Ce n’était pas dans les habitudes de Savannah de rentrer tôt d’une soirée, mais la jeune femme était fatiguée par sa journée de travail qui avait précédé sa sortie entre amis. Les soldes avaient attiré un monde fou au centre commercial depuis le début du mois et Charlie n’arrêtait pas de lui refourguer les heures supplémentaires avant qu’elle ne prenne ses congés pour partir tout le reste de l’été en Afrique avec Ginnie. A croire que la Stiller voulait la tuer avant son départ… La jolie blonde ne se concentra pas vraiment sur ce fameux dîner au restaurant qui rassemblait quelques vieux amis du lycée à elle. Ils se donnaient rendez-vous chaque été pour faire le point sur la dernière année écoulée, mais Savannah n’était pas vraiment intéressée d’entendre ce que d’autres avaient mieux ou moins bien réussi qu’elle. Quelle perte de temps de croire qu’on peut prétendre garder contact avec des gens en se fréquentant uniquement une fois par an pour comparer les vies des uns et des autres… Plus la soirée avançait, plus la jeune femme trouvait cette idée ridicule. Elle n’avait plus grand-chose en commun avec ces quelques amis du passé et s’ennuyait ferme. Savannah se demandait vraiment ce qu’elle était venue faire. Peu amatrice des tergiversations internes de son esprit, la jeune vendeuse se promit alors que cette page de son passé devait se tourner pour elle. Vers minuit environ, elle prit donc congé pour la dernière fois de ces quelques ‘amis’ et décida de rentrer chez elle à pieds. Même si les rues de Magnolia pouvaient donner des appréhensions à certains habitants au vu des événements récents, la jolie blonde n’avait pas peur de se promener à l’extérieur une fois la nuit tombée. Elle marcha tout de même d’un pas rapide et arriva en peu de temps devant chez elle. La lumière dans la chambre de Sean était encore allumée, signe que son frère prolongeait sa soirée. Parfois, Savannah le rejoignait lorsqu’elle rentrait, mais elle n’était pas vraiment d’humeur à faire la conversation ce soir. La jeune femme monta dans sa chambre, se déshabilla et fila prendre dans la douche. L’eau chaude qui coula le long de son corps la détendit agréablement. Une fois sa douche terminée, elle se glissa ensuite sous les couvertures. Malgré la chaleur de l’été, Savannah était une frileuse ambulante. La jeune femme s’emmitoufla sous ses draps avant de s’endormir comme un bébé… Elle venait à peine de fermer les yeux depuis quelques minutes, lorsque la sonnerie stridente de son téléphone la tira du sommeil. Qui pouvait encore bien l’appeler ? Il n’était pas encore très tard, c’était vrai. Mais la compréhension et la tolérance de Savannah atteignait vite ses limites quand elle était fatiguée, elle choisit donc de ne pas répondre et se retourna dans son lit.

Au bout de quelques minutes cependant, elle ne parvint toujours pas à trouver le sommeil. C’était peut-être important… Rose qui avait besoin de parler ? Son frère qui avait un problème de cœur ? Sa mère qui ne rentrerait pas du travail ? Gabriel… ? Tous un tas de raisons qui perturbaient sa ‘tranquillité’ d’esprit. L’esprit encore embué de sommeil, Savannah saisit son téléphone et écouta à demi-endormie le message laissé par son interlocuteur. Elle n’intercepta pas entièrement le monologue, mais son esprit en ressortit les bribes les plus importantes. Maxim. Urgence. Soucis. Prison. Relations dans le milieu. Bingo ! Cette fois, Savannah se réveilla tout à fait. Monsieur avait entendu qu’elle fréquentait un flic, alors il croyait qu’elle pouvait faire des miracles ?! Pourquoi n’avait-il pas appelé sa grande sœur ou même sa petite amie ? La jeune Richardson n’avait que peu d’influence sur Gabriel, et encore quand il était bien luné, c’est-à-dire pas au milieu de la nuit. Tout dépendait de ce que Maxim avait fait aussi, car ce n’était pas son genre de se retrouver au commissariat pour rien. La jeune femme n’était pas vraiment la ‘bonté’ incarnée, et si le jeune homme l’avait appelé uniquement pour cette raison, il avait frappé à la mauvaise porte. Cependant, il avait éveillé sa curiosité et Savannah songea que cette petite mésaventure pourrait rattraper sa soirée. Maxim faisait quand même partie de ses potes, alors elle fourra sa mauvaise humeur au fond du placard et s’habilla rapidement pour ne pas le faire attendre plus longtemps. La jolie blonde sortit de chez elle et marcha jusqu’au commissariat qui n’était qu’à quelques minutes à pieds de là. Elle fut facilement introduite dans les bureaux, reconnue par plusieurs collègues de son « faux » petit ami. Savannah tapa la discussion avec eux avant de se renseigner sur un jeune qui avait été ‘enfermé’ quelques temps avant son arrivée. On lui répondit que tout un groupe avait été arrêté, sans en préciser les raisons, et on lui accorda une visite à celui qui était son ami. Les policiers allaient décidément penser que ses fréquentations étaient louches et qu’elle était de mauvaise graine pour monsieur leur chef. La courtoisie et la déférence prudente avec laquelle ils la regardaient et s’adressaient à elle éveillait en elle une colère sourde. Savannah connaissait le véritable fond de leur pensée. Seul son air déterminé les empêchait de faire le moindre commentaire désobligeant. Un simple coup de fil à Gabriel aurait suffi à régler l’affaire, mais la jeune femme décida de ne pas abuser de son amitié et de se passer de son aide. Du moins pour le moment. Les questions qui avaient pris possession d’elle depuis qu’elle avait été tirée de son lit n’avait pas diminuées. Saisissant d’un geste rapide le sac scellé qui contenait les affaires de Maxim, Savannah observa rapidement les effets personnels du jeune homme, portefeuille, clefs de voiture ou objet de valeur sentimentale, rien qui ne sortait de l’ordinaire. Savannah fut ensuite introduite auprès de l’endroit où Maxim était retenu ; la jeune femme s’avisa que le laisser enfermer quelques minutes supplémentaires n’était peut-être pas une mauvaise idée. Assis sur un banc, il semblait attendre son arrivée avec une impatience non dissimulée. « Daniels. T’as intérêt à avoir une sacrée foutue bonne raison pour t’être fait enfermé. » Dit-elle en arrivant en face de sa ‘cellule’ de fortune. Salutations, façon Savannah Richardson.

Savannah arriva rapidement au commissariat dans le milieu de la nuit. La jeune femme avait été appelée par Maxim qui s’était fourré dans un mauvais pétrin et lui avait demandé de l’aider à sortir de cet endroit avant le lever du jour. Il faut dire que Savannah avait la chance d’être en étroites relations avec les policiers du quartier depuis qu’elle sortait plus ou moins avec Gabriel, le chef du commissariat. Leur couple n’avait rien de vrai, il ne s’agissait que d’un jeu commencé le jour où il avait prétexté devant ses collègues qu’elle était sa petite amie pour la sortie de la même situation épineuse dans laquelle se trouvait Maxim aujourd’hui, et ils avaient continué à faire semblant aux yeux des autres policiers en fonction. Savannah avait bien proposé une rupture en bonne et due forme à Gabriel qui avait refusé de la laisser s’en tirer à s’y bon compte, puisqu’il avait demandé à la jolie blonde de lui prouver les bienfaits d’un couple en retour, un défi qu’elle n’avait décemment pas pu refuser, sauf que Savannah faisait tout pour qu’il se sépare d’elle et retrouver sa liberté. Rien n’y faisait, Gabriel s’accrochait à elle et à leur faux couple. La jeune femme supposait que Maxim l’avait appelée pour cette raison, plutôt que sa grande sœur ou même sa petite amie. Il avait peut-être peur que sa copine le découvre en mauvais garçon, mais elle serait sans doute plus en colère d’apprendre qu’il ne l’avait pas contactée elle, mais une de ses vieilles amies et conquêtes. Peu importait pour Savannah. Les histoires de couple du jeune Daniels ne la regardaient pas le moins du monde et elle s’en fichait royalement. Elle entra à l’intérieur du bâtiment et put avoir accès aux effets personnels de Maxim avant de pouvoir le sortir de sa cellule de fortune. Savannah n’avait pas contacté Gabriel qui devait sûrement dormir à l’heure qu’il était ; elle ne voulait pas le réveiller et le rendre de mauvaise humeur en prétextant vouloir aider un énième ami. Cependant, elle avait convaincu ses collègues qu’elle avait sa bénédiction pour sortir Maxim de là et qu’il le leur confirmerait dès le lendemain. Il faudrait donc le persuader d’ici-là qu’elle n’avait pas que des mauvaises fréquentations… comme la fois où elle lui avait demandé de fermer les yeux sur un Holden drogué à la soirée du Nouvel An. Savannah entra enfin dans le couloir où étaient enfermés les ‘méchants’ garçons pour la nuit et arriva ensuite devant l’endroit où était Maxim en l’interpellant par son nom de famille. Il en eut presque l’air offensé, et sourit jaune, comme si sa venue était un service qu’elle devait absolument lui rendre et qui lui était dû au nom de leur amitié. Si Savannah détestait bien quelque chose, c’était qu’on lui donne l’impression de la diriger. L’appeler par son nom de famille n’avait pour elle, rien de méchant dans ses propos, c’était juste pour lui faire comprendre qu’il avait intérêt à avoir une bonne raison de l’avoir amenée là. S’il s’était amusé à se droguer ou à provoquer des flics, elle ne voyait pas pourquoi elle l’aiderait, surtout que Gabriel se poserait vraiment des questions sur son genre de fréquentations et refuserait qu’elle profite de sa pseudo relation avec lui pour qu’elle sorte tous ses amis du commissariat à la moindre occasion. Toutefois, c’était très peu le genre de Maxim d’être un provocateur, et elle s’attendait à ce que son explication démontre un malentendu grotesque sur la raison de sa présence ici. Elle n’apprécia cependant pas le ton qu’il employa lorsqu’il la qualifia de future femme de flic de la ville tout en se lançant de multiples fleurs en tant que son sexy ami au passage –comme toujours venant de la part de Maxim- ; s’il savait… Il n’en dirait pas autant. « T’as de la chance que j’en connaisse un qui accepte de me laisser te sortir aussi facilement. Il n’y a rien d’attirant à être enfermé là-dedans, crois-moi. » Rétorqua-t-elle du tac au tac. Maxim ne se rappelait surtout à son bon souvenir que parce qu’il avait besoin d’elle. Mauvais garçon attirant derrière ces barreaux ? Pas du tout. Comme elle le lui avait dit, il n’y avait rien d’attirant d’être dans cette prison. Elle était passée par là quelques mois auparavant et savait ce que ça faisait. Elle était venue par amitié pour lui, mais cette soirée de Noël entre eux était du passé et elle espérait qu’il arrête ces remarques tendancieuses à son propos. « Au fait, pourquoi tu n’as pas appelé Joy ? Tu as peur que ta copine découvre ton côté mauvais garçon ? » Le piqua-t-elle gentiment à son tour. C’est sûr que la jeune King n’aurait pas eu si facile de le sortir sans devoir signer des papiers ou autres qui l’y autoriseraient. Or Savannah n’avait pas besoin de remplir cette paperasse, puisque Gabriel se chargerait d’effacer les traces de la présence de Maxim ici à sa place. Il se lança alors dans une explication compliquée et obscure selon laquelle il aurait été injustement enfermé. Il s’attarda sur sa situation dans un long monologue de plainte à propos des forces de l’ordre et sur le fait qu’il n’avait rien à faire dans cet endroit. Il n’avait pas une tête à faire des conneries et tout le tralala. Savannah soupira doucement ; elle n’était pas venue ici pour l’écouter refaire le monde et se la jouer révolutionnaire du système de justice. De plus, il ne lui avait toujours pas dit la véritable raison de sa présence ici. « Et donc, monsieur le journaliste incompris, pourquoi t’es-tu retrouvé ici ? » Répéta-t-elle sa question précédente. Elle sortit alors de son sac la petite clef libératrice qui le ferait sortir d’ici et l’agita devant lui pour l’encourager à parler. Oui, oui. Gabriel ignorait qu’elle avait des doubles en sa possession. Ne lui avait-il pas dit en rigolant qu’elle pouvait faire comme chez elle dans son bureau du moment qu’elle ne touchait pas aux dossiers confidentiels des enquêtes en cours ? Sauf que Savannah l’avait pris au mot… Si elle n’avait pas posé la main sur les documents interdits, il n’avait rien dit à propos des clefs. Enfin, ce n’était pas comme une évasion non plus, puisqu’elle avait l’autorisation de le sortir de là. Elle ne comptait pas le laisser enfermé toute la nuit. Savannah avait beau être mal lunée, elle respectait encore la valeur que représentait une amitié pour elle.

Savannah s’étonna que Maxim la contacte pour le sortir de ce mauvais pas, plutôt que d’avertir sa petite amie. Il lui expliqua alors que Joy était absente de Magnolia et qu’il avait pensé bien faire en l’appelant elle qui avait des contacts dans la police. Cette situation avantageuse ne permettait cependant pas à la jeune femme de sortir n’importe qui à tout va. La jolie blonde acceptait sans aucun problème de l’aider à quitter cet endroit. N’était-ce pas ce que faisaient des amis ? S’entraider ? Mais elle ne voulait pas le faire aveuglément sans connaître les raisons de sa présence ici au préalable. Or Maxim perdait plus de temps depuis son arrivée à crier à l’injustice et à la révolution nécessaire du système policier géré par des crétins (sympa pour Gabriel, songea Savannah au fond d’elle) plutôt que d’expliquer ce qui s’était vraiment passé. La jeune femme était aussi légèrement remontée, car elle avait l’impression de n’avoir été contactée que par intérêt. Elle avait trop de fierté pour exprimer clairement cette pensée, ce n’était ni le lieu ni le moment, et bien loin d’elle l’idée de s’enfoncer dans ce genre de gamineries, seulement la vérité était bien là. Maxim avançait l’argument de leur amitié depuis un bon moment, mais il n’avait plus donné signe de vie depuis des mois et se rappelait à son bon souvenir uniquement en cas de « besoin » d’elle. Cool, l’amitié. Elle n’était néanmoins pas cruelle au point de se servir de la situation pour le laisser croupir dans cette cellule alors qu’elle avait le moyen de le sortir de là. Avoir elle-même été enfermée quelques heures lui avait amplement suffi. Elle prit la clef dans son sac et obtint finalement la réponse à sa question. Maxim avait été mêlé dans une histoire qui avait viré en rixe malencontreuse entre sa bande de potes et des inconnus, et il avait finalement été embarqué indifféremment avec les autres. Il avait essayé de faire entendre raison aux policiers qui l’avaient intercepté, mais sans grand succès. « T’as toujours eu le don pour t’attirer des ennuis et te mettre dans ce genre de situation même sans le vouloir. » Reconnut la jeune Richardson lorsqu’il acheva son récit. Elle s’approcha alors de la cellule tandis qu’il lui demandait une nouvelle fois de le sortir de là en se « victimisant » encore – elle ne supportait pas ça en fait – et introduisit la clef dans la serrure. Elle ouvrit la porte et s’effaça ensuite pour le laisser sortir. « Voilà ! Savoure bien cette toute nouvelle liberté... » Dit-elle en rangeant ensuite ses clefs dans le sac. « Et si tu pouvais garder ce truc de clefs pour toi, ça serait top. » Ajouta-t-elle ensuite en souriant. Même si elle avait eu l’autorisation de le sortir, pas sûr que Gabriel soit ravi d’apprendre qu’elle avait fait des doubles en cas de besoin. Savannah remit ses affaires à Maxim, portefeuille, téléphone et compagnie et se dirigea ensuite vers la sortie du commissariat. Sa B.A. d’amitié remplie, elle pouvait désormais quitter les lieux et retrouver son lit pour le reste de la nuit. Quoique…

Après avoir fait quelque peu mariner Maxim dans sa cellule pour se venger gentiment de l’avoir réveillée en plein milieu de la nuit, Savannah ouvrit finalement la porte avant de s’écarter et de ranger les clefs dans son sac. Elle précisa de ne pas mentionner ce détail à la sortie, on ne pouvait pas prédire si elle en aurait à nouveau besoin un jour que ce soit pour lui ou pour quelqu’un d’autre d’ailleurs. Mais Gabriel avait été parfaitement clair sur la question. Ce n’était pas parce qu’il l’avait aidée à sortir de ce mauvais pas en prétextant être son petit ami qu’elle pourrait en faire de même avec tous ses amis sur un simple coup de tête. Dans le cas de Maxim, il avait simplement participé à une rixe dans un bar et cette raison ne représentait évidemment aucun obstacle à sa remise en liberté. Savannah l’écouta alors lui expliquer qu’il rédigerait un article la prochaine fois qu’il subirait ce genre de désagrément. La jeune femme leva les yeux au ciel en souriant doucement ; avec tout le respect qu’elle avait pour le travail de son ami, il ne croyait quand même pas pouvoir changer tout un système grâce à un simple bout de papier ? Maxim avait toujours bien aimé exagérer les choses, un peu plus que la situation ne l’exigeait, ce qui faisait d’autant plus sourire Savannah au fond d’elle. « Je ne sais pas si ça changera grand-chose, tu sais. » Le raisonna-t-elle tout de même d’une voix plus radoucie qu’à son arrivée. Le jeune journaliste récupéra ses affaires, ensuite les deux amis sortirent enfin du commissariat. La nuit était déjà avancée, mais bien loin d’être terminée. Ce petit intermède nocturne avait d’ailleurs tout à fait réveillé Savannah qui ne se voyait pas vraiment rejoindre les bras de Morphée dans l’immédiat. Maxim dut lire dans ses pensées, car il lui proposa pour la remercier de lui offrir un verre ou d’aller manger un bout. « Tu crois que c’est une bonne idée d’aller boire un verre ? » Le taquina-t-elle, alors qu’il sentait toujours un peu l’alcool de sa soirée. Il n’était pas saoul, elle en était certaine. D’ailleurs, Maxim était tout à fait capable de bien tenir la boisson, elle en avait eu la preuve au réveillon de Noël. Mais il n’avait certainement pas fait que se bagarrer à sa petite fête... Quelques verres avaient encouragé l’affaire. « Enfin, comme tu veux. » Lui laissa-t-elle finalement décider. Il devait peut-être avoir un creux après cette soirée et ces quelques heures en prison. Elle sourit de nouveau en se rappelant leur dernier restaurant et leur histoire de fausses fiançailles pour avoir des plats gratuits, un souvenir des plus drôles. Cependant, Savannah étant venue à pieds, ils devraient marcher jusqu’en centre-ville. La jeune femme attendit que Maxim se décide, tandis qu’une question lui traversa l’esprit. « Au fait, tu m’as dit que tu étais avec un groupe de potes à la soirée. Ils ne se sont pas fait embarquer eux ? » S’enquit-elle tout d’un coup curieusement.

Maxim persista dans son envie d’écrire absolument un article sur son ‘mauvais’ traitement en prison. Il ne fallait pas exagérer encore une fois. Il avait certes été enfermé sur une histoire de malentendu, mais il n’avait pas non plus été malmené outre mesure. Les policiers avaient embarqué indifféremment ceux mêlés à la rixe et quelque peu éméchés sans se soucier de qui avait commencé ou non. Cependant, Savannah n’ajouta rien de plus à ce sujet considérant que si le jeune homme préférait perdre son temps à ressasser cette histoire… libre à lui. Gabriel n’apprécierait pourtant que moyennement qu’un ami à elle s’en prenne à ses collègues alors qu’elle l’avait sorti de là, mais cela ne lui faisait ni chaud ni froid. La jolie blonde demanda à Maxim si aller boire un verre serait vraiment une bonne idée après sa soirée mouvementée et s’attendit à la pique qu’il lui retourna en lui rappelant à son bon souvenir sa défaillance après avoir enchaîné quelques verres à vitesse grand V à Noël. Une Savannah piquée, même gentiment, rendait toujours la monnaie de sa pièce à la personne concernée. « M’as-tu déjà vu avoir peur de quelque chose ? » Répondit-elle tout d’abord en arquant un sourcil. « Il est vrai que je ne passe pas mes soirées à boire pour pouvoir la tenir cette distance. » Renchérit-elle ensuite. Le sous-entendu était suffisamment flagrant pour que Maxim comprenne ce qu’elle insinuait, même si Savannah savait pertinemment que ce n’était pas le cas tous les jours. Le jeune journaliste décida du même coup de se remplir l’estomac dans un endroit encore ouvert à cette heure si tardive. La jeune femme emboîta le pas de son ami jusqu’en centre-ville tout en lui demandant ce qu’il était advenu de ses amis. Pourquoi ne fut-elle pas surprise d’apprendre que dans l’histoire du commissariat, il était le seul à avoir les idées claires et pas ses potes qui, selon lui, ne se rappelleraient même pas de leur nuit en prison ? Savannah appréciait Maxim, mais il se donnait souvent le beau rôle. Heureusement que certains avaient pu rentrer chez eux ; la jeune femme aurait presque cru que comme dans les mauvais scénarios de film, il était le seul survivant de cette histoire. Cependant, elle se contenta d’acquiescer et ne commenta pas à voix haute ses pensées. Malgré leur amitié, la jeune femme parvenait à rester suffisamment détachée pour rester objective. Elle était peut-être parfois un peu dure dans ses considérations pour Maxim, mais il présentait souvent les histoires sous un angle soit trop grave soit trop embelli… bref toujours à son avantage (a) Le beau rôle encore une fois ! Au bout de quelques minutes, ils s’arrêtèrent devant un petit bar encore ouvert et ils s’installèrent à la terrasse où Maxim se commanda à manger tandis que Savannah se contenta de prendre une boisson légèrement alcoolisée. Pas la peine de jouer à ce genre de jeu de qui tiendraient le mieux cette nuit, elle n’en avait pas envie. Le jeune homme relança alors la conversation en lui demandant si elle travaillait toujours à la boutique de son amie. « Oui et non. On va dire que j’ai passé une bonne partie de l’été en Afrique avec ta charmante voisine Ginnie. On est revenues récemment, mais je n’ai pas encore eu la motivation de reprendre le travail. » Résuma-t-elle brièvement ces dernières semaines. Comme ça se faisait toujours avec Savannah, Ginnie et elle étaient parties sur un coup de tête, un départ totalement imprévu, qu’elles avaient simplement décidé en regardant un film qui en parlait. Charlie ne lui tiendrait pas rigueur de son absence prolongée pour une fois ; Savannah n’avait jamais pris autant de congés depuis qu’elle travaillait dans la boutique de la jeune Stiller. En fait, elle avait mis suffisamment de côté ces derniers mois pour se permettre de prolonger ses ‘vacances’ encore un peu. « Et toi ? » Retourna-t-elle ensuite la question à Maxim tandis que le serveur apporta leur commande. « Tu es enfin rentré dans la vie active après avoir bien profité de ces vacances ? » Façon comme une autre de demander si la rédaction pour qui il avait bossé pendant ses études l’avait enfin engagé maintenant qu’il était diplômé. Heureusement qu’il n’y aurait pas de paperasse sur son passage éclair en prison, ça ferait pas très beau sur le cv, songea-t-elle en son for intérieur.  

Maxim ne fréquentait peut-être plus autant les bars qu’avant, mais il avait bien eu sa période d’excès. Il ne pourrait pas faire croire à Savannah qu’il avait toujours été un petit enfant sage qui n’avait jamais fait d’autres bêtises que d’ennuyer sa petite sœur adorée ou de casser le vase de sa maman chérie. La jeune femme était loin d’être dupe. Ce qui l’encourageait à rester bien au chaud chez lui était sa toute nouvelle relation. Sortir en soirée était la porte ouverte aux tentations –féminines– qu’il devait absolument éviter… Quand il ne lui arrivait pas des bricoles comme aujourd’hui où il s’était fait emmené de force par les policiers du quartier. Après avoir bien craché son venin sur eux, le jeune homme s’était finalement calmé une fois à l’extérieur. Savannah préféra ne pas relever sa remarque et ils arrivèrent dans un petit bar pas très bondé en ce milieu de nuit. Ils s’installèrent à une table et reprirent la conversation après avoir commandé une boisson pour la jeune femme et un repas pour le jeune journaliste. Maxim l’interrogea sur le programme de son été et Savannah lui évoqua ses vacances avec Ginnie en Afrique. Les deux jeunes femmes n’avaient pas choisi la porte à côté pour quitter Magnolia, mais elles s’étaient bien éclatées. La jeune vendeuse portait encore d’ailleurs un bronzage qui avait légèrement hâlé sa peau. Savannah lui retourna alors la question et mentionna son entrée dans la vie active. Maxim lui expliqua qu’il continuait toujours son travail au journal, officiellement cette fois. Avant de le reprendre, il était parti à Chicago en compagnie de sa petite amie avant de retrouver la vie « ô combien trépidante » (ironie) du quartier. Il s’ennuyait tellement sans « l’amour de sa vie » -il n’avait pas utilisé ces mots-là, mais à la façon dont il en parlait, on aurait pu le croire-, qu’il avait repris le travail sans attendre. Les couples rose-bonbon et bisounours où toute l’existence de l’un tournait autour de l’autre avait toujours récolté l’incompréhension de Savannah qui ne comprenait pas comment on pouvait autant oublier son indépendance pour ne rien faire d’autre que de se coller l’un l’autre. Heureusement que Joy était en vacances ; elle pouvait respirer. La pauvre aurait fini par étouffer ici en restant H24 avec son nouvel amoureux complètement bleu d’elle. « Je vois que tu ne t’es pas ennuyé non plus. » Constata-t-elle simplement, alors qu’elle avait bien compris que l’absence de sa petite amie se faisait bien ressentir chez le jeune homme. La preuve, il en profitait pour égayer ses journées en se mettant dans de beaux draps (au figuré bien sûr) et en faisant n’importe quoi quand elle n’était pas là… du genre finir au poste de police pour la nuit. Maxim lui demanda alors si elle n’avait pas eu trop de mal à rentrer dans la vie active de son côté après ses études. Savannah n’avait jamais été très théorique, étudier… Très peu pour elle ! Elle s’en était cependant plus ou moins sortie en s’accrochant trois ans pour dire d’avoir un diplôme en plus, elle avait décroché un bachelier en gestion et marketing avant de devenir vendeuse. La jeune femme attendit que Maxim termine sa comparaison entre les cours et son propre travail, avant de lui répondre. « Je dois dire que je n’ai pas eu beaucoup de mal non. Je n’ai pas fait la difficile pour trouver quelque chose pas trop loin d’ici et qui me plaisait relativement bien. J’adore le contact avec les gens et j’aime assez me tenir au courant des dernières tendances sur la mode, alors la réponse m’est venue assez facilement. Mon diplôme me permettait de travailler en magasin et j’ai trouvé assez vite chaussure (c’est le cas de le dire) à mon pied. Tout comme toi. Je vois que tu n’as pas eu trop dur. Tu as été pris à l’endroit où tu as fait tes stages si j’ai bien compris ? » Ajouta-t-elle, songeant qu’elle n’aimait pas trop parler cours et boulot en plein milieu de la nuit après avoir été réveillée en sursaut… même en général, elle n’aimait pas trop aborder ce genre de sujets, ça allait cinq minutes, mais ça devenait vite barbant. 

Savannah n’était pas vraiment d’humeur à parler métro boulot dodo en plein milieu de la nuit, alors qu’elle venait de sortir Maxim d’une situation épineuse et qu’ils devraient plutôt en profiter pour s’amuser quelque part plutôt que de s’engager dans des discussions trop sérieuses. La jeune femme ne disconvenait pas qu’il soit bon d’en apprendre un peu plus sur son ami et de s’intéresser à ce qu’il faisait, mais la situation ne s’y prêtait pas vraiment. Elle avait l’impression que la conversation rimait à des personnes qui étaient étrangères l’une pour l’autre, alors qu’ils ne s’étaient juste pas vus pendant deux mois. Elle savait qu’il aimait le journalisme, tout comme il n’ignorait pas son goût pour la mode. L’entrée dans la vie active était toute nouvelle pour lui, contrairement à Savannah qui avait déjà un pied dedans depuis plusieurs années. C’est peut-être ce qui la lassait d’en parler. Après avoir confirmé qu’il avait réussi à se faire embaucher à son endroit de stage grâce à quelques contacts intéressants, dont sa sœur dans le métier, Maxim devina la légère lassitude de la jeune femme et dévia le sujet vers la mode en lui demandant pourquoi elle ne s’était pas dirigée vers les vêtements tout en ajoutant une petite taquinerie sur la lingerie. C’était une qualité qu’elle appréciait chez lui. Il était observateur et avait bien compris que le magasin de chaussures… Ce n’était plus trop son truc. En vérité, Savannah s’en sortait bien dans ce qu’elle faisait et se contentait de ce boulot pour avoir quelque chose derrière… Mais si elle l’avait vraiment voulu, la jolie blonde aurait pu arrêter de travailler depuis quelques temps déjà, sauf que quitter Magnolia ne pouvait pas être dans ses projets… C’était impossible. « Disons que l’idée m’a déjà traversé l’esprit, mais pour le moment, je suis bien là où je suis. » Expliqua-t-elle, dans un demi-mensonge. « Quant à modèle de lingerie, pourquoi pas, mais vois-tu, j’ai ‘un petit ami’ qui ne sera pas du même avis je crois. » Réagit-elle ensuite en souriant à sa boutade. Savannah regarda ensuite Maxim terminer de manger en silence. Une idée malicieuse lui traversa alors l’esprit, une idée à la jeune Richardson. Le jeune homme l’avait réveillée en plein milieu de la nuit, elle pouvait bien se venger un peu. Sans lui laisser le temps de réagir, elle prit son verre et le vida dans le dos d’une personne qui passa à côté d’elle, un mec plutôt bien costaud, genre motard bourru. « Tu vois, c’est comme ça qu’on déclenche une bagarre. » Lui murmura-t-elle alors à voix basse en référence à l’incident survenu en début de soirée dans le bar où il était avec ses potes. Savannah reposa vite fait le verre vide devant un Maxim encore surpris. Le gros balèze se retourna et afficha un regard mauvais vers le garçon. La jeune femme pouffa de rire, ce qui n’arrangea rien pour calmer l’autre déjà bien énervé. « Vous trouvez ça drôle, bande de morveux ? Vous allez voir si ce sera toujours aussi amusant quand je vous en aurais collé une pour vous apprendre ! » Hurla-t-il d’une voix menaçante, en serrant les poings. Savannah était tombée sur LE personnage qu’il fallait. C’était le moment de décamper ! Elle se leva aussitôt et prit la main de Maxim pour l’entraîner en dehors du bar en quatrième vitesse. Une fois à l’extérieur, ils coururent sur quelques mètres avant de s’arrêter et de reprendre leur respiration. Savannah riait encore. Au moins, ils avaient encore une fois réussis à s’esquiver sans devoir payer l’addition. Il pourrait bien l’en remercier… ou pas. 

Au lieu de répondre à la remarque de Maxim sur ses capacités à devenir modèle de lingerie sexy, la jeune femme réagit bien autrement en prenant son verre et en « visant » la première personne qui passa à côté d’eux avant de redéposer la boisson vide devant le jeune journaliste. Pas de chance ! Elle était tombée sur une forte tête bien décidée à leur faire payer cet affront. Sentant le mauvais coup venir, Savannah prit la main de Maxim et l’entraîna à l’extérieur à toute vitesse. Ils coururent sur plusieurs dizaines de mètres avant de s’arrêter pour reprendre leur souffle. La respiration de Savannah était saccadée et rapide, ses poumons brûlant du manque d’air. Elle ne put retenir un petit rire ponctué par l’adrénaline qu’ils venaient de ressentir. La jolie blonde concevait parfaitement la désapprobation de son ami, mais elle n’arrivait pas à rester en place quand la situation était trop calme. Savannah provoquait les choses… que ça plaise ou non. Elle écouta Maxim chercher à comprendre ce qui avait bien pu lui prendre. Il la dévisagea ensuite en lui reprochant qu’il ne pourrait plus jamais retourner dans ce bar à cause de ses coups de folie. « C’est bon, ce n’est qu’un bar, il y en a des dizaines à Magnolia. » Dit-elle en levant les yeux au ciel. Il recommençait avec ses mauvaises habitudes ; dès qu’on bousculait le train-train quotidien de monsieur Daniels, il jouait au désemparé. Maxim ajouta ensuite qu’elle ne correspondait absolument pas à ce quartier. « Je ne vois pas le rapport. » Répondit-elle en ne comprenant pas le lien entre ce qui venait de se passer et sa vie dans le quartier. Elle aurait pu lui retourner la question et lui demander ce que lui fichait toujours à Magnolia également, mais elle n’en eut pas l’occasion. À peine venaient-ils de reprendre leur souffle qu’elle entendit un son peu rassurant non loin d’eux. L’autre fou enragé était monté sur sa moto en compagnie de sa bande du jour et parcourait les rues à leur recherche. Mince alors ! Savannah n’avait pas pris en compte la ténacité et l’entêtement démesuré de sa pauvre victime. Elle était vraiment tombée sur celui qu’il ne fallait pas. « Cours ! » Cria-t-elle alors à Maxim en les apercevant au bout de la rue. Elle chercha un endroit où se cacher, mais il n’y avait nul recoin où se réfugier. Quand ce n’était pas un endroit public comme un bar où ils pourraient facilement se faire trouver, ce n’était que des maisons à perte de vue. La jolie blonde attrapa la main de Maxim alors qu’elle les entendait se rapprocher dangereusement. Les deux jeunes gens tournèrent rapidement dans la rue de droite. Savannah aperçut alors une voiture de police… fermée bien entendu. Les clefs de Gabriel, résonna une petite voix dans sa tête. Mais c’était pour les cellules du commissariat, pas pour les véhicules en service quoiqu’elle n’avait jamais essayé. À moins que… Elle eut alors une petite idée. La jeune femme tenta d’ouvrir les portes, sans succès. Elle entendait leurs poursuivants se rapprocher dangereusement. Dire que la belle gueule d’ange de Maxim risquait de se faire méchamment amocher ! Plus le temps de tenter de chiper la voiture, elle essaya alors comme ultime ressource avec le coffre avec la clef passe-partout de Gab et… magie ! Elle parvint à l’ouvrir à sa grande surprise. C’était une cachette comme une autre, qui oserait se risquer à les chercher là ? « Allez, allez… cache-toi ! » Pressa-t-elle Maxim sans le laisser réfléchir à une autre option. Elle attendit qu’il s’installe avant de le rejoindre en un éclair et de refermer doucement derrière elle sans claquer la porte complètement pour ne pas se retrouver coincés là-dedans. « Oui j’avoue, j’ai merdé, mais ça ne peut pas être pire que ça n’est-ce-pas ? » Se défendit-elle déjà, en prévision de ce qu’il pourrait lui dire. Bien mal lui en prit. Par inadvertance, la porte se referma tout à fait sur eux, emportée par son poids. Ils étaient prisonniers à l'étroit dans cette maudite voiture… mais en sécurité. Savannah entendit le groupe de fous furieux passer sans s’arrêter. Ils l’avaient échappés belle. Enfin… Ce ne serait peut-être pas son cas à elle. 

La situation était des plus drôles. Savannah était venue chercher Maxim au commissariat pour l’aider à en sortir et voilà que les deux amis se retrouvaient enfermés dans le coffre d’une voiture de police parce que la victime de son coup de folie s’avérait être une grosse brute assoiffée de vengeance. Le jeune journaliste lui fit bien comprendre son manque d’enthousiasme envers ses pétages de plombs. Savannah s’habituait de la réaction de son entourage. Le monde dans lequel elle vivait était trop décalé pour les autres. Elle l’avait compris depuis longtemps déjà. Seuls ses deux acolytes Jay et Holden, préféré pour l’un et détesté pour l’autre, vivait parfois dans le même délire qu’elle. Maxim était bien gentil, mais contrairement à ce qu’il laissait paraître la plupart du temps, était trop coincé pour bousculer son train-train quotidien naturellement. Son confort de vie. C’était tout ce qui lui convenait. Aller à son travail au jour le jour, retrouver son ennuyeuse petite amie le soir quand ce n’était pas ses deux sœurs, ses sorties habituelles avec les gens habituels aux endroits habituels… Un véritable train-train oui, métro boulot -amour- dodo. Savannah reconnut néanmoins avoir légèrement exagéré pour le coup, son but n’était pas de se retrouver prisonnière d’un coffre de voiture de police avec à ses côtés son ancienne aventure d’un soir. Mais la situation ne la gênait absolument pas, et si Maxim le croyait, il se trompait fermement. Il confirma que la situation ne pouvait pas être pire avant d’ajouter dans son dos que les circonstances étaient aussi très romantiques. Un mot qui donnait des haut-le-cœur à Savannah qui rejetait toutes ces nunucheries amoureuses. Des idioties bonnes pour les imbéciles qui croyaient au grand amour et finiraient un jour par être déçus. Mais comment Maxim aurait-il pu ne pas en faire partie ? C’était la première fois qu’il aimait vraiment une fille, lui n’avait pas encore eu de cœur brisé, du moins pas dans le sens le plus fort du mot. Dans le fond, il ignorait tout de Savannah. Comme tous les autres. Il la jugeait de folle et s’en moquait sans la connaître vraiment. « Je serais curieuse de savoir quel genre de terribles idées. » Souffla-t-elle sans sourciller dans l’obscurité du coffre. Elle sentit alors la main de Maxim se poser sur sa hanche et ses lèvres frôler sa joue. Savannah n’était pas sa pudique d’amoureuse, elle ne fit aucun mouvement de recul ni de rejet envers son geste. « Pas sûre que ta petite amie apprécie même ce genre de rapprochements. » Dit-elle tout de même à voix haute sur le même ton sarcastique dont le jeune homme aimait volontiers user, ce ton limite condescendant qui ne parvenait en rien à la provoquer, mais plutôt à l’amuser davantage. Le jeune Daniels en profita pour rétorquer dans la surenchère du ton moqueur en lui demandant ce qu’ils allaient faire maintenant que madame la professionnelle de la police les avait à nouveau enfermé dans une autre prison. Cachait-elle encore une clef magique dans ses affaires ? « Je suis au regret de t’annoncer que mes pouvoirs ont une limite. L’agent propriétaire de cette voiture finira bien par revenir tôt ou tard pour nous ouvrir. » Répondit-elle dans un premier temps. « Et puis, je croyais que tu trouvais cette situation romantique. » Elle partit alors dans un petit rire incontrôlé. Il la faisait bien rire en fait à essayer de l’embarrasser du moment, même si elle espérait que cette situation ne durerait pas trop longtemps. Soudain, elle retourna son visage  et le surprit en collant ses lèvres passionnément contre les siennes. À trop chercher à la provoquer, il venait de la trouver. Elle se détacha alors de lui au bout de quelques secondes et esquissa un petit sourire. « Parfois, tu parles trop Daniels. » Utiliser son nom de famille pour l’énerver encore plus… Savannah était douée pour rendre les gens fous contre elle. Elle avait eu envie de bousculer son train-train. Et que ferait-il ? Encore le lui reprocher sans doute avec sa sempiternelle moralité. 

La tournure imprévue de cette petite soirée n’était pas pour déplaire à Savannah qui adorait quand rien ne se passait comme prévu. Rebutée par l’ennui et ivre d’adrénaline et d’amusement, la jeune femme forçait elle-même les occasions quand une situation ou un événement était trop calme à son goût. Elle reconnut cependant avoir dérapé ce soir en jaugeant mal la détermination enragée de la victime qu’elle avait choisie. Comment Savannah aurait-elle pu deviner que le dingue péterait littéralement les plombs pour une malheureuse histoire de boisson renversée ? Bon d’accord. Elle avait provoqué la situation pour voir la belle gueule d’ange de Maxim pâlir devant le géant, mais la jeune femme n’avait jamais envisagé qu’il lancerait une chasse à l’homme qui se poursuivrait dans toutes les rues du quartier. Cet endroit n’était peut-être pas très confortable, mais qui prendrait le risque de venir les chercher dans une voiture de flics ? (sous-entendu : de ceux que ce genre de types fuyaient le plus ?) Elle n’avait pas trouvé de meilleure idée pour se cacher. Maxim parla alors du romantisme de la situation dans laquelle il se trouvait et joignit le geste à la parole en posant ses mains sur les hanches de la jeune femme et en parlant de drôles d’idées qui lui passait par la tête. Nouvelle provocation ? Il demanda ensuite à Savannah ce qu’elle avait prévu pour sortir de ce coffre. Disons qu’elle n’avait pas pensé s’y retrouver tout court. Elle proposa alors dans un soudain élan de logique qu’ils devraient sagement attendre le retour du ‘charmant’ propriétaire de cette voiture, une idée qui déplut évidemment à Maxim qui clama toute perte de romantisme à ce moment-là, mais la jolie blonde ne pouvait rien faire de plus. Au contraire, Savannah rendit soudainement la monnaie de sa pièce au jeune journaliste qui l’avait provoquée un instant plus tôt. Elle savait pertinemment bien qu’il appréciait ce contact, petite amie ou pas. Mais la jeune femme ne ressentait rien, absolument rien dans ce geste. C’était uniquement une provocation supplémentaire. Ils se cherchaient à tour de rôle comme chiens et chats. Sous le coup de la surprise, Maxim ne la repoussa pas, mais il n’accepta évidemment pas ce qu’elle avait fait. Il aurait même pris son approche comme un signal à aller plus loin, Savannah n’en aurait rien fait. Même si son couple avec Gabriel n’était pas réel, elle n’aurait pas profité de l’occasion pour remettre le couvert avec son ami. Leur aventure d’un soir portait bien son nom et ne se renouvellerait pas. La jeune femme respectait suffisamment le policier pour ne pas aller plus loin non plus. Sa provocation n’était destinée qu’à répondre aux gestes tactiles de Maxim qui n’assumait pas après le juste retour des choses. Ce n’était pas elle qui avait parlé de « drôles d’idées » au départ, elle n’avait fait que joindre le geste à la parole à son tour. Combien d’amis ne s’étaient-ils pas déjà embrassés sous prétexte de jeux, de défis sordides ou de provocation ? Il joua donc tout naturellement l’offusqué tout en restant relativement calme à vrai dire avant de demander à Savannah si elle croyait vraiment que ça arrangerait la situation et que c’était ce genre de geste que sa petite amie n’apprécierait pas. « Olala, tout de suite ! J’abuse de monsieur… » Dit-elle en levant les yeux en l’air… comme si ça lui avait déplu. « Je croyais que tu voulais plus de romantisme. » Ajouta-t-elle alors sur un ton sarcastique. « Qui a dit que je voulais arranger la situation ? » Souffla-t-elle ensuite, en plongeant son regard dans le sien. Savannah avait certes reconnu avoir merdé, mais elle avait aussi admis ne pas avoir les cartes pour sortir d’ici. « Et pour te dire la vérité, je te trouve bien trop tactile avec les autres filles pour quelqu’un en couple. » Répliqua-t-elle à la dernière phrase de Maxim, qui entrait en contradiction totale avec son comportement. Alors oui, la situation n’’aidait pas dans le sens qu’ils n’avaient pas le choix d’être extrêmement proches et collés dans ce coffre étroit, mais il savait très bien de quoi elle voulait parler. Parfois, elle se demandait s’il n’essayait pas de se convaincre lui avant tout de son couple pour lutter contre sa vraie nature. Il y arrivait pour le moment et c’était tout à fait à son honneur. N’ayant rien envie d’ajouter à cette conversation, Savannah se retourna comme une contorsionniste expérimentée pour ne plus lui faire face. Elle ne voulait pas qu’il la pense capable d’aller plus loin, car ce n’était pas du tout le cas. D’autres personnes lui occupaient réellement l’esprit en ce moment. Elle se distrayait juste en attendant en s’amusant sans grande méchanceté. Soudain, alors qu’elle était plongée dans sa rêverie, la voiture se mit en route… « Je crois qu’on bouge ! » S’exclama-t-elle. Retour au commissariat annoncé !

Savannah ne se gêna plus pour pousser un soupir. Maxim la désespérait vraiment avec ses leçons de moralité. N’avait-il pas compris qu’elle en avait déjà conscience et qu’il ne pourrait malgré tout pas la changer ? Il lui affirmait qu’on l’aimait ou pas comme il était, mais il en était de même pour elle. Et s’il n’appréciait pas ses coups de folies,  il pouvait se retenir de l’appeler la prochaine fois. La jeune femme restait égale à elle-même. Bien décidée à ne plus rien ajouter à propos de cette histoire de baiser qui ne signifiait absolument rien pour elle, il continua de pester contre elle qui le trouvait trop tactile alors qu’elle dépassait clairement plus les limites. « Tu n’as pas compris l’intention, laisse tomber. Je t’ai déjà dit que ça ne voulait absolument rien dire, c’était juste une provocation en réponse à tes gestes déplacés Maxim, et à ce qu’ils pourraient laisser entendre. Je suis ton amie et je sais très bien que tu ne manqueras pas de respect à ta petite amie. Mais ce n’est pas parce qu’elle accepte ce genre de choses, qu’il faut en rajouter. » Deux réactions possibles. Soit il ne répondrait plus, parce qu’il penserait encore avoir raison et trouverait peine perdue de continuer à la raisonner dans son sens à lui. Soit, il protesterait en disant que pour lui ces gestes n’avaient rien de déplacé ou quelque chose dans ce goût-là. Caresser ses hanches et y ajouter une phrase comme quoi cette situation lui donnait de drôles d’idées n’était pas ce que Savannah trouvait innocent. Même si c’était de l’humour. De l’humour de mauvais goût sachant ce qui s’était déjà passé entre eux. La jeune femme se préoccupa plutôt de trouver une idée pour les sortir d’ici. Mais elle n’eut pas à réfléchir longtemps. La voiture venait de démarrer. Ils étaient en train de bouger. Elle entendit Maxim lui murmurer à l’oreille, comme s’il ricanait ironiquement qu’elle ne trouve pas de solution miracle. À cet instant, elle aurait voulu le repousser, qu’il se détache d’elle et la laisse tranquille pour qu’elle réfléchisse en paix, mais c’était peine perdue. Ils étaient coincés dans ce coffre –par sa faute certes  – et elle ne pouvait pas se défaire de ces remarques de plus en plus étouffantes. Non, en fait, c’était carrément cet endroit qui devenait étouffant ! Elle avait l’impression de manquer d’air et d’avoir besoin de respirer. Savannah n’écouta plus Maxim et se mit à taper avec ses poings à l’intérieur du coffre et à élever la voix pour qu’on les entende. « T’attends quoi ? Tu voulais pas signaler notre présence ?» S’exclama-t-elle contre lui. Bon d’accord, elle n’était pas en droit de s’énerver vu qu’elle les avait mis dans de beaux draps, mais elle se demandait pourquoi le journaliste ne faisait pas de même pour essayer de les sortir d’ici au lieu de la regarder bêtement faire. Cette situation devenait oppressante et désagréable, ce qui expliquait peut-être que le ton continuait de monter de plus en plus entre eux. Mais c’était peine perdue. L’agent qui conduisait la voiture était soit sourd soit il ne les entendait vraiment pas. Ils étaient vachement confinés dans ce coffre. Savannah glissa son bras le long de son corps et essaya de sentir si elle n’avait pas son téléphone. Avec un peu de chance, elle parviendrait à joindre Gabriel pour qu’il fasse quelque chose. Elle se souvenait vaguement d’avoir vu les numéros de la plaque de la voiture avant de rentrer dans le coffre, peut-être qu’il reconnaîtrait à quel agent elle appartenait et le contacterait directement ? C’était une solution extrême où elle se sentirait encore ridicule qu’il vienne la sortir à nouveau d’une sacrée situation où elle s’était elle-même embarquée, mais Dieu seul savait où ce policier les emmènerait. Elle regarda son téléphone. Pas de réseau. Super. Le niveau de malchance continuait de monter d’un cran ce soir. Ils étaient bons pour attendre leur destination. La jeune femme se mura dans le silence le reste du trajet. Elle n’avait plus envie de rien ajouter. Peu importe le sujet de la discussion, il continuerait de la provoquer par son ton ironique et elle n’était pas non plus en reste alors autant ne plus rien dire que d’empirer les choses. Au bout de quelques minutes, la voiture s’arrêta de nouveau. Savannah recommença à appeler et à frapper sur le coffre. Elle entendit alors des pas s’approcher. Le coffre s’ouvrit une seconde plus tard. Enfin libérés ! La jeune femme se releva aussitôt pour sortir sous la surprise de la personne qui venait de leur ouvrir. La jolie blonde découvrit le commissariat sur sa gauche –ils étaient donc revenus au point de départ de leur soirée - et elle s’arrêta alors dans son geste quand elle se rendit compte du visage étonné, mais souriant, qui les regardait. La chance leur souriait à nouveau : elle connaissait cette personne.  

Deux têtes de mules coincées dans un espace aussi étroit ne pouvaient rien donner de bon. Savannah campait sur ses positions et refusa d’ajouter quoique ce soit. Elle s’agita dans le coffre pour signaler leur présence, mais le conducteur de la voiture n’entendait rien. La jolie blonde attendit donc « patiemment » que la voiture n’arrive à destination. Une fois le véhicule arrêté, elle tenta de nouveau de faire du bruit. On vint enfin leur ouvrir et Savannah découvrit alors avec un soulagement non dissimulé un visage qu’elle connaissait. Sauvés ! Elle s’empressa de sortir du coffre et respira l’air frais sans donner d’explication pour le moment. La jeune vendeuse retrouva ses esprits instantanément, la situation dans cet espace contigu avait viré au désagréable à cause de la tension et du stress qui régnaient entre eux. Elle ne rejetait pas la faute sur Maxim, elle était la seule responsable de les avoir mis dans ce coffre, mais il n’avait pas été blanc comme neige dans tous ses gestes ou propos. C’était la seule chose qu’elle lui reprochait de ne pas reconnaître, mais à côté de ses actes ce soir, pouvait-elle vraiment se permette tout commentaire supplémentaire ? Toujours sous le coup de la surprise, elle découvrit d’un air ravi que l’agent, qui leur avait ouvert, n’était autre que l’adjoint de Gabriel. Il la connaissait très bien. Par contre, elle se rendit compte que la situation pouvait prêter à confusion. Il pourrait peut-être croire qu’elle profitait que le « chef » ait le dos tourné pour tirer parti des circonstances avec un ami à elle. Savannah savait très bien qu’elle n’était pas au-dessus des lois malgré sa « relation » avec Gabriel, mais en l’occurrence, ils n’avaient vraiment rien fait de mal si ce n’était se cacher dans le coffre de la voiture. Devant son silence, Maxim prit alors la parole pour expliquer comment ils s’étaient retrouvés là. Malgré tout ce qu’elle avait fait et leur discussion plutôt houleuse dans le coffre, il désigna la ‘malchance’ comme source de leurs problèmes et ne l’enfonça pas du tout devant l’agent, alors que quelques instants plus tôt, il lui reprochait ces mêmes choses. Le jeune journaliste paraphrasa même leur fin de soirée en disant qu’ils n’avaient pas vraiment eu le choix. Si la dernière partie était vraie, la première n’était pas tout à fait exacte. Savannah était reconnaissante envers son ami de vouloir la couvrir malgré tout, mais elle assumerait ses actes jusqu’au bout. Elle était en tout cas touchée par un certain côté de son comportement et se rendit compte qu’elle avait été beaucoup trop loin, ce qui dans la perspective de Savannah, n’arrivait quasiment jamais. « En fait, tout est de ma faute. » Rectifia-t-elle le tir. Au cas où l’agent voudrait les arrêter, elle ne voulait pas que Maxim y retourne. Elle était peut-être ingérable, mais pas dépourvue de sérieux quand il le fallait vraiment. « J’ai provoqué un peu trop ces personnes et ça aurait pu mal finir si nous ne nous étions pas cachés là. Et puis, comme il vous l’a dit, on s’est bêtement retrouvé coincés. » Admit-elle. Savannah esquissa un sourire désolé devant l’agent, elle pouvait étrangement se transformer en vrai petit ange quand elle devait se sortir d’une situation délicate. Celui-ci voulut savoir comment elle avait pu s’introduire dans le coffre, mais Savannah tut qu’elle avait un double des clefs et inventa une intrusion dans la voiture. Dangereux mensonge, mais elle ne pouvait pas faire autrement. Ils discutèrent ensuite brièvement pendant quelques minutes, et à la condition de mettre Gabriel au courant de l’incident, l’agent ne leur en tint pas rigueur et accepta finalement de les laisser quitter les lieux. Il s’était bien rendu compte que les deux jeunes gens n’étaient pas bourrés, mais il lui avait quand même donné un avertissement. Savannah n’aurait aucun mal à s’expliquer devant Gabriel, jusqu’à présent, il avait réussi à endurer chacun de ses coups de folie, mais elle devinait que celui-ci serait sans doute le dernier qu’il serait prêt à tolérer de sa part. Elle avait trop abusé de leur pseudo-relation ces derniers temps pour faire plus de ‘bêtises’ que de coutume. Quand le policier les quitta, Savannah se retourna vers le jeune Daniels. « Je te dois des excuses pour ce soir, j’ai conscience d’avoir été trop loin. Merci de ne pas m’avoir enfoncé devant l'agent. » Lança-t-elle alors en signe de trêve pour clore leurs mésaventures sur une note moins tendue.