C’était déjà le mois d’avril, pourtant il n’arrêtait pas de pleuvoir ou de faire un froid de canard. Scarlett en avait assez de ce temps de brin ! Le soir était tombé depuis un moment déjà, mais la pluie n’avait toujours pas cessé. La jeune femme ferma la fenêtre de sa chambre avant de se repencher sur le cours qu’elle bossait. Les examens de fin d’année ne tardaient plus à approcher et la jeune étudiante s’appliquait à réviser déjà quelques chapitres de sa matière. Elle en profitait pour être seule chez elle ce soir : pas de musique d’Elisabeth partie chez une amie, pas l’éclat des disputes entre ses parents toujours au travail à cause d’un décès survenu en fin de journée, et pas de couinement de Carl à l’horizon avec une de ses énièmes conquêtes, puisqu’il était encore sorti. La jeune femme esquissa un petit sourire en songeant à sa drôle de famille... parce qu’elle ne la changerait pas pour autant. Soudain, elle fut sortie de sa rêverie lorsque la lumière commença à clignoter, avant de s’éteindre totalement. Génial, il ne manquait plus qu’une panne de courant dans la maison. Scarlett prit une lampe de poche pour tenter de trifouiller sur les fusibles, mais rien à faire, la lumière refusait de se rallumer. Encore cette maudite pluie qui avait dû abîmer un poteau électrique, ou une histoire de ce genre. La jeune femme ouvrit la porte pour regarder dans la rue principale du quartier. Quelques maisons étaient dans le noir complet. Great. Elle ouvrit les tiroirs, mais il n’y avait plus de bougies dans la maison. Carl les prenait toutes pour parfumer sa chambre. Le coquin ! Sauf que Scarlett ne riait pas. A défaut d’attendre sagement que la lumière revienne chez elle, la jeune femme décida d’une petite escapade nocturne chez un ami qu’elle n’avait plus vu depuis quelques temps. Elle prit un petit sac imperméable qu’elle remplit de paquets de bonbons et d’une tablette, se couvrit ensuite d’un manteau et d'un bonnet avant de sortir de chez elle. Scarlett traversa la rue et débarqua au n°1. Elle aperçut justement de la lumière dans la chambre de celui qu’elle était venue voir. Julian. Les King n’avaient visiblement pas été touchés par la panne de courant. Elle frappa à la porte, mais entendit le son lointain de la musique qui résonnait. Apparemment, il était seul chez lui, sinon Daren ou Joy seraient venus lui ouvrir. Julian, en l’occurrence, ne l’entendrait pas. Elle ramassa alors des petits cailloux qu’elle balança sur sa fenêtre, mais qui eurent autant d’effet qu’une plume se posant sur l’eau. Pas de bruit. Quant au téléphone ? Même pas la peine d’y penser, il ne l’entendrait pas davantage. Scarlett décida alors de le faire à l’ancienne, comme ils s’étaient déjà amusés à le faire plusieurs fois quand ils étaient petits. Maintenant qu’elle avait retrouvé l’usage complet de sa jambe, elle pouvait se le permettre. Elle empoigna bien fort son sac, puis appuya ses mains dans différentes aspérités le long du mur. Quand elle était plus petite, Scarlett s’était souvent entraînée à monter dans les arbres ou à escalader des petits murs, si bien qu’elle était devenue douée en la matière. Elle tira sur ses bras et déposa son pied sur un crampon qui dépassait près de la gouttière pour avoir un meilleur appui. La jeune femme monta encore plus haut grâce à un trou dans le mur suffisamment large pour y glisser l’autre pied, puis elle prit assez d’’élan pour se soulever jusqu’au petit balcon au-dessus d’elle. Elle aperçut alors Julian à l’intérieur, son casque sur les oreilles, et fit de grands signes jusqu’à ce qu’il lève la tête vers elle et l’aperçoive. Un grand sourire s’esquissa sur le visage de la jeune Spencer. Elle montra alors le sac rempli, l’air de lui faire comprendre, que maintenant qu’elle arrivée jusque là, elle ne partirait pas de sitôt. Traitez-la de folle, ce soir, elle répondrait oui.

Scarlett se déposa comme une fleur sur le balcon et frappa à la fenêtre pour que Julian remarque sa présence. Le jeune homme retira son casque et quitta ses cours pour lui ouvrir la fenêtre. La jeune Spencer s’introduisit à l’intérieur se disant qu’elle n’aurait peut-être pas dû le déranger finalement, mais elle n’était pas venue ici les mains vides et encore moins pour regretter. Julian la sortit de sa rêverie et lui demanda la raison de sa présence. « Merci ! Encore un peu et j’ai cru mourir noyée sous cette pluie ! » Lâcha-t-elle pour plaisanter, même si elle gouttait à peine. « Il y a eu une coupure de courant à la maison et pas moyen de rallumer. Alors je me suis dit que c’était l’occasion de passer te voir. Mais bon, comme tu n’entendais pas avec la musique, il a bien fallu entrer à l’ancienne. » Ajouta-t-elle alors plus sérieusement. Quand ils étaient petits, elle l’avait déjà fait une ou deux fois, enfin c’était surtout pour passer furtivement et pour ne pas que sa présence soit remarquée par les autres membres de cette maison. Une période où ils étaient casse-cous ; des rêves plein la tête, une période qui appartenait au passé depuis qu’une… légère distance s’était installée entre eux ces derniers mois. Sur ces mots, Julian partit lui chercher une serviette qu’il lui tendit pour qu’elle puisse se sécher. Elle enleva son bonnet et son manteau et les déposa sur le radiateur dans la chambre de son ami pour les réchauffer avant de s’essuyer le visage où perlaient quelques gouttes d’eau. La jeune femme aperçut ensuite toutes les feuilles éparpillées du jeune King sur son bureau. « J’espère que je ne te dérange pas ? » Demanda-t-elle alors en réalisant qu’elle l’avait interrompu dans son travail du moment. Elle pouvait toujours venir le voir à un autre moment s’il était occupé. Elle qui était en dernière année à l’université également vivait la même situation que lui cette année et pouvait parfaitement comprendre que les travaux devaient être rendus en temps et en heure et passaient avant le reste. La jeune femme avait pourtant réussi à concilier ses cours et sa vie personnelle, contrairement aux années précédentes où elle avait limite dû mettre sa vie entre parenthèses pour les cours au lieu d’en profiter et de s’amuser. Elle s’était mieux adaptée et était devenue plus mûre dans sa façon de travailler. Ceci expliquait cela. « Ton mémoire avance bien ? » Se renseigna-t-elle alors. Ils devraient bientôt boucler les dernières conclusions et le remettre, puisque la fin d’année approchait. Scarlett n’était évidemment pas venue ici pour lui parler de cours, mais commencer par un sujet aussi ‘neutre’ lui semblait plus naturel que d’entrer trop vite dans les détails de la seconde raison de sa présence ici… Elle s’assit à côté de lui sur le lit où étaient posés le sachet rempli de bonbons et la tablette qu’elle avait pris. Tous ceux normalement qu’aimaient Julian. N’était-ce pas un motif suffisant pour rester et rattraper le temps perdu au cours de la soirée ?

Scarlett avait la nette impression de couper Julian dans ses activités et de s’imposer un peu beaucoup chez les King, mais elle ne pouvait pas repousser l’échéance de le voir. Si elle ne prenait pas le prétexte de la coupure d’électricité, qu’est-ce qu’elle pourrait inventer pour venir sans qu’il le prenne comme une intrusion malvenue ? Allaient-ils rester longtemps ainsi à faire semblant qu’ils ne devaient pas avoir une discussion jusqu’à faire comme s’ils ne se connaissaient plus alors qu’ils faisaient pratiquement partie de la même famille puisque Daren était le parrain de Scarlett ? Encore heureux d’ailleurs, ça lui donnait encore une occasion de le voir de temps en temps. En effet, les liens entre les deux jeunes gens s’étaient quelque peu distendus depuis quelques temps, alors que la jeune femme essayait de le convaincre de certaines choses sur un sujet délicat, mais ils n’avaient pas forcément été du même avis sur la question. Le jeune homme s’était renfermé face à elle, parce qu’elle avait su voir au-delà de la plupart des gens, et forcément, sa lucidité surprenante n’avait pas plus à Julian qui avait dû se sentir vulnérable sur le coup. Que pouvait faire Scarlett ? Nier la vérité sur ce qu’elle savait juste pour ne pas le mettre mal à l’aise ? Contrairement à la plupart des gens du quartier qui voulait cacher des choses à tout prix, elle n’était pas de la même trempe et n’était pas capable de mentir à tout va. Sa franchise et sa faculté à mettre le doigt où il ne fallait pas ne plaisaient souvent pas, mais on ne pouvait pas lui reprocher de se la jouer fausse. Après s’être essuyée un peu et s’être assise sur le lit, Scarlett s’engagea néanmoins sur un sujet de conversation plutôt neutre lorsqu’elle remarqua Julian farfouiller dans ses feuilles pour ranger son bureau. La fin d’année approchait à grands pas et l’un comme l’autre devrait rendre leur mémoire. Un travail de longue haleine. Le jeune King pensait l’avoir fini tout juste dans les temps, mais cette année avait plutôt étrange pour lui. Ce mot éveilla la curiosité de Scarlett qui se demanda ce qu’il voulait dire par là. « Étrange ? A quel niveau ? » Demanda-t-elle pour en savoir un peu plus, avant de se mordre la lèvre inférieure. Ce n’était pas la bonne approche avec Julian. Mieux valait en rester à une conversation générale, elle avait l’impression que tout ce qu’elle pourrait dire pouvait être pris de travers ou plein de sous-entendus. Elle se concentra donc à déballer les bonbons tandis qu’il partit chercher à boire pour leur petite pause improvisée. Scarlett observa alors une photo sur la table de chevet de Julian. Une photo d’une fille et lui que la jeune femme connaissait vaguement pour l’avoir déjà croisée chez les WW. Elle avait lu sur DS (oui parce que tout le monde a beau le nier, ils lisent son site) qu’il avait rencontré une charmante personne, mais ce n’était pas le genre de chose qu’elle aurait dû découvrir par ce biais. Peu importe, elle était contente pour Julian qu’il aille enfin de l’avant et qu’il ait trouvé quelqu’un pour l’y aider. Elle leva alors les yeux vers le jeune King qui venait de remonter dans sa chambre et qui s’installa en face d’elle pour commencer à manger les bonbons qu’elle avait rapportés. Scarlett savait comment amadouer un homme : son ventre (a). Elle avait grandi en apprenant à cuisiner de bons petits plats à son frère et son père, avant de le faire pour Elias. Bon d’accord, ici elle n’avait rien préparé, mais les bonbons préférés de Julian lui gouvernaient les sens. Après quelques secondes de silence cependant, la jeune Spencer décida de se lancer dans un sujet un peu plus délicat… comme pour briser la glace et le léger malaise qu’elle ressentait entre eux. « Je suis contente qu’il y eut cette panne de courant, ça m’a forcé à prendre mon courage à deux mains et à venir te voir, ça faisait un moment que je le voulais, mais… Je redoutais ta réaction. Il faut bien avouer qu’on n’a pas eu… une relation facile ces derniers temps. Mais ça me fait plaisir de te retrouver. » Confia-t-elle finalement. Et qui dit « trêve », disait aussi ne pas venir les mains vides. Sa venue avait une autre raison, une raison qu’elle n’était pas sûre de vouloir lui communiquer tout de suite, dépendamment de sa première réaction.

Vraiment désolée pour le retard ♥

Scarlett esquissa un sourire lorsque Julian lui confirma la nouvelle. Il était bel et bien en couple et heureux de l’être. La jeune femme ne connaissait pas personnellement l’élue de son cœur, mais elle était contente pour son ‘ami’. Il ne s’était plus attaché depuis longtemps déjà, à cause de toutes ces histoires mystérieuses autour de sa famille. Une petite gêne s’invita sur son visage et ses yeux brillèrent d’émoi lorsqu’il parla d’elle, de cette fille qui avait su briser les barrières méfiantes de Julian pour lui redonner confiance en l’amour. Elle espérait sincèrement que cette relation marcherait pour lui. Il en avait grand besoin pour reprendre à nouveau le cours de sa vie. L’absence de sa mère était devenue une douleur si forte pour lui qu’elle ne s’était plus résumée qu’à une succession de jours sans fins, l’enfermant dans une éternité sans saveur. Mais aujourd’hui, tout changeait enfin. Bien sûr, rien ne serait plus comme avant, mais il n’était pas nécessaire de le rappeler à longueur de temps. Retrouver un Julian à nouveau heureux était un bon début.  « Retrouver quelqu’un dans ta vie… C’est une bonne chose pour toi. » Dit-elle simplement en souriant de nouveau. Elle préféra ne pas poser davantage de questions. Elle ne pouvait pas débarquer ici et faire comme s’ils n’avaient pas arrêté de se parler depuis plusieurs semaines. Ils savaient pertinemment bien que Julian l’avait évité pour une raison qui lui paraissait encore obscure, mais pas tout à fait inconnue ; un sujet que Scarlett s’était interdit d’aborder également. Elle ne voulait pas qu’un malaise sous-jacent ne revienne s’installer entre eux alors qu’elle souhaitait simplement rétablir le contact de leur vieille amitié étrange. A vrai dire, elle n’avait pas vraiment compris la réaction méfiante de Julian envers elle. Peut-être qu’elle en savait trop ou justement pas assez ? Et pourtant… Il leur faudrait certainement revenir tôt ou tard sur la question. Toutefois, dans un premier temps, la jeune femme se montra ravie de le revoir, malgré ces derniers mois instables. Le jeune King se contenta de lui retourner les mêmes mots prudemment, si bien que Scarlett ne pouvait affirmer s’ils étaient sincères ou non. Quelque part entre les deux sans doute. Mais la véritable raison de la venue de la jeune femme était tout autre. Quelques jours auparavant, elle avait fait du rangement dans le grenier des Spencer pour aider sa mère Arsinoé et elle était tombée sur une vieille caméra dans un carton accompagnée de quelques vidéos. Scarlett les avait visionnées et s’était rendue compte qu’ils s’agissaient d’image de leurs enfances… Plusieurs scènes où Julian, Joy et les enfants Spencer jouaient entre eux, gardé par Alicia en avant et arrière-plan selon les moments. Des cassettes, oubliées dans le grenier au n°14, qu’ils n’avaient jamais eu l’occasion de voir. La jeune femme hésita un instant. Elle ne voulait pas raviver ces souvenirs alors qu’ils rétablissaient à peine la conversation, mais Scarlett ne se voyait pas les garder. Il devait les avoir… en souvenir de sa mère. « J’ai quelque chose pour toi. » Souffla-t-elle alors en sortant la vieille caméra du sac et les quelques cassettes qu’elle déposa sur le lit. « Je les ai retrouvées récemment, mais ce n’est pas obligé de les regarder maintenant. C’est pour Joy et toi, les voir plus tard, enfin si vous voulez… » Ajouta-t-elle ensuite. Une bonne chose de faite. Après la réponse du jeune homme, quelques secondes silencieuses s’écoulèrent. Scarlett avait l’impression qu’un malaise régnait toujours quoiqu’elle pourrait dire, peu importe le sujet abordé. Elle prit alors son courage à deux mains, prenant le risque de le voir se braquer, mais tant pis. Il fallait « crever » l’abcès entre eux. « On ne devrait pas continuer de faire semblant à nous regarder et de paraître à l’aise, alors que ce n’est pas du tout le cas. » Répondit-elle en souriant pour lancer le sujet de façon neutre en désamorçant le problème délicatement. C’était vrai, un tiers visualisant la scène les aurait trouvés plus amusants qu’autre chose à essayer de « paraître » normal sans parvenir à l’être. « Je me demande... Pourquoi c’est devenu aussi bizarre entre nous ? » S’interrogea-t-elle d’une voix calme et posée.  Scarlett avait fait à nouveau le premier pas. Cette fois, si Julian éludait encore la question, elle ne pourrait plus faire grand-chose pour essayer de changer les choses entre eux. La suite de leur ‘amitié’  se trouvait désormais entre ses mains.

Les derniers mois écoulés n’avaient visiblement pas suffi à dissiper le malaise qui régnait entre eux. Lassée de ces regards fuyants et de ces non-dits qui ternissaient leur amitié depuis trop de semaines, Scarlett avait de nouveau fait le premier pas en douceur pour commencer et amorcé une approche un peu plus directe ensuite. Si elle ne menait pas le chemin de la conversation sur la voix de ce sujet, ils ne l’aborderaient plus jamais. Une idée qui n’était clairement pas pour déranger Julian qui préférait oublier ce qui s’était dit entre eux. Elle ne voulait pas lui forcer la main, loin de là était son idée. Scarlett souhaitait seulement lever l’embarras grandissant qui se glissait entre eux. La jeune femme n’avait pas été dupe de cette détresse tacite qui émanait de lui, une douleur sombre refoulée et renfermée dans un silence qui ne se devait pas d’être violé. Son intention n’était pas de s’immiscer derrière ces murs de vérités inexactes, mais de lever le voile sur les malentendus qui les avaient causées. Á force de les fréquenter sa sœur et lui, elle avait presque réuni toutes les pièces manquantes du puzzle qui se dessinait clairement dans sa tête. Scarlett avait elle aussi vécu une longue période de renfermement, où elle fuyait le monde et se contentait de l’observer. Elle avait développé une capacité à ressentir souvent en un clin d’œil des choses chez les autres et à les comprendre, des choses que leur propre entourage ne voyait pas toujours du premier abord. Pourtant, elle avait l’impression dans le cas de Julian qu’il se refuser à assembler ces pièces manquantes avec elle, préférant se garder exclusivement le nœud du problème à résoudre pour dresser seul la mosaïque instable de son passé. Alors quand il lui répondit qu’elle savait, elle se contenta d’acquiescer sans rien ajouter. Ce n’était pas ce qu’elle voulait comprendre. Scarlett connaissait bien évidemment le sujet exact du malaise entre eux –elle en savait trop au goût du jeune homme d’ailleurs-, mais elle ne saisissait pas le pourquoi il avait pris ses distances avec elle depuis, ni pourquoi il se méfiait d’elle alors qu’elle avait juste cherché à le rassurer. Le problème n’était pas une question de partage de « fardeau », mais le refus de Julian de s’en délester. Il se cantonnait derrière ses murs de silence et préférait écouter la version des petites voix dans sa tête que d’accepter ne fut-ce que la possibilité qu’une autre puisse effectivement exister. Scarlett ne brisa pas tout de suite le silence qui avait suivi la petite phrase du jeune King, il n’était sûrement pas le plus gênant pour elle. « Je sais, oui. Mais je ne comprends pas pourquoi toute cette méfiance depuis. » Souffla-t-elle tout de même au bout de quelques minutes qui lui parurent une éternité. En manquant de confiance en lui-même, il manquait aussi de confiance en elle sur le coup. Toutefois, libre à lui de poursuivre la conversation ou de passer tout à fait à autre chose. Scarlett ne reviendrait plus dessus si tel était son choix. Elle n’était pas un tyran qui voulait absolument obtenir des réponses par une sordide torture psychologique. Ce serait juste délicat de ne pas dissiper ce fichu malaise entre eux pour une raison qu’elle ne parvenait pas à comprendre tout à fait.

L’écrivain Tabucchi a dit un jour que la culpabilité est un sentiment irrationnel, le sentiment d'être responsable de tout le mal du monde. Le remords, lui exprime une nostalgie, le regret de ce qui aurait pu être et n'a pas été. Scarlett se posait cette question en pensant à Julian. Il se sentait responsable de certains événements dans le livre de son passé et tournait les pages des mois qui défilaient en se demandant comment tout aurait pu être différent. La jeune femme se demandait s’il ne confondait pas cette impression avec le regret de ce qui ne pourrait plus être depuis la perte de sa mère. Scarlett n’avait que trop bien compris la signification de ses doutes, mais chaque fois qu’elle en avait effleuré le sujet avec lui, il s’était fermé comme une huître… un peu comme s’il avait claqué ce livre devant elle et l’avait cadenassé pour qu’elle ne cherche plus à en tourner les pages. Scarlett avait plutôt deviné le contenu toute seule, mais ne comprenait pas encore tout. Pourquoi par exemple se méfiait-il autant d’elle ou de ce qu’elle pouvait penser ? Depuis qu’elle avait tenté de le rassurer sur ces sentiments de culpabilité injustifiés, leur amitié avait aussitôt changé et rempli les blancs des silences qui ont suivis entre eux par de l’incompréhension. Scarlett n’avait plus espoir qu’il décadenasse son passé devant elle... Soudain, elle sortit de ses pensées lorsque Julian se tordit dans une expression de douleur devant elle lui assenant qu’elle ne comprenait rien. C’était justement tout ce qu’elle demandait… Une grimace qui en disait long apparut sur son visage, il luttait pour briser les murs de ses doutes et se lancer. Au vu de sa réaction extrême, Scarlett regretta presque de l’avoir poussé dans ses retranchements, mais alors qu’il était désormais déterminé à lui répondre, il était hors de question de revenir en arrière. Il porta ses mains à son visage, la jeune femme se mordit la lèvre inférieure et s’en voulut d’avoir indirectement abordé ce sujet douloureux, mais elle se retint de briser le silence ou de le prendre dans ses bras. Ce geste l’aurait immédiatement rebuté, et Scarlett n’aurait pas osé le faire avec Julian. Il baissa ses mains et lui demanda pourquoi elle ne disait rien. Elle comprit bien entendu qu’il ne parlait pas de cet instant précis. Il enchaîna en parlant de police et s’étonna qu’elle lui adresse encore la parole après ce qu’elle savait. Il lui avoua ensuite être dans le flou et totalement perdu. Le plus difficile dans cette histoire était qu’aucun deux ne connaissait les véritables réponses à ces questions. Ils ne pouvaient que supposer ce qu’il y avait entre les lignes, comme les lecteurs d’un livre à suspens, sauf qu’il s’agissait de la réalité. Scarlett resta silencieuse une nouvelle fois. Au travers des paroles confuses de son ami, elle parvenait enfin à comprendre pourquoi Julian s’était éloigné d’elle. Il avait peur, peur de cette vérité obscure qui pendait sur sa tête telle une épée de Damoclès, peur de sa propre réaction peut-être, réaction qu’il ne comprenait pas chez la jeune femme. Elle le laissa déverser son flot d’émotions, il se leva et tourna à plusieurs reprises dans sa chambre. Scarlett aurait voulu le calmer, mais il valait peut-être mieux exploser une bonne fois pour toutes, qu’il fasse ressortir tout ce flot de sentiments à la fois. Il baissa alors son regard vers elle et lui rappela qu’il ne devrait plus être parmi eux avant de vouloir comprendre une nouvelle fois pourquoi la jeune femme gardait tout pour elle. La réponse de Scarlett ne se fit pas attendre. « Parce que j'ai confiance en toi. Tu n'as rien fait, je le sais. Il n’y a absolument aucune raison qui me pousse à croire le contraire. » Affirma-t-elle sans une once de doute. Elle ne savait pas expliquer pourquoi elle le sentait au fond d’elle comme ça, mais sa certitude n’avait jamais été aussi inébranlable.

Scarlett détestait se sentir remuer le couteau dans la plaie de ses propres mains. Elle aurait voulu lancer la dague involontaire créée par ses mots au travers de la fenêtre et revenir à quelques minutes auparavant, mais Julian et elle ne pouvaient pas continuer de s’éviter éternellement et devaient aborder le sujet de cette plaie brûlante pour essayer d’en ramasser des bribes de vérité. Scarlett était nourrie d’une certitude qui ne la quittait pas ; au fond d’elle, elle était persuadée que Julian n’avait rien fait. Le problème est qu’elle n’était pas en mesure d’expliquer pourquoi ni d’apporter les éléments qui pourraient corroborer son intuition. Elle détestait voir le jeune homme s’enfoncer dans ses démons provoqués par l’ignorance de ses actes. Il avait vécu une sorte de choc post-traumatique qui lui avait tout fait oublier et le laissait vivre dans le doute. Le but de Scarlett en venant ici n’avait pas été de raviver de mauvais souvenirs, mais ça la tuait de le voir comme ça. La réaction de Julian ne se fit pourtant pas attendre. Il lui cria d’arrêter d’essayer de le protéger de la vérité possible et affirma ensuite que ce n’était pas la première fois, avant de perdre ses moyens. Scarlett haussa les sourcils perplexe. Pas la première fois ? Que voulait-il dire par là ? Pas son premier black-out ? Pas sa première perte de contrôle ? Mais l’attitude assez bouleversante de son ami l’empêcha de se risquer à une énième question indélicate qui ne ferait que renforcer un peu plus encore les certitudes du garçon. Une boule apparut dans la gorge de Scarlett, qui s’émut de voir Julian se mettre dans de tels états. Des larmes coulèrent sur les joues du jeune homme qui cacha son visage derrière le rideau de ses mains. Il évoqua ce souvenir brûlant en expliquant qu’il ne comprenait toujours pas pourquoi et qu’il ne pouvait rien faire sans avoir de réponses. Le jeune King redoutait surtout que cet enfer recommence de nouveau. Scarlett se leva alors du lit et le rejoignit en posant prudemment ses mains sur celles de Julian pour les lui retirer doucement du visage. Il n’avait pas à cacher son chagrin devant elle. Cela lui crevait le cœur de voir le jeune homme à bout et au bord de la rupture depuis tant de temps. Il fallait vraiment y faire quelque chose. Et l’unique possibilité pour y arriver était tellement évidente. « Écoute, je sais que ce que je vais dire n’est pas forcément ce que tu veux entendre, mais je n’y crois pas une seule seconde. Tu l’as dit toi-même, tu ne sais pas pourquoi et il n’y avait aucune raison justement. Plusieurs personnes sont venues la voir ce jour-là et on ne sait pas non plus pourquoi. » Selon les rapports de police du moins, elle n’inventait évidemment pas cette information de toute pièce. Il y avait eu plusieurs visites impromptues qui étaient soi-disant des courtoisies de voisinage. Mais Scarlett avait une autre information en réserve qu’elle ne comptait pas vraiment dire à qui que ce soit dans l’immédiat, une découverte fortuite qu’elle avait faite récemment et elle voulait d’abord en apprendre plus sans se faire griller. « On finira bien par trouver les réponses. » Répéta-t-elle d’une voix déterminée, qui n’appelait pas à remettre en doute son intention d’essayer de l’aider. Le principal problème était que Julian refusait de revivre ce moment à cause du choc et préférait l’oublier, du coup il manquait les détails de ses souvenirs et il ne pourrait obtenir les réponses à ses questions de cette façon-là. Á moins que… N’avait-il jamais essayé l’hypnose ? Scarlett songea alors un instant la situation sous un angle différent. Que ferait-elle si des éléments apparaissaient un jour et confirmaient la pensée de Julian ?

HJ: désolée pour le temps de réponse :)

La solitude. Elle avait le don de ravager les âmes les plus endurcies. Il était loin ce petit Julian souriant qui jouait avec elle dans les garderies d’enfants. Le temps avait glissé sur son corps, allongé ses muscles et ses os de jeune adulte et renforcé l’étrange barrière qui entourait son cœur. Scarlett avala péniblement sa salive à la vue du visage si semblable à celui de sa mère, ravagé de larmes. Briser la carapace de Julian n’était pas une mince affaire. Revivre ces sensations semblait le tuer à petits feux de l’intérieur, elles combattaient sa nature profonde, son désir d’anesthésie. Un léger mal de crâne surgit dans la tête de Scarlett et s’intensifia, la jeune femme sentit son cœur batte à coups redoublés dans sa poitrine, l’écho rythmique de son organe fit disparaître la réalité un instant et la replongea à son tour dans le passé. Il avait suffi d’une minute, d’une poignée de seconde pour que l’allégresse la plus totale d’une famille se transforme en désespoir le plus sombre. Elle se remémora cette journée où, plantée dans sa robe noire détrempée, elle s’était tenue derrière les enfants King, fraîchement avortés de leur mère et avait eu l’impression malsaine d’entendre à nouveau le rire d’Alicia, l’accent délicat prisonnier de sa voix, son parfum factice inondant la scène. Les cris et les larmes de ses enfants brisés avaient résonné dans ce silence mortel qui régnait dans le cimetière. Sous le masque parfaitement impassible de Daren, Scarlett avait perçu la même souffrance, cette douleur qui vivrait en lui aussi. Les années avaient passé, en apparence la vie continuait dans le quartier, mais le fantôme d’Alicia planait encore sur le bonheur fictif de cette famille en attente de réponses qui ne venaient pas. Daren s’était plongé à corps perdu dans son travail tandis que ses enfants s’étaient emmurés dans le silence de ce qu’ils croyaient être une vérité infondée. Bien malgré lui, Julian se rejetait la faute et se reprochait  un crime dont il ignorait tout, mais il ne restait que ce petit garçon innocent, bien trop conscient de ce manque d’affection que lui donnait sa mère de son vivant. Scarlett le serra instinctivement dans ses bras, ce corps fragilisé contre elle et attendit que la tempête de ses émotions se calme. Le visage rempli de larmes incontrôlables, le cœur émietté, Julian évacuait. Une boule nouait les tripes de la jeune femme, une peur insidieuse de faire une erreur prit vie en elle, et si elle se trompait ? Elle pesait si peu face aux souvenirs dévastateurs qu’il gardait en lui… Non ! Au fond d’elle, elle était absolument certaine qu’il n’avait rien avoir avec ce qui s’était passé et elle s’accrochait à cette idée sans vouloir en démordre. L’inattendu se produit alors sous ses yeux. Julian confirma le besoin de son aide ou de son soutien pour la première fois depuis toutes ces années. Lui qui s’était enfermé dans une carapace incassable acceptait aujourd’hui d’affronter ses démons, c’était un énorme pas qu’il venait de franchir et Scarlett voulait vraiment faire tout son possible pour l’aider à découvrir la vérité, bien que pour le moment, il fallait avouer qu’elle ne voyait pas encore comment ils pourraient trouver quoique ce soit. Mais la jeune femme avait bien une idée de par où commencer, une idée qu’elle n’était cependant pas prête de lui confier aujourd’hui, alors qu’il était ébranlé par ses aveux difficiles.  « Je t’aiderais. Comment, ça restera à voir, mais je t’aiderais. » Souffla-t-elle en guise de réponse, sans faire de fausses promesses. Elle en avait peut-être trop dit, sans en dire assez, et préférait s’en tenir là. Elle se détacha alors de lui et plongea son regard dans le sien. Parfois, dans de rares moments, elle se prenait à imaginer un monde où tout était plus doux, où la mère King était encore en vie, et où cette famille aimante était encore unie. Mais ce n'était qu'un rêve inexistant. Il était temps que Julian se réveille à son tour et sorte de son aphonie.

Enfin, songea Scarlett. Les deux amis avaient enfin pu avoir cette discussion à propos de ce qui enfermait Julian derrière cette carapace de silence. Il avait bien essayé de prendre ses distances et de l’éloigner de la « vérité » qui le rongeait après s’être rendu compte qu’elle avait deviné ce qui le détruisait à petits feux. La jeune femme ne s’en était pourtant pas effrayée, persuadée qu’une autre explication se cachait derrière cette histoire, une version des faits bien moins évidente. Julian lui confia d’ailleurs ne pas avoir découvert comment une telle chose avait pu arriver. La jeune femme se demanda un instant si le jeune King n’évoquait pas indirectement son domaine d’études. S’était-il lancé dans la psychologie dans l’espoir de répondre à quelques-unes de ses questions ? « Tu n’as jamais essayé d’en parler à un spécialiste ? »Demanda-t-elle soudainement. Puis, se rendant compte qu’il pourrait mal prendre ses propos, elle s’empressa de préciser sa pensée. « Je veux dire à propos de ces périodes d’inconscience et d’accès de colère. » Scarlett se doutait bien entendu qu’il ne parlerait pas de ce moment horrible qu’était le jour de la mort d’Alicia, d’autant plus horrible quand on se mettait dans la peau de Julian. « L’hypnose par exemple est parfois un bon moyen de remonter des souvenirs, mais cette méthode ne marche que sur des personnes qui acceptent de les voir revenir. Mais il doit exister d’autres choses aussi, ça pourrait être une piste. » Cita-t-elle un exemple, sans pour autant lui dire de se soumettre à ce type de « médecine ». Elle ne voulait pas qu’il croit qu’elle le prenait pour un fou. Ce n’était pas du tout le cas. Scarlett abordait simplement quelques possibilités qui existaient à ce jour pour ramener des souvenirs enfouis volontairement ou non. Envisagerait-il ces moyens-là ou se fermerait-il aussitôt sur lui-même comme si elle avait lancé une alternative inimaginable ? La jeune femme avait une idée bien plus concrète pour aider son ami, une idée qu’elle ne lui détaillerait pas complètement aujourd’hui. Elle lui fit tout de même brièvement part de ses intentions de remonter le passé de son côté et de bousculer si nécessaire quelques personnes pour délier les langues et obtenir un semblant de vérité. Le but de Scarlett n’était pas de lever un voile malheureusement impossible à déchirer, mais de trouver des sources destinées à répondre à plusieurs questions de Julian et à le rassurer. Était-ce seulement possible ? Nul ne le saurait s’ils n’essayaient même pas, mais ce voyage s’annonçait peut-être douloureux pour Julian qui se braquerait sans doute face à une telle option. Scarlett préféra donc clore la discussion sur ce sujet qu’ils avaient déjà bien abordé aujourd’hui. Seul l’avenir lui dirait ce qu’il en retournerait. Elle était déjà bien contente que le jeune homme se soit enfin ouvert à elle, une étape non négligeable, car l’amitié, c’était aussi partager à deux des problèmes que l’on ne pouvait pas porter seul sur sa conscience. La jeune femme tenait à ce qu’il sache qu’elle croyait en lui et qu’elle était là pour lui s’il en avait besoin.

Cette histoire était terriblement compliquée. Scarlett était persuadée au fond d’elle que Julian imaginait une partie de ses démons, car à cause de ses périodes d’inconscience, il ne se souvenait pas de tout. Vivre dans l’ignorance de ce qu’on a pu faire est parfois un plus lourd fardeau que de connaître la vérité. La jeune femme lui demanda alors s’il s’était renseigné auprès de spécialistes à propos des raisons qui pouvaient déclencher ces black-out ou s’il avait essayé des techniques comme l’hypnose pour faire remonter les souvenirs. Elle avait soigneusement utilisé ses mots pour ne pas que Julian prenne ses propos de travers et pense qu’elle le croyait fou, ce qui n’était pas du tout le cas. Tout ce qu’elle cherchait était d’essayer de l’aider et de comprendre les démarches qu’il avait déjà entreprises en plus de son choix d’études. De façon surprenante, il lui expliqua patiemment que l’hypnose n’était pas le meilleur des moyens à sa portée. Cette technique créait parfois des souvenirs irréels dans la confusion de la pensée et ne l’aiderait donc pas à y voir plus clair. Dans le pire des cas, il pourrait même s’imaginer des choses totalement fausses. Il valait effectivement mieux éviter de compliquer la situation. Scarlett avait une autre idée bien plus concrète pour l’aider. Elle connaissait les noms de tous ceux qui s’étaient rendus chez lui ce jour-là. La jolie brune ne comptait évidemment pas résoudre l’énigme impossible d’une affaire, mais elle voulait aller à la rencontre de ces personnes pour tenter de reconstituer les moments de cette journée, en particulier auprès de ceux qui avaient croisé Julian pour remplir le puzzle de ses souvenirs. Qu’avait-il fait ce jour-là ? Dans quelle humeur était-il ? Elle pourrait peut-être trouver quelques éléments de réponse, mais elle avait peur « d’interroger » les gens concernés qui prendraient certainement mal sa démarche et la verrait comme une accusation déplacée. Ce n’était pourtant pas son intention. Son premier but serait d’aider Julian à faire remonter les souvenirs. Comme le jeune homme lui avoua au même instant, il ne voulait que la vérité. Pour ce faire, Scarlett devait accepter l’idée qu’il avait possiblement raison à propos de lui-même, même si elle n’en était pas convaincue une seconde. Elle ne le croyait pas capable de faire du mal à qui que ce soit, du moins pas au-delà d’une certaine mesure. La jeune femme voulait cependant attendre d’obtenir des résultats avec son idée avant d’en parler à Julian et de lui donner de faux-espoirs. « Très bien. » Répondit-elle. « Laisse-moi voir ce que je peux faire pour trouver des réponses et je reviendrais vers toi dans quelques temps. » Ajouta ensuite la jeune femme, la voix gonflée d’un espoir qui ne pourrait même pas décourager le plus pessimiste d’entre eux.  Elle espérait que Julian ne lui poserait pas trop de questions sur comment elle comptait s’y prendre, elle n’avait pas vraiment envie de s’expliquer maintenant et n’avait fait aucune promesse qu’elle ne pourrait tenir pour le moment.  Mieux valait en rester là pour l’instant. Scarlett était contente qu’ils aient crevé l’abcès de cette discussion qui n’avait que trop tardé, ils n’auraient plus à s’éviter dans les jours à venir.

L’avenir était encore fragile et incertain. Julian avait cherché des réponses sans y être parvenu et avait vécu dans l’ignorance de ses actes pendant longtemps. Scarlett avait une nouvelle approche à adopter. Si le jeune homme ne pouvait pas retrouver ses souvenirs de lui-même, elle chercherait la vérité dans ceux des autres. Mais pour réussir à en tirer quelque chose, la jolie brune devait partir en toute objectivité et considérer que la version de Julian pouvait aussi être la bonne, même si elle n’y croyait pas vraiment. Scarlett ne savait pas ce qu’elle trouverait, à condition d’avancer tout court dans cette ‘entreprise’ plutôt délicate. Elle devrait se montrer discrète et prudente. Tout se savait tellement vite dans ce quartier… Et pourtant nombre de secrets étaient encore gardés sous scellé. La jeune femme apprécia cette flamme nouvelle qui brillait dans les yeux de Julian, une étincelle d’espoir qui lui avait été insufflée par la perspective de se sortir de cette situation latente. Scarlett lui avait promis de l’aider, mais elle ne lui avait pas caché qu’elle pouvait tout aussi bien ne rien trouver. Elle lui avait simplement demandé de lui faire confiance et de lui donner du temps. La jeune femme espérait que Julian profiterait de ce temps pour se laisser à nouveau revivre. Il lui avait brièvement parlé de cette fille qui lui faisait battre le cœur. Pourquoi ne se donnerait-il pas une chance d’aimer à nouveau sans penser à toutes ces histoires ? La jolie brune avait envie de voir son ami retrouver le sourire et de le voir heureux à nouveau. Cette soirée était un bon début pour recommencer. Scarlett sortit de sa rêverie quand Julian se leva et l’invita à le rejoindre en lui tendant la main. Elle lui emboîta le pas et l’écouta s’ouvrir à elle. Cette peur continuait de l’habiter, cette peur de l’inconnu et de ce qui l’attendait. La jeune femme ne put toutefois retenir un sourire quand il admit la sensation agréable qu’il ressentait d’avoir à nouveau de l’espoir. À cet instant, elle espéra sincèrement ne pas décevoir les attentes de son ami. Elle entendit ensuite la merveilleuse mélodie de son rire, un son qu’elle n’avait plus entendu depuis trop longtemps, la cerise sur le gâteau de cette soirée. C’était comme si un chapitre s’était clos et qu’un nouveau pouvait s’écrire, à l’image du livre de leur amitié ce soir, où ils avancèrent les pages de cette conversation pour en arriver à celles qui décrivaient les bons moments de cette soirée qu’ils passèrent pour se retrouver, pour retrouver une partie du Julian d’avant et le nouveau d’aujourd’hui.