Leona se prit à rêver de partir en vacances. Elle n’avait jamais autorisé son esprit à se laisser déconcentrer par ce genre de distractions, mais le contexte de cette soirée se prêtait plutôt bien à cette perspective. La jeune femme esquissa un sourire aux descriptions plutôt « romantiques » de Wyatt à propos de ses séjours en Europe, en particulier de l’Italie. Il tenait à lui faire découvrir un pays qu’elle ne connaissait pas encore, mais il lui épargnerait les habituels clichés de Venise et de ses promenades en gondole. La Toscane représentait, selon lui, LA région à découvrir, surtout Florence, une ville dont Leona avait déjà entendu parler pour ses merveilles. La jeune chirurgienne était sincère dans son intention de prendre quelques jours très prochainement… quand elle le pourrait. Il lui demanda alors de l’emmener en Russie un jour… un pays aux mentalités tellement différentes. Leona n’était pas stupide, le travail de Wyatt avait certainement déjà dû lui donner l’occasion de s’y rendre, mais dans de bien d’autres conditions que du simple ‘tourisme’. « Tu sais quoi ? Si on va en Europe, on fera tous les pays que tu voudras. » Répondit-elle enthousiaste à ce projet. La jeune anglaise tenait aussi à faire un crochet par chez elle dans son pays d’origine. La si calme Angleterre lui manquait. Elle pourrait aussi présenter Wyatt du côté de sa famille maternelle. Après tout, elle considérait leur relation suffisamment sérieuse que pour passer ce cap. Ils n’étaient plus de simples adolescents en proie à l’appréhension pour ce genre de démarches. Leona termina de manger en se replongeant quelques instants dans le silence. Parler voyages lui avait ouvert l’imagination et l’appétit. Au bout d’un moment, sa main rejoignit doucement celle de Wyatt sur la table, elle la caressa un instant avant que leurs doigts ne s’entrelacent tendrement. « Dire qu’il y a quelques mois, je n’aurais même pas imaginé qu’on puisse parler de ça… ni même qu’on puisse vivre ça. » Souffla-t-elle songeuse. Le sourire de Leona était discret, et pourtant tellement flagrant. Un sourire qui signifiait combien elle était heureuse pour la première fois depuis longtemps.

Ce n’était pas dans les habitudes de Leona de se montrer aussi affective, mais elle apprenait à apprécier ce qu’elle avait. Cette situation de couple était toute nouvelle pour elle, mais elle ne doutait pas que Wyatt était la personne qui lui correspondait le mieux. Depuis l’Afrique, elle avait ressenti quelque chose de fort au fond d’elle sans vraiment se l’avouer. Elle avait tu ce sentiment jusqu’au dernier moment, ne croyant pas le revoir un jour ni même espérer qu’il arrête de voyager aux quatre coins de monde à risquer sa vie à tout va. Aujourd’hui, il était assis en face d’elle avec la promesse de ne plus repartir. Leona était tellement heureuse en ce moment qu’elle en avait presque oublié toutes les horreurs qu’ils avaient traversées ces derniers mois, horreurs qui avaient eu l’unique effet positif de les rapprocher encore plus. Wyatt l’apaisait. Mieux que n’importe quelle thérapie psychologique sordide, il était sa guérison, l’être qui était devenu vital à son équilibre de vie. Tel le poumon fonctionnait chez l’humain, il donnait à son cœur une autre raison de respirer. L’amour. Elle aimait l’homme qui se tenait devant elle à un point qu’elle ne se serait jamais crûe capable. Ses gestes tendres parlaient d’eux-mêmes. Leona était complètement ‘Wyatisée’. (Mais avant de virer trop bisounours), la jeune chirurgienne redoutait encore la fin de la soirée et se contentait donc de profiter de chaque instant où leur complicité ne faisait que grandir. Le frère Cleavers lui fit alors remarquer qu’elle devrait prévoir une période d’absence suffisamment longue pour partir. « C’est une promesse dans laquelle je m’engage. » Affirma-t-elle contre toute attente sans sourciller. Elle qui quelques heures plus tôt n’était pas décidée à quitter son travail pour une période aussi longue avait bien réfléchi. Continuer de mettre sa vie entre parenthèses n’arrangerait pas tous les problèmes du monde. Des patients malades ou en besoin d’opération urgente entraient tous les jours à l’hôpital. Elle faisait juste ce qu’elle pouvait pour limiter les dégâts et rendre ces journées moins pires. Mais à quoi cela servirait-il si son travail finissait par tuer son envie déterminée et sa passion dans ce métier ? Après un nouveau rapprochement avec Wyatt, elle laissa entendre qu’elle n’aurait jamais crû avoir la chance de vivre ça… Autrement dit, de revenir d’aussi loin que… l’enfer. Ses paroles la touchèrent, si bien que Leona ne put se retenir d’une petite folie. Elle se leva et contourna la table qui les séparait pour saisir doucement le visage de Wyatt et l’embrasser tendrement, le sentir contre elle, sans se soucier des regards qui se posaient sur eux. Afficher son bonheur dérangeait toujours, mais elle n’en avait que faire aujourd’hui. La jeune chirurgienne avait soudainement besoin de ces rapprochements, un calme bienvenu avant la tempête. « Et si on rentrait ? » Souffla-t-elle ensuite, s’arrêtant soudainement en se rendant compte que le moment était bientôt venu. Elle ne pouvait pas continuer de lui cacher les projets qui l’empêchaient d’arrêter son travail dès maintenant.

Malgré ses marques d’affection plus prononcées qu’à l’ordinaire et son changement d’avis quant à partir quelques jours avec Wyatt, Leona pensait sincèrement tout ce qu’elle avait dit et fait ce soir. Cette sortie avait réellement pour but de célébrer la réussite du jeune Cleavers aujourd’hui et de passer un bon moment avec lui. Disons que la jeune chirurgienne profitait juste de sa présence et aussi de la soirée et qu’elle retardait le plus possible l’instant où tout basculerait. Elle n’allait pas pouvoir rester à Magnolia dans les prochains jours et Leona avait peur de ce que cette première séparation donnerait. Non seulement parce que le lieu où elle se rendrait déplairait à coup sûr à Wyatt, mais aussi parce qu’elle se demandait si pendant son absence il se rendrait compte qu’elle ne lui manquerait pas tant que cela ? C’était peu probable, mais le risque était là. Après tout, leur couple était tout nouveau. Ils étaient encore dans l’effervescence du début et ne savaient pas du tout à quoi s’attendre. Maintenant   qu’elle s’était attachée à lui plus que de raison, elle redoutait un peu sa réaction. Ayant besoin de se rassurer une nouvelle fois par un contact plus proche, la jeune chirurgienne se leva pour rejoindre Wyatt et l’embrasser, se fichant bien du qu’en-dira-t-on des gens qui les observèrent soudainement. Ils avaient à peine fini de manger que Leona souffla aussitôt l’idée de rentrer. Elle ne pourrait plus se taire très longtemps. Wyatt la regarda d’un air surpris, mais acquiesça sans poser de questions. Il devait se rendre compte que quelque chose la turlupinait, car ce n’était pas dans les habitudes de la jeune anglaise de le demander avec une telle requête dans la voix.  Il se montra tendre envers elle pendant que le serveur préparait l’addition. Une fois la note payée, ils retournèrent dans la voiture. Comme elle s’y attendait, Wyatt profita de ce moment pour lui demander si quelque chose n’allait pas. « Non du tout, je passe une très bonne soirée ! » Répondit-elle en souriant et en le regardant conduire. « Pour une fois qu’on en a l’occasion… » Ajouta-t-elle ensuite avant de détourner son regard vers l’extérieur. C’est vrai qu’ils étaient tous les deux très occupés, sans parler du fait qu’il travaillait souvent de jour et elle de nuit. Les occasions de se voir n’étaient pas légion dernièrement. Wyatt et Leona n’étaient plus très loin de leur destination. Elle laissa quelques secondes s’écouler avant de briser de nouveau le silence. « C’est juste que… J’aimerais te parler de quelque chose quand on arrivera. » Souffla-t-elle. Voilà, c’était dit. Elle ne pouvait plus revenir en arrière. Elle reconnut le début du quartier résidentiel de Magnolia. Une minute après, Wyatt garait la voiture devant leur nouveau chez eux, ce regard interrogateur qui ne lui était pas si coutumier dans les yeux.  

Leona ne retardait pas le moment par plaisir, mais elle ne voulait pas distraire Wyatt qui était au volant de la voiture. Cette discussion devait se faire dans un endroit calme, car il ne manquerait sûrement pas de montrer son désaccord face à ce qu’elle lui dirait. La jeune chirurgienne redoutait sa réaction, mais ils n’étaient plus des adolescents qui prenaient tout à cœur. Ils avaient, en quelques mois, traversé bien plus que ce que la plupart des gens vivaient en toute une vie. Si le mot vérité devait se trouver une définition, il aurait pu être inventé pour leur couple qui savait tout l’un de l’autre… ou presque. Leona ne cachait absolument rien à Wyatt, mais lui préférait dissimuler quelques détails pas très jolis de son passé. Elle devinait aisément ce dont il s’agissait et respectait le choix du jeune Cleavers de les taire. Mais dans l’ensemble, ils se disaient absolument tout. Leona n’allait donc pas faire exception à la règle. La jeune anglaise avait simplement attendu le dernier moment pour le dire. Elle voyait bien l’air agité et inquiet de Wyatt qui devait s’imaginer mille et une chose. D’instinct, Leona posa une main sur la sienne, celle qui ne tenait pas le volant, pour le rassurer. Elle ne voulait pas qu’il croit à un grave problème entre eux, ce n’était pas du tout le cas. Ils arrivèrent enfin chez eux et rentrèrent rapidement à l’intérieur. À bout de patience sans doute, Wyatt lui demanda aussitôt ce dont elle voulait lui parler. Comme elle l’avait deviné, il imaginait le pire et la trouvait différente de d’habitude. « Je te promets que ce n’est rien de grave, c’est juste que ça ne va pas te plaire. » Répondit-elle dans un premier temps. Elle s’appuya sur le rebord de l’armoire et croisa les bras, le jeune commercial debout en face d’elle la regardait attentivement. « En fait, l’organisation humanitaire pour qui je travaillais en Afrique m’a recontacté pour me confier une nouvelle mission. Ils ont besoin de moi là-bas pendant quelques temps et m’ont demandé de revenir d’urgence. » Expliqua-t-elle sans plus de détours. Wyatt lui dirait sans doute qu’il ne voyait pas le problème, puisqu’il voudrait sans doute l’accompagner, mais il ne le pourrait justement pas. Son départ était prévu pour le lendemain matin, le même jour que son premier contrat important pour son nouveau projet de travail, un détail qu’elle ne précisa pas immédiatement. « C’est pour ça que je ne pouvais pas prendre quelques jours maintenant. » Expliqua-t-elle plutôt la raison pour laquelle elle ne pouvait pas partir en vacances tout de suite. Disons qu’elle ne pouvait vraiment pas repousser cette mission. 

Leona prit une inspiration avant de se lancer et de confier à Wyatt qu’elle devrait bientôt partir pour l’Afrique. Ce qu’il ignorait encore était que son départ était imminent. La jeune chirurgienne s’attendit évidemment à sa réaction désapprobatrice. Il était celui qui était venue la chercher là-bas et voilà qu’elle y remettait les pieds malgré tout ce qui s’était passé. La jeune anglaise ressentait elle-même beaucoup d’appréhension à l’idée de retourner dans ce pays, mais elle essayait de se persuader que c’était la meilleure façon de vaincre ses peurs et ses mauvais souvenirs. Des personnes, en particulier des enfants, l’attendaient pour des soins urgents là-bas où l’on manquait cruellement de médecins. Leona n’avait pas besoin de la colère de Wyatt en plus de cette appréhension en ce moment, ce dont elle avait besoin était qu’il comprenne les exigences de son travail tout comme le sien lui en avait tant demandé avant qu’il n’arrête. La jeune chirurgienne avait surtout besoin de se rassurer et peut-être de l’être aussi. Mais elle comprenait que cette annonce ne lui fasse pas plaisir du tout. C’était normal après tout, il s’inquiétait. Elle le laissa donc encaisser la nouvelle. Il lui demanda tout d’abord depuis combien de temps elle était au courant de cette mission  et pour quand son départ était-il prévu. Leona réalisa rapidement qu’il était impensable pour lui de la laisser partir seule, mais il ne savait pas encore tout. « Je l’ai appris il y a quelques jours seulement. » Répondit-elle dans un premier temps. Elle marqua une pause pour réfléchir aux prochains mots qu’elle prononcerait, mais il n’y avait pas de bonne ou de mauvaise façon, car peu importe comment elle lui annoncerait la nouvelle, Wyatt ne serait vraiment pas ravi de l’apprendre. Leona décida donc de se lancer simplement. « Mais ce n’est pas possible que tu viennes. Mon départ est prévu… demain. » Révéla-t-elle. Il était hors de question qu’il l’accompagne, surtout qu’il devait assurer son premier contrat important pour son nouveau projet et ne pouvait vraiment pas se défiler pour n’importe quelle raison que ce soit. Elle refuserait d’autant plus qu’il le fasse par simple inquiétude pour elle. « Je te promets que tout se passera bien. » S’empressa-t-elle d’ajouter pour le rassurer, mais c’était peine perdue. À son regard, elle comprit qu’il n’était clairement pas d’accord d’être mis ainsi devant le fait accompli. C’était justement pour cette raison qu’elle n’avait pas voulu lui dire plus tôt. Et puis, prouvait-elle vraiment tenir une promesse sans pouvoir prédire l’avenir à l’avance ?

Leona savait que cette nouvelle ne plairait pas à Wyatt, mais elle ne s’était pas attendue à une réaction aussi… disproportionnée. En fait, ce n’était pas le bon mot, parce qu’en se mettant à sa place, elle comprenait totalement qu’il puisse réagir ainsi. Elle ne croyait simplement pas que c’était vraiment entrain d’arriver. Il refusa tout bonnement le fait que son vol était le lendemain. Il est vrai que la jeune chirurgienne avait bien imaginé qu’il ne serait pas content, c’était exactement la raison pour laquelle elle avait attendu le dernier moment pour le lui annoncer. Leona ne voulait pas qu’il change son programme pour elle ou qu’il passe sa vie à la protéger. Elle avait accepté cette nouvelle mission humanitaire pour affronter ses peurs et ses démons les plus sombres. Lui mieux que personne devait la comprendre tout comme elle essayait d’encaisser sa colère en ce moment. C’était terrible de se dire qu’il avait totalement raison, mais la jeune anglaise n’avait pas agi contre lui dans ce but. Elle était remplie d’appréhension à la simple idée d’y retourner, mais elle avait bien été incapable de refuser d’aller soigner des gens dans le besoin de soins urgents. C’était tout simplement dans la nature de Leona. Si Wyatt avait renoncé à son travail pour rester aux États-Unis, elle ne lui avait jamais caché qu’elle ne sentait pas encore prête à faire de même. Il lui rappela alors douloureusement pourquoi il avait été en Afrique la dernière fois. Leona garda le silence et baissa les yeux. Elle ne voulait pas revivre ces horribles souvenirs dans sa tête. Pourtant, elle devait y aller. La jeune femme savait qu’il voulait simplement la protéger, mais Wyatt ne la ferait pas changer d’avis. Sa décision était prise. Sa colère monta alors crescendo. Il s’énerva en lui demandant si l’organisme ne pouvait pas envoyer quelque d’autre à sa place. Pourquoi fallait-il que ce soit elle qui y aille ? C’était beaucoup plus compliqué que ça. Leona avait déjà été en Afrique, elle avait comme un ‘laisser passer’ là-bas. Sans parler de la multitude de vaccins qu’un médecin qui n’y était jamais allé aurait dû faire avant de pouvoir partir là-bas, il aurait dû attendre dans les six semaines avant que les effets ne soient valides et qu’il puisse décoller. La jeune anglaise était déjà au point à ce niveau-là et pouvait partir dans l’urgence, sans parler de son expérience des missions humanitaires… et extrêmes. Wyatt éleva encore le ton en lui reprochant d’avoir tout quitté de son travail pour elle et voilà qu’elle retournait dans la gueule du loup la tête la première. Elle ne niait pas ses propos, parce qu’il avait raison sur toute la ligne, mais elle n’avait pas le choix. Ce n’était pas que sa vie qui était en jeu, mais celle de beaucoup d’autres. Elle ne pouvait pas se permettre d’être égoïste pour le coup sous prétexte qu’elle avait ‘peur’. Chaque mot qu’il lui prononçait ne la faisait que se sentir plus coupable encore, c’était comme des petits poignards qui s’enfonçaient dans son corps. Mais elle ne pouvait plus reculer. Plus maintenant. Elle sursauta alors quand il frappa le mur et se blessa. Leona aurait voulu s’approcher pour le calmer, mais la jeune femme se dit que c’était une mauvaise idée, surtout que ce qu’elle allait lui répondre n’allait pas lui plaire davantage, autant garder une certaine distance, elle ne savait pas à quel point il pourrait contrôler sa colère. Il protesta une nouvelle fois et lui affirma qu’elle ne partirait pas sans lui. La jeune chirurgienne attendit quelques secondes avant de s’avancer un peu. « Je t’en prie, calme-toi. Je suis désolée de ne te prévenir que maintenant, mais je ne changerais pas d’avis. Je savais que tu réagirais comme ça et que tu veux me protéger contre tout, seulement tu ne pourras pas toujours être là et il est hors de question que tu rates ton premier rendez-vous demain. Je ferais attention et  il ne m’arrivera rien. » Répondit-elle le plus calmement possible, en campant sur ses positions. Leona serait inflexible sur ce coup-là.

Leona laissa Wyatt vider son flot de colère sur elle. Elle comprenait sa réaction, mais il ne semblait pas vouloir écouter la sienne. Au bout de quelques minutes cependant, la jeune femme en avait assez de se faire traiter comme une enfant à qui on donnait une leçon. Elle était la première à savoir ce qui s’était passé en Afrique, pas besoin de lui rappeler encore et toujours les mauvais souvenirs qu’elle tentait d’oublier. La jeune chirurgienne appréhendait ce départ, mais elle avait toujours eu des craintes face à l’inconnu de ce qui l’attendait. Combien de patients à soigner et quelle en était la gravité ? Ces questions comptaient tout autant pour elle que ses doutes. Elle avait des gens à aider et devait arrêter d’être égoïste à cause de ses peurs. Leona devait les surmonter une bonne fois pour toute en y retournant. Bien sûr, elle n’avait pas eu la folie d’accepter de retourner au même endroit, c’était même plutôt très loin du lieu où elle avait rencontré Wyatt. D’accord, la jeune femme était revenue de l’enfer. Mais tout le continent n’était pas aussi instable partout. Qu’en étaient-ils de ces touristes qui passaient leurs vacances là-bas ? La plupart d’entre eux ne risquaient absolument rien, même si Leona avait plutôt l’habitude de travailler dans des contrées tumultueuses. Alors quand Wyatt lui demanda si elle voulait vraiment qu’il reçoive un message désastreux, elle sortit de ses gonds. « Stop ! Ce n’est même pas discutable. Des gens ont besoin de moi là-bas, et tu sais mieux que personne que je ne pourrais jamais le refuser. Tu as déjà beaucoup sacrifié pour moi et je refuse que tu plaques encore tout demain pour cette raison. Je t’ai dit que je ne risquais rien et j’en suis certaine. Je ne me rends pas du tout au même endroit que la dernière fois. Ces souvenirs que tu me rappelles à juste titre, je tente justement de les oublier et de surmonter cette peur qui me hante tous les soirs depuis mon arrivée ici, en y retournant et en arrêtant d’imaginer qu’il n’y a que l’enfer là-bas, parce que c’est totalement faux. » Réagit-elle, d’une voix qu’elle gardait néanmoins calme et posée. Malgré ses explications, il ne pourrait sans doute pas comprendre son entêtement. Ils avaient passé une bonne soirée et elle devait se lever tôt pour partir le lendemain. Leona était fatiguée et n’avait pas envie de tergiverser encore sur le sujet depuis longtemps. Elle comprenait la colère de Wyatt dans le sens où elle lui avait caché jusqu’au dernier moment, mais elle l’avait justement fait parce qu’elle savait qu’il aurait cette réaction. Leona ne justifiait pas son « omission », toutefois elle ne renoncerait pas dans ses intentions. Wyatt lui demanda alors combien de temps allait durer son ‘voyage’. Un temps trop long pour qu’il se permette d’abandonner son début de projet. « Je ne sais pas, tout dépend de ce qu’il y aura à faire là-bas. Quelques jours, voire deux semaines, tout au plus. » Admit-elle finalement. C’était vraiment dans le pire des scénarios, on lui avait dit qu’elle n’en avait que pour quelques jours, mais elle préférait le prévenir plutôt qu’il ne s’imagine le pire. De toute façon, elle ne lui laissait pas le choix et coupa court à la discussion en sortant de la cuisine pour monter à l’étage et préparer ses affaires pour le départ du lendemain. Ayant compris que Wyatt camperait sur ses positions tout autant qu’elle, la jeune chirurgienne venait de décider d’une autre solution. Si besoin était, elle ne dormirait pas ici ce soir pour qu’il ne lui prenne pas l’idée de l’accompagner à l’aéroport au dernier moment. C'était un peu extrême, mais le problème serait réglé.

Leona avait patiemment écouté les arguments de Wyatt, mais sa décision était prise et elle ne reviendrait pas dessus. La jeune chirurgienne ne partirait pas seule en ‘mission’ humanitaire et travaillerait entourée d’une équipe sur place. Ce n’était peut-être pas suffisant pour le rassurer, mais c’était toujours mieux que rien. Leona parla d’une voix ferme qui montrait clairement qu’elle ne lui laissait pas le choix. Elle avait d’autant plus besoin de faire ce voyage pour surmonter ses peurs. Avant que Wyatt n’arrive en Afrique, Leona y travaillait déjà depuis plus d’un an sans problème. Elle comprenait son inquiétude, mais refusait à ce qu’il change son programme en dernière minute pour elle. Il tenta d’insister sur l’incertitude qu’apportaient les conditions de vie là-bas pour sa sécurité, mais c’était justement dans ces pays-là qu’on avait le plus besoin de spécialistes pour s’occuper des gens. Wyatt se renseigna alors sur le temps qu’elle resterait en Afrique. La durée de son séjour n’était pas encore précisément déterminée puisqu’elle devait arriver sur place pour prendre connaissance du travail à effectuer. Leona ne se déplaçait pas pour un ‘voyage’ à long-terme, ce n’était qu’un rôle provisoire de quelques jours tout au plus. Lui mieux que personne devait savoir qu’elle ne renoncerait pas par simple peur. Depuis qu’elle avait pris la vie d’un homme, la jeune anglaise s’était forgé un caractère beaucoup plus solide, de sorte qu’elle encaissait mieux son appréhension de ce qui l’attendait. Pour couper court à cette discussion vide, Leona se rendit dans la chambre pour préparer ses affaires pour le voyage. Elle partait tôt le lendemain et sentait la fatigue la gagner. Ils avaient malgré tout passé une bonne soirée avant que celle-ci ne tourne aigre après cette conversation. La jeune chirurgienne avait essayé de profiter de sa présence le plus possible pour ne pas gâcher ces moments-là trop vite. Ses gestes d’affection un peu plus prononcés avaient sans doute été influencés par son départ imminent, mais ils avaient été sincères. Elle l’entendit arriver derrière elle et se caler dans l’embrasure de la porte, mais elle ne se retourna pas. Leona n’avait pas envie de repartir dans une discussion inutile où chacun camperait sur ses positions. Il lui demanda alors s’il pouvait lui imposer la condition qu’elle l’appelle plusieurs fois par jour pour lui donner de ses nouvelles et les détails des lieux exacts où elle se trouverait. « Bien sûr. » Répondit-elle sans hésiter. Pour qui la prenait-il ? C’était évident que la jeune femme ne l’aurait pas laissé s’inquiéter pour elle en faisant la ‘morte’ pendant deux semaines. « C'était mon intention. » Ajouta ensuite Leona en lui lançant un regard qui se voulait rassurant tandis qu’il se tenait toujours à l’entrée de la chambre. Elle termina alors de préparer ses affaires assez rapidement.

Leona terminait de préparer ses affaires. Plongée dans ses pensées, elle essayait pourtant de ne pas trop réfléchir à son départ du lendemain. Elle ne devait pas s’appuyer sur ce qui s’était passé dans les derniers mois de son séjour en Afrique. La jeune chirurgienne y était restée suffisamment longtemps pour savoir qu’il n’y avait pas que ce côté dangereux et imprévisible. Soudain, Leona entendit Wyatt s’approcher et crût un instant qu’il allait encore l’empêcher de partir sans qu’il l’accompagne, mais à sa grande surprise, il n’en fit rien. Le garde du corps la prit par la taille et la serra contre lui en lui répétant qu’il ne voulait pas la voir partir, mais qu’il la laisserait faire puisque c’était ce qu’elle voulait. « Merci. » Souffla-t-elle alors sincèrement reconnaissante qu’il accepte sa décision, en sachant qu’il était sûrement plus difficile pour Wyatt de la laisser quitter le pays seule que d’annuler ses plans pour le lendemain. Mais Leona ne voulait pas qu’il fasse encore passer le reste en second. Elle lui avait promis qu’en rentrant, elle n’accepterait plus de missions pendant un temps et elle prendrait congé plusieurs jours pour qu’ils puissent se retrouver. Wyatt avait dégagé les cheveux de son cou pour y déposer de doux baisers. Il s’arrêta alors un instant pour lui dire ces mots tellement forts. La jeune femme s’était montrée un peu plus démonstrative sur le plan affectif en début de soirée, mais maintenant qu’il savait qu’elle partait tôt le lendemain, la situation semblait s’être inversée. Leona se sentait si chanceuse de l’avoir rencontré à un moment de sa vie où elle s’était sentie moralement brisée. Wyatt avait su lui donner la force de sortir de cette période noire. Il était son soleil, celui qui lui avait offert la chaleur de son cœur et lui avait insufflé l’amour qu’elle ressentait pour lui. En plus de lui avoir rendu son sourire, il lui avait redonné le goût d’aimer. Leona ne s’était jamais autant attachée à un être qu’à lui au point de franchir l’étape d’emménager ensemble après quelques mois seulement. À cause de son travail qui occupait tout son temps, ses précédentes relations n’avaient jamais vraiment duré. Leona voulait toutefois que celle-ci fonctionne. Après tout ce qu’ils avaient traversé, elle avait l’impression que personne d’autre que lui ne pourrait jamais mieux la comprendre. Ils s’étaient trouvés. Et c’était parce qu’elle tenait à cette relation que la jeune Anglaise était prête pour la première fois depuis longtemps à s’éloigner de ce travail auquel elle tenait tant… comme lui avait carrément tourné le dos à sa vie passée pour rester avec elle. « Quand je rentrerais, ce ne sera que toi et moi. » Murmura-t-elle à nouveau la promesse qu’elle avait faite un peu plus tôt. Ils pourraient même se prendre des vacances… La jeune femme entremêla ses doigts aux siens et songea qu’elle aurait bien du mal à ne pas le voir pendant plusieurs jours, même si elle tentait de ne rien en laisser paraître.  

Leona avait envie de profiter de ces derniers instants avec Wyatt, mais la fatigue commençait à la gagner. Elle lui promit de consacrer tout son temps à leur couple à son retour, mais elle n’avait pas voulu se désengager de cette mission nécessaire et urgente. La jeune femme ne serait pas seule, mais entourée d’une équipe comme c’était le cas dans ce genre de projets. Elle sentit le doute dans la voix de Wyatt, il ne serait définitivement pas rassuré avant son retour dans une quinzaine de jours. Il la tourna ensuite face à lui et la dévisagea quelques instants. Leona se demandait à quoi il pouvait bien penser à ce moment. Elle espérait qu’il ne penserait pas trop à son départ et qu’il pourrait rester concentré pour son rendez-vous du lendemain. Leona lui rendit son baiser quand il déposa ses lèvres sur les siennes. Elle tentait de ne pas trop le lui montrer, mais sa présence lui manquerait. Elle s’était habituée à le voir tous les jours ces derniers temps. Après quelques minutes, ils s’installèrent finalement sous les couvertures pour une –courte- nuit de sommeil avant le départ de la jeune chirurgienne. La jeune femme sentit rapidement la fatigue l’emporter avant d’entendre la petite voix de Wyatt l’appeler à venir près de lui. Leona se glissa dans le lit et se blottit contre lui. Elle l’embrassa de nouveau avant de s’endormir paisiblement dans ses bras. La nuit passa rapidement et Leona se réveilla tôt le matin. La jeune femme se prépara rapidement avant de prendre le chemin vers l’aéroport et de dire un dernier au revoir à Wyatt. Le voyage promettait quand même d’être long sans le voir. « Bonne chance pour ton rendez-vous. » Lui souhaita-t-elle avant de partir pour son vol.  

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