Vendredi. Soirée entre copines. Ou presque. Les occasions de sortir ne se présentaient pas souvent pour la jeune chirurgienne, et Leona avait profité de l’occasion pour proposer à Wyatt de les accompagner. La journée à l’hôpital avait été longue mais s’était bien passée. Depuis quelques jours, elle arrivait de mieux en mieux à faire abstraction de ce qui occupait son esprit pendant qu’elle travaillait. Les cauchemars importunaient toujours ses nuits, mais s’espaçaient au fur et à mesure que le temps s’écoulait. La jeune femme ne comprenait pas le pourquoi du comment, mais elle n’y prêtait plus vraiment attention. Elle avait suivi les conseils de Wyatt et essayait de s’y habituer et de vivre avec. Leona ne pouvait rien changer au passé, mais pouvait continuer à faire ce qu’elle pouvait. Une fois n’est pas coutume, elle avait donc hâte de se changer les idées ce soir et de s’amuser. Elle rentra chez elle après le service et passa un peu de temps avec sa sœur avant d’aller se préparer. Depuis son arrivée à Magnolia, la jeune chirurgienne avait tissé des liens forts avec Rebecca. Londres ne lui manquait-il pas ? Pas vraiment. Elle avait pris un nouveau départ ici et était entrain de se construire une nouvelle vie. De plus, le calme apparent du quartier lui convenait bien mieux que le brouhaha incessant dans les rues anglaises. Leona se casa devant un film avec sa soeurette et rigola avec elle pendant un bon moment si bien qu’elle n’avait pas vu l’heure défiler. Lorsqu’elle s’aperçut du temps qui lui restait, la jeune femme fila dans la salle de bains se préparer rapidement. Une fois sortie de la douche, elle opta pour un short en jeans noir, un bustier orné doré qui mettait sa silhouette en valeur et attrapa ses escarpins pour finir sur une touche classe. C’est alors qu’elle entendit déjà sa sœur ouvrir la porte à ses amies qui l’attendaient. Pas le temps de trainer. Elle laissa ses cheveux tomber en cascade et se maquilla légèrement pour dire de cacher sa fatigue accumulée au cours des derniers jours. La jeune femme descendit rejoindre ses amies et elles se rendirent en un rien de temps à la boîte où Wyatt les attendait déjà. Leona s’attarda un peu plus auprès de lui. Elle ne l’avait plus vu depuis quelques jours. Le commercial était tout en élégance ce soir. « Sexy comme tu es là, tu vas faire des ravages. » Lui lança-t-elle en souriant pour le taquiner. Il n’y avait aucune arrière-pensée dans ses mots, même si elle le pensait sincèrement, après tout ils étaient tous là pour s’amuser. Ce n’était pas vraiment le cadre dans lequel ils se croisaient habituellement. Elle était plus habituée à le voir en costume et lui à la voir en tenue de médecin. Il lui fit alors remarquer qu’elle ne fréquentait pas souvent ce genre d’endroit et que ses amies avaient bien dû la persuader pour qu’elle finisse par céder. « Il faut savoir en profiter parfois. » Glissa-t-elle en souriant de nouveau juste avant de rentrer dans la boîte qui était déjà bien remplie. Leona était comme le jour et la nuit depuis leur dernière rencontre, elle avait beaucoup pris sur elle-même pour refouler ce qui lui traversait l’esprit. A l’intérieur de la boîte, la musique battait son plein et l’ambiance semblait au rendez-vous. La jeune chirurgienne n’était jamais venue ici, mais n’était pas déçue pour le moment. Le petit groupe s’avança et trouva rapidement un coin tranquille où s’installer et commander leurs boissons. Une des amies de Leona se coinça entre Wyatt et elle, mais la jeune Henley n’en tint pas rigueur à sa copine qu’elle voyait avoir une touche sur son ami ; il fallait être aveugle pour ne pas s’en rendre compte. En même temps, Wyatt était bel homme et ne pouvait pas laisser indifférent. Et puis, la boîte n’était pas vraiment un lieu où il était possible de ‘parler’ de toute façon. La musique résonnait bien trop fort. Elle esquissa un petit sourire discret au commercial avant de se tourner vers une autre fille qui lui demanda ce qu’elle boirait. Le temps de se retourner pour voir que son ami avait disparu, sûrement entraîné sur la piste de danse par la blonde à côté de lui. Décidément, il ne perdait pas de temps et avait pris au pied de la lettre le fait de s’amuser.

Alors que le petit groupe d’amis entrait à l’intérieur de la boîte, Wyatt glissa à l’oreille de la jeune femme de se méfier des relous qui allaient certainement venir l’aborder. Leona esquissa un petit sourire. Elle avait l’habitude de gérer des patients au caractère parfois délicat, vu qu’elle ne soignait pas que des enfants, alors elle ne craignait pas vraiment de se faire ennuyer par quelques gars intéressés et faciles à endurer. Et puis, avec le commercial dans les parages, elle ne risquait pas grand-chose n’est-ce-pas ? Pas après ce qu’ils avaient traversés. Ils s’installèrent tous dans un coin tranquille, lorsqu’au bout d’un moment la jeune anglaise découvrit le siège vide à côté d’elle. Leona attrapa son verre aussitôt et tapota nerveusement son index au rythme de la musique. La jeune femme avait envie de bouger et d’aller danser, mais son groupe d’amies avait plutôt l’air décidé à rester assises pour un moment encore, excepté la blonde qui était déjà partie avec Wyatt. La jeune chirurgienne chercha son ami du regard, mais ne l’aperçut pas dans l’obscurité de la salle, ponctuée de jeux de lumières assez flashs qui l’empêchaient de distinguer correctement les visages. Les yeux de Leona s’habituèrent néanmoins petit à petit à l’ambiance. Elle tentait de se concentrer sur les conversations qui s’entretenaient autour d’elle, mais son esprit était ailleurs. Quelques minutes seulement s’écoulèrent, un temps qui lui parut une éternité lorsqu’elle croisa son amie blonde au loin entrain de faire une sorte de rentre dedans coller serré à son ami. Pas de doute, il avait sa conquête du jour. Pourquoi ce brusque goût amer dans la gorge de Leona ? Sûrement la boisson, songea-t-elle. La jeune femme se ressaisit alors ; elle savait très bien que Wyatt n’était pas comme ça, à prendre la première venue –enfin son amie, mais quand même-, bon d’accord, elle l’avait invité pour qu’il s’amuse tout autant que son groupe d’amies, alors pourquoi se priverait-il ? Elle aurait dû se douter qu’une chose semblable se produirait ; le jeune Cleavers ne pouvait pas laisser indifférent et plusieurs de ses ‘copines’ s’étaient immédiatement montrées intéressées par lui. Grand bien leur fasse. Leona, quant à elle, préférait le garder en ami, sachant… qu’il pouvait partir du jour au lendemain, elle n’envisageait absolument pas de s’attacher. Soudain, une silhouette se présenta devant elle et la coupa dans ses pensées. Un jeune homme séduisant et au sourire charmeur s’était avancé vers elle pour l’inviter à danser. La jeune chirurgienne hésita une fraction de seconde avant d’accepter. Après tout, si ses amies avaient décidé de rester plantées là et que Wyatt « s’amusait » de son côté, elle ne voyait pas pourquoi elle se priverait. Elle se laissa entraîner sur la piste et commença à danser sur la musique rythmée que le DJ diffusait en ce moment. S’approchant et s’éloignant au gré des pas, elle se retrouva finalement collée contre le beau brun avec qui elle dansait. Heureusement, il n’avait pas l’air d’un gros relou qui essayait d’en profiter en même temps, comme certains s’amusaient parfois à tripoter leur partenaire lorsqu’ils les avaient contre eux. Leona se lâcha alors et s’amusa vraiment, sauf que la chanson suivante était un peu plus calme, ce qui l’obligea à se rapprocher plus qu’elle ne l’aurait voulu du brun avec qui elle dansait. La jeune femme se surprit alors à se rendre compte qu’elle pourrait être capable de tout ce soir ; même si ce n’était pas son genre, elle ne s’était pas forcément fixé de limites, car si elle commençait à s’en mettre, alors elle en oublierait de s’amuser. Au fur et à mesure que la mélodie s’écoulait, son visage se rapprochait dangereusement de celui de son partenaire, l’espace se réduisant cependant trop vite à son goût. Elle se rendit compte qu’il la rapprochait sans qu’elle en soit conscience au début, mais elle décida de faire comme si elle regardait dans une autre direction… Le bar, c’était une bonne idée pour calmer la ferveur du moment et surtout retrouver ses esprits. Elle entraîna donc le jeune homme près du bar et commanda une nouvelle boisson. Leona en profita pour jeter un oeil vers la banquette où son groupe d’amies étaient assises un peu plus tôt ; elles n’avaient pas bougé d’un pouce. Elle croisa cependant le regard de Wyatt qui se tenait à quelques mètres de là. A son regard, elle comprit qu’il n’était pas vraiment « attiré » par sa copine blonde ; Leona tenta de lui sourire comme pour l’encourager à s’extirper de cette situation. Mais ce qu’elle n’avait pas compris, c’est que ce regard lui était implicitement adressé à elle… ou à celui qui l’accompagnait. Elle attrapa son verre et vida son cocktail, ne se doutant pas une seconde de ce qui se tramait autour d’elle. En effet, elle n’osait plus regarder dans sa direction et devoir affronter cette blonde qui se trémoussait ainsi devant lui. Leona venait de comprendre que ça ne la laissait vraiment pas indifférente, et elle voulait se détacher aussi vite que possible de ce sentiment étrange qui venait de la traverser.

Tout se passait bien jusqu’au moment où Leona ressentit un léger malaise dans l’atmosphère de la soirée. Wyatt ne lui rendit pas son sourire et s’éloigna au contraire avec la jeune blonde qui n’arrêtait pas de le coller. L’attitude de la jeune femme commençait à irriter quelque peu la jeune chirurgienne qui ne comprenait pas pourquoi elle ressentait ce sentiment. Etait-ce par jalousie amicale ou autre chose ? Elle préférait ne pas y penser et détourna le regard de son ami. Elle craignait bien trop qu’il ne soit en mesure de lire les doutes dans ses yeux ; pourquoi se prenait-elle à penser différemment à son sujet alors qu’elle n’avait jamais rien envisagé d’autre depuis quatre mois ? Ce n’était certainement pas dû à la boisson, puisque la soirée venait à peine de débuter et que Leona n’avait pas consommé beaucoup. Etait-ce le cadre de l’endroit et toutes ces personnes qui les entouraient ? La jeune femme chassa les questions dans son esprit ; elle n’était pas d’humeur à se prendre la tête ce soir. La jeune anglaise sortait pour la première fois depuis longtemps et son envie de s’amuser avait pris le dessus. Elle vida son cocktail tout en écoutant son interlocuteur parler de la musique qu’il aimait. Très intéressant. Inexorablement, elle posa de nouveau son regard sur le couple qui était contre toute attente retourné danser. Leur proximité ne faisait plus aucun doute ; leurs visages se rapprochaient de plus en plus. Leona baissa le regard et ne chercha même pas à savoir s’ils s’étaient embrassés ou non. Elle en avait assez vu, et la petite boule qu’elle avait ressentie dans son ventre, en avait dit bien plus long que n’importe quelle parole qu’elle aurait pu prononcer. La jeune femme déposa son verre vide et partit sans mot dire prendre l’air à l’extérieur. Le brun lui emboîta évidemment le pas visiblement peu décidé à se détacher d’elle. Leona ouvrit la porte et se rendit dans la cour arrière qui permettait aux clients de sortir quelques instants à l’air frais avant de retourner dans la chaleur étouffante de la boîte… Enfin, c’était surtout le coin des fumeurs. La main de la jeune femme tremblait, et prise d’une impulsion subite, elle chipa une cigarette à son voisin et l’alluma pour calmer sa nervosité. Elle avait l’impression de retomber dans l’adolescence, lorsqu’elle essayait encore toutes ces bêtises comme n’importe lequel de ses copains pour faire genre, sauf qu’à défaut de s’extérioriser, Leona gardait tout en elle et ce soir fumait pour penser à autre chose. Mauvais ménage avec l’alcool en général, médecin qu’elle était, elle le savait très bien, mais elle était encore tout à fait lucide. Certains se réfugiaient dans le whisky, d’autres dans la cigarette. Elle se posa un instant contre le mur et se perdit dans ses pensées. Il était ironique dans un moment pareil, de s’imaginer une tierce personne en train de les observer Wyatt et elle dans la boîte, tels deux enfants, et cette personne se demanderait certainement pourquoi deux êtres qui auraient pu facilement tomber le masque pour laisser couler leurs sentiments naissants, choisissaient pour des raisons compliquées, de nier l’évidence même. Pour leur survie ? Pour leur goût de la liberté inconditionnelle ? Pour éviter la souffrance ? Aucune réponse n’était satisfaisante. Ils étaient tous deux des êtres trop compliqués pour ne fut-ce qu’envisager cette possibilité. Leona reniait même cette idée ; elle tenait beaucoup plus à leur amitié. Peu lui importait ce qu'il pensait d’elle, mais le beau blond s'était infiltré dans sa vie plus encore ces derniers temps. Leona n’avait rien ressenti en un regard, n'avait pas été subjuguée dès qu'elle l'avait aperçu. Pourtant, elle se rendait compte que la frontière entre amitié et plus était devenue très fragile dans sa tête en ce moment. Elle préférait le mettre sur le compte de sa confusion de ses derniers temps, à cause de ses cauchemars et des images dans sa tête qui revenaient la hanter. Lorsqu’elle finit sa cigarette, le brun du jour s’impatientait visiblement de rentrer. Pourquoi n’allait-il pas se chercher une autre fille ? Leona avait l’intention de retourner voir le groupe assis sur la banquette. « Merci pour la danse, mais je vais retourner auprès de mes amies. » Dit-elle gentiment avant de plonger de nouveau dans le brouhaha ambiant. Elle ne voulait pas être de mauvaise compagnie non plus. Elle s’apprêtait à ajouter une bonne soirée ou autre formule de politesse à la va vite pour se détacher, mais l’autre danseur l’entraina alors rapidement sur la piste et profita d'un moment d'inattention de Leona pour lui déposer un baiser volé sur les lèvres. Surprise, la jeune femme resta immobile un instant… et ne répliqua pas du tout, alors que se tenaient, juste à quelques mètres de là, Wyatt et sa compagne du jour qui n’avait d’ailleurs d’yeux que pour lui (au passage la jeune anglaise remarqua qu’ils n’avaient plus vraiment l’air de danser ensemble). Zut ! Leona priait pour qu’il n’ait rien vu. Elle se contenta donc de repousser l’autre et partit en direction opposée vers la table où ils s’étaient installés plus tôt dans la soirée.

Leona avait bien compris que le brun qui lui tournait autour n’attendait qu’une chose. Elle se fichait bien de ses intentions ; la jeune chirurgienne était là pour s’amuser, mais n’était pas une fille facile pour autant. Après avoir dansé quelques instants dans la boîte, elle était sortie prendre l’air pour retrouver ses esprits. Elle n’arrivait pas à détacher ses pensées de Wyatt qui se rapprochait de son amie blonde. Qu’est-ce qui ne tournait pas rond chez elle ? Était-elle influencée par l’ambiance du contexte pour ainsi laisser son esprit divaguer encore plus confusément qu’à son habitude ? Pourtant, Leona avait totalement oublié ce qui la hantait depuis qu’elle était entrée dans cette boîte. Ces derniers mois, elle s’était indéniablement rendu compte que la présence du jeune commercial l’apaisait, mais elle n’avait jamais envisagé que ce sentiment puisse avoir une autre signification qu’une simple amitié. Elle préférait ne pas en découdre à l’extérieur et décida de rentrer dans la boîte pour rejoindre le groupe installé sur la banquette. Le brun qui l’accompagnait la retint alors un instant et tenta sa chance en l’embrassant… à quelques mètres de Wyatt. Mais Leona lui montra clairement qu’elle n’était pas intéressée et se détourna de lui pour retourner s’asseoir. Elle engagea la discussion avec ses amies avant d’entendre quelqu’un s’installer à côté d’elle quelques instants après. La jeune chirurgienne pria pour que ce ne soit pas le beau brun qui soit venu la rejoindre pour insister, mais elle eut l’agréable surprise de découvrir son ami. Un sourire discret illumina son visage, un sourire qui pouvait pourtant paraître démontrer qu’elle avait passé un bon moment, alors que ce n’était pas tellement le cas jusqu’à présent… C’était uniquement parce qu’il était là. Wyatt lui demanda d’ailleurs comment se passait sa soirée. Leona préféra répondre positivement ; il lui aurait sûrement demandé des explications si elle avait répondu le contraire, et elle n’avait pas envie de les lui donner, puisqu’il en était la raison principale. « Très bonne. Je crois que j’avais bien besoin de cette petite sortie. Et toi ? » Lui retourna-t-elle la question. Elle n’était plus sortie depuis longtemps, et l’air de rien, cela lui faisait le plus grand bien de ne pas rester une soirée de plus chez elle ou à être de garde la nuit à l’hôpital. Mais quant était-il de lui ? Sa situation était d’autant plus délicate qu’elle. Leona remarqua alors l’absence de la blonde aux côtés de Wyatt et lui lança un regard interrogateur. « Tu as l’air de bien t’amuser avec… » Commença-t-elle, ne sachant cacher une petite pointe d’amertume dans la voix pour savoir où la blonde était, mais elle interrompit sa phrase en plein milieu en découvrant des petites tâches sur la chemise de son ami. Elle songea tout d’abord à du vin qui s’était peut-être renversé sur lui lorsqu’il dansait, mais elle reconnut bien cette couleur rougeâtre. Du sang. « Tu t’es blessé ? » Demanda-t-elle alors d’une voix inquiète, oubliant l’autre fille aussitôt. Leona releva ses yeux vers Wyatt et comprit qu’elle venait de poser une question qu’elle n’aurait pas due.

Leona avait le sentiment que l’ambiance était quelque peu électrique. Wyatt détournait constamment ses yeux et ne soutenait pas son regard comme s’il cherchait à cacher le fond de sa pensée. La jeune chirurgienne n’eut pourtant pas le temps de pousser sa réflexion plus loin, car elle constata que son ami s’était blessé. Il lui répondit froidement qu’il s’était simplement coupé. Leona n’insista pas sur la question ; un moment d’inattention de la part du commercial peut-être. Wyatt en avait déjà bien vu d’autres auparavant, elle en avait eu un petit aperçu quelques mois plus tôt. Ce n’était pas vraiment la coupure qui l’inquiétait, mais plutôt le ton sur lequel il lui parlait. Pourquoi était-il limite sur la défensive soudainement ? Avait-il peur que Leona lui pose des questions sur sa soirée et ne puisse pas entendre qu’il l’avait embrassée-ce qui, selon elle, était sûrement arrivé- ? A moins que l’autre blonde ne l’ait repoussé ? Cette hypothèse semblait peu plausible au vu de comment elle dansait collée contre lui quelques minutes plus tôt. La jeune chirurgienne préféré donc ne rien répondre et termina le nouveau verre qu’elle avait pris tandis que Wyatt remettait sa serviette autour de la main. Leona aurait pu s’en occuper, mais elle n’avait pas envie de l’énerver. Elle connaissait le caractère impulsif de son ami, et loin d’elle l’idée de le traiter comme un des enfants dont elle s’occupait à l’hôpital. L’inverse était plutôt vrai entre eux depuis le début leur rencontre ; il avait pris soin d’elle. C’était à peu près la seule personne à qui elle donnait ce droit d’influence sur elle ; elle qui ne dépendait de rien s’habituait de plus en plus à sa présence à Magnolia et devait se faire à l’idée qu’un jour, il serait appelé à repartir à l’étranger. Mais, contrairement à lui, elle ne pouvait pas adopter une attitude aussi froide en sa présence sous prétexte de prendre ses distances. La jeune chirurgienne ne jouait pas à ce genre de jeux absurdes ; elle n’arrivait pas à faire de faux-semblants. Quand elle considérait quelqu’un, elle ne le lui cachait pas, à la différence que ce soir, son esprit confus lui jouait des tours quant à la frontière amicale de leur relation. La jeune femme n’avait pas envie de se précipiter dans cette option alors qu’elle n’était encore sûre de rien. Les aléas de son métier lui avaient appris à ne pas s’attacher plus que de raison... Ce qui la faisait parfois passer à côté de l’essentiel. Wyatt brisa alors de nouveau le silence et la sortit de ses pensées. Il avait remarqué qu’elle était en bonne compagnie depuis tout à l’heure, même si le brun avait l’air de bien s’amuser sur la piste en ce moment. Il avait bien raison d’en profiter ; Leona n’avait cure de ce garçon et l’avait lâché pour retourner s’asseoir et chasser les pensées qu’elle avait dans la tête… Une bien bonne idée, puisque Wyatt venait de la rejoindre peu après. Elle avait entendu la pointe d’amertume dans sa voix ; cette fois, le doute n’était plus possible. Son ton froid n’avait rien avoir avec la blonde avec qui il dansait un peu plus tôt. « C’est que la compagnie est meilleure à côté de moi. » Répondit-elle sans mesurer ses mots. Elle avait passé l’âge sot de ces adolescents qui ne disaient rien par fierté mal placée. Ne dit-on pas qu’il est parfois mieux d’agir avant de réfléchir ? Leona n’avait pas besoin d’y penser à deux fois ; elle était sincère dans ce qu’elle venait de dire. Elle aimait beaucoup sa présence et ne le lui avait jamais caché, les quelques verres ingurgités aidant peut-être plus facilement à l’encourager dans cette voie. « Ce n’est pas grâce à lui que je passe une bonne soirée, mais plutôt parce que tu es là. » Souffla-t-elle ensuite. Sur le moment, il pouvait ne pas forcément comprendre ce qu’elle voulait dire, vu qu’ils n’avaient pas passé beaucoup de temps ensemble depuis qu’ils étaient arrivés à la boîte, mais au départ, Leona n’était pas très chaude pour sortir, enfin contente mais sans plus, et lorsqu’elle l’avait proposé à Wyatt de les accompagner, et qu’il avait accepté, elle avait aussitôt changé d’avis. Depuis qu’ils étaient à Magnolia, il l’encourageait par tous les moyens à reprendre le cours normal de sa vie. La jeune chirurgienne l’avait donc invité parce qu’elle savait qu’elle pouvait compter sur lui, que quoiqu’il arrivait dans cette boîte, il y avait une personne qui comprendrait. L’amitié qu’elle entretenait avec lui devenait ce cours normal de sa vie.

Leona déposa son cocktail sur la table et regarda les gens de la boîte danser. Elle avait envie de retourner s’amuser sur la piste, passer sa soirée à déconner avec toutes les personnes qui étaient venues avec eux, pour oublier pendant un instant toutes les pressions du quotidien. La jeune femme adorait son métier, mais elle n’avait pas beaucoup l’occasion de se lâcher. Pourtant, elle sentait que Wyatt n’était pas dans son assiette aujourd’hui et n’avait nullement l’intention de se relever tant qu’elle n’avait pas réussi à déterminer ce qui n’allait pas. Leona avait appris à percevoir dans le cœur de tous ceux qui croisaient sa route une part d’obscurité bien cachée, que ce soit dans les tons employés et qui ne masquaient pas certains fonds de vérité ou au travers de sourires qui s’épanouissaient sur les visages comme des mensonges indolores. Elle sentit la froideur de la voix de Wyatt se glisser en elle et redonner vie, durant une fraction de seconde, à un passé qu’elle voulait révolu. Dans une succession d’idées, par cette faculté malsaine qu’a le cerveau de tout relier, elle se revit quelques mois plus tôt. Une boule d’émotion vindicative s’était logée dans son cœur et lui rappela chaque instant très rapidement. Depuis qu’elle l’avait rencontré, elle lui avait tout de suite donné une confiance aveugle. Qu’est-ce qui semblait avoir changé ? Elle avait la sensation de devoir mesurer chacun de ses mots ce soir. Pourtant, le temps passait, et elle devenait de plus en plus dépendante de sa présence, redoutant au fond d’elle, une absence prolongée. Au travers de ses mots destinés à le rassurer, elle contenait au fond d’elle, cet envie stupide qui lui soufflait de lui livrer son cœur un peu plus à chaque minute qu’ils passaient ensemble, mais la peur de la perte refoulait sans aucun doute cette seule pensée. Un peu perdue et ailleurs, Leona chassait la confusion de son esprit et revenait à la réalité. L’alcool commençait sérieusement à la faire divaguer ; elle se promit d’arrêter d’en consommer si elle ne voulait pas perdre le contrôle d’elle-même et continuer à profiter de cette soirée. Wyatt soutint son regard, mais n’accueillit pas ses paroles dans le sens voulu et indiqua qu’ils n’avaient pas vraiment passé du temps ensemble, et qu’elle aimait simplement sa compagnie en arrière-plan, parce que sa présence la rassurait. Il n’avait pas complètement tort, ni tout à fait raison, mais Leona préféra ne pas répondre ; elle avait l’impression que tout ce qu’elle disait ne rajoutait que de l’huile sur le feu sans en comprendre les raisons. Pourquoi ce ton froid ? S’était-il passé quelque chose qui avait mal tourné avec la fille blonde et reportait-il sur elle son sentiment de colère et frustration ? Le serveur apporta un nouveau whisky à Wyatt qui le vida à moitié d’un coup. Alcool et mauvaise humeur ne faisaient jamais bon ménage. Il plongea de nouveau ses yeux dans les siens, elle aimait quand il laissait ses pupilles se noyer dans les siennes, derrière cette fine barrière se cachait ce qu’elle ne devinait jamais vraiment… L’océan complexe et tumultueux de ses pensées. Le cerveau embrouillé, la jeune chirurgienne fronça les sourcils lorsqu’il s’excusa. S’excuser de quoi ? De ne pas être d’humeur ? De ne pas être comme d’habitude ? Il n'y avait pas de raison, du moins pas envers elle. Elle avait l’impression désagréable de passer à côté de quelque chose d’important. « Qu’est-ce qui ne va pas ? » Demanda-t-elle enfin. « Ça s’est mal passé avec elle ? » C’était l’hypothèse la plus probable, elle ne voyait pas ce qui aurait pu se passer d’autre depuis le début de soirée, moment où rien ne semblait encore le troubler. La question résonna un instant dans le silence incertain.

Soit la jeune femme était déjà complètement dépassée par les quelques verres qu’elle avait ingurgités, soit elle ne comprenait plus rien à ce qui se passait entre Wyatt et elle. Leona n’avait pas l’impression d’avoir forcé la dose sur les cocktails, et demanda donc à son ami ce qui n’allait pas. Cette question résonna un instant dans le silence, comme si le simple fait de la poser était absurde. La jeune anglaise leva vers lui des yeux interrogateurs ; si la blonde n’était pas la cause de son humeur, alors pourquoi réagissait-il ainsi ? Elle crût déceler une part de vérité dans ses mots ; il n’était pas du tout intéressé par son amie. Un peu égoïstement peut-être, alors qu’elle se découvrait pour lui des sentiments nouveaux et différents, ses propos ne restèrent pas sans effet au fond d’elle. Cependant, Wyatt ne lui laissa pas le temps de s’attarder davantage dans ses pensées, ni même de lui répondre. Il se leva et la prit au dépourvu en annonçant un départ précipité par peur de « gâcher la soirée ». Mais de quoi parlait-il ? Leona voulut protester et le retenir, mais il s’éloigna aussitôt dans la boîte. La jeune chirurgienne n’avait pas souvent eu l’occasion de le voir perdre son sang-froid, pourtant elle n’avait encore rien vu venir. Elle le suivit du regard et le vit se diriger vers le bar où se trouvait justement le brun qui l’avait embrassée un peu plus tôt en compagnie d’une femme et d’autres d’amis. Leona n’avait que faire de lui ; elle avait simplement dansé quelques instants avec lui, puis était retournée s’asseoir lorsqu’elle avait senti qu’il voulait aller trop loin. Pourquoi Wyatt allait-il le voir ? Pour lui reprocher de l’avoir plantée là ? C’est elle qui l’avait repoussé ! A moins que… Leona comprit soudainement et avait un mauvais pressentiment. Elle sentait au fond d’elle que la situation pouvait dégénérer, et se leva à son tour dans l’intention de les rejoindre. Mais c’était trop tard. Elle entendit vaguement des éclats de voix s’élever entre eux et vit avec stupéfaction le commercial attraper le brun et le retourner avant de lui éclater la tête contre le bar. Les autres n’osèrent pas s’approcher comme s’ils sentaient qu’il valait mieux ne pas s’en mêler. Leona ne reconnaissait que trop bien des mouvements que Wyatt avait déjà dû répéter à maintes reprises. Le regard de ses amies se posa sur elle l’air de lui demander qui elle leur avait amené ce soir. Mais elle n’était pas en mesure de leur expliquer ; à vrai dire Leona se fichait bien de leurs questions. La jeune chirurgienne n’y prêta pas attention et ne se soucia même pas de l’autre à terre qui était de toute façon déjà bien « entouré » par ses potes à deux francs. Elle sentit un sentiment d’incompréhension et de colère monter en elle. Pourquoi avait-il fait ça ?! Elle se dirigea droit sur Wyatt qui essayait encore de s’éloigner d’elle. Depuis quand la fuyait-il ? Leona le rattrapa, lui prit la main et l'entraîna vers l’extérieur avant que les sorteurs ne s’en chargent eux-mêmes quand ils verraient l’autre à terre. Bien mal leur en prendrait d’ailleurs. Une fois dehors, elle s’arrêta et se planta devant lui. Loin du brouhaha atténué de la musique, ils pourraient mieux s’entendre. « Non mais ça va pas ? C’est quoi ton problème ? » Lança-t-elle en regrettant aussitôt le ton tendu de sa voix. Était-ce pour cette raison qu’il lui avait dit qu’il rentrait ? Parce qu’il avait déjà eu dans l’idée d’aller provoquer l’autre ? Leona essaya de retrouver son calme, mais l’idée de s’imaginer être la raison de ce qui venait de se passer ne l’aidait pas à aller dans ce sens.

Il était hors de question de le laisser partir avant qu’il s’explique. Leona avait beau ne pas avoir la force physique pour le retenir, quand elle avait une idée en tête, elle ne la laissait pas passer. La jeune chirurgienne ne comprenait plus Wyatt depuis une bonne partie de la soirée et ne voulait pas qu’il parte aussi vite. Si sa colère avait avoir avec elle, et s’il y avait un malaise entre eux, elle avait envie d’en connaître la raison, et pas de mijoter jusqu’à ce qu’il veuille bien lui parler. A contrecoeur, il s’arrêta et daigna enfin lui répondre. Il pointa la boîte de nuit du doigt et expliqua que le brun avait eu des propos irrespectueux envers elle. Leona poussa un petit soupir ; elle comprenait mieux la réaction de Wyatt, même si elle ne la cautionnait pas. Elle savait qu’il était très protecteur avec son entourage, et ne l’était pas moins avec elle, surtout depuis qu’ils avaient quitté l’Afrique, mais il n’avait pas à se créer des problèmes à cause d’histoires aussi futiles. Ils n’étaient plus des adolescents impulsifs et irresponsables. Elle appréciait l’intention, mais son geste avait été inconscient. « Il n’y avait aucune raison d’aller le voir. Il n’en vaut pas la peine. » Répondit-t-elle d’une voix radoucie. « Je n'ai pas envie que tu t’attires des ennuis pour moi… ça aurait pu avoir bien d’autres conséquences. ». Leona était bien placée pour savoir que Wyatt devait faire attention à ce qu’il faisait et ne voulait pas devenir une raison de débordement pour lui. La jeune anglaise s’apprêtait à ajouter quelque chose, mais Wyatt reprit la parole pour annoncer son départ définitif de la soirée. Cette réaction ne surprit pas la jeune femme, mais l’irrita quelque peu. Il refusait la discussion et partait à la première petite tension. Son intention n’était pas de lui rappeler ce qui venait de se passer, mais comprendre pourquoi il se fermait totalement à elle ce soir. Et si elle le laissait partir, elle savait que quelque chose changerait définitivement dans leur amitié. « Pourquoi ai-je l’impression que c'est juste un prétexte pour fuir ? » Lâcha Leona de façon assez cash alors qu’il venait de poser ses lèvres sur sa joue pour s’en aller. Elle plongea son regard dans le sien, mais il le détourna et s’éloigna d’elle pour rejoindre sa voiture garée sur le parking. La jeune chirurgienne haussa les épaules ; elle lui en mettrait des « passe une bonne soirée », alors qu’il partait comme si de rien était. Elle retourna à l’intérieur de la boîte, prit sa veste et prévint ses amies qu’elle quittait à son tour la soirée. Elles la regardèrent avec surprise, mais Leona était bien trop contrariée pour continuer à faire semblant de s’amuser. Elle sortit de nouveau à l’extérieur et marcha rapidement en direction du parking. Alors que Wyatt démarrait le moteur, elle arriva discrètement et ouvrit la portière du côté passager pour se glisser à l’intérieur de la voiture, bien décidée à ne plus bouger. « J’ai cru comprendre que tu partais, alors je rentre aussi. » Souffla-t-elle alors en fermant la porte et en regardant droit devant.

Monter dans cette voiture n’était sans doute pas la meilleure décision que Leona avait prise de la soirée. Pourtant, elle aurait regretté de l’avoir laissé partir sans essayer de briser le malaise entre eux. La jeune anglaise ne voulait pas que des tensions s’installent dans leur amitié pour des raisons qu’elle commençait à deviner. C’était comme si, à défaut de pouvoir expliquer ce qui n’allait pas, Wyatt avait passé la soirée à trouver des prétextes pour fuir et la repousser. Des raisons de le détester ? Comment pouvait-il envisager de seulement prononcer ce mot après ce qu’ils avaient traversé ? Pourquoi s’imaginait-il qu’elle pouvait soudainement le détester ? Une nouvelle vague d’incompréhension monta en elle, mais la jeune chirurgienne se força à rester calme et continua de regarder devant elle pour cacher la colère provoquée par ses paroles dans ses yeux. « Pourquoi essaies-tu de m’en donner ? » Demanda-t-elle. Elle marqua une pause, mais Wyatt démarra la voiture et resta emmuré dans un silence qui ne lui était pas coutumier. Leona dévia son regard par la fenêtre et plongea dans ses pensées. Il avait raison, c’était une mauvaise idée que de monter dans cette voiture. Cette discussion ne menait à rien et ne faisait qu’ajouter aux tensions déjà bien entamées. La jeune anglaise se remémora rapidement les évènements de la soirée ; elle se refusait à ouvrir les yeux. Pourtant, son coeur se serra, s'approchant le plus possible de cette étrange sphère qui battait à son propre rythme : au rythme de quelque chose qui naissait au fond d’elle. L’esprit confus, elle s’était rendu compte pour la première fois ce soir que tout n’était peut-être pas aussi clair entre eux. Leona prit une inspiration, priant pour que l’orage d’émotion qu’elle sentait dans sa poitrine disparaisse, mais elle savait bien qu’il demeurerait tant qu’elle n’aurait pas eu ses réponses. Incompréhension, colère, confusion. Mauvais ménage. Quand un cœur est écorché, personne n’entend le doux craquement des espoirs déçus qui résonnent, ni les fêlures qui les accompagnent. Wyatt était celui qui la connaissait le mieux dans cette ville, et c’était probablement le cas inversement, mais elle avait l’impression qu’ils se quitteraient incompris ce soir ; parce qu’ils préféraient mentir, trafiquer la vérité, pour éviter qu’elle n’explose leur monde. Prise au piège de cette constatation, Leona savait au fond d’elle qu’elle s’attachait et ne voulait pas le voir partir de Magnolia. Mais ce n’était pas une bonne idée, absolument pas, car ce moment arrivait tôt ou tard. Elle devait se détacher ; la dépendance à sa présence était sans doute la raison qui avait nui à leur amitié aujourd’hui. Pour l’heure, la jeune chirurgienne devait d’abord remettre ses pensées en place. Elle constata alors que la voiture s’était arrêtée devant la maison de sa sœur. Wyatt habitait lui-même à deux pas ; ce qui était assez étrange à imaginer, tant de proximité, alors qu’elle avait l’impression que la distance entre eux n’avait jamais été aussi grande. Les quelques verres d’alcool leur embrouillaient l’esprit ; ils se prenaient trop la tête, et demain était un autre jour. Elle se tourna alors vers lui et s’approcha pour déposer un baiser sur sa joue. « Tu sais bien que je ne pourrais jamais te détester. » Lui glissa-t-elle à voix basse. Elle s’éloigna alors de nouveau et ouvrit la portière de la voiture pour en sortir.

Durant le trajet, Leona avait réussi à garder son calme. A quoi bon s’emporter si ce n’était pour empirer une situation déjà suffisamment tendue et regretter ensuite ses propos ? La jeune anglaise décida de rester silencieuse et d’attendre d’être arrivée devant chez elle pour le quitter sur une note plus calme. Mais alors qu’elle s’apprêtait à sortir de la voiture, Wyatt laissa enfin éclater le malaise. Il lui demanda comment elle arrivait à rester aussi posée alors qu’il avait vu rouge toute la soirée. Elle ouvrit des yeux surpris lorsqu’il lui avoua qu’il avait eu la haine de la voir embrasser l’autre. Enfin, c’était plutôt l’inverse, mais la jeune anglaise reconnut bien là un sentiment de… jalousie. Se pourrait que toute la soirée puisse se résumer dans ce simple mot ? Elle-même avait ressenti un sentiment désagréable lorsqu’elle l’avait vu danser avec la blonde, enfin plutôt prêt à l’embrasser, pourtant elle ne le lui avait jamais fait comprendre, pas pour ne pas gâcher la soirée, mais plutôt pour préserver leur amitié. D’ailleurs qu’était-il advenu de l’autre fille ? Sûrement repoussée elle aussi, mais pas pour les mêmes raisons. La jeune chirurgienne écouta ensuite la myriade de questions qu’il lui posa… Pourquoi continuait-elle de lui parler et ne lui disait-elle pas ce qu’elle pensait réellement de lui ? La grosse blague ! Leona se comportait avec lui comme elle avait toujours été et ne voyait pas pourquoi elle aurait dû arrêter de lui parler sous prétexte qu’il n’était pas bien ce soir ; ce n’était pas elle qui avait un problème jusqu’à preuve du contraire. Dans les moments délicats de la jeune femme, il avait toujours été présent. Pourtant, elle avait l’impression que plus la soirée avait avancé, plus il s’était fermé à elle, ne lui laissant pas vraiment l’occasion de lui rendre la pareille, ce qui n’avait quand même pas découragé la jeune femme de monter dans cette voiture. Mais il ne lui laissa pas le loisir de répondre à ses premières questions et ajouta aussitôt qu’elle aurait été mieux sans lui. C’en était trop, il avait gagné. Le sentiment de colère qu’elle couvait en elle depuis quelques instants explosa à son tour. « Mais arrête un peu, tu ne vois pas ce que tu fais ?! » S’énerva-t-elle en soutenant son regard. « Depuis le début de la soirée, j’ai l’impression que tu essaies de casser quelque chose entre nous et de me pousser à bout. Tu me demandes pourquoi j’agis comme je le fais, mais ce n’est pas moi qui ai changé. Tu ignores mes questions et je ne te comprends plus. C’est ça que tu voulais entendre ? » Leona poussa un soupir ; il cherchait vraiment à ce qu’elle s’énerve, comme s’il voulait une raison de s’éloigner plus encore. « Pourquoi je ne t’ai pas laissé partir ? Sérieusement ? Tu croyais que j’allais m’amuser après ce qui venait de se passer et en sachant que tu n’allais pas bien ? Je me demande si tu me connais tant que ça finalement. » Elle appuya sur les derniers mots durement, se retenant de sortir de la voiture. Mais elle ne fuyait pas devant les confrontations ; surtout pas quand elle pouvait enfin avoir les réponses à ses questions. Un peu plus perdue qu’avant, elle peinait à accepter ces paroles fatalistes, ces mots bien dérisoires au regard de tout ce qu’ils avaient déjà traversé.

Chaque seconde qui s’écoulait dans cette voiture était un pas supplémentaire qui les éloignait. Leona ne parvenait pas à comprendre les raisons qui l’amenaient à la pousser à bout. Pourquoi cherchait-il soudainement à créer des conflits entre eux ? La jeune chirurgienne savait que Wyatt n’était pas sous l’influence de l’alcool, il n’avait pas bu tant que cela. Elle croyait simplement au début qu’il n’allait pas bien d’où sa patience à essayer de le calmer ; mais il venait de lui avouer qu’il n’avait agi que sous l’impulsion de la jalousie. Il avait mal pris sur le moment les propos de l’autre, ce que Leona pouvait concevoir au vu de leur amitié, mais qu’il continue à la pousser dans ses retranchements, alors qu’ils avaient quitté la boîte depuis quelques temps, ne se justifiait pas. Pourquoi voulait-il se la mettre à dos ? Certaines choses lui échappaient ce soir ; et elle n’avait plus envie de courir après des réponses qui ne sortiraient pas du mutisme du jeune commercial. Elle craqua à son tour et céda à son sentiment de colère en s’emportant contre ce qu’il essayait de casser entre eux. Leona ne s’était pas imaginé qu’il puisse jouer à cela avec elle, après tout ce temps passé ensemble, où il avait essayé de la remettre en selle ; elle ne s’expliquait pas ce revirement. En vérité, elle n’avait pas su sur quel pied danser ce soir, et cette valse de faux-semblants avaient jeté ce flou étrange entre eux. La jeune anglaise poussa un petit soupir en entendant sa réponse. Qu’est-ce qu’il essayait de lui dire par « ne pas accepter » ? Qu’elle ne devrait pas être comme elle était ? Que ça aurait été plus facile pour lui ? Ses mots étaient encore plus incompréhensibles que son comportement. Il avait raison. Elle n’aurait jamais dû monter dans cette voiture pour essayer d’arranger les choses ; la situation n’avait fait qu’empirer. Leona ne l’écoutait déjà plus que d’une oreille, tandis qu’il approuvait tout ce qu’elle avait dit. Elle n’avait plus envie de l’écouter. S’il en avait conscience, alors pourquoi ? Elle ne cessait de se ressasser cette question dans sa tête. Il la sortit alors de ses pensées en lui conseillant de rentrer. Cette fois, la jeune chirurgienne ne se fit pas prier deux fois. Elle n’avait rien à ajouter à ce dialogue de sourd qui ne menait de toute façon à rien. Elle posa une dernière fois ses yeux sur lui, comme pour essayer de sonder le vrai fond de sa pensée, mais son regard la fuyait encore. Elle avait bien compris le message ; s’il voulait la sortir de sa vie, il était entrain d’y parvenir brillamment. « Très bien. » Se contenta-t-elle de répondre. Elle se leva ensuite et claqua sèchement la portière derrière elle. Le ventre noué, Leona retint la boule qui la compressait de remonter dans sa gorge. Il n’y avait aucune raison de prendre cette histoire à cœur… Ou plutôt, il y en avait des milliers, mais elle préférait se convaincre du contraire. Elle marcha jusqu’à la porte et inséra doucement les clefs dans la serrure pour rentrer sans bruit chez sa sœur. Une fois à l’intérieur, Leona se promit de ne plus penser à ce qui s’était passé ce soir.