**Salut Adri. Il faudrait que je te vois. Peux-tu passer à la maison quand tu sors du boulot, stp? Bisous**

Adrian avait reçu ce message de Lou plus tôt dans la journée. Il n'allait bien évidemment pas se défiler. Il ne l'avait pas vu depuis la tempête. Tout était allé si vite. A peine sorti de cet enfer du bunker, il s'était rendu à l'hôpital pour rester au chevet de Juliet. La jeune femme, à son réveil, avait complètement perdu la mémoire, les imaginant toujours aussi amoureux, comme lorsqu'ils avaient 18 ans. Elle lui avait demandé de l'emmener loin de Magnolia durant quelques jours, lui offrant un certain répit. A Wilmington, ils avaient consommé leur amour, comme au premier jour, jusqu'à ce que la belle recouvre complètement la mémoire et fasse de nouveau face à la réalité. Le retour à Magnolia avait été difficile, les jours qui suivirent l'étaient bien plus. Il n'arrivait pas à se détacher de Juliet, de cette histoire, voulant à tout prix faire machine arrière et lui prouver qu'il pouvait être un autre homme. Mais elle restait encore bien trop insensible à son charme.

La tempête avait également envoyé Lou à l'hôpital, mais Adrian n'avait eu vent de cela qu'à son retour. Lorsqu'il avait voulu rendre visite à Lou, elle lui avait gentiment demandé de passer plus tard, puis encore plus tard, histoire de pouvoir se reposer un peu. Alors il avait attendu qu'elle lui donne le signal pour qu'il puisse enfin se rendre chez elle, et qu'ils puissent se raconter leur vie autour d'un café. Il frappa donc à sa porte en cette fin de journée. La voir lui changerait certainement les idées. Personne ne vint lui ouvrir alors il se décida à entrer. Personne dans le salon, personne dans la cuisine, il monta à l'étage et se dirigea vers la chambre de son amie. Cela faisait un moment qu'il n'avait pas mis les pieds ici. La dernière fois, il devait avoir comme 17 ans!

Il poussa ensuite la porte de sa chambre, et découvrit Lou, allongée sur son lit, là à fixer le plafond. "Hey Loulou! Je... Je me suis permis d'entrer, la porte était ouverte." dit-il en pénétrant dans la chambre. "Comment tu te sens?". Bien sûr, il ne savait rien de l'état de santé de la jeune femme, il savait juste qu'elle avait fini par quitter l'hôpital quelques jours après son admission et qu'elle devait beaucoup se reposer.

Lou ne se reconnaissait plus. Elle n’avait envie de rien. Depuis le 4 juillet quelque chose c’était brisée en elle. Perdre son bébé avait été inattendu. Jusqu’au bout, elle n’avait rien ressenti. Ni dans son ventre, ni partout ailleurs. Alors peut-être que l’absence de ces symptômes aurait dû, au fond, l’inquiéter plus qu’autre chose. Et les souvenirs de ce jour ne voulaient pas s’effacer. Cette impression d’être vide, de ne rien ressentir. Cette culpabilité de ne pas avoir compris les signes du premier coup. D’avoir attendu de voir qu’elle avait perdu du sang pour prendre, en urgence, le chemin de l’hôpital. On lui avait alors expliqué le plus calmement du monde qu’elle avait perdu son bébé. Pour lui ôter ce sentiment horrible de culpabilité, on lui avait dit que ça arrivait fréquemment durant les premières grossesses. Lou n’avait pas pleuré. Pas tout de suite. Après être restée la nuit à l’hôpital, on l’avait laissée repartir chez elle. Depuis, elle se murait dans le silence. Ses parents n’avaient pas réussi à lui soutirer plus que quelques mots, et Lou avait mis une distance entre Andrew et elle. Elle n’arrivait même plus à le regarder en face. Pourtant il avait mis de la bonne volonté pour qu’ils puissent traverser cette épreuve ensemble. Lou se refermait pourtant sur elle de jours en jours. Heureusement que les vacances d’été lui permettait de passer son temps à rester chez elle pour fixer le plafond. Aujourd’hui elle avait cependant décidé d’envoyer un message à Adrian. Elle ne savait pas vraiment ce qui avait motivé ses actes, si ce n’est l’envie de parler à quelqu’un. Pourquoi Adrian ? Parce que Lou avait l’étrange sensation qu’il pouvait peut-être comprendre ce qu’elle traversait. Elle, avait toujours été présente quand il doutait, avait besoin d’être rassuré dans sa relation amoureuse. C’est ce qu’elle venait chercher à son tour. Les journées passaient lentement, et Lou eut tout le temps de regretter son petit message à Adrian. Finalement, elle voulait rester seule, ne plus le voir. Elle dut changer d’avis au moins une bonne centaine de fois, mais n’annula pas leur rendez-vous. Captivée par ses sombres pensées, Lou n’entendit même pas le jeune avocat s’introduire dans sa maison. Maison qu’elle avait retrouvé à contre cœur, car elle ne pouvait décemment pas rester chez les Davies après cette tragédie. Elle ne bougea pas d’un iota lorsque Adrian entra dans sa chambre. Elle posa son regard sur lui, sans même faire apparaître le moindre sourire sur son visage. A peine était-il là, qu’il posait déjà des questions qui fâchent. « Mal, évidemment. » répondit-elle sans même prendre la peine de mentir pour ne pas inquiéter son ami. Elle se redressa un peu. « Je ne sais même pas pourquoi je t’ai demandée de venir, c’était stupide. » Adrian ne devait pas comprendre ce soudain revirement de situation. Mais Lou était arrivée à un stade où elle se fichait bien de ce que pouvait penser les autres d’elle.

Lou n’avait pas envie de sourire. Prétendre aller bien alors qu’elle ressentait un énorme vide en elle. Pour la première fois de sa vie, elle avait l’impression qu’elle ne verrait jamais le bout du tunnel. Aucun espoir ne faisait jour en elle, ni même l’envie d’en faire naître un. Simplement malheureuse, Lou n’avait plus envie de rien. Sa vaine tentative pour se sentir mieux avait été d’appeler Adrian. Elle se rendait compte que ce n’était pas la solution. A peine avait-il franchi le pas de sa porte, qu’elle désirait le congédier. Il voulait la faire sourire, il y mettait même de la bonne volonté ; mais Lou ne pouvait se résoudre à lui accorder cette faveur. Elle l’écouta, le regardant fixement dans les yeux, et n’articula pas un mot. C’est sans doute ce qui motiva Adrian à ajouter quelques paroles… de trop. Lou avait survécu, certes. Mais à quel prix ? Elle aurait donné sa vie pour sauver cet enfant, qui lui n’avait pas eu sa chance. Son regard indifférent se changea subitement en regard noir. Elle se dégagea vivement du geste d’affection qu’Adrian lui adressait. La jeune femme cherchait une remarque assassine pour lui répondre, lui clouer le bec, et lui passer l’envie de la réconforter, mais elle restait blessée des paroles qu’il venait d’avoir. Face au silence, Adrian insista une nouvelle fois. Alors Lou comprit. Il ne savait pas pour le bébé, il croyait encore que tout ça n’était qu’une histoire d’hormone. Un caprice de femme enceinte. « Tais toi. » ordonna-t-elle alors qu’Adrian s’était déjà tu. « Tu ne sais pas de quoi tu parles. » elle avait envie de lui dire clairement qu’elle avait perdu le bébé, mais les mots ne voulaient pas sortir. Ces mots qui rendaient la situation si réelle. Lou ne savait plus quoi faire. Lui expliquer la situation, ou l’envoyer bouler une bonne fois pour toute. « Dégage Adrian. » lança-t-elle ensuite, sans même prendre la peine de le regarder. Finalement à quoi bon lui expliquer quoi que ce soit ? Ça ne changerait rien à ce qu’elle ressentait, ou même à la situation. Elle sentirait toujours en elle ce vide, cette douleur. « C’est fini, tout est fini. Le bébé... et... » finit-elle par ajouter sans même comprendre pourquoi elle disait ça. Et non, Lou ne lisait pas trop de Beckett et ne glissait pas des répliques de Fin de partie dans ses paroles (terminale L sisi), elle était tout simplement perdue. Et surtout profondément malheureuse.