Andrew avait honte, terriblement. Ses deux mains n'étaient pas suffisantes pour compter les semaines depuis lesquelles il n'avait pas véritablement vue Nora Jane. Car la croiser au supermarché au rayon Pâtes ne comptait pas, bien sûr. Lui qui affirmait la protéger, l'avait laisser gambader seule, à ses risques et périls.

Bizarrement, il avait eu besoin d'apprendre sa paternité pour se reprendre en main. A croire que devenir parent l'aider à retrouver le sens des responsabilités, un peu perdu dernièrement, depuis que sa soeur vivait un calvaire sentimental sans nom, qui ravirait les scénaristes de séries télévisées débiles. Encore une fois, il se cherchait des excuses. Justifier son absence par une implication dans le sauvetage du soldat Juliet ne lui ressemblait que trop bien. Et puis, il pouvait renchérir en ajoutant qu'il était celui à avoir fait le premier pas, à avoir invité Nora Jane à passer l'après-midi chez lui. Dès lors, son incompétence en matière de Hitch ne pouvait qu'être pardonnée. On efface l'ardoise, et on recommence.

Il avait passé la matinée ... au lit. Prévoyant, il accumulait les heures de sommeil que son futur enfant lui volerait bientôt. Certes, le bébé n'était pas pour tout de suite. Mais toutes les excuses étaient bonnes pour dormir. Bien sûr, jamais il ne se justifierait de la sorte auprès de Lou, il n'était pas encore suicidaire. Après avoir préparé cookies et smoothies idéals pour un bon goûter, qu'il avait disposé dans le salon, il se posa dans le canapé afin d'attendre son amie, espérant qu'elle ne lui ferait pas faux bond.

Quelques minutes dans le canapé, et il avait presque failli s'endormir. Il ne fallait pas grand chose au garçon pour lui permettre de retrouver les bras de Morphée. Insomnie, sommeil léger ou difficile ... Lui ne connaissait pas, et se sentait chanceux. Une présence à l'entrée le sortit de sa somnolence. Nora Jane. Vite, il sauta hors du sofa, déjà heureux à l'idée de la revoir. En quelques enjambées gambadantes, il avait rejoint la porte, et l'ouvrit sans tarder. « Nora Jane, Nora Jane Hamilton, c'est bien toi ? Oh mon dieu, tu as tellement changé, je te reconnais à peine ! » lança-t-il sur un ton théâtral en mimant la surprise, avant de rire et de la prendre dans ses bras. NJ était habituée aux comportements - certes drôles - exubérants de son ami. Il était un petit rigolo, un petit plaisantin, et c'était pour ça aussi qu'on l'aimait. Du moins Andrew en était persuadé.

Une fois les conventions passées, il l'invita dans le salon, où les attendait le fameux goûter. « J'espère que tu aimes toujours les cookies, je les ai fait exprès pour toi ! » Sans savoir d'où elle venait, une pensée désagréable l'envahit. L'idée subite et incongrue selon laquelle son futur enfant ne lui laisserait plus le temps de cuisiner à loisir, comme il le faisait si souvent. Il cacha sa grimace, il ne pouvait pas avouer la grande nouvelle à NJ de but en blanc, ou celle-ci risquerait de s'étouffer avec son smoothie. Mais bien évidemment, ce bébé ne quittait pas son esprit. « Alors, je veux savoir ce qui a rendu ma petite NJ indisponible, où avais-tu disparu ? Et surtout, avec qui ! » Une fois assis, il n'y alla pas par quatre chemins. Bien sûr, il entendait déjà sa réponse évidente, Nora Jane avait passé ses dernières semaines à réviser, studieuse comme elle était. Mais au fond, Andrew espérait bien croiser le nom d'un garçon, au détour de la conversation. Au moins, il ne serait pas le seul avec une nouvelle bouleversante.