides de politesse d'habitude. Néanmoins, encore une fois, il n'était pas du tout dans son état normal, alors il se bidonna avant de répondre en hurlant plus fort que la musique : « Vous tutoyez les clients ici ?! » Quel choc. Ha nan vraiment il était scotché par le manque de professionnalisme de cette serveuse (a) Et puis, elle voulait le tuer ou quoi ? Un autre verre et il tomberait à plat ventre par terre. Il se contenta de secouer la tête très énergiquement de gauche à droite comme un gosse. NOOOON. Plus de verre madame. Fini.
Et puis, il se posa la question de savoir où avait disparu son collège qui l'avait amené ici. C'était de sa faute tout ça, c'est lui qui l'avait fait boire comme un trou et il n'était même pas là pour l'engueuler. Vraiment, sa disparition restera le mystère de la soirée. Il se sentit obligé de partager sa vie : « Mon copain est parti sans moi... Enfin, 'mon copain', c'est pas mon 'copain' dans ce sens là. Je suis pas homo. J'ai rien contre les homos, mais... je ne le suis pas. Et vous ? » Il eut un peu de mal à terminer sa phrase, et peut-être qu'il n'aurait pas dû la terminer, parce que le 'et vous?' était totalement de trop. Quel intérêt. Bien sûr qu'elle n'était pas lesbienne. Euh... si, peut-être, il n'en savait strictement rien en fait, et voilà, ses pensées s’emmêlaient, les unes après les autres, ENCORE. Il enfonça sa tête dans ses mains, pour ne plus pouvoir jamais en ressortir. Délire de bourré, allô.
Il se sentit coupable. Coupable d'emmerder cette pauvre fille qui avait l'air déjà bien soûlée, et sûrement pas que par lui. Elle devrait songer à changer de métier se dit-il à lui-même avant de s'approcher un peu plus du comptoir pour qu'elle l'entende distinctement : « Vous avez gagné, je m'en vais, je vais aller me jeter du haut d'un pont et... et... vous aurez ma mort sur la conscience! » D'accord, fallait vraiment qu'il arrête la drogue lui. Il pouffa deux secondes après lui avoir balancé sa bêtise, se pinça le nez et il continua : « Je... rigole. Désolé. Je m’appelle Chandler! » C'est impressionnant l'aisance avec laquelle il arrivait à parler, même en étant complètement déchiré. Difficile de croire qu'il était bourré, même si sa tête et son attitude devaient le trahir, très certainement.

L'homme face à moi semble avoir bien profité de sa soirée ! L'alcool a des effets spectaculaires sur certaines personnes... Je le regarde un peu mieux, me demandant quel genre de gars il est dans "la vraie vie". Je parierais sur sérieux, professionnel, rangé. Le genre de gars qui fait du chiffre, drague sa secrétaire et boit un verre avec le patron à la fin de la semaine. En tout cas, il semble étonné par ma façon de m'adresser à lui. Quoi ? Il faudrait que je fasse des courbettes ? Hm, désolée, j'ai tendance à tutoyer les gens de mon âge... dis je pour me justifier. Mais il rigole déjà. Je ne suis pas sûre que mes explications l'intéressent véritablement. Il se met alors à me parler de son "copain", je le laisse déblatérer pendant que je sers un verre à une jeune cliente. Il cherche à me convaincre qu'il n'est pas gay, ce qui me fait sourire. Ses histoires de fesses ne m'intéressent pas plus que ça, bien que ce serait dommage qu'un bel homme comme lui ne s'intéresse pas aux femmes. A la fin de sa tirade, il ose me demander mon orientation sexuelle. J'arque un sourcil, surprise par tant de culot. Mais le pauvre est rond comme un coing, je ne vais pas lui en tenir rigueur et je me contente de hausser les épaules. Ce ne sont vraiment pas ses affaires. Le pauvre garçon soupire et cache la tête dans ses bras, comme honteux de s'être montré indiscret. Ca ne dure pas longtemps puisqu'il relève la tête et m'annonce que par ma faute, il va aller se suicider... avant d'afficher un grand sourire et de me dire qu'il plaisante. Je ris un peu, plus de son état que de sa blague, mais ça a l'air de lui faire plaisir. Il se présente: Chandler. Enchantée, moi c'est Tara, lui dis je avec un sourire. Je réfléchis deux minutes et puis: Attends, je vais te préparer une boisson miracle. Je me retourne et revient quelques secondes plus tard avec un verre d'eau que je pose devant lui. C'est la maison qui paye !