Bordel, mais c'est une blague ?! Non mais dites moi que je rêve ! Je-... mais c'est pas possible ? Il aurait pas osé, putain ?! J'hallucine totalement... enfin j'espère ! C'est peut être l'herbe importée du Pakistan que m'a vendue mon dealer hier... ou alors c'est que ce type s'est bien foutu de moi !
Bon, je replace le contexte: ce matin j'ai pris mon vélo pour me rendre au centre-commercial. Je hais cet endroit. Je hais le capitalisme. Je hais la consommation de masse. Je hais cette populace informe, ces moutons de Panurge qui seraient prêts à se battre pour le dernier iPhone. Ils me donnent la nausée. Mais parfois, il faut bien que j'y mette les pieds. Je n'ai plus de savon bio. Il me faut du savon bio ! Je marche donc dans ces grandes allées froides et sans vie, je passe devant ces boutiques sans même les regarder quand soudain, devant moi, à une quinzaine de mètres, il y a ce gars. Je ne me souviens plus de son prénom mais je me souviens de son visage. Et il n'est pas seul, non ! Il est même plutôt bien accompagné ! Un homme qui sent l'homosexualité à des kilomètres à la ronde est à son bras. Je déglutis, les yeux ronds comme des soucoupes. 3 semaines ou un mois auparavant, je passais la nuit avec ce type. Et aujourd'hui ! Aujourd'hui je le vois avec ce mec ! Mon sang ne fait qu'un tour, ça ne va pas se passer comme ça, parole de Tara ! Je décide de les suivre un peu, pour voir. Ils flânent, se dirigent tranquillement vers une boutique de vêtements pour hommes, ils y entrent. Je reste à l'entrée, toujours aux aguets. Le compagnon dégote une chemise, deux chemises, trois chemises, et part en cabines. C'est ma chance ! Je me dirige d'un pas décidé vers le gars qui est dos à moi. J'arrive à sa hauteur et prend son bras pour qu'il se tourne. Eh !

Chose rare, aujourd'hui je ne travaillais pas et quoi de mieux pour profiter de ce temps libre que de faire du shopping ? Bien évidemment en étant accompagné, c'était bien plus amusant que de se donner un auto avis. J'avais donc décidé de proposer à un ami, occasionnellement aussi l'amant d'un soir, de se joindre à moi pour dépenser l'argent de nos cartes bancaires. Ne pouvant rien me refuser il accepta bien évidemment..

Et nous voici tous les deux au centre commercial, passant de boutique en boutique, essayant vêtement après vêtement tout en plaisantant. Nous nous étions arrêté dans un magasin de vêtement pour homme, mon compagnon du jour ayant trouvé une chemise à son goût était partie l'essayer. Je l'attendais patiemment, bien que j'aurai pu très bien aussi allez le rejoindre. Faire des folies dans les cabines d'essayages avait quelque chose d'assez excitant à chaque fois. J'étais parti dans mes réflexions coquines lorsque je sentis que l'on me prenait par le bras. Je tombais alors sur une jolie demoiselle brune, au regard familier mais dont le nom m'échappait. Peut être qu'elle s'était trompé de personne ? Car pour héler quelqu'un comme ça il fallait au moins que ça soit un proche.
Cela dit elle était loin d'être moche et malgré ce que les gens pensaient je n'avais pas mit de ligne entre les hommes et les femmes. Il fallait avouer que ses yeux était tout à fait craquant. Ce n'était cependant pas un détail qui allait m'aider car des yeux j'en avais vu de toutes les couleurs et de toutes les formes, aussi bien remplie de désir, de joie, de tristesse ou de plaisir.
Ce blanc dans ma mémoire me turlupinait assez et je devais donc trouver la réponse.

- Salut, votre visage me dit quelque chose, on se connaît ?

Il se retourne et me fait face. Je suis furieuse, peut être que cela se voit ? En tout cas, mon ton inamical et mes sourcils froncés devraient le lui faire comprendre. Il me regarde, sourit, et me tue en quelques mots. Mon visage lui revient... mais c'est tout. Il ne se rappelle même pas de moi ! Là, c'est clair, je fulmine. Un peu comme dans les dessins animés, le mec qui vire tout rouge avec de la fumée qui sort des oreilles. Ce mec, c'est moi ! Alors là, je ne vais vraiment pas le louper. Est ce qu'on se connait ? Tu te fous de moi ! Première offensive, j'inspire et ne lui laisse pas le temps de répondre. On a couché ensemble je te rappelle, ça ne fait pas si longtemps que ça ! Ca y est, c'est dit. Mais bon ça se comprend hein, je représentais pas grand chose, j'étais que la fille que tu t'es tapée pour savoir ce que ça faisait. Je ne savais pas que les pédés étaient aussi salauds que les hétéros ! Je sers les dents après avoir fait exploser ma rage. Il s'est servi de moi, je n'en reviens pas. Bon, ce n'était peut être pas le seul: plus d'un homme s'était servi de moi comme objet sexuel ou conquête d'un soir. Mais le fait qu'il soit homosexuel me rend vraiment furax, il n'a vraiment aucun respect ! En plus de ça, il se permet de se montrer au bras de ce type devant tout le monde. Vraiment, j'aurais mieux fait de ne jamais mettre les pieds dans le New Jersey. Tout le monde me l'avait dit et j'aurais du les croire: il n'y a que des cons !!!

Apparemment ma réponse n'était pas la bonne, la jolie brune se mettant en colère et ses yeux enflammés la rendant encore plus sexy. Je n'eus même pas le temps de répondre qu'elle enchaîna directement, se souvenant très bien, elle, la raison de notre rencontrer. Ou plutôt ce que nous avions faits. Je laissa échapper un petit "oh" face à cette découverte forte appréciable et tenta de me souvenir de ce jour. Partie dans mes souvenirs je ne faisais pas vraiment attention à ses paroles et enfin dans le tréfonds de mon esprit, là où sont cassés mes souvenirs inutiles de sexe d'une nuit, je reconnu cette jolie demoiselle. Tara, c'était comme cela qu'elle se nommait.

- J'aime les hommes et les femmes, je ne couche pas avec la première personne qui passe pour m'en assurer je n'ai aucun doute là dessus...

Lâchais je une fois son monologue terminé, d'une pour la rassurer et qu'elle arrête de croire que je suis un salaud. J'avais juste vu trop de personnes dans ma vie pour pouvoir les reconnaitre aussi tôt, encore moins celles que je croisais peu souvent.

- Tara, je crois non ?

Glissais je avec un petit sourire d'excuse pour le temps de connexion. Enfin si ça se trouvais elle même ne se souvenait pas de mon prénom. J'étais quand même satisfait d'avoir mit fin à ce quiproquos qui ne me mettait pas du tout en valeur.

J'ai fini de lui cracher ma haine et lui laisse enfin la chance de s'expliquer. Il est bien loin de se démonter en tout cas, ce qui me fait enrager: il reste serein et sûr de lui tandis que je m'énerve sous ses yeux. Ces yeux d'ailleurs qui me détaillent, certainement à la recherche d'un souvenir quelconque qui lui rappellerait qui je suis... L'homme prend la parole et me dit qu'il est bisexuel, qu'il aime autant les hommes que les femmes et qu'il ne s'est pas servi de moi. Je fronce les sourcils, sceptique. J'ai toujours eu du mal à concevoir cette idée de bisexualité. Enfin, je sais bien que ça existe, mais j'ai du mal à concevoir qu'on puisse être à l'aise avec ça. Je n'ai pas vraiment de problème envers l'homosexualité masculine, plus jeune je lisais même des yaoi en cachette. L'homosexualité féminine, par contre, c'est une autre paire de manche... Je fixe l'homme en face de moi, cherchant quoi lui répondre. Il ne m'en laisse pas le temps. Tara, je crois non ? Bim, prends toi ça dans la figure ma fille. Tu te rappelles de votre nuit mais pas de son prénom, il se rappelle de ton prénom mais pas de votre nuit. Je lève les yeux au ciel et bougonne. Oui, c'est ça. Je ne sais pas si son petit sourire en coin est triomphant, moqueur, ou synonyme d'excuse. Je préférerais la troisième option. Maintenant, il faut que je trouve quoi lui dire. Sa façon de me toiser m'agace. Je suis certaine qu'il a le sentiment d'avoir gagné la partie. Et face à lui, je me sens un peu conne. Tu es bi, donc. C'est vraiment de la connerie ça aussi ! Il va peut être me prendre pour une homophobe et me casser la gueule, mais tant pis. C'est pas possible ces gens incapables de prendre une décision ! Les hommes ou les femmes, mais pas les deux, ça n'a pas de sens ! Ca t'aurait emmerdé de m'en parler ?! Oui, je fais preuve de mauvaise foi et ma colère remonte. Ce que je raconte n'a aucun sens, il va vraiment finir par me prendre pour une folle. Peu de gens balancent eh au fait, je suis bi entre deux techniques de drague. Pourtant, ce serait util. Ca m'éviterait de coucher avec un mec, de le retrouver trois semaines plus tard au bras d'un homme et de me ridiculiser comme je suis en train de le faire.

Sa vision de la bisexualité me fit froncer les sourcils. De la connerie ? Sur le coup je ne comprenais pas comment on pouvait catégoriser cela ainsi. C'était tout simplement une grande ouverture d'esprit...Apparemment Tara n'était pas ouverte, et vu qu'elle était venu pour me crier dessus parce qu'elle m'avait vu avec un garçon cela ne m'étonnait guère finalement.

- Alors si je suis ton idée...Coucher avec toi en était une ?

Demandais je sérieusement. J'avais plus eu de relations avec des hommes que avec des femmes je devais l'avouer. C'était différent quoique les gens en pensent. Entendre une voix féminine ou masculine jouir ce n'était pas du tout la même chose à l'oreille. Mais ca c'était quelque chose que je ne pouvais pas vraiment discuter avec tout le monde. Tara y compris. Cette dernière continuait de me crier dessus, me reprochant de ne pas l'avoir prévenu. Je me voyais parfaitement glisser entre deux phrases que j'étais bi il n'y avait rien de tel pour mettre dans l'ambiance.

- Et ça aurait changé quelque chose ? Si j'ai eu une relation avec toi c'était que je le voulais c'est tout je ne vois pas pourquoi tu t'énerves ainsi...Après on se demande pourquoi les hommes deviennent gay, vous les femmes, vous êtes vraiment énervantes

J'étais exaspéré et je me demandais bien ce que faisais mon compagnon de shopping dans les cabines d'essayages pour être aussi long. A mon grand soulagement je l’aperçus enfin et c'est avec un grand sourire qu'il me rejoignit. Comme j'étais très bien éduqué je fis les présentations.

- Tom, je te présente Tara

Plus je parle, plus je me rends compte que mon discours n'a ni queue ni tête et que je suis en train de me ridiculiser toute seule. L'homme en face de moi a du répondant et surtout: il est à l'aise dans ses baskets. Sa bisexualité, il la clame haut et fort. Cela m'effraye et me fascine à la fois. Mais surtout: ça me rend folle de rage. Il est là, devant moi, à se pavaner tel un paon, à me sortir des arguments plus valables les uns que les autres. Quoi ? Il se croit courageux ? Il se croit meilleur que les autres parce que plus ouvert d'esprit ? Il voudrait qu'on l'anoblisse aussi ? Qu'on lui décerne une médaille pour bravoure ? Foutaises ! Lorsqu'il me dit que c'est à cause de femmes que moi que les hommes deviennent gays, c'est la goutte d'eau qui fait déborder le vase. NON MAIS T'ES CON OU QUOI ?! Oui, je viens de me mettre à crier au beau milieu du magasin et plusieurs visages se tournent en notre direction. Hm... pardon, dis je plus doucement et le regard fuyant. Mais ces yeux là ne tardent pas à revenir à leur cible première: cet homme si sûr de lui et tellement agaçant. J'allais ajouter quelque chose lorsqu'un homme nous rejoins. Séduisant lui aussi, mais visiblement homosexuel à des kilomètres à la ronde. L'homme à qui je parlais précédemment - dont je ne me souviens toujours pas le nom - nous présente. Mais quelle politesse ! Il m'énerve encore plus à garder son sang froid ainsi. Je salue le dénommé Tom d'un signe de tête. A vrai dire, je n'ai rien contre lui. Il n'a rien à voir avec ce que qui me met en rogne. Son homosexualité, je m'en balance, elle ne me fait ni chaud ni froid. Mais c'est l'autre là avec son sourire éclatant et ses cheveux parfaitement coiffées, j'ai envie de lui en coller une ! Je choisis finalement d'arrêter de m'afficher. Je souffle un coup et m'en vais. Je sors du magasin, fais quelques pas et puis m'arrête. La colère redescendue, je prends peu à peu conscience de la scène qui vient de se dérouler. J'ai honte, vraiment honte. Je viens de me défouler sur un mec qui vit sa petite vie pépère, et qui met son pénis là où bon lui semble. Pourquoi ? J'en ai bien ma petite idée mais je refuse de l'admettre. Alors je fais demi-tour, entre à nouveau et viens à sa hauteur. Je suis désolée, je déclare platement. Et puis une fois que c'est fait, je repars d'où je suis venue, un peu soulagée. Ce type, il vaudrait vraiment mieux que je ne le recroise pas. Jamais.

J'étais assez fier de ma répartie, n'ayant pas du apprécier sa façon de voir les bisexuels, les catégorisant comme des "conneries". Je ne m'attendais pas à ce qu'elle crie dans le magasin, attirant le regard des autres clients vers nous. Niveau discrétion on repassera, et sans doute certains devaient penser que c'était une dispute de couple. D'ailleurs en parlant de couple, mon compagnon avait enfin fini ses essayages et nous rejoignit.
Poliment, je présenta Tom à Tara, histoire peut être d'enfoncer le clou de sa stupidité affligeante. Autant se donner en spectacle pour une histoire de sexe, ça me faisait vraiment de la peine. La pauvre devait vraiment manquer d'affection pour se mettre dans un état pareil.
Sans dire un mot d'ailleurs, elle sortie du magasin. Visiblement on l'avait mal éduqué et sa susceptibilité était vraiment énorme. Les femmes, c'était vraiment des êtres compliqués. Heureusement ma vie avait fait que j'avais double choix et n'était pas obligé de supporter leur caractère tout au long de ma vie. Bref, je souri à Tom qui partit payer ses petites affaires et je partie l'attendre à la sortie avant de croiser à nouveau Tara qui manifestement a repris ses esprits, s'excusant. Enfin une décision noble et de plus elle reconnaissait ses torts. Mais j'avais bon coeur et accepta ses excuses avec le sourire.

- Oublions cette histoire.

Je n'avais après tout pas envie de devoir créer une liste noire. Tara repartie de son côté et moi j'allai continuer mon petit shopping avec Tom.