Un trou du cul, un immature, un abruti, diront certains, un jeune homme d’une vulgarité étonnante pourraient dire d’autres (seulement les vieux pour ce dernier point en fait). Le principal dans toutes ces appellations c’est que je m’en fous royalement. Et d’ailleurs ça vient me caractériser un peu plus encore ce je-m’en-foutisme, c’est que je suis plus ou moins provocateur (avec un penchant plutôt pour le plus que pour le moins). S’il y a la possibilité de dire merde aux gens, je serais sûrement le premier à lever la main. Non pas par volonté, je considère plutôt ça comme un principe, c’est devenu un réflexe chez moi, ça devait être inné. Bon du coup il m’arrive quelques merdes de temps en temps, disons que je ne calcule pas toujours les conséquences de mes actes, mais c’est rien de bien grave. Mais attention hein, n’allez pas croire que je suis un délinquant qui cherche à foutre la merde partout où il va, je suis bien loin de ça, je préfère surtout les moqueries légères, les taquineries et compagnie. On m’a aussi dit pervers de temps à autre, c’est faux, juste ce qu’il faut de porno quand il le faut. Que dire de plus ? Ah oui, j’ai un humour à couper le souffle ! Mais ça fait rire personne, tous des cons qui n’ont pas le mot pour rire. Tout se perd de nos jours. Et puis je fais aussi des insomnies, c’est assez con vu que j’adore câliner les bras de Morphée. Mais rien à faire, quand je n’arrive pas à dormir je n’y arrive pas, je m’y suis accommodé.

La famille Albright est assez simple à résumer en soi. Les parents sont partis pour voyager, changer d’air, le travail, toutes les excuses possibles pour laisser les enfants grandir tranquillement. A la base, ma petite sœur Lynn et moi-même devions les accompagner, quelle barbe ça aurait été si l’aînée de nous trois n’avait pas proposé ses services pour prendre bien soin des deux plus jeunes. Les parents ont accepté et sont donc partis, laissant les clés et la responsabilité de la maison et la famille à la plus grande. Cette dernière, Harper, comment expliquer ce que je ressens pour elle ? Je l’aime, pour sûr, mais je vais préférer le lui montrer en passant mes journées à l’emmerder. Parfois on est proches, parfois non, mais qu’importe, je suppose qu’au fond elle sait que je le suis reconnaissant pour tout ce qu’elle a fait et sacrifié. Avec Lynn, la petite, c’est différent. On est plutôt du genre à toujours se chamailler, je la taquine et elle m’emmerde à critiquer ma manière d’être. Mais j’en ai totalement rien à foutre, tout comme elle se fiche complètement des remarques que je peux lui faire sur son addiction aux technologies et Internet. Mais bon, on cohabite très bien à deux, et il est hors de question qu’on vienne lui chercher des noises.

Il y a seulement quelques mois de ça, j’avais fait un pari avec Balthazar, je ne saurais même plus vous dire d’où ça venait, mais un tatouage était en jeu. Une fois allongé sur la table, tee-shirt retiré, je donnais comme instruction au tatoueur de me faire un signe d’illuminati sur la poitrine, histoire d’en choquer certains à la piscine. Il commence tranquillement son job, termine le tracé de son triangle parfait, et d’un mouvement de tête, je vois le petit Balthazar en train de se rhabiller et l’associé du tatoueur remballant son matos. Ce petit con s’était dégonflé. J’ai eu le temps de demander au graphiste charnel de s’arrêter immédiatement pour prouver à Balthazar qu’une fois de plus, j’avais plus de couilles que lui. Bon maintenant j’ai un triangle à la con gravé sur le torse, mais bon, c’est pas si grave que ça.

Et encore une fois c’était reparti. Je tournais, tournais, et tournais encore et encore, sans cesse. Ca faisait déjà deux heures. Je pouvais bouger les oreillers dans tous les sens, remuer la couette, sortir une jambe pour l’aérer, compter les moutons, je m’étais levé pour prendre un verre de lait. Rien rien et rien. Bon dieu de merde, qu’est-ce qui allait bien fonctionner ? Mes yeux ne se fermaient jamais, ils n’étaient pas fatigués. Je fixais le réveil, les minutes étaient si longues. Nuit ennuyeuse, comme j’en avais déjà connu des centaines auparavant. Les insomnies n’étaient pas quelque chose de nouveau pour moi, mais j’en avais toujours horreur. J’attendais, je m’asseyais sur mon lit, grattant fesses et testicules pour passer le temps. J’aurais pu me masturber pour essayer de m’assoupir, on dit souvent que la branlette ça fatigue et l’homme s’endort directement après le sexe, mais j’avais déjà fait ma petite affaire devant mon porno il y a deux heures de ça, quand je comptais me coucher et dormir. J’arrivais à percevoir les formes dans ma chambre, les nuances de noir qui s’y trouvaient, depuis le temps que j’observais, mes yeux avaient fort intérêt à s’être habituer au sombre. La seule source de lumière provenait du réveil, qui indiquait de ses chiffres rouges et agressifs qu’il était déjà 4:37.

Bon, le soleil allait finir par se lever, ça ferait encore plus de lumière pour m’empêcher de pioncer correctement, autant profiter de la nuit dans le quartier et aller y faire un tour. J’enfilais rapidement un jogging, un débardeur et mon cuir et j’étais dehors. Il faisait bon, c’était le printemps, pas de vent, simplement la nuit noire, avec un seul quartier de lune trônant dans le ciel. Je marchais, traînant les pieds, regardant mon ombre se déplacer en fonction des lampadaires. Pour des économies d’énergie, un seul sur deux était allumé, et autour de chacune des sources de lumière, on discernait le faisceau jaune parsemé de nuages de moucherons, moustiques et autres papillons nocturnes. On pouvait même entendre le claquement de certains de ces abrutis qui fonçaient droit dans le plastique protégeant l’ampoule.

J’aimais bien le silence de la nuit. Du moins, ce n’était pas vraiment complètement silencieux, on entendait toujours quelque chose. De temps en temps des chauves-souris ou des chouettes qui passaient à plusieurs mètres au dessus de moi, des hiboux plantés dans les arbres qui envoyaient des signaux à leurs congénères, des petites bestioles et des rongeurs qui traversaient la rue à toute vitesse, parfois suivis de près par un chat grognant. Les lampadaires bourdonnaient continuellement quand je passais à côté d’eux, et certains voisins avaient commencé à activer l’arrosage automatique de leur jardin.

Je gambadais encore, en forme, cela faisait déjà au moins une heure que j’arpentais les rues de Magnolia Crescent, et le ciel s’éclaircissait déjà. Encore une nuit où je ne dormirais probablement pas. Ce n’était pas la première fois et sûrement pas la dernière. En attendant que le soleil prenne son envol, je m’asseyais sur le bord d’un trottoir, balançant quelques cailloux à portée de main. Je m’étais rapproché de la maison pour ne pas avoir à faire trop de pas pour rentrer prendre mon petit déjeuner. Marcher, ça creuse. J’attendais juste que le soleil colore et réchauffe un peu plus les rues. En attendant, jeter de la caillasse m’occupait plutôt bien. Je visais des cibles variées de la maison d’en face, la boîte aux lettres sans succès, la poubelle que j’atteignis quelques fois. Est-ce que j’avais assez de force pour envoyer une petite pierre au dessus de leur toit ? Visiblement non, mais tout juste assez pour fracasser la vitre de ce qui semblait être le salon du n°13 de la rue. Sage décision que j’avais prise en me rapprochant de chez moi pour le casse-dalle. Jamais je n’aurais cru rentrer à aussi grandes enjambées.

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