Leona n’avait pas grand-chose à faire à l’hôpital aujourd’hui, si ce n’était l’un ou l’autre rapport qu’elle n’avait pas terminé de remplir la veille, mais surtout aller vérifier s’ils n’avaient pas oublié d’effacer correctement leurs traces après cette nuit. La jeune femme redoutait qu’on découvre du sang ou des pansements laissés. Elle avait bien regardé à tout nettoyer, sauf qu’avec la fatigue et le stress du moment, elle avait pu oublier un détail ou l’autre. Pourtant, si c’était le cas, elle aurait sûrement déjà eu des échos de la part de l’hôpital. Elle aurait aussi bien proposé à Wyatt de rester quelques jours ici avec elle, pour ne pas que sa famille pose des questions étranges sur sa blessure, cependant elle ne souhaitait pas impliquer Rebecca ou Clyde dans cette histoire. Il lui expliqua qu’il comptait séjourner quelques temps à l’hôtel, le temps de récupérer. Ses proches étaient habitués à ce qu’il ne rentre pas pendant de courtes périodes. C’était une bonne idée, Leona n’y avait pas pensé. Le commercial devait avoir l’habitude d’avoir une solution de repli en cas de situation aussi… extrême. « Bonne idée ! On te réservera une chambre sous un autre nom, comme dans les films ! » Dit-elle pour le taquiner, même si elle ne devait pas être loin de la vérité. Il désapprouva alors le fait qu’elle retourne à l’hôpital, prétextant son manque de sommeil évident. C’est sûr que Leona n’avait nullement l’intention d’effectuer des opérations aujourd’hui dans un état pareil, elle les aurait refusées. Elle ne jouait pas avec la vie des gens non plus. Cependant, à la réflexion, elle devrait plutôt rester la journée avec lui au cas où. La jeune chirurgienne en profiterait pour se reposer quelques heures supplémentaires. « Tu as raison, je vais les appeler pour dire que je ne vais pas et je vais rester avec toi. » Admit-elle en s’asseyant ensuite près de lui et en lui demandant ce qui risquait de se passer ensuite si la personne qui lui avait tiré dessus cherchait à le retrouver. Il hésita quelques instants à lui en dire davantage, se contentant de la regarder. Leona n’avait pas besoin qu’on la protège de la vérité. Après ce qu’ils avaient traversé, elle était tout à fait capable de l’entendre. En venant la voir, Wyatt l’avait mêlée malgré elle à cette histoire, il était hors de question maintenant de la tenir hors-sujet. Il lui confirma que cette personne essayerait sûrement de finir le travail, mais que d’autres que Wyatt s’occuperaient de cette affaire. La jeune femme essaya de se rassurer, mais une nouvelle inquiétude s’immisça en elle. Et s’ils avaient mal couverts leurs traces ? Et si cette personne pouvait remonter jusqu’à eux… et donc jusqu’à l’adresse de sa sœur ? Elle s’en voulait de ne pas avoir pensé à son entourage, mais elle avait tellement eu peur pour Wyatt cette nuit, qu’elle n’avait pas réfléchi à toutes les conséquences. Il était peu probable qu’on les retrouve ; mais qui sait si les personnes qui en avaient après lui n’avaient pas les moyens pour ce faire ? Elle n’osa pas lui poser d’autres questions pour le moment et espérait juste que le « problème » serait vite réglé. Il était effrayant pour elle de penser ainsi ; parce qu’elle ne pouvait pas souhaiter qu’on se débarrasse d’une personne pour avoir « la paix ». C’était en contradiction totale avec le métier de Leona, sauf que depuis l’Afrique, elle avait touché au monde de Wyatt… et ce qui lui était arrivé avait beaucoup changé sa perception des choses. Elle ne voulait pas revivre le même enfer encore une fois… ici à Magnolia. Elle se contenta donc d’acquiescer et de masquer son inquiétude pour le moment. Leona n’eut pas le temps de répondre à Wyatt qu’il déposa sa main sur sa joue pour la rapprocher de lui et l’embrasser de nouveau. La jeune femme avait un peu la tête ailleurs, mais elle en profita encore une fois de ce moment. Décidément, il voulait vraiment qu’elle reste. « Si tu veux, je passerais te voir… à l’hôtel. Tu sais, pour assurer tes arrières. » Souffla-t-elle en souriant. Autant qu’elle garde un œil sur cette blessure et l’autre en éveil si son tireur mettait tout en œuvre pour le retrouver. Leona avait besoin de se rassurer de sa présence, tant qu’ils étaient ensembles, pas de raison de s’inquiéter…

Wyatt était visiblement content qu’elle décide de rester chez elle plutôt que de prendre le risque d’aller travailler dans son état de fatigue avancé. Cependant, Leona avait l’habitude de bosser dans ces conditions. Ses nuits n’étaient pas ce qu’on pouvait appeler les plus calmes. Elle se réveillait toujours à un moment ou à un autre à cause des images qui se promenaient dans sa tête et refusaient de l’en quitter. Les souvenirs commençaient heureusement à s’espacer et Leona retrouvait à peu près des nuits normales ces derniers temps. La jeune femme avait failli être au bord de l’épuisement, mais elle avait vite remonté la pente lorsqu’elle avait recommencé à fréquenter les enfants à l’hôpital. Les sourires de ces petits bouts lui donnaient la pêche. Rebecca lui avait fait une remarque récemment sur le fait d’avoir des enfants un jour, car la jeune chirurgienne débutait déjà la trentaine, mais Leona ne concevait pas vraiment un avenir où elle se poserait avec toute une petite famille autour d’elle pour le moment. Elle était bien trop occupée par son travail et ne pourrait pas se partager davantage au risque de délaisser ceux qui comptaient sur elle. Déjà que la jeune anglaise hésitait souvent à s’engager dans des relations sérieuses… Leona avait déjà tenté une ou deux fois l’expérience en Angleterre, mais ces histoires n’avaient jamais duré très longtemps, car la jeune femme était beaucoup trop prise par son travail. Les horaires étaient flexibles et changeaient quotidiennement selon les urgences qui arrivaient à l’hôpital sans parler des rendez-vous à suivre. Il lui arrivait souvent de faire des journées d’une douzaine d’heures. Cependant, cette fois, elle se promit de prendre plus de temps pour en profiter avec Wyatt ; elle ignorait où ils en étaient encore, et vers où ils allaient, mais elle sentait que c’était différent de tout ce qu’elle avait connu avant. Elle ressentait vraiment quelque chose pour lui. Heureusement, il était aussi très occupé par son travail, et comprendrait parfaitement les engagements de la jeune femme dans le sien. Une fois posée contre lui, elle lui proposa alors de passer de temps en temps à l’hôtel en prétextant vouloir changer le pansement, mais c’était surtout parce qu’elle s’inquiétait pour lui et voulait assurer ses arrières. Wyatt voulait absolument régler cette histoire de lui-même ou via un intermédiaire, mais Leona ne voulait pas le laisser s’en occuper tout seul. Le jeune commercial plongea ses yeux dans les siens et passa sa main dans ses cheveux pour les dégager. Il lui répondit qu’il lui faudrait bien une jolie infirmière pour s’occuper de sa blessure. De toute façon, il aurait refusé qu’elle ne lui aurait pas laissé le choix. Leona n’avait pas envie de penser maintenant à la suite entre eux. Elle se concentra plutôt sur Wyatt qui l’embrassait une nouvelle fois. Leurs fronts collés, Leona ouvrit les yeux lorsqu’il se détacha d’elle à nouveau. Elle chercha son téléphone dans ses affaires et le lui tendit pour qu’il puisse faire le nécessaire. Elle préféra sortir quelques minutes dans la chambre pour le laisser faire ; elle savait qu’il ne voudrait pas qu’elle entende ce qu’il avait à dire. Ils n’en étaient pas encore là. La jeune chirurgienne téléphona de son côté pour prendre sa journée et retourna au bout de quelques minutes dans sa chambre. « C’est réglé ? » Demanda-t-elle alors à Wyatt en rentrant dans la pièce. Elle s’assit de nouveau près de lui. Le fait de ne pas travailler avait de bons côtés, la jeune femme pourrait l’accompagner jusqu’à son hôtel en fin de journée et l’aider à se déplacer.

Au fond d’elle, Leona n’avait pas si peur que cela. Ce n’était pas la première fois que Wyatt avait affaire à ce genre de situation, quant à elle, elle se rappelait de leur situation bien plus dangereuse à des milliers de kilomètres de là quelques mois plus tôt. Ce n’était qu’une épreuve de plus à traverser. La jeune chirurgienne espérait que tout ceci serait bientôt terminé, même si elle avait parfaitement conscience que Wyatt n’arrêterait pas de sitôt ce qu’il faisait. Elle sortit donc de la chambre pour le laisser régler les derniers « détails » de cette histoire, pendant qu’elle prévenait l’hôpital de son absence pour la journée. Leona n’avait pas envie de prendre la mauvaise habitude de faire l’impasse sur son travail, qui n’était pas le seul responsable de son manque de sommeil évident, mais elle était bien contente de rester un peu plus de temps avec son « ami-plus-vraiment-ami » aujourd’hui. La jeune femme retourna ensuite dans la chambre et lui demanda si tout était réglé. Wyatt le lui confirma avant d’ajouter qu’elle devrait faire attention à elle et prendre garde au moindre détail qui lui semblerait étrange à partir de maintenant. Il semblait s’inquiéter pour elle plus que de raison. Etait-il vraiment sérieux ? Elle lut la réponse dans son regard ; pendant un moment, elle devrait être plus prudente qu’à l’habitude. Serait-elle souvent amenée à ce genre de situation si… elle se rapprochait plus encore de lui ? A vrai dire, Leona n’avait pas le cœur d’y penser pour le moment. Elle le regarda de nouveau quand il s’inquiéta une nouvelle fois de ce qui pourrait lui arriver. « Promis, je ferais attention. » Souffla-t-elle à voix basse en le laissant lui prendre les mains. En effet, aujourd’hui ils ne risquaient peut-être rien, mais Leona apprendrait à ses dépens qu’elle aurait un jour mal de l’aimer, que cette décision qu’elle prenait sans problème aujourd’hui, aurait des conséquences, parce que les sentiments comme la douleur n'ont pas de date de péremption, on ne les cesse pas sur un coup de tête, ni le poids de la perte éventuelle d’un être à qui on s’est trop attaché. La vie humaine était bien trop fragile et ils vivraient dans le danger quotidien de ces deux évidences ; parce que ce ne serait certainement pas la dernière fois qu’elle devrait s’inquiéter pour lui et inversement. Ils devraient toujours faire attention l’un à l’autre. Pourtant, Leona ne pensait plus à rien d’autre qu’au moment présent, un moment où rien ne semblait devoir venir les troubler.

TERMINÉ