C'était une journée comme les autres, absolument banale. Julia avait passé une Saint-Valentin merdique, c'est vrai, elle avait même envoyé une carte pas si sympa que ça à Zach et s'était demandé si elle n'aurait pas mieux fait de la garder au final, mais la fête des amoureux – ou plutôt la fête ultra-méga commerciale pour les nunuches folles amoureuses d'un manipulateur – était passée et tout allait pouvoir redevenir normal. Si seulement Julia n'avait pas eu la bonne idée de naître le lendemain de la Saint-Valentin, cette journée aurait pu être normale. Elle était donc partie pour une journée de "Joyeux Anniversaire. Bon Anniversaire. 23 ans déjà, ahlala ça grandit vite" auquel elle répondait "mercimercimerciouiouic'estçaallez" avec en arrière pensée "t'es bien gentil mais casse-toi j'ai pas que ça à faire". Elle avait 23 ans, elle les avait aujourd'hui, certes, mais pas la peine d'en faire tout un plat. Ça aurait été hier elle n'était pas sûre qu'autant de monde y aurait pensé. Bref, c'était une journée absolument comme les autres avec en bonus un anniversaire et, cerise sur le gâteau, une chose que Julia idolâtrait : une fête en famille. Avec James, Leeda, Henry. Peut-être Katya mais Juju n'y comptait pas trop, faute à la distance. Quant à Jaylann, la fête tournerait sûrement au vinaigre si elle venait, déjà qu'il y avait des chances pour qu'elle parte en cacahuète.
Julia se creusait les méninges pour échapper à ça, mais elle n'avait pas beaucoup d'idées. Elle pouvait toujours prétexter sortir avec deux-trois potes, mais il n'y avait personne de libre – du moins pas dans ceux qu'elle voulait bien voir – et elle n'avait pas envie de passer sa soirée seule à trainer dans la rue en attendant une certaine heure avant de rentrer. On sonna à la porte et elle laissa Leeda répondre, pensant que ça devait être le traiteur ou un autre con du genre. Cependant Leeda l'appela, criant haut et fort que c'était pour elle. Ah ? Un sauveur d'anniversaire ? Julia ne se fit pas prier et descendit à tout allure l'escalier, mais au moment d'arriver devant la porte elle eut un doute. Et si c'était Zach ? Il n'oserait quand même pas ? Après tout, pourquoi pas, il était plein de surprises celui-là, elle en avait eu la preuve ! Néanmoins elle préférait toujours la fête familiale à la fête zachienne. Et puis merde, elle n'avait pas s'affaiblir comme ça. Leeda était retournée à ses fourneaux et, oh soulagement, ce n'était que Carl qui attendait sur le pas de la porte.

« Dis-moi que toi et ta horde de badass viennent me sauver d'un anniversaire en famille, steuplaaaiiit. »

Oui, Julia espérait vraiment que ce que Carl avait écrit sur son facebook était vrai.

Carl s'était levé de bonne heure en ce vendredi 15 février, et comme tous les jours de la semaine, il était allé en cours. Or, ce jour là n'était pas comme tous les jours, puisque c'était le lendemain de la Saint-Valentin, certes oui, mais surtout l'anniversaire de la jeune Fitgerald, qui avait 23 ans. Vu qu'il avait oublié son portable à la maison, comme d'habitude d'ailleurs, il ne se promenait jamais avec, il n'avait pas pu envoyer à Julia un joli sms. Il s'était donc connecté sur facebook avec l'ordi de la salle entre deux cours, lui écrivant un mot sur son mur : Hé la blondasse, t'sais quel jour on est ? Sisi, t'as, attends, quoi ? 23 ans ? 'tain fais gaffe, ta peau commence un peu à rider là. Ouais, aarh, j'le vois d'ici. T'as pas mis ta crème c'matin ? Ah ouais, nan mais t'as du la finir depuis le temps, mais t'inquiètes la mouette, j'm'en ferais un plaisir de t'en acheter une autre. Crème anti-âge, anti-rides, perfecteur de peau et fond de teint, parfait nan ? Trêve de plaisantries Fitzzie, j'te souhaite un BANANNIVERSAIRE, comme t'aime si bien l'appeler, & puis j'te vois ce soir hein ? Ah, tu savais pas ? Euh..oups. Bon bah, attends-toi à voir débarquer une horde de badass chez toi, & avec un peu de chance demain matin tu te souviendras de rien. Ah bah oui, on amène les provisions, tu crois quoi ? On va pas venir les mains vide t'sais. Quoi ? Moi j'amènes quoi ? Tss, j'amène l'herbe et les pommes, comme d'hab' ! Et quant au vin, la cave de tes parents elle est belle nan ? Et t'inquiètes pas, cette fois t'auras encore de l'herbe dans la bouche, mais ça aura un p'tit goût meilleur, et puis on pourra s'installer sur le toit à voir des étoiles filantes et des loutres volantes. Ah, si, ça te rappelles rien ? Poisson rouge, va. Bref, j'lâche ton mur, il est assez pollué par mes conneries (a) J't'aime la naine ♥ ♥

Comme toujours, Carl aimait bien faire chier Julia avec son âge, et ça n'avait pas loupé. Il était donc ensuite retourné en cours, attendant la fin de la journée pour aller sonner chez la Fitz et fuit avec elle loin de sa famille. Oui, il se doutait bien qu'elle préférerait le passer avec tout le monde sauf sa famille. Et Zach. Il n'avait pas prévu grand chose de particulier, mis à part passer une bonne soirée avec son ex et amie, une soirée à ne pas s'en rappeler le lendemain. Le Spencer sonna alors à la porte des Fitzgerald alors que la nuit commençait à tomber. Ce fut Leeda qui ouvrit la porte, et voyant que Carl voulait parler à Julia, elle cria son nom pour qu'elle descende. Julia apparut comme soulagée de l'apparition de Carl. « Dis-moi que toi et ta horde de badass viennent me sauver d'un anniversaire en famille, steuplaaaiiit. » Non, Carl était venu seul, mais oui, il venair la sauver (a). « Eeh non, ya qu'moi, Fizzie ! J'te resouhaiterais bien ton anniversaire, mais j'sens que j'vais me faire taper là. » fit-il en souriant. En effet, Julia paraissait en avoir eu sa claque des Joyeux Anniversaire de la journée. « Allez, j't'emmène dans un endroit faire les fous. T'as rien à amener, ya tout ce qu'il faut là-bas ! » Il avait préparé une mini-fête à maison inhabitée, là où personne ne viendrai les faire chier, que ce soit pour la musique ou les cris. « Bouge tes fesses ridées Fitgerald, on y va ! » s'écria-t-il en voyant qu'elle ne bougeait pas. Décidément, flemmarde un jour, flemmarde toujours..

Julia avait bien prévu de tuer Carl pour ce qu'il avait écrit sur son mur Facebook, seulement si elle passait à l'action maintenant elle n'aurait plus de sauveur de fête, ni personne avec qui passer la soirée en attendant que la folie des anniversaires se calme dans la maison Fitz, par conséquent elle se contenta de répondre par une pique. Le temps de la vraie vengeance sonnerait plus tard. Carl lui-même savait qu'il allait se faire taper s'il continuait, mais il n'hésita pas à en rajouter une couche.

« T'as vu les tiennes ducon ? »

Quel culot il avait celui-là, de la charrier, elle, son ainée qui plus est ! Cependant Julia ne se le fit pas redire deux fois et sauta dehors, avant de se rendre compte qu'elle n'avait pas de chaussures. Elle retourna à l'intérieur les chercher après avoir lancé un petit « merde mes chaussures... », prévint au passage sa mère qu'elle n'assisterait pas à leur magnifique chanson d'anniversaire aux trois quart chantée faux, et partit avant qu'on ne la retienne. Elle suivit Carl en sautillant le temps de mettre ses Converses, le rattrapa aussitôt que ce fut fait. Elle ne savait pas ce qu'il avait concocté – selon lui tout était déjà prêt – mais avait plus hâte que peur de ce qui l'attendait. Depuis leur discussion au parc – ou plutôt leur réconciliation et bataille d'herbe –, mise à part deux ou trois appels et quelques sms, ils n'avaient pas eu l'occasion de vraiment prendre le temps de parler. C'était davantage la faute au manque d'envie de Julia qu'à leur emploi du temps respectif, et ils n'allaient certainement pas passer leur soirée à épiloguer, mais cette fois la Fitz était motivée. Un effet secondaire du sauvetage d'anniversaire, peut-être.

« Tu sais où on va au moins ? Faudrait pas nous perdre, quand même. »

Ils dépassèrent la maison n°35, celle des Freeman et Johnson, d'où sortait par quelques fenêtres la lumière des lampes allumées. La vue de cette maison rappela à Julia l'épisode du Nouvel An, et la disparition de Naya, une très bonne amie de Spencer. Quand elle avait fait mine de s'y intéresser, Carl était resté très vague sur le sujet et l'un comme l'autre avait préféré parler d'autre chose. Ce soir, il semblait penser à tout sauf à ça, et Ju' ne savait si elle devait revenir sur ce point ou le laisser pour plus tard. Elle préféra la deuxième option, du moins pour un temps..

Bien sûr, la Fitgerald ne manqua pas de lui retourner la connerie sur ses fesses. Il la connaissait tellement par cœur qu'il aurait pu mettre sa main à couper qu'elle lui répondrait. Il fit un soupir en souriant, content de voir que la Julia avec qui il était sorti était toujours là. Leur discussion au parc avait bien aidé à leurs retrouvailles, et Carl s'en voyait ravi. Depuis, ils n'avaient rien fait de spécial, mais Carl n'allait pas attendre qu'ils soient bien de nouveau pour faire la fête, il y allait cash, sachant bien que Julia réagissait mal à l'attente et les retrouvailles émues. Bref. Il attendit sur le pas de la porte les bras croisés le temps que Madame aille chercher ses chaussures. Les réverbères de la rue s'allumèrent soudainement, démontrant que la nuit était en train de tomber. Carl leva la tête et vit qu'il n'y avait pas de nuages, ce qui leur permettraient de voir les étoiles, un peu plus tard.

Une fois les converses chaussées, Julia rattrapa Carl, tout en lui demandant si il savait où il allait. Carl la regard d'un air faussement dédaigneux. « Tss, dis tout de suite que t'as pas confiance dans mon sens d'orientation ! » Puis il reprit, après un petit silence. « Bien sûr que je sais, j'y ai fait trente allers-retours t'taleur. » En effet, Carl était d'abord allé vérifier l'état de la maison, voir si elle était toujours libre, pas trop sale, et surtout si l'accès au toit était toujours possible. Il avait quand même promit à Julia d'aller voir les loutres volantes. Puis il avait fait des aller-retours histoire d'amener ce qu'il fallait, à boire, à manger, à fumer, des couvertures et des films. Hé oui, petit Carlito avait pensé à tout. Même à un cadeau ! Mais ça, il le réservait pour la fin.

Les deux jeunes passèrent devant chez Emily. Et Naya, par la même occasion. Carl se retint d'en parler, et de toute façon il ne pouvait pas. Le nouvel an lui revenait toujours comme une boule dans la gorge, une inflammation qui ne partait pas, logée là pour toujours. Ou tout du moins jusqu'à quand il saurait si la Freeman allait bien. On ne pouvait pas le savoir en voyant Carl mais il était profondément affecté par la disparition de Naya. Et Jesse qui en rajoutit une couche en l'accusant. Il finissait pas y croire, s'en vouloir. Vouloir revenir en arrière, faire tout autrement, rester avec Naya sur la terrasse. Mais ce n'était pas possible. Il revoyait la serviette tachée de sang, le portable de Naya au sol. La boule se reforme dans sa gorge, si bien qu'il dut s'arrêter pour reprendre ses esprits. Il n'allait pas gâcher l'anniversaire de Jullia avec ses histoires.

Finalement, Carl s'arrêta devant l'endroit décidé, jetant un coup d'oeil avec un sourire à Julia. Il reprit la marche en direction de la porte, l'ouvrant sans rentrer, permettant à Julia de passer la première. « Si Mademoiselle veut bien me faire l'honneur.. » fit-il malicieusement. Julia parut hésiter devant l'air soudainement poli de Carl mais elle entra dans la pièce..pour se faire tout à coup recouvrir de confettis dans une petit explosion. Le Spencer était mort de rire, d'autant plus avec le bond de Julia. Il avait hésité avant de créer cette mise en scène, mais il trouvait ça tellement drôle qu'il n'avait pas pû s'en empêcher. Il entra à la suite de Julia, le sourire toujours aux lèvres. « T'inquiètes, yen a pas d'autres, haha. » dit-il en voyant que Julia hésitait à avancer, lançant un regard noir à Carl. Pour lui prouver, il prit de l'avance, se dirigeant vers le salon, qui n'était pas décoré -oui il ne fallait pas trop en demander- mais qui contenant une table aménagée en bar. « Bon alors ! » s'écria Carl en s'installant derrière le pseudo bar. « Nomme ton choix ! J'suis ton barman attitré pour la soirée, si c'est pas la classe.. » Il demandait bien sûr à Julia ce qu'elle voulait boire (ou fumer), sachant qu'il y avait une réservée bondée sous ses pieds. Carl avait piqué des bouteilles chez lui, à ses parents et à quelques amis, ce qui faisait qu'il avait un petit paquel d'alcool intéressant. Quand à la partie..fumette, il en avait trouvé un fond dans son tiroir, datant de je ne sais quelle occasion. Bref, il était paré pour la soirée.

« Bah on sait jamais, tu serais capable de te perdre dans l'armoire de ta salle de bain alors... »

Avec trois femmes à la maison, le placard devait être un grand capharnaüm et Julia était prête à parier que Carl était le genre de gars qui n'avait jamais compris et ne comprendrait certainement jamais l'utilité de 99% des produits que sa mère et ses soeurs pouvaient utiliser. Heureusement pour elle – et Henry qui devait comprendre le même nombre de choses que Carl par rapport aux femmes, c'est à dire quasiment rien – Julia était peut-être bordélique, elle n'avait pas trois cent produits de beauté et machins inutiles. Non, elle, elle en avait peut-être une petite vingtaine, dont la moitié était périmée, fini, à jeter depuis belle lurette.
Étonnement, le garçon conduisit la Fitz vers le n°9, autrement dit la Maison Inhabitée, que l'on disait aussi hantée. Julia n'avait pas eu beaucoup d'occasions d'y entrer, mise à part à la fête d'Halloween et une ou deux fois pour déconner avec quelques amis. Cette baraque ne lui faisait pas peur, loin de là, elle était juste légèrement inquiétante lorsqu'elle était vide, comme ce soir. Carl l'invita à entrer et, le connaissant, Julia fut aussitôt sur ses gardes. Il paraissait normal – ou du moins calme puisque la normalité pour Carl voulait dire faire des conneries à tout bout de champ – et elle finit par se convaincre d'entrer. Ses doutes étaient fondés : dans un claquement, des choses lui sautèrent au visage de partout. Surprise, la Fitz poussa un cri et bondit en arrière, réaction purement instinctive. Elle se dépêtra avec les choses qui, pour certaines, avaient attéri dans sa bouche. Des confettis. Carl était allé jusqu'à lui faire une surprise-confettis. Évidemment, le garçon était mort de rire.

« Ah c'est malin espèce d'abruti ! »

Julia feignit d'être furieuse, bien que la situation l'amusait. Elle n'avait pas non plus envie d'avouer qu'il lui avait fait peur sur le coup ; elle aurait dû s'en douter, un geste de galanterie de la part de Spencer cachait forcément quelque chose. Résultat elle se promit de se méfier de lui pour toujours, en particulier les jours dits exceptionnels, comme les anniversaires ou autres fêtes. Puisqu'elle ne bougeait pas, Carl prit les devants et lui montra le salon, promettant qu'il n'y avait pas d'autres farces cachées. Comme rien ni personne n'apparaissait en criant "Bouuuuh" ni même "Joyeux Anniversaiiiire", Julia se résolut à le suivre jusqu'à une table couverte d'une nappe, transformée en bar. Les murs avaient gardé les draps d'Halloween et quelques décorations trainaient encore ça et là, la plupart étant tombé au sol avec le temps. Julia ne savait même plus si Carl était venu à ce bal organisé par le quartier ; à vrai dire elle n'y était pas resté très longtemps, Zach avait commencé à se sentir mal et avait fini par vomir dans les buissons de l'allée, forçant Julia et Julian à s'allier pour le ramener chez lui. Encore heureux, la Fitz avait oublié le cauchemar qui avait animé son sommeil cette nuit-là, la vision de Zach, mort, et l'élan d'amour qui l'avait poussée à être à deux doigts de frapper le garçon pour le réveiller, tant elle avait eu peur que sa vision soit réalité. Cette époque n'était aujourd'hui plus qu'un lointain souvenir que Julia s'efforçait d'oublier.

« Sers-moi ce que tu veux, du moment que c'est pas d'la pisse d'âne ou je sais pas quoi. »

Carl roula des yeux et fit un sourire suite aux paroles de Julia concernant la salle de bains. Quoi qu'elle n'avait vraiment pas tort. Chez les Spencer il n'y avait qu'une salle de bains pour les trois enfants, et oui, c'était la galère. Alors oui, trois étagères. Mais aucune réservée à Carl, qui d'ailleurs n'en voulait pas, mais c'est qu'il s'y perdait, quand il cherchait un nouveau tube de dentifrice ou du shampoing. Tout y était mis n'importe comment, rangé entre les trois milles crèmes de beauté de ses sœurs -dont 1/3 périmés il était sûr-. Carl avait donc fait sa propre salle de bain chez lui, réservant un coin à ses gels, et autres ustensiles masculins. C'était limite si il utilisait une bassine le matin pour éviter de passer après ses sœurs dans la douche, qui sentait la fleur d'oranger chimique mêlée à l'humidité de la douche chaude. Enfin bref, la salle de bains, c'est vraiment un endroit de meuf.

Les deux jeunes remontaient la rue en direction de la maison inhabitée. Arrivés sur place, Carl surprit Julia en la faisant entrer et se faire recouvrir de confettis. La Fitzgerald fit un bond en arrière avec un cri digne d'un soirée d'Halloween. Lui était plié en deux, oui, ce genre de blagues l'amusaient encore. Julia fit un air énervé, mais Carl savait bien qu'au fond elle trouvait ça aussi drôle que lui. Elle le suivit dans le salon, aux allures un peu effrayantes mais tout de même assez aménagé pour y créer une petite ambiance. Carl se prit alors au jeu de faire le barman de Julia, prêt à faire son badass en lui faisant la boisson qu'elle désirait. Il avait passé trois heures sur 1001cocktails.com pour voir un peu ce qui se faisait et apprendre les doses. Et voilà que la Fitz ne voulait rien de spécial. Remarque, cela n'étonna pas le Spencer, Julia était aussi bipolaire que lui parfois. « Bon, bah on va commencer avec des shots de tequila hein ? T'en dis quoi ? C'parfait pour chauffer l'estomac. » Oui Carl comptait bien se biturer, profitant de l'anniversaire de Julia. De toute façon entre ces deux là il était assez difficile d'avoir des conversations de coeur à cœur sans d'alcool – ou autre chose- dans le sang. L'une sensible et l'autre arrogant, ça n'arrangeait pas les choses. Le Spencer ne savait vraiment pas comment allait se dérouler la soirée, et s'il le savait ce serait pas drôle de toute façon, mais il avait décidé de faire plaisir à Julia, pour une fois, et revenir aux bons vieux temps où ils déconnaient pour rien. Il sortit deux petits verres à shot, la tequila, le citron et le sel, et amena le tout sur la table basse. « Vaut mieux être assis pour ceux-là. » dit-il avec un sourire. Il s'installa en tailleur sur le sofa, prenant garde à ne pas se prendre de ressort dans les fesses, et disposa chaque chose à sa place. « Bon, j'imagine que j'ai pas besoin de te dire comment ça marche ? » Vu déjà l'âge de Julia, et son expérience de soirées déjantées, il espérait quand même qu'elle avait déjà essayé la tequila.

Il sentit alors un truc dans sa poche qui le gênait pour s'asseoir. Carl gigota, puis attrapa la chose , qui se révéla être une petite boîte en fer. Tiens, il l'avait oubliée celle-là. Il la déposa sur la table en regardant Julia. « Ah oui, j'ai amené ça aussi. J'avais un fond dans mon tiroir de je sais plus quand, j'me suis dit que ça pourrait servir. » Il parlait bien sûr de la beuh qui se trouvait dedans, ainsi que des feuilles à rouler et tout le nécessaire. Cela faisait un bail qu'il n'avait pas fumé, et ne sait plus si c'était Julia ou Zach qui lui avait filé. Enfin, aucune importance.

"Maintenant les chevaux chient dans les tartes.
Mais dis-moi, rien n'a pissé dans ta tequila ?"

S'asseyant à même le sol près des fauteuils troués qui lui inspiraient peu confiance, Julia regarda Carl sortir des verres et des bouteilles, ainsi que les accompagnements. Elle inspecta aussi les environs du regard, persuadée que d'autres gars se cachaient derrière les rideaux ou sous la table, prêts à bondir, tentant de lui faire peur. Elle ne se ferait pas avoir, pas cette fois-ci, et se tenait prête pour tout ce qui était susceptible d'apparaître. Mec défoncé, fille à poil, hippie, rockeur, psychopathe, schizophrène, inconnu déguisé en elfe, dragon... Mais rien n'arrivait. Soit ils attendaient qu'elle relâche sa garde, soit il n'y avait vraiment personne d'autre que Carl. Ça ne ressemblait pourtant pas à Spencer, qui chérissait les fêtes bondées de types tous plus fous les uns que les autres.

« Bon, dis à tes p'tits potes de sortir de leur cachette, j'tiens pas trop à ce qu'ils débarquent quand on serra tellement bourré qu'on verra des orcs à la place de leur tête. »

Une soirée à deux ? C'était... original. Ça éviterait de devoir répondre à tous ceux qui lui souhaiteraient un joyeux anniversaire, ce qui avait vite fait de lasser Julia. Déjà que Carl avait mis la dose ce soir pour lui faire savoir qu'aujourd'hui était un jour particulier... Ce dernier se contentait de la fixer d'une expression amusée, comme si la Fitz était devenue dingue. D'accord, il n'y avait vraiment personne. Ou alors Carl pensait qu'il pouvait lui faire croire qu'il n'y avait que lui. Impossible de savoir avec ce gars-là, la blonde finit par se concentrer sur la tequila et la drogue que le garçon avait amené.

« Cool, j'ai le droit de me défoncer librement ? »

Ça lui avait échappé. Elle exagérait un peu, mais c'était vrai qu'en ce moment les gens ne semblaient pas vouloir la laisser tranquille. Ginny la harcelait à moitié pour qu'elles se voient, prétextant que sortir lui ferait du bien. Elle s'inquiétait pour elle, pensait que ça n'allait pas. Comme si Julia Fitzgerald allait avouer qu'elle avait la tête dans les glaçons depuis l'article de Dirty-Secret. Par fierté elle ne l'avouait pas, mais Ginny avait raison, la blondinette avait connu des jours meilleurs. En plus de la Wainwright, il y avait James, qui s'était allié à son amie – ou une connerie du genre – pour avoir de ses nouvelles et Minnie, bien sûr. Et son patron, ses parents, toujours. Elle ne savait pas s'ils étaient au courant de sa rupture avec Zach – malheureusement, ils savaient pour leur idylle – mais ne se gênaient pas pour lui demander constamment où elle allait, avec qui et ce qu'elle faisait. Bref, la Fitz se sentait fliquée, surveillée, et avait l'impression d'avoir perdu le peu de liberté qu'elle avait acquise jusqu'à aujourd'hui. C'était comme si cet adultère lui avait coupé les ailes, celles qui l'amenaient vers toutes ces choses malsaines qu'elle adorait depuis longtemps. Même si personne ne l'empêchait de se bourrer – qu'on essaie de l'en priver ! – elle se sentait minable de boire toute seule. Ce soir elle mettrait de côté toute cette amertume et boirait avec Carl.

Un sourire s'étira sur les lèvres de Carl. Julia était encore traumatisée par les confettis et se demandait quand ses ''potes'' allaient sortir de leur cachette. De un, le Spencer n'avait caché personne, de deux s'ils les avaient cachés ils auraient de toute façon fait du bruit ou autre gloussements de dindons débiles, et de trois s'il avait dit à la Fitz qu'il n'y avait rien d'autre, c'était que c'était vrai. Bon, cette dernière partie pouvait être à revoir, au vu de Carl et ses idées géniales de confettis surprises, mais bref, Julia s'inquiétait pour rien. Cela amusa le Spencer de la voir s'alarmer mais d'un autre côté, il fut un peu blessé de voir que Julia ne lui faisait pas confiance. Certes ils venaient tout juste de se rabibocher et Carl avait peut-être l'habitude de faire des coups en douce, mais pour une fois qu'il s'autorisait à passer une soirée à deux avec elle, Julia mettait en doute sa confiance. Elle n'avait pas formulé un remerciement pour la soirée -qui n'était certes pas terminée et à peine commencée mais quand même- et se permettait même de faire des remarques au Spencer. C'était pour rigoler on était d'accord. Mais les pensées sombres du moment resurgissaient, prenant tout du côté négatif. Depuis quelques temps il n'était plus lui-même. Il se retrouvait à être méchant avec des amis, les rembarrer pour rien ou les engueuler alors qu'il aurait normalement explosé de rire pour la remarque en question. Comme là. Des copains cachés avec des têtes d'orcs ? Carl aurait rigolé en taquinant la blonde, lui lançant une autre remarque du genre. Mais là non, il fit un pauvre petit sourire qui parut peut-être amusé au yeux de Julia mais qui ne reflétait pas du tout ses pensées. Malgré tout c'était l'anniversaire de la Fitzgerald et il ne voulait pas tout gâcher avec ses pensées de gothique suicidaire.

Après avoir déposé la boîte en fer sur la table devant Julia, le Spencer s'attaqua à remplir les petits verres. Il coupa le citron en deux afin d'en donner une moitié à Julia. L'odeur le fit sourire. Il se rappela de la première fois où il avait tenté la tequila, il y avait bien quelques années, et il avait tout mal fait, rendant le truc dégueulasse à boire. Pendant des semaines il n'avait pas réessayé, trouvant ça choquant que les autres puisse boire un truc aussi immonde. Puis un jour, alors qu'il était bien parti déjà, un pote -il ne se rappelait plus qui, et il ne se rappelait même pas de la moitié de la soirée de toute façon-, lui fourra du sel sur la main, lui fit lécher sa main puis boire le verre et ensuite croquer dans le citron. Le Spencer était un peu déboussolé et s'était un peu laissé faire, trop vaseux pour savoir exactement ce qu'il faisait. Mais une fois la gorge chauffée par la tequila et le goût du sel remplacé par le citron, Carl avait en fin de compte trouvé ça..intéressant comme mélange. Le sel relevait le goût de la tequila, ou était-ce la tequila qui relevait le sel ? Carl fit alors plusieurs essais avant de -oui on ne le cache pas- tout régurgiter dans les toilettes. Quoi qu'il en soit, à partir de ce jour le Spencer voue une sorte de culte à la tequila et le fait essayer à tous les gens qu'il croise. Enfin..passons.

La Fitzgerald sortit donc une remarque à propos de la weed -bien sûr on s'y attendait- et Carl cette fois-ci fit un sourire franc. « Tu crois que je l'ai amené pour quoi ? » répondit-il alors. Carl ne savait pas vraiment ce qui se passait dans la vie de Julia en ce moment, et en fait il s'en foutait. Sauf que sa remarque n'était pas anodine, et le Spencer fronça les sourcils, essayant de percer sous la carapace invincible de la blondinette. Mais il ne posa pas de questions, laissant tous les aveux et questions à plus tard, quand ils auraient bien bu. Et puis s'il posait la question, il devrait aussi répondre à celles de Julia, et il se doutait qu'elles n'étaient pas banales. L'humeur de Carl autant que ses façons d'agir n'avaient peut-être pas changés aux yeux de ceux qu'il connaissait peu ou à peine, mais il ne cacherait rien à Julia, qu'il connaissait depuis trop longtemps. « Bon allez blondasse, on la commence cette soirée ? » demanda-t-il alors en tendant le verre de tequila rempli à la Fitz. Il lui posa le sel sur la main entre l'index et le pouce, fit de même avec la sienne ; il prit ensuite la boisson dans une main, le citron dans l'autre, et regarda son amie avec un air malicieux, attendant qu'elle donne le top départ. A son signal, il but d'une traite l'alcool qui lui chauffa la gorge et direct après croqua dans le citron afin d'en sucer le jus, qui était amer mais permettait à la tequila de mieux passer. « Haaaarh. » émit-il après que la boisson soit passée, en tout badass qui se respecte. Fait un petit 'oulahlah c'est fort' c'était pas digne de lui. Il fallait faire un gros bruit de satisfaction purement masculin. (a)

Après cet.. apéritif, les deux jeunes s'enchaînèrent les verres. Que ce soit tequila, vodka-pomme, whisky ou vodka-redbull, ils étaient bien garnis. Carl avait le sourire aux lèvres H24, ce qui signifiait qu'il était dans un état satisfaisant, pour le moment. Quand il arrivait à ce stade, le Spencer s'arrêtait toujours de boire afin de profiter du moment. S'il buvait trop il finissait par vomir, et ce n'était pas trop ce qu'il comptait faire ce soir. Quand à l'état de Julia, Carl ne savait pas vraiment si elle allait bien ou pas. Sachant qu'elle venait de dire bonsoir au canapé, il se doutait qu'elle était aussi bourré que lui. Ceci dit, il laissa la Fitzgerald et le canapé passer au stade supérieur pendant que lui, allait faire connaissance avec Mr. Tapis troué, qui était très confortable.

Carl ne fit aucune objection sur la remarque pleine de sous-entendus de Julia et c'était tant mieux, la blonde pour le moment n'avait pas tellement envie de s'étaler sur la raison qui l'avait poussée à dire ça. Et puis, s'il commençait elle contrattaquerait en lui posant à lui aussi des questions. Naya, c'était sa pote non ? Il ne lui avait rien dit concernant sa disparition, il n'était pas venu se confier à elle et tout le tralala. Tout comme elle n'était pas venue le voir quand elle s'était faite agressée dans les rues. Ça avait fini en froid entre deux jeunes, Carl s'était vexée qu'elle ne le tienne pas au courant. Aujourd'hui elle aurait très bien pu faire la même chose, lui dire eh oh toi t'as pas oublié de me dire quelque chose, vraiment ça me blesse. Mais l'heure n'était pas aux chamailleries, Julia avait bien assez de problèmes pour qu'elle n'ait pas très envie de se fritter aussi – et encore – avec Carl. Surtout que c'était le seul ces temps-ci à ne pas venir la voir pour discuter de Zach, il ne la sermonnait pas en lui disant qu'il faudrait peut-être penser à grandir, avoir du courage et faire face à Dekker une bonne fois pour toute, patati patata, il ne lui faisait pas le coup du si tu as besoin d'aide je suis là tu sais faut pas hésiter c'est normal, comme si elle était encore une petite fille qui ne pouvait pas se débrouiller seule. Bref, Carl était un des rares à lui laisser le temps de souffler, il ne posait pas de questions, semblait juste attendre qu'elle se lance d'elle-même, c'était toutes ces choses que Julia appréciait chez lui et qui l'empêcherait de lui faire des remarques sur son comportement suite à la disparition de Naya.

« Allez ! »

L'un comme l'autre n'avait pas l'air vraiment dans son assiette mais il était temps de commencer cette petite fête, et tant pis s'ils se voilaient la face, les grandes déclarations et les confidences pouvaient attendre encore un peu. Voyant que le petit jeune prenait les choses en main, la Fitz le laissa lui mettre le sel sur la main, lui servir son verre de tequila, découper le citron et lui en donner une moitié. Ils s'affrontèrent du regard une seconde, semblant se dire l'un à l'autre tu ne peux pas gagner, je suis plus fort(e) que toi. Et puis d'un coup, sans prévenir, Julia donna le signal de départ, ils léchèrent le sel, burent cul-sec la tequila, croquèrent dans le citron. Ils lâchèrent chacun un Wouuuwh et un Haaarh, exprimant ce qu'ils n'avaient pas besoin de dire à voix haute, avec ça ils commençaient bien la soirée.

« Pffff, j'm'en suis mis partout. »

fit remarquer Julia en époussetant son pantalon où trainaient des grains de sel. Chaque fois qu'elle se faisait un petit coup de tequila, elle se débrouillait toujours d'une manière ou d'une autre pour renverser du sel, ou éclabousser tout le monde avec des gouttes de jus de citron – qui avaient toujours la chance, ou la malchance, d'arriver pile dans les yeux. Carl avait toute une réserve d'alcools, en tout genres, il avait tout amené, ça ressemblait presque à un Supermarché Spécial Picolos, mais bon, pour Julia il pouvait lui faire un petit prix. Et ils continuèrent à boire, en échangeant quelques banalités de temps en temps, tiens ce mélange il est bizarre hein, t'as trouvé ça où toi, ça va il est pas trop défoncé le canapé. Le reste du temps ils étaient silencieux, on aurait pu penser qu'une certaine tension habitait l'air mais c'était plus comme un respect du mutisme de l'autre, ou peut-être bien un simple respect envers les bouteilles d'alcools qui vivaient les derniers instants de leur courte vie. Les liqueurs commençaient à faire leur effet et doucement, tout doucement, ils quittaient leur sobriété, leurs pieds abandonnaient la terre, ils allaient pouvoir dire à la prochaine à la lucidité et à toutes les pensées claires que ça impliquait, et bonjour à l'engourdissement et aux langues bien pendues. L'alcool avait ce don ou plutôt cette malédiction de faire parler, et diantre ça en aurait arrangé plus d'un si cette imprécation ne subsistait pas.

« Au fait, t'es pas sensé attendre genre encore un an ou deux avant de te bourrer comme tu le fais ? »

En fait elle s'en fichait pas mal, après tout il n'était pas le seul à ne pas respecter la loi concernant l'alcool, Julia elle-même avait commencé les fêtes et tout ce que ça comprenait largement avant la limite d'âge autorisé. C'était tellement simple de se procurer de l'alcool et de la drogue même en étant encore légalement mineur. La blonde se leva et alla s'affaler sur un canapé, pendant que Carl glissait par terre vers le tapis. Visiblement, lui aussi s'en foutait de transgresser la loi.

Carl et Julia étaient plutôt silencieux. Pour l'instant seulement, peut-être. Les deux jeunes s'observaient en souriant, riant même, échangeant même parfois quelques boutades. Mais rien de bien sérieux. Et concernant Carl, ça l'arrangeait bien.. Il s'enfonça dans le canapé, s'allongeant même tête en bas, juste histoire de voir l'effet que ça faisait. Il s'arrêta bien vite, ressentait l'alcool qui remontait. Oups. Carl se remit droit, tangua un peu et fil un sourire débile. La Fitz lui demanda alors s'il n'était pas sensé attendre un an ou deux avant de boire comme il le faisait. Un sourcil levé, le Spencer élucida la question de Julia. C'était quoi cette question ? Elle voulait jouer les moralisatrices ou quoi ? Il fit un petit sourire et répliqua. « Moi j'suis né avec de l'alcool dans le sang, Fitzie. C'est ma nature. » Puis il ajouta en faisant des gestes ridicules. « I WAS BORN THIS WAY, BABAY... ! » Il explosa de rire, tout content de sa référence musicale, qui n'était certes pas de grand niveau, mais on fait avec ce qu'on a, hein. Pour continuer dans son délire, il tenta de faire un petit trois cent soixante à la Michael Jackson, mais bien sûr, se prit les pieds dans le tapis troué et s'étala de tout son long par-terre dans un grand éclat de rire. Tout seul, et comme souvent, il continua de gigoter au sol tout en riant, ne pouvant pas s'arrêter. Souvent, même lorsqu'il n'était pas bourré ça lui prenait. Une petite envie de folie, sans doute. Et il en avait rien à battre de ce que Julia pouvait penser de lui, et de toute façon elle devait avoir l'habitude..

Reprenant finalement son souffle, un sourire encore figé sur ses lèvres, le Spencer se calma mais resta allongé par-terre. Sa tête tournait un peu et il sentait les effets s'intensifier. Carl commençait à ne plus avoir de sensations exactes sur son corps et avait l'impression de flotter sur le tapis, comme Aladdin. Il resta là un petit moment, concentré sur le plafond. Celui-ci était étrange, fait avec des poutres en bois qui commençaient à s'effriter. Le nœuds des planches étaient fascinants aussi, et tout comme les nuages il s'arrêta un instant afin de regarder et voir à quoi cela lui faisait penser. Mais rien de bien spécial lui venait en tête, si ce n'est des ressemblances avec des petits ballons, ou même des balles de golf, tiens. Le dos de son crâne roula de droite à gauche au sol et il put observer ce qui pendait du plafond du salon, chose qu'il n'avait pas aperçu auparavant. C'était une.. branche recroquevillée, sûrement là depuis des mois. En plissant les yeux du mieux que le pouvait son corps ralentit, il remarqua finalement que c'était une branche de gui. What the fuck. Que faisait une branche de gui en plein milieu du salon ? Ce truc n'était pas sensé être accroché devant la porte d'entrée ? Le Spencer fronça les sourcils, perdus dans ses réflexions qui devenaient intenses. Trop intenses. Cette soirée avait été certes pour la Fitzgerald mais aussi pour se changer les idées, oubliant toute cette... histoire avec Naya. Bref.

Pris d'une soudaine envie de fumer, il se chercha une clope et la posa entre ses lèvres. Puis tapant ses poches, il s'aperçut qu'il n'avait pas de briquet. Il s'adressa alors à la Fitz, toujours la cigarette au bec . « Choulia, t'me passe le briquet sur la table ch'te plaît ? » Et flemmard comme toujours, il leva ses bras en l'air pour réceptionner l'objet que Julia allait lui lancer. Bien sûr, il glissa entre ses doigts et atterrit sur son front. Aïe. Malgré tout il sourit en remerciant son amie, tout en allumant la clope. Il ne savait pas vraiment pourquoi, mais parfois il était pris de moments de... vide où il avait besoin de fumer. C'était comme là. Allongé par-terre les yeux rivés au plafond, il était comme en transe dans un moment parallèle où n'existaient que ses pensées. Ce qui était d'ailleurs assez perturbant, vu ses pensées du moment. Aussi, il se dit que c'était pas très cool pour Julia. Enfin, elle devait sûrement être dans le même état que lui, mais là, la soirée n'avait pas vraiment eu quelque chose de drôle, ni de mémorable. Et Carl voulait quand même marquer le coup. Jetant sa cigarette à moitié finie -oui il n'arrivait presque jamais à les finir- dans la cheminée, il se releva, prit d'une impulsion soudaine. « Hé, viens on monte sur le toit ! » Le Spencer s'était levé et sans attendre la réponse de Julia, il la prit par la main et l'entraîna par la porte de derrière en courant et rigolant comme un gamin. Ouais, Carl pouvait être assez bipolaire parfois. Quand il buvait ça lui donnait de l'adrénaline, l'envie de faire des choses folles et ridicules. Dans le cas présent, monter sur le toit de la maison qui risquerait de d'effondrer. Boah, pensa-t-il, ça fera un truc drôle à raconter. « Bon alooors, par où on monte .. » réfléchit-il à voix haute. Il tenta de trouver une gouttière, un trou dans le mur, un haricot géant, bref, n'importe quoi qui réussirait à supporter son poids pour monter. Déçu, il se retourna vers la Fitgerald pour..bah. Elle n'était plus là.

Étendue sur le ventre, Julia se retourna pour être allongée sur le dos et admirer les imbécilités de Carl. Elle pouffa de rire lorsqu'il se mit à chanter – très mal, bien sûr – et sifflota l'air de la chanson en question, mais avant qu'elle ait pu s'exprimer librement et surtout très fort, Carl s'était mis à danser et con qu'il était, s'était pris le pied dans le tapis et s'était retrouvé par terre, à rire comme un bourré. Ce qu'il devait sûrement être. Les deux jeunes étaient incontrôlables lorsqu'ils étaient pris d'un fou rire et Julia eut du mal à s'arrêter, bien après Carl. En tout cas, quand le silence revint, elle savait qu'elle préférait cent fois rire à en avoir mal au ventre et aux joues que rester à ne rien dire pendant que le Spencer fixait on ne savait quoi au plafond. La Fitzgerald pendant ce temps contemplait ses mains et essayait d'écouter les bruits de la maison. Elle n'entendait rien. Pfff, même à Halloween, quand le n°9 était plein à craquer des voisins venus faire la fête, la maison semblait déjà plus terrifiante que ce soir-là. Peut-être parce qu'elle s'était imaginée dans ces séries policières où un cadavre tombe du plafond – attention Carl... – au milieu d'un bal, ou d'une conférence. Mais à bien y réfléchir il y avait aussi des morts et des assassins qui attaquaient quand leurs victimes étaient peu nombreuses... Du genre, seule ou à deux. Julia frissonna, voilà il suffisait qu'elle se concentre un bon coup sur ces idées morbides pour qu'elles lui fassent peur. Carl la tira de ses pensées en lui demandant le briquet ; encore heureux parce qu'un peu plus et elle aurait été tentée de lui dire qu'elle trouvait la baraque bizarre, d'un coup. Enfin, elle en aurait eu envie mais ne l'aurait pas fait, sans quoi Carl se serait empressé de se foutre de sa gueule. Elle, avoir la frousse ? Pouaaah, mais n'importe quoi ! Elle tendit le bras vers la table, saisit le briquet, se prit une cigarette au passage et alluma la sienne avant d'envoyer le briquet au Spencer. Attention, avec ça il pouvait mettre le feu au tapis aussi... Elle arrêta de penser à ce genre de choses, ça en devenait presque de la paranoïa. Clope dans la bouche elle essaya de réfléchir à autre chose mais c'était dur quand on n'avait rien d'autre à penser que le fait que cette maison était sûrement hantée. Il s'écoula un temps sans que personne ne dise rien, merde peut-être qu'au final il aurait mieux valu que cette baraque soit remplie de hippies, d'inconnus déguisés, de gentils dragons, de rockeurs défoncés... parce qu'elle commençait à en avoir marre du silence. Bon, remarque, au moins Carl se différenciait des autres gens qui lui avaient souhaité un joyeux anniversaire, lui ne le lui répétait pas toutes les cinq secondes en lui gueulant dans les oreilles et en sautant partout. C'était exagérer la situation mais aux yeux de Julia c'était ce qui s'était passé pendant toute la journée. Quelle bande de cons dans ce quartier, il en faisait tout un plat pour un anniversaire.
Carl eut enfin une idée pour les sortir de cette flemmardise, mais Julia ne comprit qu'un mot sur deux de ce qu'il dit. Viens, monte, toit. Il voulait qu'elle monte sur le toit ? Toute seule ? Cette pensée raviva l'histoire des séries policières et des tueurs dans l'esprit de la blonde mais elle décida de ne pas se laisser démonter. Ah ouais, Carl la mettait au défis, ah ouais ? Ouais ? Bah ok ! Aussitôt il la prit par la main et la tira pour la redresser, ce qui la fit plus tomber par terre comme une m– qu'autre chose. Elle réussit à se relever et suivre le garçon dans les escaliers qui avait compris qu'elle ne savait plus marcher à partir du moment où on la tenait et qui avait donc lâcher sa main. Il y avait bien deux étages dans cette maison mais comme un idiot Spencer s'était arrêté au premier et cherchait quelque chose pour grimper sur le toit. Et après ça se disait badass, hein ? Plutôt connasse. (a) Pendant qu'il méditait, les yeux levés au plafond, Julia fut prise d'une envie folle. Bon elle avait toujours des idées folles, mais cette fois c'était plus une idée gamine. Bon d'accord, elle avait toujours des idées folles et gamines. Peu importe, elle avait envie de se cacher. Oui, comme quand elle était petite et qu'elle s'amusait à faire courir partout ses parents et ses grands-parents parce qu'elle avait décidé qu'elle ne voulait pas aller manger, ou se doucher, ou sortir se balader. Manque de bol pour Carl, elle était très forte à ce jeu. Sans faire un bruit – ou alors parce que Carl était sourd quand il était saoul, ce qui était fort probable – elle se glissa de l'autre côté du couloir et entra dans une pièce au hasard. Il n'y avait qu'un lit, tout cassé et rongé au mites, et l'idée même de se faufiler dessous la dégoutait. Elle passait par une seconde porte, se retrouva dans une seconde pièce, mais il n'y avait rien pour se cacher. Cette deuxième chambre avait elle aussi une porte qui donnait sur le couloir, et Julia y jeta un œil pour voir où en était Carl ; celui-ci venait tout juste de se retourner et de constater qu'elle n'était plus là. Il fallait qu'elle se dépêche pour trouver sa cachette ! Elle attendit qu'il ait le dos tourné pour retourner dans le couloir – autrement dit être totalement à découvert – mais elle n'alla pas bien loin avant d'entrer dans une autre pièce. Le temps lui manquait avant que Spencer n'arrive dans ce coin. Coup de chance il y avait une armoire dans cette salle-là, mais elle se dit que ce serait trop évident. Elle continua donc son exploration – dieu qu'elle était grande cette maison ! – et finit par trouver une petite penderie, avec pleins de portes et de tiroirs dont certains étaient même assez grands pour contenir un enfant. Peut-être que toutes ces possibilités de cachettes mettraient Carl dans le doute. Elle en choisit une au hasard, tira la porte qui s'effrita entre ses doigts en faisant un horrible et énorme bruit de bois cassé. Elle imaginait bien les petites bestioles qui devaient infester toute la baraque et avec lesquels elle devrait cohabiter le temps que Carl la trouve. Dégueulasse. Mais Julia tenait trop à ce jeu et à sa future victoire – Carl allait mettre du temps avant de la trouver, si si – pour faire la chochotte. Ce serait bête de se rendre avant d'avoir fait poireauter Spencer. Elle referma la porte le plus silencieusement possible, quasiment sûre qu'il l'avait entendu mais avec l'espoir que ce ne soit pas le cas puisqu'il était devenu sourd ou qu'il ne sache pas par où commencer ses recherches. Et elle patienta, immobile dans le noir, en évitant de penser aux mites et aux criminels.

Carl lâcha la main de Julia, qui s'était étalée par-terre. Il en rigola avant de lui tendre la main pour l'aider à se relever et du coup la relâcher pour qu'elle le suive en courant. Le Spencer avait l'impression de revenir à son enfance, où il jouait à cache-cache dans la morgue. Il gagnait toujours, sachant tous les recoins par cœur. Ce qui n'était pas le cas de cette maison, aussi chercha-t-il à monter sur le toit sans bien vraiment réfléchir à comment faire. Les mains sur les hanches, il s'était arrêté au milieu de la première pièce qu'il avait trouvé au premier étage, sans penser un instant qu'il y avait peut-être un deuxième étage ou qu'il ne risquait pas de monter sur le toit en traversant le plafond. En même temps, Carl s'était arrêté pour regarder cette étrange peinture en face de lui. Une grande spirale qui lui donnait l'impression de s'enfoncer dans l'infini. Il resta figé là pendant un bon moment, et quand enfin il résista à l'appel de la spirale infernale, Carl découvrit que Julia n'était plus là. Il cligna des yeux deux fois de suite, choqué. Ah, elle l'avait abandonné la vilaine ! Mais plusieurs scénarios défilaient dans la tête de Carl. Au mieux, elle avait trouvé un moyen de monter sur le toit. Au pire, elle s'était fait kidnapper. Entre les deux se chevauchaient des idées bizarres, comme quoi elle aurait fuit, des pandas l'auraient mangés, un mur lui serait tombé sur la tête.. mais bref, Carl était un peu paniqué. Tout à coup la disparition de Naya lui revint en mémoire, accompagnée des paroles de Jesse. Et si la même chose était arrivé à Julia ? Et si encore une fois il devrait supporter ce poids de se sentir coupable ? Il ne pourrait pas. Pas ces deux-là en même temps. Naya et Julia étaient deux de ses connaissances féminines en dehors de la famille qu'il aimait le plus. Perdre les deux en l'espace de trois mois, c'en serait insupportable, surtout s'il en était coupable. Ses pensées s'affolaient comme des abeilles dans une ruche, et Carl ne savait plus où se donner la tête. Mais où était Julia ? Il la tuerait pour lui avoir fait cette mauvaise blague, si c'en était une. Reprenant ses esprits, il partit à sa recherche dans les pièces de la maison.

Sans oublier le fait que Carl était bien ivre. Quand il courait on aurait dit un ours des montagnes à la chasse au poisson, et ses expressions celles d'un singe fou. Les deux combinées ensembles ne donnaient pas quelque chose très joli-joli.. Mais il combattait cette partie de lui-même (a) afin de remettre ses idées droites et chercher avec attention la Fitz. Il redescendit au rez-de-chaussée, inspecta le salon, la cuisine, le couloir, et même sous les chaises et tapis. Des fois que des trappes s'y cachaient, hein. Il y avait aussi la possibilité que Julia possède une cape d'invisibilité, et dans ce cas, Carl ne risquait pas de la trouver. « Julia ! » cria-t-il alors, histoire de combler un peu le vide dans la vieille maison craquante. Si elle était coincée quelque part, elle pourrait l'entendre et savoir qu'il la cherchait. Mais seul les grincements du plancher lui répondirent. Faisant la moue, il respira un bon coup et monta à l'étage, refaisant le même scénario. Les chambres, la salle de bain, le couloir. Tout au peigne fin. Mais bordel, où était-elle ? Carl commençait vraiment à flipper, l'alcool n'aidant pas à se calmer de ses émotions. Sa tête tournait un peu, même beaucoup, aussi s'appuya-t-il un moment contre le mur à côté de lui pour souffler un peu. Carl ferma les yeux, puis respira fortement le temps que sa tête retrouve une certaine normalité. Ses pensées étaient toujours aussi étranges cependant, et il en fut fournie la preuve quand il rouvrit les yeux, laissant échapper un petit cri un surprise. Il faisait face à une pieuvre. Un énorme poulpe gris qui lui sautait au visage, lançant devant lui ses tentacules monstrueuses. Il se recula, et se protégea le visage avec ses bras, attendant l'attaque.. qui ne vint pas. Tout doucement il rouvrit un œil, puis l'autre, et tandis que sa vue se rétablissait, il découvrit qu'en fait il faisait face à un petit porte-chose cloué au mur, ressemblant en effet à une pieuvre. (comme ça xD) Son imagination était bel et bien débordante..

Carl entendit alors des grincements étranges derrière lui. Il fronça les sourcils, pensant d'abord que c'était les bruits habituels de la maison qui grinçait au gré du vent. Mais cela ressemblait plus à un porte mal huilée.. Même s'il était embrumé, Carl savait -étrangement- la différence entre le grincement d'une maison et celle d'une porte, sisi. Le Spencer se retourna donc, et entra dans une pièce si sombre qu'elle foutait les pétoches à Carl. Il ne voyait presque rien, et ce n'était que grâce à la faible lumière de la lune qui arrivait à mettre un pied devant l'autre. Cela faisait quand même presque une demi-heure qu'il cherchait Julia et s'il ne la trouvait pas ici, Carl commencerait à flipper sérieux. Plissant les yeux il finit par découvrir une sorte d'armoire, plus ou moins grande, avec des tiroirs. Son cœur battait un peu vite, et sa respiration résonnait dans la pièce presque vide, donnant une atmosphère de film d'horreur. Il avait l'impression que quelqu'un l'épiait avec un appareil de vision nocturne, prêt à lui sauter dessus. Approchant sa main de la poignée, ce fut comme dans les films d'horreur, où il savait que quelque chose allait apparaître mais il sursautait quand même. Cela ne loupa pas. Il ouvrit l'armoire, et vit tout à coup quelque chose bouger, aussi hurla-t-il de terreur, le cœur ayant fait un bond. Un autre cri suivit le sien, et Carl s'arrêta alors de crier en dévisageant Julia en face lui, explosant de rire, libérant en passant toute la peur qu'il avait retenue. « Bah alors, crie comme ça, j'ressemble pas au faon de Narnia quand même ! » dit-il en rigolant. Et tout en parlant, il eut une idée. « Haan, mais regarde, on a même l'armoire ! » Il fit un grand sourire et poussa Julia pour rentrer à son tour dans l'armoire fermant la porte derrière lui. « Dis, tu crois qu'on peut encore rentrer dans Narnia ? » Carl faisait bien évidemment allusion au fait que seuls des enfants pouvaient accéder à ce monde. Le Spencer gigota un peu pour se caler contre le bord du placard. C'est pas que c'était étroit là-dedans, mais un peu quand même..

Julia était fière d'elle, fière d'avoir trouvé une idée aussi lumineuse qui les occuperait pendant un moment. Une partie de cache-cache, à leur âge, qui y pense sérieusement ? Julia Fitzgerald ! La miss était donc partie se cacher, passant par toutes sortes de pièces tant la maison était grande, avant de trouver une armoire qui faisait bien quatre fois sa taille et de rentrer dedans. Elle riait à l'avance de la tête que ferait Carl en se rendant compte qu'elle avait disparu, puis celle qu'il ferait pendant qu'il la chercherait, et enfin l'expression qu'il aurait en ne la trouvant pas. Elle était persuadée qu'elle lui faisait un bon coup, bourré qu'il était il allait avoir l'aventure de sa soirée. Mais alors qu'elle patientait, une minute, deux minutes, cinq minutes, dix minutes, et qu'elle se calmait peu à peu, elle entendait de plus en plus les inquiétants bruits que faisaient la maison, et elle se mit à voir des doutes. Et s'il ne la trouvait pas ? Après tout il en serait bien capable, saoul et nul au cache-cache qu'il était. Mais cette maison ne pouvait pas non plus être tellement grande que la Fitz resterait là des jours sans que personne ne la trouve, non quand même pas, enfin c'était ridicule, déjà d'avoir une baraque aussi gigantesque et pourtant bel et bien à l'abandon, ensuite que personne ne se rende compte qu'elle avait disparu. Même Carl le dirait à quelqu'un s'il ne la retrouvait pas. Pfff, être planquée dans une armoire sombre, ça ne lui réussissait pas. Décidée à ne pas se laisser démonter par Carl-le-débutant et ses hypothèses plutôt flippantes, Julia croisa les bras et voulut s'adosser au mur. Trop éloigné de celui-ci, elle faillit tomber en arrière et dût se raccrocher à la porte, qui fit un bon bruit de bois rabbatu. Décidément, la discrétion ce n'était pas le fort de Julia. C'est à ce moment là qu'elle se rendit compte à quel point cette armoire était profonde, à l'en faire frissonner. Non pas qu'il y avait tout un tunnel dans ce placard, mais assez de place cependant pour contenir une deuxième personne... Psychopathe, assassin, agresseur, elle imaginait déjà le gars tapi derrière elle, qui attendait le bon moment pour lui sauter dessus. Et avec ce noir complet elle ne risquait pas de pouvoir faire grand chose ; elle leva la main et toucha le bois rongé de la porte, mais dans la précipitation elle ne trouva pas la poignée. Bordel, toutes ses pensées lui rappelaient des choses qu'elle aurait préféré oublier et qui la faisaient encore plus flipper ce soir. Elle s'acharnait sur la porte mais celle-ci ne cédait toujours pas, comme si elle prenait un malin plaisir à résister alors qu'elle aurait dû se casser depuis longtemps. Entendant un bruit, la Fitz arrêta son vacarme, craignant que ce ne soit le meurtrier qui ait décidé de passer à l'attaque. Merde elle savait à peine se battre elle, ce n'était pas équitable ! La porte s'ouvrit alors sur une gigantesque forme ressemblant à un corps qui, bras levés, donnait l'illusion d'avoir un poignard à la main. Julia cria, de surprise puis pour appeler à l'aide, au cas où cette maison était assez déglingée pour en laisser sortir les bruits. Dans un coin de la pièce, la fenêtre laissait entrevoir un bout de la lune, mais ce n'était pas assez pour qu'elle puisse distinguer le visage de l'agresseur. Et contre toute attente, celui-ci aussi avait hurlé. Coincidence, mise en scène ? Julia n'y croyait pas une seconde, Norman Bates ne s'était pas mis à gueuler quand il avait tué Crane dans sa douche, bien sûr que non, c'était ridicule. Et puis finalement le rire de Carl retentit, et pendant deux ou trois secondes la blonde fut persuadée que Spencer venait de rentrer dans la pièce et qu'il n'avait pas encore remarqué le tueur qui s'apprêtait à s'attaquer à elle. Quel abruti, il ne pouvait pas s'armer d'une batte de baseball, ou d'un couteau, ou de n'importe quoi pour la protéger ? Il devait encore faire l'idiot, alors qu'elle allait... Et puis non, en fait l'agresseur était Carl. Poussant un soupir de soulagement comme c'est pas permis, Julia s'adossa au battant de la porte. Il n'empêche que Spencer restait un abruti, pour lui avoir fait peur comme ça.

« Le quoi, de Narnia ? »

La comparaison du garçon était ratée ; Julia avait déjà vu Narnia, oui, elle connaissait le lion, les enfants, la sorcière blanche – qui lui faisait incroyablement penser à sa mère, le visage sans jamais aucune expression – mais le faon, elle ne voyait pas de quoi Carl voulait parler. Celui-ci n'y prêta pas attention et la bouscula pour rentrer à l'intérieur. Non mais, il était con ou ça se passait comment ? Il mettait des heures à la trouver, il lui faisait la peur de sa vie soirée, et normal il passait à autre chose, à son pépère, comme si de rien n'était. Sans compter qu'il était mal placé pour se moquer d'elle et de son cri, ayant lui-même hurler après l'avoir découverte.

« Mais pousse pas gros débile. Et ne ferme pas la porte ! »

Elle avait paniqué pendant de longues minutes, et lui pensait pouvoir l'enfermer là-dedans, dans l'armoire de ses terreurs, sans qu'elle ne dise rien ? Si Carl s'était remis de leur petite frayeur, tant mieux pour lui, mais ce n'était pas le cas de tout le monde et Julia se fichait bien de pouvoir rentrer à Narnia ou non, elle ce qu'elle voulait c'était sortir de là, de la maison entière même. Elle bloqua donc la porte avec son pied et ses mains, força à son tour le passage dans le sens contraire de Carl qui avait voulu s'engouffrer à l'intérieur, et quitta enfin ce placard.

« Rien à faire de Narnia, t'y vas tout seul, moi je reste pas là ! »

Elle était décidée à lui faire la tête, mais pas trop non plus sinon elle risquerait de se retrouver seule encore une fois et honnêtement, même avec Carl à côté elle n'était toujours pas tranquille et continuait de penser à ce qu'ils avaient risqué, au possible assassin qui ne se cachait peut-être pas dans cette armoire mais peut-être autre part dans la maison. À la limite elle préférait monter sur le toit, même s'ils seraient coincés si le tueur décidait de les attaquer là-haut. Au moins ils auraient la lumière des lampadaires dans la rue, de la lune. Et des étoiles.

Le quoi de Narnia ? Elle était sérieuse ? N'avait-elle jamais lu ou vu les Narnia ? Lu, bon, lui non plus ne l'avait pas fait -et il se doutait que la Fitz n'était pas une grande lectrice-, mais les films ? Carl avait quoi, paut-être treize ans quand le premier sorti, enfin il ne savait plus, mais il se rappelait des paysages, de l'armoire, du loin et surtout de Mr. Tumnus, le faon. C'était un personnage tellement stylé ! Et tellement drôle avec ses deux petites pattes de biquette. Bref, Carl état choqué que Julia ne le connaisse pas. « Bah, tu connais pas Mr. Tumnus le faon ? Le centaure avec le derrière coupé, si tu préfères ? Non ? » Il écarquilla les yeux. Bon, tant pis. Il entra alors dans l'armoire avec Julia, armoire qui était assez étrange, étroite et profonde à la fois -sisi- si fait qu'on avait toujours l'impression que quelqu'un nous épiait. Carl ferma quand même la porte, histoire de faire chier Julia, qui apparemment, avait peur du noir (a).

« Rho mais t'es une rageuse ce soir toi làà. Faut faire quoi pour te décoincer ? » s'exclama Carl en faisait la moue. Depuis le début Julia n'avait pas vraiment eu l'air de s'amuser et ça soûlait Carl, qui avait fait un effort pour organiser une truc bien, et lui s'y amusait. Il fallait faire quoi pour que Julia fasse un sourire ? N'y avait-il que l'enfermer dans une salle avec Zach pour lui faire plaisir ? Et encore, vu les histoires du moment, ce ne serait pas une bonne idée. Bref, le cerveau de Julia était aussi impénétrable que du béton armé, ou que Narnia pour des adultes. Quelle belle référence, sisi.

« Ok, j'y vais alors. Reste dans ton monde d'adultes à te faire chier. » Et il s'enfonça dans les profondeurs de l'armoire -ou était-ce les profondeurs de son imagination ?- afin de chercher cette fameuse porte qui s'ouvrait sur un monde enneigé. Et ce qu'il vit le stupéfia.
Un souffle chaud ébourriffa soudainement ses cheveux. De l'eau fraiche coulaient entre ses pieds qui reposaient sur des petits galets. Autour de lui, un monde assez étrange, peuplé de toutes les créatures imaginaires possibles et inimaginables. Commençant par une licorne qui broutait de la barba-à-papa, puis un dragon qui crachait du feu sur des chocapic, en passant par un leprechaun qui se faisait un tricot. Des fleurs remplies de lucioles illuminaient le monde, donnait cet aspect irréel et fantasmagorique. Un sourire s'étirait sur le visage de Carl, qui réalisait un peu un rêve d'enfant (a). Et quand il leva la tête, oh ! Des loutres volantes ! Le Spencer se retourna aussitôt pour prévenir la Fitzgerald, mais.. il ne trouva derrière lui que l'étendue d'un champ de bouteilles d'alcools vides. Tiens. Mais alors où était Julia ? Encore une fois elle l'avait laissé seul. Mais cette fois-ci, c'était à elle de rejoindre le brun, et elle ne pourrait le faire que si elle le voulait vraiment. If you really believe in it, it will come true..

Julia laissa Carl partir tout seul à Narnia. Quel débile profond. Quel gamin. Il ne savait tellement pas jouer à cache-cache que la partie avait fini en un espèce de peur-game. Et maintenant il voulait s'enfermer dans l'armoire ; qu'il ne compte pas sur elle pour y entrer en tout cas ! La Fitz alla s'asseoir à même le sol sous la fenêtre, méditant sur Tumnus. Elle voyait bien qui c'était, le gars à la barbe qui a des ennuis au début du film, mais elle ne voyait pas bien la ressemblance entre un faon et une espèce de biquette-homme-à moitié à poil. Elle joua avec le reste de la cigarette qu'elle avait dû éteindre pour entrer dans l'armoire, vexée que Carl lui fasse remarquer à quel point elle manquait de folitude ce soir. Elle avait eu peur, il lui fallait du temps pour s'en remettre, voilà l'excuse. Carl referma le placard, elle l'entendit farfouiller dedans pendant quelques secondes avant qu'il ne s'arrête et, silence. Qu'est-ce qu'il avait trouvé encore, le véritable assassin peut-être ? Julia patienta, attendant de le voir ressortir couvert de sang mais il ne se passa rien et après avoir attendu une demi-heure que Spencer la trouve dans ce placard qui lui fichait la frousse, elle manquait de patience.

« Bon Carl, t'as fini là ? On peut monter sur le toit ou tu veux voir Tumnus avant ? »

Anyway, il verrait que Tumnus n'était pas un faon. Elle l'entendit bouger derrière le bois de l'armoire, mais il ne prit même pas la peine de lui répondre. Ainsi donc, quand Carl était bourré, il faisait le petit gamin, remarquait deux trois trucs avant de s'emprisonner lui-même dans une penderie, des draps, des rideaux, n'importe quoi et ignorer tout le reste. Étrange.

« Ehoh. Monsieur le Narnien, allô ici les USA. U-S-A. Le pays Américain, avec la CIA, la NASA, le NCIS, les Experts Miami, Manhattan, Los Angeles, Las Vegas, p't'être même Magnolia Crescent je sais pas, mais franchement y'a quoi d'intéressant à Narnia, hé ? Y'a une biquette-homme qui se balade sans tee-shirt et un lion qui sait parler, ok, mais ils ont même pas de...de pop-corn ! »

Bon ils avaient quand même des espèces de grosses friandises avec un nom bizarre qui avaient l'air particulièrement délicieuses, mais de souvenir c'était un cadeau de la méchante reine donc c'était forcément un piège. D'ailleurs Julia avait vite oublié qu'elle était censée être contrariée de la réflexion de Carl – sinon elle l'aurait laissé se faire attraper par la reine blanche sisi –, elle avait juste envie qu'il arrête son petit manège et qu'ils montent sur le toit, comme convenu. Voyant qu'il ne revenait pas, elle se releva et ouvrit grand la porte de l'armoire. Elle distingua vaguement le dos de Spencer, au fond, tête levée comme s'il admirait le plafond.

« Amène tes fesses, la jambe cassée sur le toit nous attend. »

Elle attendit encore que Carl fasse quelque chose, parce qu'il ne semblait pas l'avoir entendu, ou du moins faisait comme s'il était subitement devenu sourd. Elle soupira, fit deux pas à l'intérieur et tendit le bras pour retourner Carl. Ce qu'il pouvait être agaçant parfois quand il était saoul.

C'était comme un espace irréel, un saut dans son imagination. Carl donnait l'impression d'être très mature, arrogant, jouissant de ce.. don ? qu'il avait de faire médecine et sortir en même temps. Oui, Carl était vu comme un dragueur de première, un chaud lapin. Mais on disait aussi de lui qu'il était mystérieux. Pourquoi ? Bonne question. C'était justement ça qui le rendait mystérieux. Lui au fond n'en avait cure de ce faire voir ainsi, et n'en savait même pas la raison. Mais bon, si ça faisait parler les demoiselles.. (a) Bref, tout ça pour dire qu'il se trouvait donc en plein milieu de son imagination, son âme d'enfant. Le Spencer avait toujours pensé au fond qu'avoir une âme d'enfant était essentiel dans la vie. Si l'on grandissait trop vite, on regrettait rapidement notre enfance et l'on grandissait mal. Sans déconner. C'était prouvé, m'enfin la théorie de Duchmol quoi là, bref, il n'avait pas trop envie de réfléchir études. Son monde Narnien, ou plutôt Carlien, lui demandait déjà toute son attention. Devant un paysage des plus étonnants, il s'était retourné et avait aperçu un champ de bouteilles vides à la place de Julia. Hésitant un moment entre aller la chercher ou pas, le brun haussa les épaules, restant sur sa décision de la laisser à part. Si elle avait perdu son âme d'enfant, tant pis pour elle.

Quand il se retourna de nouveau, le décor avait changé. C'était à présent des centaines de poupées cassées qui le regardait avec des grands yeux effrayés. Le ciel s'était assombri, les licornes transformées en araignées et les leprechauns en trolls. Avec précaution, Carl s'avança vers les poupées et une mélodie grave et triste résonna partout autour de lui, accompagnée d'une voix -qui n'avait pas vraiment le talent d'un virtuose- à glacer les sangs. Le Spencer ne sut d'où elle venait, car même si les poupées ouvraient la bouche, il voyait évidemment bien que c'était une sorte de playback. Son monde Carlien virait au cauchemar, et il ne savait que faire pour en sortir. Ni pourquoi il avait soudainement viré au noir. Le décor changeait de minute en minute, se resserrant autour de lui comme pour le rendre fou. Un écho de voix féminine se fit entendre, comme si le Spencer se trouvait miniaturisé dans une boîte et qu'on lui parlait de l'extérieur. L'étau se resserrait, se resserrait, sans pour autant que Carl soit physiquement serré. Tout était psychologique, et avait un sens. Et ce sens-là, il le comprit peu après. Naya. Et ça revenait à vitesse grand V, bordel. Et lui qui croyait qu'il aurait réussi à mettre de côté ces émotions sombres. Raté. La preuve, même son inconscient lui faisait savoir. C'était sûrement le coup de flip' que lui avait causé Julia qui avait remonté ces horribles souvenirs. La peur de ne pas la trouver, la peur qu'il ne la retrouve plus. Julia lui avait fait un coup de pute, fallait l'avouer. Mais qu'est-ce qu'elle en savait de ses sentiments pour la Freeman ? A ce qu'il en savait, ils n'en avaient jamais parlé, donc c'était normal qu'elle n'ai pas su que ce n'était pas une chose à lui faire si peu de temps après le nouvel an. Enfin, on excusait les gens comme on pouvait.

Tout en se démêlant de ces lianes imaginaires, Carl réussit à s'en défaire par je ne sais quel moyen. Peut-être juste en ayant pensé à Naya et les bons souvenirs qu'ils avaient eu ? Bha, le cerveau était une chose complexe, et ce n'était certainement pas ce qui ferait la spécialité de Carlos. Les tentacules du monstre noir disparurent, et le brun se retrouva libre à nouveau, tout de même sur la défensive. Le silence régnait, mais il y en avait trop. Quelque chose clochait. Il resta un moment en suspend pour tendre l'oreille, tout en regardant autour de lui si des trolls en chaleur auraient la bonne idée de le faire cuire au souper. Mais non, rien que le vide et le silence, sur un champ de bataille. Et soudainement, alors que Carl soupirait de soulagement, une chose se posa sur son épaule et il fit un bond de deux mètres. BIM. Retour à la réalité. Tout était devenu noir. Il se massa l'arrière de crâne et mis un moment pour savoir où il était. Ah oui. Maison hantée, anniversaire, cache-cacher, armoire, Narnia. Rêve. Ses yeux s'habituèrent peu à peu à l'obscurité et il découvrit une tête blonde le regarder avec un certaine desespoir et agacement. Le Spencer se remit de ses émotions, tenta de réaliser ce qui s'était passé, et se demanda combin de temps il était resté à Carlia. Assez pour passer du rêve au cauchemar en tout cas. Il resta un moment à fixer Julia, se rappelant de la peut qu'elle lui avait faite, chose qu'il avait occulté tout en parlant de sa fascination pour Narnia. Puis il revint définitivement -enfin, on sait jamais- à la réalité. « Quoi ? » demanda-t-il alors, afin de savoir qu'est-ce qui provoquait cette expression sur le visage de la Fitz. Jamais contente celle-là.

Carl avait décidé de la laisser et de partir pour Narnia grâce à cette armoire délabrée qui n'inspirait aucune confiance à Julia. Il l'abandonnait pour un monde imaginaire, d'accord, très bien. Elle lui avait clairement dit de ne pas l'attendre, qu'elle ne l'accompagnerait jamais dans son délire. Et Carl n'avait pas protesté, non même pas, il était simplement rentré dans le placard, l'avait refermé et avait laissé Julia seule. Bien. Celle-ci s'était assise non loin, prête à partir et rentrer chez elle s'il continuait son petit manège encore longtemps, mais avant cela elle s'était dit qu'il arrêterait peut-être son petit jeu avant qu'elle ne soit forcée de le laisser dans la maison hantée. Elle avait donc attendu, mais la patience courte elle s'était mise à l'appeler. Monsieur avait fait la sourde oreille, certainement vexé qu'elle n'ait pas voulu venir avec lui à Narnia. Agacée, Julia avait fini par se lever, ouvrir la porte de l'armoire et l'attraper pour le tirer de là. Ça avait assez duré, ils étaient censés aller sur le toit non ? Et voilà comment une simple partie de cache-cache peut virer en petite terreur de la soirée, puis en gros délire, et finalement occulter tout projet d'aller voir les étoiles et les loutres volantes. Pathétique. Elle posa sa main sur l'épaule de Carl – qui, soit dit en passant, était largement plus en hauteur que celle de Julia (a) – pour le retourner ; celui-ci eut un sursaut, comme s'il ne l'avait pas attendu arriver. Comme si elle n'avait fait aucun bruit depuis deux minutes ! Il était flippant parfois, le Carl. Surtout cette façon qu'il avait de répondre quand il était dérangé dans ses activités; « Quoi ? » comme s'il avait beaucoup mieux à faire que s'occuper de l'anniversaire de sa très chère amie blonde qui patientait depuis trois quarts d'heure qu'il la trouve dans sa cachette puis qu'il finisse de déconner.

« Bah, euh, on doit aller sur le toit, non ? À moins que t'aies peur !... »

Sinon elle pouvait toujours y aller toute seule, mais c'était beaucoup moins drôle – et beaucoup plus flippant. Et puis si elle emmenait Carl et qu'elle glissait sur les tuiles, elle pourrait s'en servir pour amortir sa chute (a) Encore fallait-il qu'il daigne venir. Sans l'attendre – elle l'avait bien assez patienté – Julia sortit de la chambre et se dirigea vers les escaliers pour monter au deuxième étage. Pas question de stagner à chercher la sortie vers le toit alors qu'il y avait encore un étage au-dessus. Juju fit le tour du palier, jetant un rapide coup d’œil dans chaque pièce pour vérifier qu'il n'y avait pas un autre escalier dissimulé quelque part. Mais non, ils étaient arrivé au sommet de la maison ; c'était mieux ainsi, cette baraque avait déjà assez d'étages comme ça. Ses anciens propriétaires devaient être des richoux capricieux, pour faire construire une maison aussi grande et au final l'abandonner. Quelle bande de cons.

« Bon comment on fait. Ça ressemble à quoi, à des trappes ? »

Elle se tourna vers Carl pour avoir une réponse, mais il n'en savait pas plus qu'elle. Ils y allaient au hasard, sans savoir vraiment comment ils allaient faire pour grimper là haut. C'était bien d'improviser, c'était amusant, mais encore fallait-il trouver. S'il n'y avait pas de trappe, ils auraient fait tout ce cirque pour rien. Juju tenta le tout pour le tout et observa toute la surface du plafond, avançant de quelques pas dans le couloir, jusqu'à trouver un renfoncement. Là ! Elle se serait crue dans les films d'actions, cherchant la sortie pour fuir ses poursuivants. (superman:)

« Eh, je crois que c'est là. »

Elle désigna le creux qui faisait comme une mini-porte dans le plafond. Évidemment, elle était trop petite pour l'atteindre, elle avait donc besoin de l'aide de Super-Carl. Et maintenant qu'ils étaient si proches d'atteindre leur but, hors de question de faire demi-tour. Loutres volantes, les voilà !

Quand on brise les rêves d'un enfant, il est possible qu'il vous en veuille toute votre vie. Ou pas d'ailleurs. Juste pour un petit moment, le temps que d'autres espoirs brisés lui arrivent. Mais l'enfant est tellement attaché à son imaginaire, que quand on lui dit que ce qu'il a inventé n'existe pas, il peut y avoir de grosses répercussions. C'est pas pour rien qu'on attend un certain âge pour avouer aux enfants que le Père Noël existe pas, ni le Lapin de Pâques ou encore que la petite souris n'est autre que ses parents. Et parfois, Carl aimerait bien oublier que ce sont ses parents, et revenir à l'époque où Noël était un jour si attendu. Mettre des carottes pour les rennes et du chocolat chaud pour le Père Noël, pour ne pas qu'il attrape froid. Cette lueur dans nos yeux quand on doit aller se coucher, et faire son petit malin à faire semblant de dormir pour guetter la fenêtre. Carl ne souhaiterait pas cela à son âge, bien sûr, mais parfois, il se prend à penser combien il y avait des avantages à être enfant. Ne vous méprenez pas, le Spencer n'échangerait en rien son adolescence, mais il lui arrivait de penser que d'être enfant, c'était quand même merveilleux. Et là, face à son Narnia imaginaire, une foule de souvenirs d'enfants lui revinrent en mémoire, vestige d'une enfance perdue depuis bien longtemps. Une enfance peuplée d'être fantastique, de chevaliers et de pirates, et tout plein d'amis pour en jouer les personnages. Jérémy, Ginerva, Maxim, Lou, Aaron et d'autres encore, tout ce petit monde qui permettait aux rêves de chacun de se réaliser. Et aujourd'hui, quoi ? Carl ne les voyait plus, pour la plupart, ayant rompu le lien depuis longtemps. Maintenant c'était Elias, Shannon, Julia, Jay, Cameron, avec qui il faisait des soirées de dingue, des conneries de fou, et avec qui il partait dans un autre monde, oui, parfois. Mais un monde bien loin que celui qu'il avait enfant, bien trop différent. Mais pourtant, le Spencer continuait de regarder Harry Potter, et s'imaginer faire partie d'un monde comme Narnia. Et la part mystérieuse de Carl résidait peut-être là. Au fond, il gardait simplement une âme d'enfant.

Quand Julia lui toucha l'épaule, le brun sursauta. Enfermé dans son monde qui virait au cauchemar, il était parti loin et ne touchait plus terre, mais elle l'avait ramené à la réalité, beaucoup plus banale, mais rassurante. Il fronça les sourcils quand elle lui dit qu'il avait peur, haussant les épaules. N'importe quoi. « Parles pour toi, surtout, oui .. ! » fit-il avec un petit sourire. Puis Julia monta au deuxième étage et Carl la suivit après s'être étiré. Dieu qu'il avait eu mal, coincé dans cette armoire ! Mais cela avait été une expérience... enrichissante. Il regarda Julia fureter pour trouver une sortie vers le toit tandis qu'il s'adossa au mur, les pensées dérivant vers on-ne-sait-quoi. Il était toute chose, ce soir, c'était peut-être sa deuxième phase d'alcoolique qui lui montait au cerveau. Carl avait toujours une phase d'excité délirant, quand il buvait, suivi d'une extrême fatigue puis après d'un coup de pep's qui lui donnait la force de tenir jusqu'au matin, en général.. Spécial, vraiment. Julia finit par baisser les bras, se tournant vers Carl en demandant à quoi ressemblait des trappes. Il arqua un sourcil, étonné. « Bah, une trappe quoi. Un carré dans du bois que t'ouvres. Tu sais, un peu comme dans [REC], quand la trappe du plafond en haut des escaliers s'ouvre et qu'un zombie apparaît ? » Puis il fit un sourire en coin, guettant de voir la réaction de Julia, qui paraissait assez froussarde ce soir, pour on se sait quelle raison. « Non sérieux, j'sais pas. » Ceci dit, cela lui redonna de la force et il se mit à chercher avec la Fitz un accès au toit. Julia finit par trouver l'accès au bout d'un petit moment, et elle fit un grand sourire à Carl pour qu'il l'aide à ouvrir la trappe. Elle n'aimait pas qu'on la taquine sur le fait qu'elle soit petite mais Carl prenait souvent un malin plaisir juste à sourire. Julia savait alors bien évidemment qu'il se foutait de sa gueule, mais elle ne pouvait rien dire puisqu'il n'avait rien dit. Quelle superbe tactique (a). Le Spencer fit donc un petit sourire en regardant la Fitzgerald, tendant la main vers le haut pour faire basculer la trappe. Il resta un moment le bras en l'air, jetant un coup d'oeil en bas -enfin, vers Julia quoi (a)- puis rigola tout en baissant son bras. « Voilà mademoiselle, votre trappe est ouverte ! » dit-il en souriant. « Par contre, il reste le comment nous allons y monter. Parce que j'ai beau être grand, ça va pas nous aider. » Carl inspecta la pièce. Certes il y avait un lit et quelques fauteuils, mais rien d'assez haut pour passer à travers du plafond et monter sur le toit. Sauf si Julia était partante pour faire des empilages dangereux de meubles, il ne risquaient pas de voir les loutres volantes avant longtemps.

« J'ai pas vu [REC]. »

Pour ce coup, Carl n'aidait pas beaucoup Julia. Certes, elle avait bien compris qu'il s'agissait d'un renfoncement dans le plafond, mais jusqu'ici ils n'en avaient toujours pas trouvé et malgré une partie de cache-cache dans une armoire entre temps, ce n'était pas faute d'avoir cherché. Et puis ce sourire en coin n'inspirait rien de bon à Julia, comme si Carl se moquait complètement d'elle et se fichait de monter sur le toit ou non. Elle ignora tout ça, parce qu'elle avait envie de grimper là-haut, elle, après l'alcool et la flippe elle avait besoin de prendre l'air; la tête lui tournait, sûrement un effet de l'alcool et des quelques cigarettes qu'ils s'étaient enfilés. Passant une main sur son front, elle continua de chercher, la tête en l'air avant d'en avoir marre. Et puis, c'est toujours quand on ne cherche pas qu'on trouve, et pile au moment où elle était sur le point d'abandonner et de sortir prendre l'air par la voie normale – la porte d'entrée – ses yeux se posèrent sur le fameux renfoncement. Pas besoin d'avoir vu [REC] pour reconnaître la trappe tant désirée ! Etant, bien sûr, trop petite pour l'atteindre, Julia se tourna illico vers Carl. C'est ça l'avantage d'avoir un grand avec soit; elle cherche, elle trouve, il ouvre. Spencer comprit aussitôt le problème et, comme toujours, se fit une joie de lui faire comprendre qu'elle n'aurait pas pu se débrouiller sans lui. Le sourire qu'il afficha voulait tout dire; cette fois-ci Julia répondit en donnant une tape sur le bras de Carlito. Il lui faisait toujours ce coup-là, n'en avait-il pas marre ? Parce que Julia, elle, s'en serait bien passée de la remarque « tu es petite, je suis grand, tu es dépendante, je suis indépendant, tu résistes, je persiste, je sais que tu as tort, tu sais que j'ai raison » à la Danny Devito. Néanmoins Carl coopérait, après s'être marré un coup bien sûr, et la trappe fut ouverte aussi simplement que si c'était une porte d'entrée.

« Merci Monsieur ! Mais si regarde, tu me fais monter et ensuite..tu te démerdes ! Tu sais, les filles d'abord. » En l’occurrence, les petites d'abord. « Lie tes mains pour faire un escalier, après je me débrouille t'inquiètes. »

Oui Julia pensait vraiment que ce plan pouvait fonctionner, qu'elle pouvait d'elle-même s'accrocher et passer par la trappe. Au pire, ils n'avaient qu'à s'aider de chaises, ça marchait ça aussi. Bref, une fois que Carl fut prêt, elle se lança. Ça ne devait pas être bien difficile, si elle pouvait se hisser sur les rambardes du skatepark elle pouvait se hisser sur le toit sans aucun soucis, philosophie. Elle posa donc les mains sur les épaules de Carl, puis un pied sur ses mains liées, puis elle poussa sur ses jambes pour poser le deuxième. Waw, elle se sentait grande d'un coup. Elle leva le bras vers la trappe, la frola de quelques millimètres, indiqua finalement à Carl de se redresser un peu pour qu'elle puisse la toucher. Le Spencer eut du mal, comme si il n'était pas assez fort pour la porter, elle, avec son poids de moineau. Mon œil oui. Elle agrippa le rebord de la trappe, posa un pied sur l'épaule de Carl ; jusque-là tout allait bien.

« Ok je l'ai, redresse-toi encore un peu. »

Ils faisaient un peu la technique du cheval qui se relève, Carl étant évidemment l'étalon et Julia le jockey. Le cheval en question avait juste un peu de mal à se remettre debout, ce vieux pépé (a). Par précaution et parce que sa position n'était pas très confortable, Julia s'accrocha des deux mains à la trappe. Elle supposait que maintenant tout reposait sur elle et sa force des bras, autrement dit de peut-être 0,1%. Carl s'était redressé comme il avait pu, faisant vaciller Julia sans pour autant la faire tomber; à son tour maintenant. À cette hauteur là elle réussit à poser les bras sur le toit, puis elle commença à forcer pour se hisser. En proposant cette technique-là, elle n'avait pas pensé que ce puisse être aussi difficile, mais maintenant qu'ils y étaient hors de question de faire demi-tour. Sans compter qu'elle était arrivée dans la position qui l'empêchait de redescendre, les pieds dans le vide, mais en même temps qui rendait la montée compliquée. À la manière d'un phoque – il faut dire ce qu'il faut dire – elle se traina vers l'avant et bientôt n'eut plus que les jambes à remonter ; jusque-là, ce n'était plus qu'un jeu d'enfant. Mais tout de même, elle se laissa tomber sur les tuiles en poussant un soupir et en se prenant un bout d'on-ne-sait-quoi dans le dos. Ok alors en plus d'être un parcours du combattant c'était aussi confortable qu'un sol couvert de choses pointues en tout genres, génial. Elle passa la tête par la trappe, regarda Carl encore en bas – en infériorité par rapport à elle hihi – et lui fit un grand sourire.

« C'est bon j'y suis ! Tu vois c'était pas si difficile. Toi t'as qu'à prendre une chaise. »

Si elle avait réussi en grimpant sur ses épaules, il pouvait très bien y arriver en grimpant sur une chaise, question de logique. Et de force. Finalement Julia s'impressionnait elle-même, parfois. En attendant Carl elle gigota pour trouver une position confortable sur les tuiles, et ferma les yeux, profitant de l'air frais de la nuit.

Julia venait de monter sur le toit, non sans l'aide de Carl bien sûr, et sans aucun doute elle lui avait dit de se démerder. Ben tiens, vive l'amitié. Julia devait être allongée en haut sur les tuiles tandis que lui restait comme un con en bas. Une chaise. Elle lui proposait une chaise. Sérieusement ? Et elle comptait sûrement ne pas l'aider quand il arriverait en haut ? Sans compter que, ok, Carl avait réussit à porter Julia pour qu'elle monte, mais son état un peu embrumé lui permettrait-il de monter sans aucun dégât ? Inspectant la pièce, il chercha quelque chose de plus haut. Une chaise ça allait l'avancer de quoi ? Un mètre, peut-être moins ? C'était pas ça qui allait l'aider. Poussant un long soupir, il remarqua alors la table au fond de la pièce où se trouvait empilés dessus des cartons, des bouteilles, des sacs, bref, un gros foutoir. Haussant un sourcil, il eut la flemme de tout enlever. Mais il regarda la table, la chaise, la trappe. La table, la chaise, la trappe. Ok, ce serait la table. Le Spencer se dirigea alors vers la table en traînant des pieds. Il n'allait pas se dépêcher, même si Julia là-haut crevait de peur avec les hiboux et les chauves-souris, tant pis pour elle, elle n'avait qu'à être mois égoïste. Carl fit une tête dépitée en observant tout ce qui était sur la table. Il lui faudrait une heure pour tout enlever ! Sans compter les poussières et toiles d'araignées qui compliqueraient la tâche. Il resta un moment à regarder le monticule d'objets, puis eut une idée. Il haussa les épaules, tendis son bras et balaya la table de gauche à droite, balançant tout par-terre. Si ça cassait ? Tant pis, ça n'avait qu'à être rangé. Et puis c'est pas comme si quelqu'un vivait dans cette maison de toute façon.

Soufflant ensuite pour la table pour enlever les poussière et autre détritus non souhaités, Carl posa ses mains contre le bord de la table et commença à tirer. Dieu que c'était lourd. S'ajoutant à son état déjà un peu dans le flou, tirer la table n'était pas dans ses points forts du moment. Quelque chose paraissait bloquer le meuble. Carl tira plus fort et la table réussit à bouger tout à coup, résultant d'envoyer le Spencer à terre. « Putaaaainn ! » jura-t-il. Il porta la main à son front, et prit un moment pour que son mal de tête s'atténue. Ca tournait beaucoup là.. Il ouvrit les yeux, qui d'ailleurs commençaient à se fermer sous l'effet de pas assez d'alcool. Ouais. Quand Carl buvait beaucoup, cette période de fatigue venait plus longtemps après. Là il avait bu certes, mais pas assez. Se relevant, il décida alors d'aller rechercher une bouteille en bas, histoire de boire sur le toit. Il s'étira puis descendit les escaliers quatre à quatre. Ce nouvel objectif lui donnait des ailes -et oui, ya pas que Rebull- (a). Arrivé en bas, il trouva vite fait ce qu'il voulait. Une bouteille de cocktail fort, déjà préparé. Bien, ça lui éviteras de faaire encore plus de mélanges et de vomir. Il remonta aussi vite qu'il était descendu, et but une gorgée de la boisson. Revigoré, il reprit son effort et avança la table sous la trappe. Carl se hissa sur la table et se mit debout. Attrapant la bouteille qu'il avait posé sur la table, il la leva en l'air, de façon à ce qu'elle dépasse de la trappe, puis il interpella son amie. « Julia ? Toujours là-haut ? T'attrapes la bouteille please ? » Il espérait qu'il ne lui était rien arrivé. Glisser du toit ou se faire enlever par une chauve-souris, tout était possible.

En fin de compte, cette fête d'anniversaire n'était pas si mal. Elle aurait pu se retrouver assise à une table, entourée de sa famille et d'un gâteau plusieurs saveurs concocté par sa mère qui attendait depuis des lustres dans le frigo, qu'elle avait donc découvert bien avant qu'on ne lui souhaite son premier Joyeux Anniversaire en voulant prendre un soda. Elle aurait pu se retrouver à faire semblant de sourire en entendant la chanson d'anniversaire magnifiquement bien chantée par la voix de son père, qui était décidément plus doué à engueuler qu'à chanter – ici, compliment. Pire encore, elle aurait pu se retrouver à servir une part de tarte à sa sorcière de soeur, ce qui aurait été la cerise sur le gâteau – vive le jeu de mot – et aurait certainement fixé une fin à la soirée. Au lieu de quoi elle était là, allongée sur un toit, remuant de temps en temps à cause des tuiles qui lui rentraient dans le dos, attendant que son meilleur ami arrive à grimper. Elle n'avait pas bu de champagne pour ses 23 ans mais de la vodka, elle n'avait pas mangé de pâtisserie mais elle avait fumé un truc qui la rendait cent fois plus à l'aise que lorsqu'elle passait la soirée avec sa famille, et ça, ça lui suffisait. Non elle n'était pas du genre très regardante sur les fêtes d'anniversaire, en fait ça ne l'avait jamais vraiment amusé, lorsque c'était celui d'un membre de sa famille qu'elle ne connaissait même pas de nom et qu'il était hors de question qu'elle n'y aille pas, c'était plus une source d'ennui – dans tous les sens du terme – qu'autre chose. Et lorsque c'était le sien elle le considérait surtout comme un pas de plus vers la vieillesse, et un pas de moins dans la jeunesse qui avait l'habitude de servir d'excuse à ses nombreux débordements. Carl, lui, avait tout compris. Il avait joué la carte de la fête habituelle, il avait balancé un petit « Joyeux Anniversaire » pour la forme – et parce qu'il savait à quel point Julia en avait marre d'entendre ces deux mots après une journée de Happy Birthday – ils s'étaient même autorisé un moment de flippe, pas vraiment désiré mais tout de même.
Entendant de l'agitation en bas, Julia tourna la tête vers la trappe. Un grand sourire vint étirer ses lèvres lorque le putaaaainn retentit ; eh ben alors, il avait du mal à monter le petit ? On avait beau dire d'elle, mais Carl n'était pas plus patient. Et pas plus doué pour l'escalade d'ailleurs ! Elle resta silencieuse, le laissant se débrouiller, au cas où il continuerait à galérer et où elle pourrait se fendre la poire, elle qui avait réussi à grimper sans trop de difficultés. Mais d'un coup, plus rien. Silence radio. Soit il était tombé dans les pommes, soit il était mort, soit il s'était cassé – oui Julia pensait au décès avant la fuite. Quoiqu'il en soit elle avait vraiment l'impression d'être seule.

« Aloha t'es encore là ? »

Un temps. Deux temps. Trois temps. Aucune réponse. Bon. La blonde se racla la gorge ; en fait s'il était vraiment parti, elle était vraiment dans la mxrde. Certes, elle avait réussi à grimper sur le toit, mais uniquement parce que Carl était en-dessous pour la soutenir. Et comment elle descendrait ? En sautant ? Très bonne idée pour se retrouver à l'hôpital. Se redressant sur les coudes, elle passa la tête par la trappe et tomba nez à nez avec un Carl, le goulot d'une bouteille dans la bouche. Aaaah, mais soudain tout s'expliquait ! Il était parti se chercher un coup à boire. Se rallongeant sur les tuiles, pensant qu'il avait tout de même eu une bonne idée de ramener la vodka sur le toit parce qu'elle non plus ne tiendrait pas longtemps sans, elle continua d'écouter les efforts qu'il faisait pour tirer une table sous l'ouverture de la trappe. Ladite bouteille jaillit sans prévenir à sa droite, et par réflexe elle la saisit sans que Carl ait besoin de le lui demander.

« Ouais ouais je l'ai, Picolo.* »

Finalement, non, Julia allait bien. Pas de Dracula dans le coin, c'était bon à savoir. Elle attrapa la bouteille avant même que Carl finisse sa phrase, et il grimpa -non sans difficulté- sur le toit. A la moitié du torse, il s'aplatit comme une merde en haut du toit et bascula sur le côté en roulant, se retenant de justesse à une tuile pour éviter de rouler jusqu'en bas. « Oups. » fit-il. Finalement, Carl réussit à s'installer aux côtés de son amie, qui était restée plutôt patiente. En même temps, Carl avait eu la bonté d'esprit de ramener une bouteille, aussi était-ce un bon moyen de se rattraper (a). Il expira bruyamment tout en passant ses bras en arrière, les coinçant sous son crâne. Il fixa le ciel noir, parsemé de petites étoiles. Un petit moment de silence s'installa, et les deux jeunes regardaient le ciel, peut-être dans l'espoir de voir une loutre volante passer. Le Spencer n'était plus sûr de ce qu'ils avaient fumé tout à l'heure.. La chronologie des événements lui était flou et il ne se souvenait pas s'il avait ouvert la boîte de weed. Bah, en tout cas, quoi qu'il ait prit, ça faisait effet, car il était bien dans son monde. Il avait par contre un peu la tête qui tournait -en même temps avec toutes ses acrobaties c'était normal-, et Julia avait la bouteille, ce qui lui permettait d'arrêter de boire pour un petit moment. Remarque, il n'avait jamais vomi d'un toit auparavant..:mg :

Mine de rien, dans la tête de Carl, ça s'agitait. Il n'avait pas vraiment parlé à Julia sérieusement depuis un bout de temps, et il avait bien envie de savoir ce qui se passait entre elle et Zach. Certes, c'était leurs histoires de cœurs, ce n'était pas à lui de s'en mêler, mais si Julia n'allait pas bien, il voulait le savoir. Le Spencer tourna la tête et regarda Julia, dont seul le profil lui apparaissait. Elle avait un visage calme que Carl crut rêver. Il avait toujours vu Julia avec cette tête de rebelle défoncée (c'est affectif <3), mais là, elle avait un visage doux, serein. C'était étrange. « Il se passe quoi avec Zach ? » lui demanda-t-il alors, après avoir repositionné sa tête droite. Il n'avait pas envie de faire des sous-entendus, de toute façon, avec la Fitz, valait mieux les questions directes. Et puis ça évitait les malentendus. Il ne savait pas si Julia allait lui répondre. Il en doutait même. Mais il fallait tout de même essayer, ça ne coûtait rien, et puis qui sait, peut-être que la Fitz avait besoin d'en parler.

Julia regarda Carl se hisser sur le toit, puis se trainer comme un phoque pour s'allonger à ses côtés. Il avait du mal lui, en cette fin de soirée. Ça avait au moins le mérite d'être drôle, hormis le pathétique. Décidément l'alcool et le machin qu'ils avaient fumé leur montaient à la tête, si l'on en croyait les capacités réduites de Carl à grimper et le rire étrange qui sortit de la bouche de Julia en le voyant faire. Si l'adrénaline suite à leur petite frayeur dans l'armoire avait repoussé l'effet de l'alcool, elle ne pouvait pas le faire indéfiniment et maintenant qu'elle s'était calmée Julia commençait à ressentir cette impression de planer qu'elle chérissait tant lorsqu'elle fumait de l'herbe. D'ailleurs être allongée sur le toit sans plus faire ni dire de conneries ne faisait qu'accentuer cet effet. Carl s'était enfin placé, il avait arrêté de bouger et ils ne restaient plus qu'eux deux, seuls perchés en haut d'un toit à une heure avancée de la soirée. Le soleil s'était couché depuis belle lurette pour laisser place à la lune et aux étoiles, les petites brises d'air frais les faisaient frissonner lorsqu'elles passaient mais ils étaient bien là où ils étaient. Regardant les étoiles, Julia se mit à rêvasser. Depuis combien de temps n'avait-elle pas regardé le ciel à la nuit tombée, ou même tout ce qui l'entourait ? Elle n'y prêtait jamais aucune attention, pourtant elle ne détestait pas non plus ces moments de sérénité à observer les astres. Comme lorsqu'elle était enfant, elle chercha du regard la grande et la petite ours, sans pour autant savoir laquelle des deux formes de casserole représentait laquelle des deux constellations. Elle trouva facilement la petite, mais eut plus de mal avec la grande, pensant parfois l'avoir déniché sans qu'il n'en soit rien. Lorsqu'elle la vit enfin, elle se détentit, comme si ça avait été une importante mission dont elle avait réussi à atteindre le but. Elle continua de rêver, savourant cet instant où elle ne pensait plus, ni à ses soucis ni à rien du tout, où rien ne venait la déranger, où elle pouvait être aux côtés de quelqu'un et pourtant avoir l'impression d'être seule tant le calme régnait. Se sentant soudainement minuscule par rapport à l'immensité du ciel, elle préféra fermer les yeux; là au moins il faisait noir mais il n'y avait pas les astres de feu qu'elle voyait brûler même avec des années-lumières de distance.

« Il se passe quoi avec Zach ? »

En une demi-seconde ce fut le Big Bang dans sa tête. Tout le petit monde de calme et de silence de Julia s'effrondra à l'instant même où elle entendit ce prénom. Elle ouvrit les yeux, n'en croyant pas ses oreilles, ne sachant même pas comment prendre cette question. Plutôt comme de la curiosité de la part de Carl, du culot, ou simplement de l'inquiétude pour elle ? Elle prit aussitôt la mouche, doutant qu'après autant de temps Carl se soucie vraiment de cette histoire.

« ... et toi y'a du nouveau avec Naya peut-être ? »

Elle n'avait pas réfléchi, elle avait sorti ça comme ça venait, à vrai dire elle avait été aussi brutale que Carl s'était soudainement mis à parler de Zach. Mais, comme d'habitude, elle aurait peut-être dû réfléchir avant d'agir, parce que lorsqu'un silence pesant s'installa et que Carl ne répondit pas, elle sut qu'elle aurait pu dire n'importe quoi d'autre, mais qu'elle n'aurait pas dû mettre Naya sur le tapis.

Carl aurait du se taire. Il aurait du garder pour lui sa curiosité, au lieu de parler de Zach à Julia. Car il venait de se prendre une réflexion sur Naya en pleine face. Du nouveau ? Avec Naya ? Elle se foutait de sa gueule ? Bien sûr à l'époque, Julia avait été au courant des choses, si on peut les appeler comme ça, entre Naya et Carl. Julia était une de ses meilleures amie, ou plutôt la seule, vu qu'il n'était pas aussi proche avec quelqu'un d'autre, en fille. Emily peut-être, ouais. Mais avec elle, ce n'était pas comme avec Julia. Enfin, pour tout dire, rien n'était pareil. Chaque relation qu'il avait était différente l'une de l'autre, et il était perdu. Il n'arrivait pas à suivre le cours de sa vie, il n'y arrivait plus. Pas depuis que.. pas depuis qu'Elle n'était plus là. Carl serra les dents et ferma les yeux. Une boule se forma dans sa gorge et il ouvrit les yeux pour fixer le ciel. L'immensité de la nuit noire l'apaisa un peu, ce ciel si noir, si grand, si loin. Il respirait fortement, comme pour contenir un bouillon de rage. Puis il referma les yeux, et fronça les sourcils. Pourquoi fallait-il que ce soit si dur ? Pourquoi fallait-il que ce sentiment de rage prenne possession de lui, que ce couteau s'enfonce dans son coeur à chaque fois que quelqu'un prononçait le nom de Naya ? Et pourquoi y pensait-il autant ? C'était à ne pas y comprendre. Il ressentait quelque chose de tellement fort que ça faisait mal. Et il ne voulait pas. Il ne voulait pas le ressentir, il ne voulait pas y penser, il ne voulait pas le vivre. Mais voilà. Il ne pouvait rien y faire.

Carl se releva et plia ses jambes vers lui, posant son menton dessus. En face de lui se trouvait Magnolia Cresent. La ville dans laquelle il avait grandi, la ville dans laquelle il habitait et habiterai toujours. La ville dans laquelle Naya ne se trouvait peut-être plus.. Les lumières des lampadaires éclairant faiblement les rues, et paraissaient clignoter. Carl soupira, tentant de sortir ses pensées de la jolie brune. En vain. Il tendit sa main en arrière sans même se retourner. « Passe-moi la bouteille. » fit-il, évidemment à l'attention de Julia. Peut-être que la boisson l'aiderait un peu. Sentant la bouteille dans sa main, il ramena son bras vers lui, ouvrit le bouchon, et avala une grande rasade. Il ne sentait rien. Juste un chaleur coulant le long de sa gorge. Une chaleur qui lui faisait du bien. Puis il garda la bouteille dans la main gauche et posa son autre main dans ses cheveux, expirant une énième fois. « Non, rien de nouveau. » murmura-t-il alors, ne sachant même pas si la Fitz l'avait entendu. La soirée avait pourtant bien commencé..

Julia se mordit la lèvre et soupira, se rendant soudainement compte de la cruauté de ses paroles. Elle n'avait pas franchement réfléchi et c'était bien ça le problème, parce qu'à agir trop vite elle disait n'importe quoi, et elle le sentait elle venait de faire une belle gaffe. Mais elle n'était pas la seule fautive, si Carl n'avait pas évoqué Zach elle n'aurait pas répliqué avec autant de brutalité en parlant de Naya; elle faisait ce genre de coup de pute quand elle avait une raison et elle estimait qu'elle avait en l’occurrence une bonne excuse. Voyant Carl se relever après avoir soupiré un bon nombre de fois, elle sut qu'elle avait fait fort, trop fort, et ce n'était pas son silence qui allait dire le contraire. À vrai dire il ne prit même pas la peine de la regarder lorsqu'il lui demanda la bouteille de vodka, que Julia lui donna sans attendre. Le ton neutre et plat qu'il prit pour lui dire que non, il n'y avait rien de nouveau, finit d'achever la blonde. Merde merde merde mais quelle conne. Elle se redressa et s'assit à l'indienne aux côtés de Carl, qui se cachait à moitié derrière ses genoux. Bon.

« Euuuuhmm... J'suis désolée. »

Elle savait d'avance que ça ne suffirait pas, mais au moins elle l'avait dit. Mieux : elle s'était rendue compte à quel point elle avait été égoïste depuis le nouvel an. Elle savait parfaitement pour Naya et le lien fort que Spencer entretenait avec elle, il l'avait tenu au courant de tout ça parce qu'ils étaient de bons amis, et pourtant elle ne s'était jamais vraiment demandé comment il se sentait après cette disparition. Cette histoire avec Dekker lui avait tellement pris la tête qu'elle n'avait pensé qu'à sa petite personne, et maintenant qu'elle y pensait, elle estimait qu'il méritait plus qu'un simple « désolé », surtout après ce qu'elle venait de lui balancer à la figure.

« Je pensais pas ce que je viens de te dire, enfin je l'ai dis! mais c'est sorti tout seul, je voulais pas... bref. Allez Carl, j'suis désolée, si tu veux on parle d'autre chose, ou de ça comme tu veux, mais fais pas la gueule comme ça. »

Avisant la bouteille de vodka, elle pensa à la récupérer, histoire d'être sûre qu'il ne se bourre pas la gueule tout seul dans son coin en repensant à Naya, mais elle se ravisa, de peur de s'enfoncer encore plus dans sa bêtise. Et puis elle pouvait comprendre qu'il soit nostalgique simplement en pensant à la Freeman, mais elle voulait juste qu'il dise quelque chose, qu'il ne lui tourne pas le dos jusqu'à la fin de la nuit sans prononcer un son parce qu'elle avait dit la phrase à ne pas dire.