En se levant ce matin, tout était prêt. Ginny avait tout préparé pour être prête dès son réveil pour éviter de perdre le moins de temps possible. Dès 7 heures, son cadran sonna et Ginny ne perdit pas de temps à snoozer et à paresser dans son lit. Non non! Comme les militaires. Pas le temps de niaiser (a). La rouquine se leva, prit les vêtements qu’elle avait mis de côté la veille – chandail blanc avec quelques motifs gris et shorts noires -, s’attacha les cheveux rapidement et fit un arrêt à la cuisine. Il s’agissait de son seul arrêt. À cette heure, seule Satine était debout, Ginerva prit donc le temps de prendre un café en compagnie de sa grande sœur. Une fois son café avalé, elle partit avec son matériel et subtilisa une tranche de toast à Satine alors qu’elle cherchait du lait dans le frigo. Ça serait suffisant pour la route, et puis il devait bien y avoir de la bouffe chez Noah, même si ça devait probablement être que des cochonneries. Bref, la bouffe n’était vraiment pas ce qui importait : aujourd’hui, la musique prônait, et c’était ça qui faisait gambader Ginerva en ce matin plutôt brumeux, long sac à l’épaule, sourire aux lèvres.

La rouquine arriva finalement devant la porte du no 7. Le temps qu’elle gambade jusqu’à cette maison – qui était assez loin de la sienne -, elle avait envoyé un texto. Elle avait tout prévu, je vous dis. Ginny n’eut même pas besoin de frapper à la porte que Shawn Crawford lui ouvrit, l’air fatigué. Étant dans un groupe de musique et connaissant vaguement ses membres, Ginny se doutait qu’il ne devait pas être habitué de se lever aussi tôt. La rouquine lui fit un câlin comme remerciement, le suivit vers la chambre de Noah et le vit disparaître dans la sienne. Wainwright lui envoya un bonne nuit par texto pour faire bonne mesure et pour éviter de parler. Déjà que ce qu’elle faisait était risqué, réveiller les autres membres du groupe serait suicidaire. Et puis Ginny ne voulait pas mourir. Avant d’entrer dans la chambre, elle jeta un rapide coup d’œil à l’intérieur. Pas de fille endormie et il avait des couvertures sur lui. Bien. Voir Noah Owens nu aurait été une vision d’horreur pour la jeune fille qui n’était pas habituée à voir des corps en tenue d’Adam. Elle entra tranquillement en évitant les obstacles qui jonchaient le sol – d’ailleurs, de quelle couleur était ce plancher!? elle n’en avait aucune idée – et se trouva un petit trou pour s’installer.

7h40. Ginny sourit. Elle avait eu le temps d’installer son petit clavier à côté du lit avant qu’il ne se réveille. D’ailleurs, il ne semblait pas avoir du tout remarqué la présence de la rouquine. La pianiste s’installa et joua une pièce de son enfance que sa mère lui jouait souvent. Bien sûr, le fait de jouer sur un clavier donnait un son moins bon, mais elle ne pouvait pas emmener un piano dans une chambre si petite! Une fois sa courte chanson terminée, elle jeta un œil vers Noah, puis recommença une seconde chanson, cette fois plus récente qu’on entendait à la radio. Lorsque la rouquine parla, elle ne cessa pas de jouer :

« Bon matin, Noah. »

Même si elle savait qu’elle risquait d’en baver à son réveil, elle continua la chanson, les yeux mi-clos, le sourire aux lèvres. Qu’elle était bien, dans cette pièce sale et désordonnée qui sentait l’Homme à plein nez. Elle ne le remarquait même plus, la musique lui faisait oublier tout cet environnement.

La chambre de Noah était… Un univers, décrivons la ainsi. La pièce était plutôt petite mais il s’en était toujours bien accommodé, si petite à vrai dire qu’on se demandait comment il pouvait y caser autant de bordel. Les seuls meubles étaient : un lit deux places bas, recouvert d’un drapeau de l’Angleterre et une armoire toute simple dont les tiroirs menaçaient d’exploser à tout moment. Sur le sol jonchait vêtements, autres cartons remplis de vinyles, médiators abandonnés à la va vite et près du lit, un cendrier qu’il n’avait encore pris la peine de nettoyer dernièrement. Une touche féminine cependant trahissait le fait qu’il était en couple : Cinzia avait installé une espèce de guirlandes faites de petites boules de lumière, très… Mignon, qui traçait son chemin sur un pan de son mur. Dans un coin de la pièce, sa guitare trônait en pièce maitresse dans sa housse. On comprenait d’un simple coup d’œil que l’objet avait une valeur importante à ses yeux au vue de la façon dont il était traité, en entre termes bien moins cruellement que le reste des choses en sa possession.

Noah était allongé dans son lit, emmitouflé sous sa couette. Cinzia s’était toujours moqué gentiment de lui sur ce fait, il s’endormait toujours en se transformant en ce qui pourrait s’apparenter à une momie quand elle n’était pas là. Evidemment comme chaque soir il s’était endormis tard, pas à cause d’une soirée mais le boulot et l’inspiration l’avait tenu éveillé toute la nuit. A côté de sa guitare on remarquait une pochette en carton et si on aurait eu la curiosité de l’ouvrir on aurait découvert ses compositions écrites dans la nuit. On ne pouvait pas dire que Noah était un garçon feignant, mais le sommeil pour lui restait sacré. Il se réveillait toujours à une heure sûrement jugé d’indécente par le reste du quartier, mais il se démenait dans le reste de la journée. Après tout son travail dans la boutique de disque ne commençait qu’à midi et quand un jour Noah avait oser s’agacer parce que son pauvre patron lui avait dit qu’il était en retard, il avait obtenu de lui une permission d’arriver plus tard quand il faisait des concerts. Un comble, pauvre Charles… Si soumis à son employé, Noah en profitait il faut dire, tant qu’à tirer des avantages.

Il n’avait donc que peu d’heure de sommeil au compteur quand son réveil afficha 7h40. C’est à cette heure précise qu’il sursauta légèrement en entendant un son qui le tira de son sommeil. Il ne manqua pas de lâcher un juron en cherchant à tâtons son portable, son premier réflexe, avant de se rendre compte petit à petit que cette musique n’était pas joué par son mobile. Est-ce que ses enfoirés de colocataires avaient osé lui faire une blague et avaient branché radio classique à donf dans sa chambre ? Quand il sortit de ses draps avec difficulté, les yeux mi-clos, il distingua la belle silhouette d’une femme rousse reconnaissable d’entre toutes, assise au claver. Pour le moment il était si déconcerté qu’il ne réagit même pas, elle croisa son regard et lui lança un joyeux « bon matin » avant de reprendre une seconde mélodie bien connu.

- Mais bordel de merde… !

Fut la seule chose qu’il réussit à prononcer en frottant ses yeux, et voyant qu’elle n’arrêtait pas, il attrapa son coussin et le balança violement contre la musicienne. Noah avait toujours été un peu brusque… L’idée d’attraper le clavier et de le balancer par la fenêtre lui était aussi venu à l’esprit et sans doute l’aurait il fait si il s’agissait de quelqu’un d’autre. Il se rallongea dans son lit en fulminant, se cogna la tête vu qu’il n’avait plus de coussin, et ferma les yeux en répétant, gueulant cette fois.

- Bordel de merde, t’abuses putain !

Amis amateur de langage fleuris dès le matin, bonjour… Brusquement il sortit comme un démon de son fatras de couvertures, vêtu seulement d'un caleçon, failli se rétamer par terre en se prenant le pied dans le fil du clavier ce qui, au moins, retira la prise électrique. Le piano était maintenant muet, il n'avait plus besoin de sortir d'ici. Il se rassit lourdement sur son lit en passant une main sur son visage avant de relever les yeux vers Ginerva. Il avait été vraiment énervé sur le coup mais le retour au calme l'avait un peu apaisé, il la regardait maintenant à la recherche d'une explication.

- Mais t'es complétement taré comme nana.

Il secoua la tête en riant légèrement et soupira en cherchant un truc à se mettre sur le dos, une chemise trainant dans le coin fit l'affaire. De toute manière maintenant il n'allait pas se rendormir...

Bon, il s'était réveillé, c'était un bon point. Pas de très bonne humeur, certes, mais c'était un détail. Lorsque Ginny se tourna vers Noah pour lui souhaiter un bon matin, elle vit ses yeux fatigués et sa tête de zombie. Elle dut se retenir de crier d'horreur et de prendre fuite pour enchaîner sa seconde chanson, espérant que ça couvrirait ses sacres peu... joyeux, en ce matin pourtant si prometteur. Malheureusement, un coussin a attaqué son visage et l'a totalement déconcertée. Où en était-elle, dans sa chanson? Et d'ou venait-il, ce foutu oreiller!? Un regard vers le lit lui donna la réponse. La rouquine prit l'oreiller qui l'avait dérangé et qui trônait maintenant sur son clavier pour le lancer au visage de Noah, qui était couché.

"Hé, ça va pas? C'était ma partie préférée de la chanson et tu l'as gâché!"

Il était musicien, il devrait le savoir qu'on ne dérange pas un musicien en plein milieu de sa prestation... Wainwright recommença alors la chanson que Owens avait raté, mais fut - encore! - interrompue par le silence de son clavier. Le coupable était évident, même si elle était sûre qu'il n'avait pas fait exprès. Ginny regarda le trouble-fête pour le réprimander une seconde fois, mais la vue de son corps presque nu l'effraya, elle qui était si peu habituée à voir des corps d'hommes presque nus à part son petit frère. Elle poussa un léger cri et détourna le regard.

"Habille-toi d'abord, je parle pas aux gens nus!"

Même si c'était exactement ce qu'elle était en train de faire. Le regard vers le mur opposé, Ginerva vit la silhouette du musicien se lever et chercher quelque chose plus loin. Un léger regard lui confirma qu'il venait de se mettre quelque chose sur le dos. C'était un début. Soulagée, la pianiste se leva et alla chercher la prise de son clavier, qu'elle rangea dans son sac. Inutile de recommencer, l'objectif était atteint: Noah Owens était réveillé. De mauvaise humeur, mais réveillé.

"Et puis je ne suis pas une tarée. Je voulais seulement te faire découvrir mon monde musical. Ce que j'ai réussi à faire seulement à moitié, puisque tu m'as arrêté avant. Sache que ma vengeance sera terrible!"

Oui, bon, Ginerva n'était pas une fille des plus menaçantes, mais elle débordait d'idées loufoques et machiavéliques.