Il était presque quatre heures de l'après midi lorsque Lucy quitta la demeure Wainwright. Elle était emmitouflée dans son manteau, le col relevé bien haut et un bonnet de couleur marron enfoncé sur la tête. Un livre à la main, elle gagna le trottoir et marcha jusqu'au numéro 8. Arrivée sur le perron, elle pressa le bouton de la sonnette. Elle attendit quelques minutes avant qu'une silhouette de profila de l'autre côté de la porte vitrée. Que venait elle faire chez les O'Conell ? Apporter un livre, tout simplement. Lucy donnait des cours de soutien à la jeune Claire depuis quelques mois désormais, et celle ci allait étudier Les Hauts de Hurlevent pour ses prochains cours. La brunette avait ce livre chez elle, il s'agissait d'ailleurs de son roman préféré, et elle avait proposé à Claire de le lui prêter. C'est pour cette raison qu'elle était venue au numéro 8 de Magnolia Street. Elle comptait seulement déposer le livre à la jeune fille, discuter cinq minutes et retourner vaquer à ses occupations. Malheureusement, la personne qui lui ouvrit n'était pas celle escomptée. Il s'agissait d'Heathcliff, le grand frère de Claire. Elle déglutit à sa vue, soudain mal à l'aise. Elle ne le connaissait que de vue, que de nom, et n'avait encore jamais eu l'occasion de lui adresser la parole. Il était rarement là lors de ses séances avec Claire. Elle lui sourit et tenta de ne pas paraître trop mal à l'aise.

Salut, je viens voir Claire.

Il devait se demander de qui il s'agissait, alors elle agita le livre qu'elle tenait à la main pour lui faire comprendre qu'elle était Lucy, la prof de littérature. Son regard se porta sur la couverture du livre... Les Hauts de Hurlevent... Un sourire incontrôlé apparut sur son visage. L'un des personnages principaux de ce roman s'appelait Heathcliff. C'était d'ailleurs le personnage le plus intéressant, le plus passionnant, le plus effrayant... C'était assurément le personnage préféré de Lucy. Un monstre de passion et de cruauté, un être hors du commun, un fantasme absolu pour la jeune fille. Perdue dans ses pensées, elle n'entendit pas la réponse du jeune homme. Lorsqu'elle releva la tête, confuse, elle sentit ses joues devenir rouges. En tout cas, elle espérait que cet Heathcliff l'impressionnerait moins que celui de son bouquin...

Depuis que j'ai des problèmes avec mon entourage, je suis déreglé. Je n'arrive pas à dormir la nuit parce que je préfère passer la soirée dans un bar ou dehors avec des amis. Du coup, je manque de sommeil et je fais des courtes siestes les après-midis. Joey se plaint de cette situation, il en a marre que je n'aille pas au bureau pour travailler mais je m'en fiche, ça ne le regarde pas. Quant à Adrian, je l'emmerde. Je ne vais peut-être pas au bureau pour bosser depuis deux jours, mais je reste à la maison pour travailler, recontacter mes clients ou avancer dans mes affaires. Entre deux dossiers, je fais une petite sieste pour rattraper mon sommeil et jusqu'à maintenant, personne ne m'avait réveillé. Jusqu'à aujourd'hui. Alors que j'étais tranquillement au salon, les dossiers posés sur la table basse, quelques uns étaient ouverts, je me suis endormi sur le canapé pendant une courte durée. J'entends la sonnette. Quelqu'un était devant ma porte, je n'attendais pourtant personne. Habillé d'un tee shirt vert et d'un short blanc, je me lève de ma place en me frottant les yeux. Je marche jusqu'à la porte d'entrée et j'ouvre la porte, passant ma main dans mes cheveux comme pour me recoiffer. Je ne reconnais pas cette fille, c'est peut-être une voisine. Elle me dit vouloir voir ma soeur, mais j'sais même pas si elle est là. Clairou ne m'avait pourtant pas dit qu'elle avait appelé une amie. Elle me montre le livre qu'elle tient dans sa main mais j'comprends pas ce qu'elle veut dire. "Et tu es ?" Je la regarde de haut en bas en attendant une réponse mais elle a l'air perdu dans ses pensées. Je toussote pour qu'elle revienne et elle me regarde, confuse.

Je suis fatigué, je n'ai pas envie d'être dérangé par une des amies de Clairou. J'ai juste envie de me rendormir encore un peu. Sauf que c'est impossible maintenant. Bon, faut que j'appelle ma soeur pour qu'elle s'occupe de sa copine et que je retourne à mon rêve. Sauf que je ne sais pas s'il y a quelqu'un à la maison. "Entre, je vais voir si elle est là." J'ouvre grand la porte et la laisse entrer. Je me frotte à nouveau le visage pour me réveiller pour de bon cette fois et monte à l'étage pour vérifier si ma soeur est dans sa chambre. Il n'y a personne. Je vais dans la salle de bain. "Clairou ?" Je rentre dans la chambre de mon frère, dans la mienne, mais il n'y a personne à la maison. Ni même mes frères ni mes parents. Je redescends vers l'amie de ma soeur et lui annonce. "Il n'y a personne à la maison, elle a dû sortir pendant que je dormais. Je suis Heathcliff, le grand frère de Claire." Dis-je en tendant ma main.

Le garçon qui venait de lui ouvrir ne semblait pas ravi de sa présence. Il avait des petits yeux, voire même une mauvaise mine. On eut cru qu'il venait d'être réveillé. Peut être l'avait elle interrompu dans sa sieste ? En tout cas, son petit geste n'eut pas l'air de l'aider à la replacer. Visiblement, il n'avait aucune idée de qui elle était. C'est pour cela qu'il lui demanda directement "Et tu es ?", avant de se racler la gorge pour attirer son attention. Lucy la littéraire était partie dans un autre monde, dans les landes balayées par les vents du Nord de l'Angleterre, entre Thrushcross Grange et les Hauts de Hurlevent.

Je m'appelle Lucy, j'habite au 42, répondit elle en montrant du pouce la direction qu'elle venait d'indiquer.

Heathcliff la laissa entrer avant de partir à la recherche de sa soeur. Lucy passa le seuil et referma doucement la porte derrière elle. La maison semblait vide. Immense et majestueuse. Elle en profita pour regarder autour d'elle et admirer l'intérieur de la demeure. On lui avait dit que les O'Conell étaient les plus riches du quartier, et elle commençait à le croire. La maison des Wainwright ferait presque pâle figure à côté, et pourtant ! Lucy entendit le jeune homme appeler sa soeur par son surnom, à l'étage. Aucune réponse. Il redescendit pour lui expliquer qu'elle était absente, avant de se présenter et de lui tendre la main. Elle regarda sa main quelques instants avant de réaliser qu'il fallait qu'elle la serre, ce qu'elle fit. En France, là où elle avait grandi, il était rare que l'on serre la main aux jeunes filles, ou alors il fallait être quelqu'un de respectable, d'imposant. Le garçon face à elle était certes respectable et imposant, mais il avait son âge. Elle ne s'en formalisa pas et lui sourit. Elle, s'était déjà présentée, même si elle doutait qu'il ait retenu son prénom.

Je suis venue rapporter un livre à Claire... Je suis la fille qui vient l'aider pour les cours, ajouta-t-elle.

Lucy fut prise d'une étrange sensation. Cette grande demeure, cet accueil froid, cette gêne palpable qui flottait dans l'air... Elle avait l'impression d'être une petite souris prise au piège, comme si elle s'était jetée dans la gueule du loup. Cela n'arrangea certainement pas son malaise.

J'sais pas qui c'est, mais je la laisse entrer. Lucy. Elle habite Magnolia aussi et semble être une amie à ma soeur. J'suis sûr qu'elle m'a dérangé pour quelque chose à donner à ma soeur, soit le livre qu'elle tient en main, ou pour récupérer quelque chose. Je fais le tour de la maison pour trouver ma soeur mais la maison semble être vide. J'aimerais bien savoir où tout le monde est passé sans me prévenir ! J'annonce à Lucy que ma soeur n'est pas là et me présente. Elle doit sûrement me connaitre déjà. Ou pas. Moi qui pensait que tout le monde se connaissait à Magnolia, je n'avais jamais eu l'occasion de rencontrer cette belle Lucy. Elle se présente comme étant celle qui donne des cours à ma soeur. Ca ne m'étonne pas d'elle à vrai dire, elle a l'air d'être une fille super intelligente, voire même surdouée. "C'est donc toi, je te rencontre enfin. Eliza me parlait beaucoup de toi, en bien." Ma mère a l'air d'apprécier cette fille que je ne connais pas, elle m'a même dit qu'elle la considérais presque comme sa deuxième fille, parce qu'elle est aussi attachante et intelligente de Clairou. Sauf que ma soeur est unique en son genre, personne ne l'égale. "Tu peux le poser ici, je lui donnerais." Dis-je en montrant la table basse du salon. Lorsqu'elle le pose, je regarde la première de couverture et je prends le livre dans ma main pour lire en diagonal le résumé au dos. "Je ne connais pas, ça a l'air intéressant." Dis-je finalement en le reposant.

Elle allait peut-être me trouver bête mais on n'est pas tous littéraires dans la vie ! J'aime la lecture mais je ne trouve pas le temps de lire des livres. Je mange beaucoup de livre sur le droit, la stratégie d'entreprise, des bouquin de loi ou des bouquins de philosophie aussi parfois. Elle me regarde comme si c'était une faute grave de ne pas avoir déjà lu ce livre. Je lui explique en une seule phrase. "Disons qu'on ne mange pas ce genre de bouquin en droit. Un café ?" Sans attendre sa réponse, je vais jusqu'à la cuisine et nous fait couler deux cafés. Il y a également une assiette de petits gâteaux posés sur la grande table que je prends et j'emmène dans la pièce principale, où Lucy vient de prendre place. "T'as quel âge ? T'as l'air jeune pour donner des cours, sans vouloir t'offenser." Dis-je avec un sourire narquois. Je prends place à mon tour et je range mes feuilles, éparpillées sur la table basse. Je reçois à ce moment un message, que je m'empresse d'ouvrir en espérant qu'il s'agit de ma soeur ou mon frère, pour me dire où ils sont. Mais c'est Leonor, qui me lance un tout nouveau défi. "Cap ou pas cap de me faire un tiramisu avant 21h ? A ce soir O'Conell." Je ris intérieurement et la maudit. Elle sait très bien que je ne sais pas cuisiner du tout, et personne n'est à la maison. Je ne sais pas quand Clairou sera de retour pour me faire un tiramisu. On a toujours eu l'habitude de se lancer ce genre de défis de merde avec Leonor, ça passe le temps et ça nous amuse. Certains défis peuvent être dangereux, d'autres amusant comme aujourd'hui. Je regarde Lucy avec une petite idée en tête. "Au fait, tu sais cuisiner ?"

La lourde porte en chêne derrière elle était fermée, la coupant du reste du monde, la confinant dans cette grande et froide maison. Une fois qu'elle s'était présentée, Heathcliff sembla avoir une petite idée de qui elle était. Il lui parlait d'Eliza, la compagne de Joey O'Connell, avec qui Lucy s'entendait particulièrement bien. Elle sourit en entendant ce nom, mais ne dit rien. Il lui proposa de poser le livre qu'elle était venue apporter, ce qu'elle fit, toujours aussi silencieuse. Contre toute attente, il jeta un coup d'oeil curieux à la première de couverture.

Je ne connais pas, ça a l'air intéressant, dit il. Disons qu'on ne mange pas ce genre de bouquin en droit. Un café ?

Lucy acquiesça, ravie de sa proposition: elle n'avait pas tellement envie de rentrer au numéro 42 pour le moment. Elle le suivit dans la cuisine, et profita de l'occasion qu'il lui fournissait pour aborder son sujet de discussion fétiche: la littérature.

Les Hauts de Hurlevent... c'est un roman anglais du XIXe siècle, écrit par l'une des soeurs Brontë, expliqua-t-elle. D'ailleurs, le personnage principal s'appelle Heathcliff...

Cela l'étonnait qu'il n'ait jamais entendu parler de ce livre. Déjà, parce que c'était un classique. Mais comme il le disait lui même, il était dans le droit et non dans les lettres. Ensuite, et surtout, parce qu'il portait le prénom du personnage le plus fort du roman, et Heathcliff n'était pas un prénom courant. Lucy le regarda préparer les deux cafés, puis les emmener, ainsi que quelques gâteaux, dans la salle principale. Elle le suivit et s'installa.

T'as quel âge ? T'as l'air jeune pour donner des cours, sans vouloir t'offenser, dit il tout en souriant.
Hm, j'ai 22 ans... et j'ai interrompu mes études en cours de 3ème année, en fait.

Il ne porta pas grande attention à sa réponse, ce qui fut pour Lucy comme un soulagement: il venait de recevoir un texto. Elle le laissa prendre son téléphone et lire ce qu'il venait de recevoir sans rien dire. Ce n'était pas très poli de sa part, mais elle n'avait que faire des bonnes manières de toute façon. Et puis il était chez lui. Il releva la tête vers elle et lui demanda de but en blanc si elle savait cuisiner.

Je. Euh... Je me débrouille.

Qu'avait il en tête ? S'attendait il réellement à ce qu'elle se mette aux fourneaux pour lui ? Elle avait déjà assez à faire chez les Waiwright... Mais le regard qu'il lui lançait ne laisser présager rien de bon.

Les Hauts de Hurlevent... Ca me dit quelque chose mais j'men souviens plus. Disons que je n'ai jamais aimé lire autre chose que des bouquins en droit. Ce que j'aimais par dessus tout c'est apprendre, maitriser certains sujets en droit. Mais lire pour le plaisir, je n'en ai jamais eu envie. Le personnage s'appelle Heathcliff bizarrement, comme moi. Je ne connais pas beaucoup de personnes qui portent mon nom et c'est comme ça entre autre que je me sens unique. Maintenant qu'elle m'a dit ça, le livre m'intrigue. Je me demande comment est le personnage principal, à quoi il ressemble physiquement et comment est son caractère. Oui je suis curieux. Je nous prépare deux café dans la cuisine alors qu'elle est juste derrière moi en train de me raconter son livre. Je reçois un message à ce moment là et j'apprends que Leonor a faim. Tout en lisant mon message, je prends à mon tour la parole. "22 ans ? Tu ne les fais pas du tout. Pourquoi t'as arrêté l'école ? J'suis désolé avec mes questions, j'aimerais juste connaitre les fréquentations de ma soeur." J'espère que ce n'était pas indiscret. Je repose mon téléphone. Je soupire en demandant à la jolie brune si elle sait cuisiner. Elle pourra peut-être m'aider, vu que je ne sais rien cuisiner. "Si t'as un peu de temps, tu peux m'aider ? Je dois faire un tiramisu." Mais j'suis super nul en cuisine. Je mange beaucoup, certes, sans savoir comment on cuisine ces plats. J'ai l'impression que c'est mal de lui demander ça alors qu'on se connait depuis quelques minutes seulement mais je suis plutôt du genre franc et j'ai osé lui demander. Qui ne tente rien n'a rien. Elle est restée pour boire le café, elle a peut-être un peu plus de temps pour me faire un tiramisu. Je sais très bien que Leonor me demande ça pour me faire chier et non pour le manger, puisqu'il doit rester assez longtemps au froid avant d'être servi. Elle ne le mangera donc pas avant demain, mais je dois quand même le lui préparer - avec ou sans l'aide de Lucy. "Si tu ne peux pas, c'est pas grave. Je me débrouillerais en mélangeant du lait, des oeufs, du sucre, de la crème fraiche, un peu de farine. Il faut mettre de la farine ?" Dis-je en riant légèrement. Ce n'est pas en mélangeant tous les ingrédients choisis par hasard que j'vais réussir. Si Lucy n'accepte pas, je regarderai sur Internet, mais là encore j'vais pas suivre les étapes et faire n'importe quoi. Ma soeur m'avait pourtant dit un jour que c'est très simple à faire.

Pour la première fois, Lucy était assise dans le salon des O'Conell. D'habitude, quand elle venait aider Claire, c'était plutôt dans le bureau qu'elles se retrouvaient pour travailler. Cette fois ci, Lucy était traitée comme une invitée et non comme une employée. Deux cafés posés sur la table basse n'attendaient plus qu'eux. Après avoir pianotté sur son téléphone, Heathcliff se mit à lui poser des questions: il cherchait à savoir pourquoi est ce qu'elle avait arrêté ses études. Oh, et il lui dit aussi qu'elle ne faisait pas son âge. A force, cela ne vexait même plus Lucy: elle savait qu'elle faisait jeune. D'ailleurs, elle ne connaissait pas l'âge du garçon face à elle ; il semblait avoir 22, ou 23 ans... Elle se décida quand même à lui répondre.

J'ai eu des soucis d'argent, des soucis avec mes parents, du coup il fallait que je trouve un travail, répondit elle avec un vague mouvement de la main.

Elle ne souhaitait pas en parler plus. De toute façon, qu'est ce qu'un O'Conell pouvait connaître aux problèmes d'argent ? Peut être s'y connaissait il aux problèmes familiaux, mais ils n'appartenaient pas du tout au même monde. Le sujet fut vite remplacé par un autre: la cuisine. Comme elle l'avait pressenti, Heathcliff lui demandait de l'aide pour faire un tiramisu. Lucy jeta un oeil à sa montre, elle avait du temps devant elle. Le garçon ne semblait pas doué d'un talent culinaire, puisqu'il menaçait de mettre de la farine dans son tiramisu. S'il en mettait, il se retrouverait avec autre chose qu'un tiramisu, c'était clair.

Euh. Tu as du mascarpone ?

C'était sa façon à elle d'accepter de l'aider. Quelque chose lui donnait envie de rester ici de d'en savoir un peu plus sur Heathcliff.

Lucy m'explique un peu pourquoi elle s'est mise à arrêter l'école et à travailler aussi rapidement. Des problèmes d'argent et de famille, me dit-elle. J'aimerais savoir quel genre de problèmes mais je n'ose pas insister alors vaut mieux changer de sujet. Des problèmes de famille, tout le monde en a. On ne la choisit pas, donc on ne s'entend pas forcément avec tout les membres de la famille. Personnellement, j'suis plus heureux sans eux : A part mon frère Adrian et ma petite soeur, je n'ai besoin d'aucun O'Conell et eux n'ont pas besoin de moi non plus. Joey est un connard, il me déteste et me le fait comprendre. Quant à Eliza, elle est follement amoureuse de mon père - ou de son argent ? -, elle le soutient donc dans tout ce qu'il fait. Il y a aussi Joshua, mon soit-disant nouveau frère. Je n'ai aucun avis sur lui, je ne le connais pas même si c'est un des fils de Joey. Heureusement que j'ai quelques amis sur qui je peux compter à n'importe quel moment. Ils remplacent presque ma famille, d'ailleurs.

"Ca te plait c'que tu fais au moins ? Ou tu le fais seulement parce que t'as besoin d'argent ?" Demandais-je, curieux.

Leonor me demande alors par message de lui faire un tiramisu pour ce soir. Je sais que c'est facile à faire, parce que ma soeur avait essayé de me montrer un jour. Mais je ne me souviens absolument de rien, j'ai donc besoin de l'aide de Lucy, en espérant qu'elle sache cuisiner et qu'elle accepte de m'aider. Elle me demande si j'ai de la mascarpone et bien que je ne sache pas trop ce que c'est, il me semble que ça ressemble à du yaourt ou du fromage blanc. Je cherche quelques secondes dans mon frigo et le trouve rapidement. J'en sors deux boites et le pose sur la grande table. Je ne sais pas combien de grammes il en faut. Je regarde Lucy et lui demande.

"Il faut quoi d'autres ? Merci beaucoup en tout cas. En plus d'être forte à l'école, tu es donc aussi une bonne cuisinière ?" Presque une bonne femme à marier. Intelligente, qui sait cuisiner. Mais elle m'a l'air un peu trop coincée. Ou timide, réservée.

Lucy, la bonne âme, avec sa volonté de toujours faire plaisir, se retrouvait dans la cuisine des O'Conell. Une situation incongrue qu'elle aurait eu du mal à imaginer quelques heures plus tôt. Mais bon, il lui fallait un tiramisu, alors il aurait un tiramisu ! Elle prit les choses en main.

Alors, il nous faut des oeufs, du sucre, du café, du cacao et... des biscuits, je ne connais pas le nom en anglais. Est ce que tu vois de quoi je veux parler ?

Parfois, cela lui arrivait d'avoir des lacunes: après avoir quitté Magnolia à 8 ans et avoir vécu plus de dix ans à Paris, les mots lui venaient plus facilement en français qu'en anglais. C'était quelque chose qui l'agaçait profondément d'ailleurs !
La brunette remonta ses manches sur ses avant-bras et alla se laver les mains tandis qu'Heathcliff sortait les ingrédients. Elle se demandait bien ce qui pouvait le pousser à faire un tiramisu comme ça, sur un coup de tête. C'était une drôle de lubie, surtout s'il ne savait pas les faire ! Mais heureusement, elle était là pour lui filer un coup de main. Elle revint vers le plan de travail et jeta un oeil à la date de péremption du mascarpone: c'était bon. Elle attrapa le saladier qu'il lui tendait et se mit à casser les oeufs.

Pendant que je monte les oeufs en neige, il faudrait que tu prépares du café et une fois tiède, que tu trempes les biscuits dedans, expliqua-t-elle calmement.

Elle sépara précautionneusement les blancs des jaunes d'oeufs tout en surveillant du coin de l'oeil ce qu'il faisait.