Il y a quelques jours la route d'Esperanza avait croisée celle de Jonathan. Ou plus exactement elle l'avait REcroisée. Le hasard les avait même réunis dans un ascenseur qui resta en panne suffisamment de temps pour que les deux se ré-adressent la parole. Résultat des courses ils s'étaient retrouvés à boire un café ensemble et non seulement ils s'étaient remis à se parler après plus d'un an de silence mais en plus la rancœur s'était envolée. Esperanza avait même fini par inviter Jonathan à dîner. Elle s'était un peu emportée en proposant ce repas mais finalement il accepta et elle se dit que c'était plutôt une bonne chose.

Depuis le début de la matinée Esperanza courait à droite et à gauche pour tout préparer. La journée de la veille avait été plutôt chargée au boulot et elle n’avait pas eu le temps de faire les courses, du coup elle devait gérer en une dizaine d’heure les courses, le repas et le ménage de la grande maison. Hors de question pour elle d’inviter du monde si tout n’était pas parfait, du moindre grain de poussière au moindre élément de décoration, en passant bien évidemment par une recette parfaitement maîtrisée. Elle aussi se devait bien évidemment d’être parfaite, donc elle devait se garder du temps pour se faire une petite beauté. Esperanza courait donc depuis neuf heures du matin pour que tout soit prêt à temps. Ce n’était pas plus mal puisque ça l’empêchait de penser à tout ça, mine de rien le fait de se retrouver à nouveau en tête à tête avec Jonathan la stressait énormément.

A présent tout était prêt, le sol brillait, la table était dressée, les aliments finissaient de mijoter, il ne lui restait plus qu’à s’occuper d’elle. Étrangement Esperanza était survoltée, elle avait l’impression d’être une gamine qui se rendait à un rendez-vous pour la première fois de sa vie. Un immense sourire ne lâchait pas son visage et elle avait le sentiment que si elle voulait se faire belle, c’était juste pour lui comme si cette soirée était spéciale, comme si c’était plus qu’un simple repas entre deux vieux amis. Elle essaya de se raisonner, la manière dont elle agissait était totalement ridicule ! Elle n’avait pas de sentiments pour Jonathan et n’en avait même jamais vraiment eu, ils avaient passés d’agréables moments, oui, mais jamais elle ne s’était dite « amoureuse » de lui, c’est en parti pour ça qu’elle avait refusé de parler de toute cette histoire à Evane. Sans doute était-ce donc juste le fait de se retrouver seule avec un homme qui la mettait dans une état comme cela. Elle prit une bonne douche pour se calmer et ce fut plutôt efficace, elle était à présent prête à recevoir celui qui était juste un bon ami, au-delà même de l’ex. La sonnette retentit. Elle avait revêtu une jolie robe rouge, assortie à ses lèvres et avait relevé ses cheveux. Elle finit d’enfiler ses escarpins avant de se précipiter vers la porte.

« Bonsoir, j’espère que je ne suis pas trop en avance ? C'est-à-dire que je ne voulais surtout pas arriver en retard… Ca va ? Tiens c’est pour toi, juste pour te remercier de ton invitation. »

« Non non, du tout. Je t’en prie, entre. » Son sourire était revenu, bien accroché à son visage. « Oh, merci beaucoup. » ça la touchait, ça faisait longtemps qu’elle n’avait plus reçu ce genre de présent venant d’un homme et c’était fort agréable. Elle se dirigea vers la table du salon sur laquelle quelques amuses-gueules et bouteilles les attendaient déjà. « Comment vas-tu depuis l’autre jour ? » Elle désigna le canapé pour qu'il prenne place.

Jonathan s’installa sur le canapé. « Tout va très bien merci, les jours se suivent et se ressemblent mais aucuns problèmes à l’horizon donc je ne peux pas vraiment me plaindre, et puis l’idée de profiter d’un bon repas préparé par la meilleure cuisinière de la ville m’a mis de bonne humeur toute la semaine. »  Esperanza ne put cacher le sourire que lui procura le compliment de Jonathan. Il avait toujours été gentleman et ne lésinait jamais sur les mots agréables. C’est tout ce qui faisait son charme, cette façon qu’il avait de ne jamais être avare en petites attentions. « Attends de voir ce que j’ai préparé avant de parler trop vite. » dit-elle avec un clin d’œil. Si ça se trouve elle était tombé sur le seul met qu’il n’aimait pas, ou peut-être avait-elle perdu de son talent en près d’un an… Non, en réalité elle avait cette année travaillé plus que jamais, en plus du restaurant elle s’était lancé dans l’entreprise de traiteur chic à domicile avec sa sœur, et ça l’avait poussé à se dépasser encore plus.

« Tu m’excuses une minute ? Je vais mettre ça dans un vase. » dit-elle en montrant les fleurs qu’elle avait toujours dans les mains. Elle s’éclipsa un instant pour aller tailler le bout des tiges et revint avec un joli vase rempli d’eau. Elle installa le tout sur la table à manger. « Elle sont parfaites ! » dit-elle, avec un grand sourire, satisfaite du résultat. « C’est ma sœur qui va être jalouse !! » ajouta-t-elle pour plaisanter. Mais ce n’était pas tout à fait faux, en tous cas si Natalia n’allait pas être réellement jalouse elle allait à coup sur la questionner sur la provenance de ce joli bouquet au beau milieu de son salon.

« En tout cas tu es ravissante Espe, je ne m’attendais pas vraiment à autant d’élégance… non pas que ce ne soit pas ton genre, mais du coup je me sens un peu en dessous, je suis resté très simple. »
Esperanza ne put s’empêcher de rigoler. « Qu’est ce que tu racontes ! » Elle vint s’asseoir sur le canapé, juste à côté de lui. « Bien sûr que non tu n’es pas en dessous ! » Elle le regarda dans les yeux  « Ne t’inquiète pas, tu es parfait ! » Elle approcha sa main et réajusta le col de la chemise de Jonathan qui était un peu déplié. Elle lui offrit à nouveau un sourire et fit passer l’une de ses mèches à elle derrière son oreille. Un doux silence s’était installé dans la pièce.

« On trinque ? » finit-elle par dire en détournant enfin son regard de celui de Jonathan. « Je vais peut-être te laisser ouvrir la bouteille ? » demanda-t-elle en lui donnant l’ouvre-bouteille. Elle n’était pas incapable de le faire, elle avait toujours vécu seule et travaillait dans la restauration, elle était parfaitement capable d’ouvrir une bouteille, mais elle se dit – peut-être bêtement – qu’il se sentirait plus à l’aise si elle lui demandant à lui de l’ouvrir. Peut-une une sorte de relent machiste... Ou gentleman suivant les avis.

« Tu n’auras qu’à lui répondre que c’est ton admirateur secret qui te l’a offert, rien de tel que le mystère pour entretenir la curiosité de la famille. » « Oh, tu as bien raison. Toutes les filles de cette maison vont m’envier !! » et il n’y en avait pas peu des filles chez les Van Valkenburg. « Mais si je fais ça j’ai le droit aux interrogations d’Evane jusqu’à la fin de ma vie ! Tu n’imagine pas la pression qu’elle me mettrait si elle savait que j’avais un admirateur secret. Je pense que tu serais vite démasqué, elle serait capable d’aller questionner le fleuriste. » Elle pensa à Amber qui devait être pareil avec son père. Quelles chipies ces filles !

Jonathan ouvrit la bouteille de vin d’une main experte. « J’espère que la spécialiste que tu es approuve ma technique alors. » « Tu te débrouilles pas mal ! » dit-elle avec un clin d’œil avant de trinquer avec lui. « A cette soirée de réconciliation, un retour aux sources auprès d’une très bonne amie. » Esperanza n’aurait pas cru que ce dîner se passerait de manière aussi détendue, mais c’était le cas. Ils n’étaient pas aussi à l’aise qu’au paravent mais elle se disait que c’était parce que ce n’était que le début de la soirée. Elle voulait que rien ne vienne ternir cette soirée, pas même leur passé. « Dis moi tout, qu’à tu fais de ta famille pour nous permettre d’avoir la maison rien qu’à nous ? » « Je les ai menacés ! » dit-elle très sérieusement avant de reprendre à nouveau un air amusé. « Non, je rigole ! Ils sont tous partis pour le week-end figure toi. Patrick avait un séminaire à Chicago et Natalia l’a accompagné. Rose est vacances en ce moment. Nina vit à Philadelphie maintenant, elle fait ses études là bas, elle a un appart avec la petite Fitzgerald tu sais ? Quant à ma chère fille elle est à Los Angeles, d’ailleurs je n’ai pas beaucoup de nouvelles et j’ai l’impression qu’elle traficote là bas un truc qui ne va pas trop me plaire. » Elle posa sa main sur le bras de Jonathan « Ces filles vont nous rendre folles ! » Evane était partie à LA en la prévenant au dernier moment, elle l’avait laissé partir mais n’était pas totalement tranquille avec cette idée. retira « Mais bon, ce n’est rien. » De toute manière elle n’avait aucune envie de penser à tout ça ce soir ! « Donc… Tu vois on a la maison pour nous ! Tout le week-end même ! » Elle le disait sur le ton de la plaisanterie, mais au fond ne pouvait s’empêcher de jouer de ses charmes. Quand on avait été avec quelqu’un, même si l’on ne ressentait plus rien pour lui il restait cette envie de voir si on était toujours à la hauteur…

Elle tendit le plat d'amuses-bouches à Jonathan et se servit elle aussi.

« Et encore tu es une femme, tu dois avoir plus de facilité à gérer Evane que j’ai eu et que j’ai toujours à gérer Amber, ce n’est jamais évident d’être père célibataire quand on doit élever une fille comme elle. » Esperanza avait toujours pensé que si elle avait eu autant de facilités à élever sa fille c’est que celle-ci était particulièrement docile. Etre une mère n’était pas forcément moins difficile, elle pensa à Rebecca qui la pauvre avait bien du mal avec Clyde. Elle la trouvait bien courageuse ! L'admirait même parfois. « J’ai juste de la chance d’avoir une fille comme Evane. » se contenta-t-elle de conclure. De toute façon élever une ado est toujours compliqué, on ne pouvait s'empêcher de se poser des questions, de s'inquiéter... Mais c'est un sujet que les deux avaient abordé de nombreuses fois.

« Si j’ai bien compris tu envisages de me séquestrer chez toi pour la durée du week-end ? Logé et nourris par la cuisinière en chef de Magnolia, tant que tu ne m’attaches pas je n’y vois aucuns inconvénients. »

« T’es sûr que tu ne veux pas que je t’attaches ? » (hahaha) Lorsque qu’il lui répondit, l’idée que Jonathan puisse effectivement passer le week-end ici traversa un instant l’esprit d’Esperanza. Mais elle se dépêcha de chasser ce genre de pensées avant de devenir rouge tomate. Il se tourna un peu plus vers elle en posant son bras sur le dossier. Elle se rappela les moments qu’elle avait passé dans ses bras… Décidément cette soirée était particulièrement nostalgique ! Esperanza porta à nouveau son verre à ses lèvres. Elle devait faire attention à ne pas boire trop vite, sans manger le vin enivrait rapidement. Et si elle voulait rester sage il ne fallait pas descendre les verres trop vite. Mais c’était ennuyant d’être toujours sage… Elle fini son verre et proposa à Jonathan de lui en servir un deuxième avant de se resservir à son tour.

C’est alors que la sonnerie du four retentit dans la cuisine. « Flûte. C’est rien, il va s’arrêter. » Le repas était prêt, mais elle n’avait pas envie de passer à table de suite. Elle voulait profiter encore un peu de ce moment de détente dans le salon, avec Jonathan autour d’un bon verre. Elle croisa ses jambes et se tourna elle aussi un peu plus vers lui, leurs genoux se frôlèrent. « J’ai l’impression que c’était hier où tu étais dans ce canapé... » Au fond cette année elle ne l’avait pas vue passer. Et celui qu’elle avait ignoré pendant tout ce temps, elle renouait avec lui comme s’ils n’avaient jamais cessé d’être amis.

Elle lui sourit encore une fois. "On passe à table quand tu veux..."

« On a encore un peu de temps, il faut laisser ton plat refroidir un peu si j’ai bonne mémoire. » Il n’avait pas tord, ils pouvaient bien laisser reposer le plat, mais elle n’eut pas le temps de répondre qu’il enchaîna immédiatement, comme s’il ne voulait pas qu’elle le contredise en mettant un terme à la discussion qu’ils s’apprêtaient à avoir... « Ma question va te paraitre bizarre, mais tu repenses souvent à ce qu’il s’est passé l’année dernière ? Enfin je veux dire… A nous… » Elle arqua un sourcil, surprise. Aborder la question aussi directement était un peu déconcertant. Elle n’eut pas le temps de réagit que John lâcha un petit rire gêné avant de reprendre précipitamment la question. « Excuses moi, oublie mes questions, c’est juste que comme tu le dis j’ai l’impression de n’avoir jamais vraiment quitté ce canapé… » Esperanza n’était pas sûre de ce qu’il était en train de dire. Elle avait bien compris les mots mais n’était pas certaine d’en avoir compris le sens. Elle n’accompagna pas son rire, restant au contraire particulièrement sérieuse. Elle ignora la deuxième intervention du père célibataire pour se recentrer sur la première qui, bien que délicate, méritait une réponse. « En fait… » comment aborder les choses sans le vexer… « J‘essayait de ne pas y penser. » Esperanza n’avait pas réellement mal vécu la séparation, mais elle n’aimait pas penser à quelque chose qui n’avait pas marché et avait à ce moment là préféré remplir à nouveau sa vie de tout ce qui la constituait avant John, c'est-à-dire sa fille et son travail ! « Je veux dire… J’avais ma fille, mon travail… Notre histoire était compliquée, je n’avais pas vraiment envie de revenir sur tout ça, tu comprends ? » Elle voulait être sincère, après tout à quoi bon lui dire qu’elle avait pensé à lui pendant un an puisque c’était faux. « Mais je t’avoue que depuis que je t’ai recroisé dans cet ascenseur pas mal de choses me reviennent en mémoire… » Des choses un peu gênantes, qui tournaient dans sa tête, et dont elle ne cessait de se demander si c’était de bonnes ou de mauvaises choses. Mais il fallait rester sérieux, maintenant que John et elle étaient redevenus amis, ce serait bête de glisser sur la pente savonneuse qu’était ce sujet délicat. « Mais c’est bête d’être nostalgique de toute manière ! Il n’y a que le futur qui compte, non ?»Et peut-être que Jonathan avait également une place dans son futur ! Elle leva son verre vers lui avec un petit sourire et but encore une gorgée. Elle se dit qu’elle devrait ralentir sur le vin, mais elle adorait ce breuvage, qui accompagnait tellement bien le moment qu’elle était en train de vivre. Un verre à la main sur un canapé confortable à côté d’un bel homme, que demander de plus !

« je comprend tout à fait Espe et tu as certainement raison, ne pas trop se concentrer sur le passé pour ne penser qu’au futur, mais il y a toujours des parties de notre passé que l’on ne souhaite pas forcément oublier, de bons souvenirs et j’aime à penser que tu en fais partie. » Ces paroles firent plaisir à la cuisinière. Il avait donc gardé de bons souvenirs de leur histoire. C’était agréable à entendre. Elle se demanda pourquoi elle n’arrivait pas à garder une situation stable, à s’attacher suffisamment pour assumer sa relation devant sa fille. Ca devait être plaisant de se laisser aller à tout ça. Mais elle était loin d’y être prête. « Je crois qu’il est temps d’aller faire honneur à ce que tu as préparé sinon il faudra faire retourner le four. » «Tu as raison. » Elle se sentait déjà un peu enivrée par l’alcool, il valait mieux passer à table si elle ne voulait pas se retrouver à danser debout sur le canapé dans 10 minutes. Jonathan lui présenta sa main, elle la prit pour se relever, et mit même un peu plus de temps qu’il ne le fallait pour la lâcher ensuite. Ils s’installèrent dans la salle à manger et Esperanza commença à apporter les plats. Les deux adultes discutaient de toute sorte de sujets, passant de l’un à l’autre sans plus aucune gêne.

Le repas se passa dans les meilleures conditions possibles. L’espagnole était ravie de la façon dont tournaient les choses. Ils discutèrent de tout et de rien, passant de l’hiver qui arrivait aux animations qu’il y avait eu ces temps-ci dans le quartier. Ils se renseignèrent aussi un peu plus en détail sur tout ce qu’il s’était passé pour chacun d’eux pendant cette année sans se voir. Chacun avait mené sa petite vie. Esperanza lui parla plus précisément de la création de Valken’s, et bien sûr des tribulations de sa fille.

Le repas était passé à une vitesse folle. Elle avait l’impression que Jonathan avait franchi le seuil de la porte il y quelques instants, et pourtant la soirée était déjà bien avancée. Elle apporta le dessert, un gâteau aux fruits accompagné de son colis de fruits rouges et d’une chantilly maison. « Et voilà pour la fin du repas. » Elle repartit à nouveau chercher une nouvelle bouteille et vint la poser sur la table. « Je ne sais pas si c’est très raisonnable mais… ça te dis un peu de champagne ? » Le vin était bien descendu tout au long du repas, heureusement elle mangeait en même temps donc c’était passé sans qu’elle s’en rende compte. Quant au champagne, c’était l’un de ses petits pêchés mignons. Quoi de mieux pour terminer une soirée sur une note positive. Elle se réinstalla face à lui, prête à commencer le meilleur moment d’un gourmand : le dessert.

« Et bien, je suis vraiment gâté, tu t’es donné bien du mal pour ce soir Espe. » « C’est plus fort que moi que veux-tu. J’étais partie sur un repas à la bonne franquette… » Esperanza ne savait pas faire les choses à moitié, surtout lorsqu’il s’agissait de cuisine. Au départ elle s’était dit qu’un simple gâteau aux fruits suffirait bien, puis elle s’était retrouvée à faire le coulis et la chantilly, parce que non, uniquement le gâteau ce n’était "pas complet ». C'était une sorte de déformation professionnelle, elle se rappelait de grands chefs avec qui elle avait travaillé autrefois et qui la poussaient sans arrêt à faire toujours mieux, ils jetaient ses plats des dizaines de fois si nécessaire, jusqu'à ce que ce soit parfait.

« Je ne vais pas te dire non, j’espère que toutes les bouteilles que l’on a descendues ce soir ne sont pas à ta sœur, sinon elle risque de mal prendre le fait que l’on ait vidé sa cave. » « Ah non ne t’inquiète pas, elles sont bien à moi celles-là. Et puis tu sais, on en voit tellement passer ici avec Valken’s que ce n’est pas une ou deux bouteilles qui vont changer quelque chose. » C’était un trait d’humour de la part de Jonathan, mais quoi qu’il en soit il était certain que Natalia n’allait pas s’attacher à ce genre de détails. Non seulement elle se moquait bien de ses bouteilles de vins, mais en plus Espé était totalement chez elle et pouvait se servir comme bon lui semblait. Elle participait aussi aux frais et ne s’était jamais sentie à l’écart pour ce genre de chose. Heureusement ni sa sœur ni son beau-frère ne lui avaient jamais fait de réflexions et c’était tant mieux parce qu’elle ne se voyait pas rester dans une maison dans laquelle elle ne se serait pas sentie totalement chez elle. Après tout elle était bien trop indépendante pour s’imposer des contraintes aussi fortes. Heureusement jusqu’à présent tout se passait bien et malgré quelques tensions avec Patrick elle se sentait chez elle.

« C’était vraiment délicieux Espe, merci pour cette soirée, il y avait longtemps que je n’avais pas autant profité d’un aussi bon repas, tu devrais donner des cours à Amber à l’occasion, non pas qu’elle soit mauvaise cuisinière mais des conseils avisés d’une professionnelles ne devraient pas la déranger. » « Aaah tu es malin ! Tu cherches à avoir une cuisinière à la maison. Tu sais je peux te donner des cours à toi aussi. » Elle disait ça au départ comme un relant de féminisme. Ce n’est pas parce qu’Amber était une fille qu’elle devait apprendre à faire la cuisine pour servir son père. Mais au fur et à mesure que la phrase sortait de sa bouche elle prenait une toute autre tournure. Oubliée les pensées féministes, elle se voyait donner des cours de cuisines à John… Et elle ne put s’empêcher de s’imaginer tout un tas de pensées érotiques. Le regard que monsieur Seyfield posait sur elle n’était sans doute pas étranger à tout ce qu’il se passait dans sa tête. Il la fixait dans les yeux et peut-être que le champagne faussait également sa perception de la situation mais elle avait l’impression d’y lire bien plus que ce qu’il voulait bien dire, ou en tous cas elle s’imaginait ce qu’elle-même avait envie d’y voir.

La dernière bouchée de gâteau portée à sa bouche, le repas touchait à sa fin. Elle reposa sa petite cuillère doucement, n’ayant aucune envie que ça se termine. Il y a une semaine elle ne voulait plus voir Jonathan dans sa vie, aujourd’hui elle n’avait plus envie qu’il la quitte. « Tu vas rester encore un peu non ? » Ses lèvres posaient une question que son cœur aurait voulut annoncer comme une affirmation. Elle n’avait pas vraiment envie de lui laisser le choix, elle voulait le voir rester et rien de plus. « Peut-être qu’on serait plus à l’aise si l’on retournait dans le salon ? » « dans le salon, sur le canapé, tous les deux… » Elle lui sourit.

Jonathan lui dit qu’il n’avait rien de prévu le lendemain et qu’il avait envie de rester. C’est à ce moment qu’elle comprit qu’elle avait bien interprété ses regards, et qu’elle n’était pas la seule à vouloir plonger dans quelque chose qu’ils regretteraient sans doute dans quelques heures. Mais pour le moment ça n’avait pas vraiment d’importance. « Tu as raison, les enfants m’ont laissé la maison. Et quand nous on leur laisse la maison ils font des bêtises.» Elle faillit continuer son raisonnement en argument que du coup c’était à son tour de faire des bêtises mais elle préféra se taire. Pour une fois à bon escient.

Jonathan lui demanda un digestif. Si elle avait aussi envie d’en boire un elle n’en avait par contre aucune de se lever pour aller le chercher. Elle voulait juste rester là, avec lui. Elle posa sa main sur la main que John avait posée sur son genou et finit par trouver le courage de se lever pour se rendre juste en face où étaient posées les bouteilles. « Tu veux quoi ? » Elle le servit, puis prit pour elle du get. Elle revint avec les verres et lui tendit le sien avant de se rasseoir à ses côtés. Tout juste à ses côtés.

Elle avança son verre pour trinquer, les lèvres closes, justes parées d’un sourire. Ses yeux ne lâchaient pas ceux de John. Elle aurait voulu trinquer à eux, au futur, ou à cette nuit, mais les mots n’osèrent pas franchir ses lèvres, ses pensées inavouables préférèrent se terrer dans son cerveau. De toute façon elle n’allait pas faire un discours, l’heure avancée n’aidait pas vraiment à la poésie. C’était marrant comme la vie avait remis Jonathan sur son chemin. Elle l’avait évité pendant des mois et des mois et finalement ils avaient repris contact et moins d’une semaine après ils se retrouvaient sur ce canapé, particulièrement proches et sur le point de l’être encore plus.

Finalement elle prononça un « à cette soirée », trinqua avec Jonathan en le regardant bien dans les yeux et avala le shooter d’un coup. En reposant le verre vide sur la table elle se dit que réellement ce sera le dernier qu’elle avalerait pour cette soirée, elle avait déjà bien trop bu.

Ils avaient passés une bonne soirée et avaient bien discuté, mais maintenant elle n’avait plus du tout envie de discuter elle voulait bien plus. En tant normal elle aurait fait taire ses envies qu’elle aurait qualifiées de stupides et bien peu appropriées à une soirée avec un ex, mais l’alcool menait à écouter ses envies plus qu’autre chose et c’est lui qui la guidait à présent.

Totalement tournée vers lui, et bien plus proche encore elle posa sa main sur sa cuisse. « J’ai env… » « envie de toi… » le son de sa voix ne finit pas sa phrase, mais ses lèvres prononça le tout très clairement, comme une télé dont on avait coupé le son mais où l’on suivait le dialogue en lisant sur les lèvres. Elle ne le regardait plus dans les yeux, son regard se posait maintenant sur sa bouche.

Alors que ses lèvres mimaient les mots de ce désir qu’elle n’osait pas formuler elle sentait le regard de Jonathan se poser dans le sien. Et avant qu’elle n’ait eu le temps de se poser la question de savoir s’il avait compris ce dont elle avait envie elle l’entendit le formuler « Moi aussi… » la question de savoir si l’alcool n’avait pas travesti sa compréhension se posa, mais alors que le visage de John s’approchait d’elle elle n’eut plus aucun doute. Visiblement il avait réellement les mêmes envies qu’elle. Esperanza ferma les yeux et le laissa poser ses lèvres sur les siennes. Un flot d’émotions et de souvenirs la submergea et la firent frissonner imperceptiblement. Elle retrouvait les sensations qu’il lui avait fait vivre il y a plus d’un an.

A une époque ils avaient vécu une histoire ensemble. Elle avait embrassé ces lèvres des centaines de fois. A cette époque elle éprouvait un ardent désire pour le quadragénaire et il fallait avouer que c’était une des raisons pour lesquelles il l’avait attiré. Lui revinrent en mémoire les moments qu’ils avaient passés dans ce canapé, profitant comme aujourd’hui que la famille ait déserté. Elle se rappelait à quel point ils devaient ruser pour garder leur relation secrète. Ça avait été terriblement amusant au départ, puis s’en était devenu épuisant. Finalement la vie et les complications de la vision de leur relation les avaient séparés et depuis ce jour là Esperanza ne s’était plus abandonnée à un homme. Elle avait depuis ré-envisagé la chose, mais avec Jonathan jamais. Ce soir tout était remis en question et à ce moment précis il était le seul à qui elle voulait se donner.

Il se détacha « Cela m’avait manqué… » Sans rien répondre elle se pencha à nouveau vers lui. Elle ne voulait pas que ça s’arrête. Tout ce qu’elle voulait c’était ses lèvres, encore et encore. Elle posa sa main dans la nuque de Jonathan et la remonta derrière sa tête. Elle avança sa bouche jusqu’à la sienne et mêla à nouveau leurs langues. Elle fit courir sa main sur son torse. Sa jambe passa par-dessus les siennes et elle se retrouva à califourchon sur ses cuisses. Elle arrêta de l’embrasser pour plonger son regard dans le sien, et se ré-avança vers lui pour faire glisser ses lèvres dans son cou.

Elle ne maîtrisait plus ce qu’elle faisait, guidée uniquement par son désir. Ou par l’alcool. Ou par les deux. Elle n’avait plus du tout envie d’être sage. Elle avait passé l’âge d’être sage. Elle ne savait pas comment allait réagir Jonathan, elle n’était pas à l’abri qu’il la rejette, après tout leur histoire était terminée depuis bien longtemps maintenant et par conséquent ce qu’ils faisaient était sans doute une bien mauvaise idée… Mais c’était trop bon.

« Je ne me rappelais plus que tu étais aussi directe et démonstrative… Mais ce n’est pas pour me déplaire… »

Elle se redressa et fit une moue faussement désappointée. « Mais si c’est un problème j’arrête. » Elle resta sur Jonathan mais retira ses mains de son torse et les mit derrière son dos, comme pour lui faire comprendre qu’elle ne le toucherait plus. Elle recula également un peu son buste vers l’arrière pour ne pas être collée à lui et resta là à le regarder, une moue mutine sur le visage, attendant de voir s’il allait à son tour se laisser emporter sur la pente de la luxure.

Mais Esperanza ne tint pas bien longtemps. Les mains de Jonathan qui courraient sur ses cuisses la rendaient folle. Il remontait sur sa peau jusqu’à sous sa robe et l’espagnole ne voulait qu’une chose, qu’il aille plus loin. Elle se pencha pour l’embrasser une nouvelle fois, passant ses mains dans les cheveux de son ex. Elle mordilla doucement sa lève avant de le regarder en souriant.

Les événements avaient étrangement conduits les anciens amis à se retrouver sur ce canapé, sur le point de faire ce qui était peut-être une bêtise. Au point où elle en était, Esperanza ne se voyait plus faire marche arrière. Elle déboutonna la chemise de Jonathan et commença à lui retirer. Maintenant elle voulait voir son corps musclé. Elle passa sa main dans son dos pour essayer de descendre la fermeture de sa robe.

Désolée pour le retard