L’effet de sa petite anecdote sur Nate ravit Katlina. Elle n’avait plus très souvent l’occasion de l’entendre rire aussi spontanément, encore moins en sa présence. Cette mélodie résonnait agréablement à ses oreilles. « Dis-toi surtout que tu n’as qu’à t’en prendre à toi-même. C’est bien de s’amuser… après faut assumer la migraine. » Rétorqua-t-elle en souriant en retour à son fils, lorsque celui-ci l’accusa plus ou moins de le punir de la veille. Dans une autre humeur, Katlina aurait pu faire bien pire et lui mener la vie dure pendant des jours pour qu’il comprenne qu’il n’avait pas intérêt à recommencer. Enfin, l’ancienne dragonne de la maison se serait sans doute comportée de la sorte. Depuis qu’elle avait appris pour cette histoire d’accident, la mère Evans voyait les choses sous un autre angle. Elle souhaitait mettre derrière elle les relations conflictuelles qu’elle avait avec ses enfants, ce qui ne se ferait évidemment pas du jour au lendemain, toutefois des progrès survenaient petit à petit. Babystep, comme on disait. Katlina termina son deuxième café, espérant tout de même que Nate tiendrait sa promesse un peu plus d’une semaine. Elle ne l’empêcherait pas de s’amuser mais tenait à ce qu’il ne se retrouve pas à nouveau en prison. Sous sa chevelure rousse couvait toujours le feu ardent d’une colère qui pouvait exploser à tout moment si sa patience était mise à rude épreuve. Katlina était passée outre une fois, pas deux. Elle était bien placée pour savoir ce qu’était l’envie de la liberté, mais Nathanaël ne fuyait pas la réalité au travers de l’alcool pour de bonnes raisons. Il était donc normal qu’elle ne voulait pas non plus le voir dériver vers une pente dangereuse. Heureusement, il avait l’air d’avoir compris qu’il s’agissait d’une leçon pour son bien et qu’il devait se reprendre. La conversation dériva ensuite sur un sujet encore plus léger : la décoration vieillotte de la maison, entre les murs défraichis et les meubles désuets. En parallèle que de vouloir tourner une page, Katlina avait envie de faire évoluer cet endroit, une proposition que Nate approuva. Convaincu par l’idée, il proposa d’ailleurs de persuader Lily de participer exceptionnellement au dîner familial afin qu’ils puissent aborder le sujet tous ensemble. « Tu ferais ça ? » Répéta la mère Evans dans un premier temps. « Cela fait un bout de temps qu’on ne s’est plus tous retrouvés à table… enfin pour une vrai conversation je veux dire. » Tenta-t-elle d’expliquer maladroitement où elle voulait en venir, sans une once de reproches dans la voix. Elle n’avait plus l’habitude des réunions de familles spontanées, enfin du côté de Nate du moins, Lily trainerait encore sans doute les pieds pour les rejoindre, mais c’était normal après tout, elle n’avait pas vraiment vécu… ce qui s’était passé cette nuit. Katlina se rendit alors compte que la matinée était déjà bien avancée et qu’elle ferait mieux de terminer la préparation de ses cours avant de partir pour ceux qu’elles devaient donner dans l’après-midi. Au même moment, Nate annonça qu’il remontait pour vaquer à ses occupations, principalement se poser dans son lit pour faire passer le mal de tête violent qui le frappait. Fameux lendemain de la veille. « Pas besoin d’un dessin en effet, je connais très bien la chanson. Ça ira pour remonter tout seul cette fois, la baleine ? » Nouveau sourire. Joignant sa légère inquiétude à ses paroles, Katlina se leva néanmoins de sa chaise et accompagna Nate jusqu’au bas des escaliers. Elle attendit qu’il en gravisse quelques-uns avant de se rassurer. Il était tout à fait capable d’arriver en haut sans s’écrouler comme un éléphant en pleine montée. « À tout à l’heure. » Conclut-elle finalement avant de retourner dans la cuisine pour récupérer ses affaires. L’heure du départ se rapprochant, Katlina décida de partir avec un peu d’avance sur cette bonne note et claqua doucement la porte de la maison derrière elle. Elle songea un instant aux circonstances troublantes de la vie : où en serait-elle aujourd’hui avec Nate, si Nathan n’avait pas eu le sommeil aussi lourd pour qu’elle décroche à sa place ? Probablement pas aussi loin…

Tel un enfant de dix ans (et encore, dix ans c’était cher payé) sa seule réponse fut une moue boudeuse et tristounette comme il le faisait parfois lorsqu’il était enfant et que sa mère refusait de lui faire un bon gâteau en chocolat quand il le lui demandait. Il savait bien qu’elle avait parfaitement raison sur ce point et que, essayer de la contredire, reviendrait à faire preuve d’une mauvaise foi plus qu’affligeante. Elle avait déjà été tellement patiente avec lui la veille -alors que ça ne lui était d’habitude pas coutumier du tout en sommes- alors il ne pouvait tout simplement pas se le permettre. « Evidemment. Ca te surprend vraiment ? » Demanda-t-il avec un sourire détendu bien qu’il s’imaginait que la réponse était oui. Leur relation avait été pendant si longtemps malmenée, parsemée d’incompréhension, de distance et de doutes qu’il leur était difficile pour tous les deux des reprendre des habitudes et des attitudes dites « normales » pour d’autres familles. « Oui mais c’est pas grave. On avisera. Il ne s’agit pas de faire de grands discours de toute façon, juste de proposer l’idée et de voir ce qu’ils en pensent. Je pense que ça pourrait détendre l’atmosphère dans la maison et entre nous tous aussi. » In extremis, il se retint de dire que de toute façon, des dîners foireux ils en avaient eu à la pelle pendant des mois et des mois alors que ça se passe mal encore une fois, ça ne changerait pas vraiment de leurs perpétuels repas qui se terminaient en éclats de voix. Il tentait de rester positif en se disant que tout irait bien et qu’il n’y avait aucune raison que cela ne dégénère d’autant plus qu’il n’y avait plus d’histoire de mensonges entre eux à présent. Les parents de la famille savaient à quoi s’en tenir tout comme leurs enfants et c’était très bien ainsi. « Ca va bien se passer, tu verras. » Encouragea-t-il sa mère pour lui témoigner encore une fois tout son soutien quant à cette perspective. « Je pense que ça devrait le faire mais pour être franc, j’y mettrais pas ma main à couper. » Répondit-il dans un sourire. La phrase de sa mère l’avait ramené à la veille, l’incident des chaussures qu’il avait assuré pouvoir retirer tout seul et qui avait finalement nécessité l’aide de la mère de famille. Puis l’épisode où elle avait dû l’escorter jusqu’à sa chambre parce qu’il ne tenait quasi plus debout et qu’il y avait de grands risques pour qu’il dévale l’escalier sans le vouloir s’il tentait de monter par lui-même sans l’aide de personne. « Et je te remercie pas pour le baleine. » Précisa-t-il en se levant de sa chaise et en se tenant à la table pour vérifier qu’il avait bien tous ses esprits. Sa tête le faisait toujours autant souffrir mais les effets de médicament n’allaient pas tarder à faire leurs effets, il le savait et tant mieux. Arrivé à l’escalier escorté à sa mère, il parvint tout en haut, entier, vivant et pas encore au bord du malaise. En soi, une sacrée réussite. Il lui adressa un signe de la main, encore un peu dans la brume et lui répondit : « A tout à l’heure, bonne journée. » Et sans attendre , ils vaquèrent tous les deux à leurs occupations. Il l’entendit franchir la porte de la maison pour aller travailler alors qu’au même moment et s’effondrait sur son lit. Il en profitait pour écrire un sms à Lily la prévenant qu’il devait lui parler dès que possible et reposait le téléphone juste avant de tomber dans un sommeil des plus profonds à nouveau. Les choses allaient peut-être enfin bouger et cette fois, de façon positive ce qui n’était pas trop tôt d’après lui.