Scarlett entra dans l’immense amphithéâtre et laissa son regard balayer la salle. Le temps insouciant où elle venait s’installer sur les bancs de l’université lui paraissait déjà si loin. La jeune femme avait l’impression de revenir dans un autre monde. Elle sentit alors la main de son amie en droit glisser dans la sienne et l’entraîner vers les sièges du fond. Avec sa complicité, la jeune Spencer s’était faufilée en douce dans la fac pour assister au cours : officiellement pour se replonger dans la peau d’une étudiante le temps d’une journée, officieusement pour une tout autre raison. Nathanaël lui avait dit qu’il avait recommencé à suivre les cours depuis quelques jours, du moins il essayait tant bien que mal de sauver les pots cassés pour son année.  Scarlett savait qu’il n’avait pas vraiment envie de venir mettre les pieds à l’université, étant donné tout ce qui se passait en ce moment, mais la vie continuait. Il fallait le remotiver. Quand elle avait parlé d’être ‘là’ pour lui, elle ne le pensait pas que pour l’histoire de l’accident et avait donc décidé de se glisser dans la peau d’une étudiante de droit dans, sans le prévenir qu’elle viendrait, pour voir comment se passaient donc ces fameux cours et aussi parce qu’elle avait ‘congé’ aujourd’hui et qu’elle n’avait pas envie d’attendre la fin de la journée pour le voir. Surprise ! Connaissant plutôt bien une fille dans la même année que lui, rien n’avait été plus facile de se ramener. Les deux jeunes femmes s’installèrent au fond de l’amphi aux côtés d’un groupe de jeunes plus bruyant, les amis de la fille en question qui leur serviraient de bon plan pour passer inaperçues.  Scarlett essaya de repérer Nathanaël dans le flot d’étudiants qui venaient de s’installer. La salle était déjà quasiment pleine à l’exception de l’avant où personne n’avait jamais vraiment la mauvaise idée de trop s’approcher comme si le prof était un gourou démoniaque capable de vous jeter un sort si une certaine distance n’était pas respectée. Scarlett aurait tout de même l’air fine si Nate avait finalement décidé de rentrer plutôt que de suivre le cours dont elle avait déjà oublié l’intitulé exact « droit quelque chose », une branche spécifique. Alors que le cours s’apprêtait à commencer avec l’entrée de l’enseignant, la Spencer remarqua enfin le jeune homme installé quelques rangées plus bas. Son amie de cours attira alors son attention en posant un livre entre elles, celui du cours. S’il y avait bien une chose que Scarlett ne regrettait pas de l’université, c’était les briques qu’elle avait dû étudier. Celles en droit étaient encore pires car, si en littérature, la théorie était plus souple, dans cette branche, tout était codifié au mot près. La jeune femme crût alors comprendre que l’enseignant était un de ces filous qui aimait parfois se jouer des étudiants, le genre qui avait le don de repérer ceux qui étaient souvent là ou non et qui posait des questions sur le cours précédent, au hasard dans la salle. Autant dire qu’il se rappelait encore plus de ceux qui ne savaient pas répondre… Le cours débuta cependant normalement, il développa une théorie juridique dont Scarlett n’avait aucune notion. Elle se demandait finalement ce qu’elle était venue faire ici, plutôt que de prévenir Nate et de le rejoindre entre deux cours. Mais au moment où elle décida de passer le temps en « s’amusant » à feuilleter le livre de la matière vue, le prof retrouva sa vieille habitude de questionner plic ploc des pauvres âmes qui n’avaient rien demandé d’autre que de suivre le cours tranquilles. Elle comprenait mieux pourquoi les premières rangées étaient libres et pourquoi la fille qu’elle connaissait s’était installée à l’abri tout au fond. Le titulaire du cours posa alors une première question à une jeune étudiante à l’avant qui ne put répondre. Il lui demanda alors son nom et le noter sur un bout de papier. « Qu’est-ce qu’il fait ? » Demanda alors Scarlett, limite choquée d’un tel comportement. « Du repérage. Je te l’avais dit. C’est un des plus vaches. » Lui répondit son interlocutrice (ça arrive vraiment, c’est du vécu). « Quoi ? Mais pourquoi ? Ils coulent ces étudiants-là en fin d’année ? » S’enquit la jeune Spencer. « Non, pas vraiment, enfin ton nom n’a pas intérêt à revenir trop de fois ». Complètement abasourdie, Scarlett en perdit ses mots. Elle n’avait pas connu de telles absurdités dans sa fac et avait encore moins entendu parler d’une telle histoire. De quel droit faisait-il ça ? C’était le meilleur moyen de dégoûter ses étudiants. Ils n’étaient plus des premières années pourtant.  Et alors que les deux filles discutaient de son comportement, il demanda à un nouvel étudiant désigné de lui définir un énoncé spécifique vu au cours précédent, un étudiant qui n’était autre que… Nate. Pourquoi bon sang ?! Scarlett savait qu’il ne connaissait pas la réponse, il reprenait à peine le chemin des classes et n’avait (semble-t-il) même pas le syllabus de la matière avec lui. « Tu connais la réponse ? » Souffla-t-elle alors à voix basse à sa voisine. « Quoi ? Oui mais… » Devant le regard de la jeune Spencer, elle s’interrompit et ouvrit à la bonne page pour lui montrer. Alors que Scarlett entendait Nate galérer à trouver quelque chose pour s’en sortir, elle encouragea  son amie à se lancer. « Mais vous ne vous entraidez pas entre vous ? C’est la meilleure façon de lui rabattre le caquet.  » S’étonna-t-elle. Et puis son amie était intelligente, elle se ferait ‘bien’ remarquée du même coup vu qu’elle avait la réponse. Scarlett était étonnée que personne ne prenne l’initiative de répondre, alors que le problème serait réglé mais non ils restaient tous pantois comme s’ils avaient peurs. Ce n’était qu’un maudit cours. « Infans conceptus pro jam nato habetur quoties de commodis ejus agitur. » Se lança finalement la blondinette dans un latin parfait, en élevant suffisamment la voix pour attirer l’attention du prof sur elles tandis que Scarlett retrouvait le sourire. Nate n’avait plus à se dépatouiller. Les regards d’autres étudiants se tournèrent alors vers elles. À cet instant, la Spencer aurait voulu se faire toute petite puisqu’elle n’était pas du tout étudiante et priait pour qu’on ne la capte pas. « L'enfant conçu sera considéré comme né chaque fois qu'il pourra en tirer avantage. » Poursuivait sa voisine. Elle pouvait vraiment être fière. Mais comme si ça ne suffisait pas et, sans doute dans le but malsain de la ‘casser’ dans son élan, il demanda d’étayer par un exemple.  Son amie apparut embarrassée pour le coup, elle avait bien eu la définition à portée mais trouver un exemple lui semblait plus difficile à mettre en pratique. Scarlett, qui l’avait un peu beaucoup mise dans cette situation, se vit dans l’obligation de la sortir de là. Elle avait plus ou moins compris le principe en parcourant la théorie avant que sa voisine de cours ne se lance et ses contacts réguliers avec papa O’Conell, avocat de métier avant d’être sénateur, lui avait appris à s’affirmer davantage en la matière. « Par exemple, une femme qui est enceinte d’un bébé de quatre mois et dont le père vient à mourir pendant la grossesse, l’enfant est considéré comme vivant et acquiert la personnalité juridique lors du partage de l’héritage qui fait de lui l’héritier du père, de droit. » Elle se tut complètement incertaine de ce qu’elle venait d’avancer. Le silence envahit quelques instants l’amphi, attendant le verdict. Le titulaire du cours se contenta alors d’acquiescer, à la fois ‘ravi’ des bonnes réponses données et complètement coupé dans son envie quasi vindicative de casser ses étudiants. « Et vos noms ? » Apparemment,  il relevait les bons points aussi dans ses fameux petits papiers. La blonde donna son nom et regarda alors Scarlett d’un air inquiet, elle qui n’était pas censée être là. « Evans. » Inventa la jeune femme de but en blanc. Si le prof poussait le vice à vérifier dans les listes existantes des inscriptions, il remarquerait que le nom y était. Il devait sûrement le faire pour ceux qui étaient dans ses ‘mauvais papiers’. Si elle pouvait faire d’une pierre deux coups, autant que ça profite à Nate. Finalement, ce cours avait plutôt été enrichissant. Après cet intermède, l’enseignant annonça une pause de quinze minutes entre les deux heures qu’il devait donner. Certains étudiants se levèrent pour sortir s’aérer et se dégourdir les jambes. Scarlett décida d’en faire de même. Pendant tout leur petit ‘numéro’, elle n’avait pas osé regarder Nathanaël, de peur de sa réaction. Elle quitta donc son amie la laissant avec ses questions sur son attitude et surtout sur le nom qu’elle avait donné. « Merci pour ce que tu as fait, vraiment. Je t’expliquerais. » La remercia-t-elle en lui promettant de lui expliquer tout plus tard avant de descendre et de sortir de la salle. Elle n’avait pas besoin de regarder derrière elle pour savoir qu’il la rejoindrait à l’extérieur, soulagé ou fâché sur elle. Tout dépendrait de comment il l’avait pris. Scarlett s’éloigna de quelques pas de l’amphi pour s’isoler de l’amas d’étudiants resté devant et s’appuya contre un mur où elle attendit la sentence que rendrait le tribunal Evans.

Help me to don't falling down, help me to love again, help me to live.

Une journée dès plus passionnante commençait à peine. Il est six heure lorsqu’un cri strident se fait entendre et résonne dans la chambre de Nate, le réveillant en sursaut. Il s’était couché tard dans la nuit après avoir relu quelques pages et notions importantes dans l’un de ses nombreux livres de cours et maintenant le réveil n’en était que plus difficile. Il avait perdu l’habitude depuis le temps, de se coucher tôt, de se lever tôt, de devoir se préparer et préparer ses affaires pour se rentre à l’amphithéâtre où se déroulaient chacun de ses cours de la semaine. Il détestait ça. Enfin non. Pas le cours en lui-même, pas l’amphi, pas le fait de devoir se lever alors qu’il n’avait dormi que deux heures et qu’il faisait encore tout noir là dehors mais le professeur qu’il allait devoir affronter. Depuis sa reprise récente des cours, il n’avait pas encore eu l’occasion de le revoir et il savait, à son grand désespoir, qu’il risquait d’en manger pour son grade. Philips est le genre de vieux aigri qui pense tout connaitre de la vie et qui se permet de vous rabaisser au possible dans le seul but de.. De quoi au juste ? Nathanaël n’avait jamais compris. La citation avec laquelle il rabâchait les oreilles des élèves depuis le début de l’année démontrait bien quel genre de personnage il était : ‘Quand on veut faire du droit, il faut être sans scrupules, sans failles. Je vais vous tester, vous briser moralement, vous me remercierez plus tard.’ Ils y avaient droit pratiquement à chaque cours et même si Nate s’y était plus ou moins fait, ça ne l’empêchait pas de le traiter de connard dès qu’il en avait l’occasion. C’Est-ce qu’il était après tout, un connard. Un sans scrupules. Peut-être pas un sans failles cependant mais Nathanaël avait trop de retard à rattraper pour faire se malin et chercher à le faire taire. Une fois habillé, il descendit dans la cuisine se servir un verre de jus d’orange et un bol de céréales, sans grande conviction toute fois. Il n’avait aucune envie d’y aller mais il savait qu’il devait le faire. Les études ce n’était pas rien, il ne pouvait pas prendre tout ça à la légère comme il le faisait depuis des mois déjà même si dans sa tête, c’était déjà peine perdue parce que son année était fichue. Il tentait de se convaincre qu’il en avait quelque chose à faire, qu’il devait travailler, se donner à trois milles pourcent mais ça ne marchait qu’à demi. Un jour il se levait plein d’espoir de réussir et le lendemain c’était à peine si son seul but de la journée n’était pas d’attendre sagement le coucher du soleil en ne bougeant pas de son lit. Il allait mieux oui depuis quelques semaines, mieux depuis que tout avait été révélé et qu’il n’avait plus ce secret sur les épaules. Heureusement pour lui les étudiants qui suivaient les mêmes cours que lui étaient partagés sur la question : il y avait ceux qui étaient intrigués -et choqués- par ce qui avait été dit, ceux qui ne savaient pas parce qu’ils ne lisaient tout simplement pas les ragots de DS et ceux qui savaient mais s’en fichaient pertinemment. De toute manière l’Evans ne parlait à aucun d’eux alors ça ne changeait rien à sa vie. Il venait, s’asseyait, prenait parfois des notes en essayant d’écouter et repartait chez lui. C’était devenu son train de vie et il ne s’en plaignait pas, se disant pour se réconforter que ça aurait pu être bien pire. Une fois son petit déjeuner à moitié dévoré, il rangea le reste et remonta pour prendre son sac. Il voulait y aller à pieds et s’il ne voulait pas arriver en retard -avec ce professeur en plus- mieux valait-il qu’il parte sur le champs. Avant de partir, l’Evans toqua à la porte de sa sœur. Aucune réponse. Il était encore tôt et Lily devait probablement dormir ou devait avoir passé la nuit chez quelqu’un peu importe. Il sortit un papier de son sac ainsi qu’un stylo et lui écrivit un petit mot pour lui dire qu’il allait en cours mais que si elle avait besoin de lui, elle pouvait toujours lui téléphoner, qu’il laisserait son téléphone allumé. Mot déposé devant la porte, Nate sortit et se rendit à son premier cours de la journée. Comme d’habitude, la foule se tenait devant les grands portes en attendant que cela ouvre et qu’ils puissent s’installer à leurs places. Malgré tout, il se sentait encore un peu mal à l’aise entouré par tout ce monde qui parlait bruyamment et lui donnait déjà des maux de crâne. Une fois les portes ouvertes, l’amas d’élèves put enfin entrer et s’installer. D’habitude, Nathanaël se mettait vers le fond histoire de ne pas être dérangé, de pouvoir parler avec ses voisins et surtout dans l’espoir de ne pas se faire interroger mais depuis sa reprise des cours, la seule chose dont il avait envie était surtout de passer inaperçu, de ne parler à personne et que personne ne lui parle parce qu’il avait bien autre chose à faire. Ses yeux couraient le long des rangées qui commençaient à se remplir à vue d’œil. Les dernières en priorité alors que celles de l’avant restaient presque inoccupées. Et puis merde, tant pis s’il se faisait interroger et qu’il ne savait pas la réponse, tant pis si Philips se foutait de sa gueule ouvertement devant un amphi plein à craquer,.. Tant pis. Aujourd’hui il n’avait pas envie de peser le pour et le contre, juste faire acte de présence, jouer au mieux le rôle de l’élève intéressé et ambitieux et rien d’autre. Il s’installa à quelques rangées du premier rang et sortit ses affaires c’est-à-dire son bloc de feuilles, un stylo et son bouquin et attendit que les choses se calment pour que le cours puisse débuter. Philips arriva de manière très magistrale en faisant claquer les portes derrière lui comme il en avait l’habitude avant de crier qu’ils n’avaient pas de temps à perdre et que le cours pouvait commencer. A peine quelques secondes qu’il était là et il venait déjà de faire grimper le taux de mauvaise humeur de Nate d’une façon assez impressionnante. Son entrée l’agaçait. Sa voix l’agaçait. Sa personne tout entière l’agaçait et le pire, c’est qu’il savait qu’il allait y avoir droit avec la chance qu’il avait. Tout se déroula comme d’habitude : Philips proposa une théorie puis commença l’interrogatoire de ses élèves pour savoir si oui ou non, ils avaient appris leur dernière leçon en date sans quoi, leur nom se retrouverait méticuleusement sur l’un de ses ridicules bouts de papier. Une fille fut interrogée, soulageant Nathanaël qui du coup ne se retrouvait pas en mauvaise posture, mais ne trouvant pas la réponse, elle n’échappa nullement à la manière d’instruire de Philips. Premier nom du jour inscrit aux lettres d’or sur un papier. La journée commençait bien. Nathanaël ne faisait pas bien attention à vrai dire puisqu’ à la minute où il avait posé ses affaires sur la table, il avait commencé à griffonner sur sa feuille. Bien évidemment et comme il l’avait prédit, il se retrouva malgré lui en plein cœur de l’attention et du cours par la même occasion : « Et vous ? » Au début, Nate ne comprit pas vraiment. Il se disait que Philips avait du interroger quelqu’un qui ne connaissait pas la réponse encore une fois mais là c’était différent. Aucun bruit dans l’amphi, la personne n’essayait même pas de répondre, de formuler quoi que ce soit. Fronçant un peu les sourcils, l’Evans releva la tête. Et merde. C’était pour sa pomme. *Tu m’étonnes qu’elle répondait pas* Ironisa-t-il malgré lui. Génial. Super. Ca m’était encore plus de bonne humeur. Nathanaël ne savait même pas quelle question il venait de lui poser, trop occuper à dessiner on ne sait-quoi sur sa feuille quelques instants auparavant. Comme dit, il était à ses cours sans vraiment y être. « Euh.. Je.. Oui alors.. Euh.. » Bégaya-t-il dans l’espoir de pouvoir s’en sortir sans trop de mal. Alors qu’il gèlerait en s’enfonçant dans son siège, ses mains devenant moites, une voix s’éleva dans le fond et le sauva de justesse de cette forme  ‘d’humiliation’ publique. Sa bouche se ferma et son pouls reprit un battement conséquent. Surement sur le coup de la surprise que quelqu’un  ‘ose’ interrompre son interrogation sans y être autorisé, Philips persista et continua sur sa lancée pour continuer de déverser sur l’élève en question. Une autre voix à nouveau s’éleva mais Nathanaël, contrairement a la totalité ou presque de l’amphi ne se retourna pas. Il restait stoïque, les yeux rivés sur le tableau encore vierge à l’avant. «  Par exemple, une femme qui est enceinte d’un bébé…. » Un sourire étira ses lèvres. Scarlett.. Qu’est-ce qu’il ne donnerait pas pour être avec elle, là, maintenant , posés confortablement quelque part à discuter et rattraper le temps perdu. Mais.. Attendez deux minutes.. Les yeux de Nathanaël deviennent ronds, il se redresse droit comme un piquet. Il vient d’entendre la voix de Scarlett. Deux solutions : soit il devient complètement barge soit elle est là. Mais qu’est-ce qu’elle viendrait ici à cette heure de la matinée pour suivre un cours de droit elle au juste ? La surprise passée, il fit comme le reste et se tourna à son tour lorsque son regard se posa sur elle. Elle était perchée, pratiquement tout en haut en répondant à la question qui avait été posée comme si c’était tout à fait naturel et qu’elle avait étudié le droit depuis des années. L’incompréhension se lisait certainement sur le visage de l’Evans qui resta stupéfait devant la scène qui était en train de se dérouler juste devant ses yeux. Il ne pouvait pas l’expliquer, mais voir et entendre Scarlett faire fermer le clapet de ce vieux… le faisait l’aimer encore plus. Philips ne savait plus quoi dire tellement sa tentative de tous les casser avait été vaine et coupée en plein vol. Nathanaël essayait de capter le regard de Scarlett pour comprendre ce qu’elle était venue faire ici mais là aussi, ce fut en vain. Il ne savait pas exactement si elle ne l’avait pas vu où si elle le fuyait tout simplement mais cela ne changeait rien au fait qu’ils devraient discuter de tout ça. « Et vos noms ? » La première le donna sans se faire prier, vint ensuite le tour de Scarlett. Et qu’allait-elle dire maintenant ? Hein ? Qu’allait-il dire alors que lorsque Philips regarderait sa liste il ne verrait aucune Spencer inscrite ? « Evans. » Le problème semblait être réglé. Encore plus stupéfait, le regard de Nate passa de Scarlett à Philips qui nota sans se douter de la supercherie son nom sur le bout de papier. Il venait de gagner un bon point grâce à elle et même s’il savait qu’il lui était redevable, il ne pouvait s’empêcher de penser qu’il aurait préféré avoir un mauvais point en assumant son manque de travail. Philips annonça une petite pause de quinze minutes avant la reprise et ni une, ni deux, Nate se retrouva perché sur ses jambes. Il avait retrouvé toute sa vivacité et surtout sa détermination même si en réalité, ça n’avait pas vraiment grand-chose à voir avec le droit plutôt qu’avec Scarlett. En montant les marches, il jeta un coup d’œil à la place qu’occupait la Spencer quelques secondes auparavant. Personne. Elle avait sans doute eu la même idée que lui. Il se faufila entre les élèves afin de sortir plus vite, s’excusant les quelques rares fois où il en bousculait  ‘vraiment’ et regarda autour de lui une fois qu’il fut dehors. Il était peut-être en train de virer fou mais de là a entendre et voir quelqu’un alors que rien de tout ça n’était réel, le stade n’était pas encore atteint. Alors qu’un élève gigantesque et baraqué qui lui cachait la vue se poussa, il la vit, appuyée contre un mûr à quelques mètres loin de troupeau d’étudiants survoltés après ce qui venait de se passer. S’approchant nonchalamment, il s’arrêta à une enjambée d’elle : « Quand j’ai entendu ta voix j’ai cru que je rêvais. » Commença-t-il, peut-être même un peu durement bien que ça ne reflétait pas du tout le calme dont il faisait preuve. Il avait d’abord eu l’impression que, comme dans un rêve, Scarlett venait le secourir de l’ennui et à peu de choses près, on était pas loin du compte. « T’as décidé de changer de voie professionnelle ? » Plaisanta-t-il de façon rhétorique afin de détendre un peu ses propos. Si elle était là, nul doute à avoir que c’était pour lui et l’idée ne lui déplaisait pas trop même s’il continuait d’espérer qu’elle venait lui proposer de l’emmener loin d’ici et de passer du temps ensemble. « T’es folle, complètement folle, tu le sais ça ? Si Philips se rend compte que tu suis pas son cours d'habitude il… » L’Evans argumentait en faisant de grands gestes avec ses bras de manière plutôt mélodramatique mais s’arrêta en plein milieu de sa phrase. L’intention était bonne, et elle l’avait sortie d’une bonne galère aussi il ne pouvait que le reconnaitre. Sans elle il aurait eu droit au petit bout de papier. « Merci. » Reprit-il en laissant retomber ses bras le long de son corps. Il s’avança d’un pas alors que ses mains glissaient sur les hanches de Scarlett, son expression s’adoucit au même titre que sa voix : « Content de te voir, tu sauves ce début de journée pourri. » Elle ne pouvait pas savoir à quel point sa présence l’aidait à canaliser même si, en contre partie, sa concentration s’envolait à des kilomètres. « Je t’en prie, dis-moi que tu es venue me sauver de cet enfer.. »

Pour un retour à l’université, Scarlett trouvait qu’elle ne s’en était pas trop mal tirée même si elle avait eu la malchance d’assister à un premier cours avec un enseignant très vache. Le mauvais sort s’était plutôt acharné sur Nate, puisqu’il avait été désigné par une question alors qu’il reprenait à peine le chemin des cours. La jeune femme espérait sincèrement qu’il n’avait pas été dégoûté par cette première heure de la journée, lui qui se forçait déjà à venir pour sauver ce qui pouvait encore l’être de son année. Il fallait vraiment qu’il ne baisse pas les bras et se remotive, peu importe ce qui lui occupait l’esprit. Du point de vue de la Spencer, plus vite il aurait fini, plus vite il en serait débarrassé de ces maudits cours. Scarlett suspendit sa réflexion lorsqu’elle aperçut Nate sortir de l’amphithéâtre et la chercher du regard. Elle se doutait bien qu’il n’avait pas pu la manquer après avoir entendu sa voix dans la salle. La jeune femme attendait de voir sa réaction mais savait très bien qu’il serait partagé entre le soulagement de ne pas avoir eu à répondre et l’embarras d’avoir eu un bon point alors qu’il n’en était pas à l’origine. Elle n’en avait eu cure et avait préféré le sortir de ce moment délicat avant tout. Et si le moindre petit point positif pouvait lui tomber dessus au passage, c’était toujours bon à prendre non ? Nate la remarqua enfin appuyée contre un mur, à l’écart du groupe d’étudiants qui stationnait devant les portes. Il la rejoignit aussitôt, l’air nonchalant. La jolie brune garda un visage impassible comme si son organe battant ne se soulevait pas à la dérobade à chaque fois qu’il s’approchait d’aussi près. Il lui avoua avoir d’abord cru rêver qu’elle soit là. Sa voix était étrangement ferme et contrastait clairement avec l’étincelle dans ses yeux. Un sourire étirait déjà les lèvres de Scarlett. Il ne lui en voulait pas, c’était clair comme de l’eau de roche.  Quand Nate s’efforçait à garder une certaine expression sur son visage, il suffisait généralement que la jeune femme capte son regard pour comprendre si oui ou non quelque chose clochait. Il lui demanda alors pour la forme si elle comptait changer de voie professionnelle. Le droit… Tout ce qu’elle détestait. Ce n’était pas à cause d’un manque de compréhension de sa part mais elle n’aimait pas les cours donnés, les codes et autres cas à étudier au mot près et encore moins la pratique, d’autant que Scarlett ne croyait pas du tout au système judiciaire qui régissait ce pays. Si elle devait se reconvertir un jour dans une autre voie, celle-là serait certainement la dernière de sa liste. La jolie brune avait beau connaître Nathanaël pour beaucoup de choses, elle n’avait jamais vraiment compris d’où lui était venue cette envie d’étudier le droit, contrairement aux O’Conell par exemple, où le métier d’avocat se transmettait de père en fils et de frère en frère (si ça se dit ?). « Je me demande comment tu fais pour supporter ça. » Se contenta-t-elle de répondre, d’autant qu’ils venaient d’assister à un cours où le professeur avait fait preuve d’une sacrée vacherie. Étaient-ils tous comme lui ? Elle espérait pour Nate que ce n’était pas le cas. Scarlett, qui avait pourtant appris à se forger le caractère ces dernières années, n’était même pas sûre de pouvoir l’endurer. Une fois n’est pas coutume, Nathanaël la qualifia de folle. N’était-ce pas en partie pour cette folie qu’il l’aimait ? Parce que folle de lui, elle l’était sans aucun doute. La jeune femme posa un doigt sur ses lèvres pour qu’il cesse de débiner des sottises et qu’il suspende ses gestes inquiets et mélodramatiques. « Aucun risque. Il se croit intelligent alors qu’il ne sait même pas faire la différence entre ses étudiants et ceux qui ne le sont pas. » Rétorqua-t-elle d’un air amusé. Elle baissa la main tandis que Nate la remercia et réduisit l’infime distance qui restait encore entre eux. Il était visiblement content de la voir pour rattraper ce début de journée qui avait mal commencé. « Moi aussi. » Souffla-t-elle. « Je ne pouvais pas attendre ce soir. » Déjà qu’ils ne s’étaient pas vus de tout le week-end parce que la jeune femme avait dû quitter Magnolia pour accompagner papa O’Conell dans une quelconque mission, elle n’avait pas su patienter quelques heures de plus. Ne pas le voir pendant deux jours n’était en soi pas très long mais représentait une éternité à ses yeux, bien qu’elle ne le lui avouerait jamais aussi clairement. L’université n’était peut-être pas le meilleur endroit pour se voir mais elle pourrait au moins profiter de lui la journée, d’autant plus qu’aucun des étudiants ne semblait vraiment les connaître. Un peu plus dans la retenue quand il y avait des tas de gens autour d’elle, Scarlett ne répondit pas autant à son étreinte qu’elle l’aurait voulu. Elle se concentra plutôt sur la dernière phrase qu’il prononça. Il la priait de le sauver de cet « enfer ». De quoi parlait-il au juste ? Du cours en question ou de la journée à l’université dans son ensemble ? « Quoi ? Mais la journée vient à peine de commencer ! Tu veux déjà rentrer ? Et tes cours alors ? » S’exclama la jolie brune étonnée. Scarlett se détacha du mur et s’éloigna d’un pas avant de se retourner pour se retrouver en face de lui. Ce n’était pas comme ça qu’il allait sauver les pots cassés, vraiment pas. La jeune femme voulait bien rester avec lui toute la journée mais elle refusait d’être la raison pour laquelle il comptait la rater, enfin d'être une des raisons serait plus exact.

A sa question, Nathanaël se contenta de hausser les épaules. Il se pinça les lèvres pour ne pas lui répondre ce qui lui était directement venu à l’esprit. Lui qui était très spontané, il savait que parfois il était mieux que certaines paroles ne dépassent pas le stade de la pensée et reste enfermées à double tour. Sur le moment, il avait pensé bêtement -mais justement- que ce n’était rien en comparaison de ce qu’il vivait depuis déjà quelques années ou plutôt, quelques semaines. Le secret étant révélé, ce n’était pas l’attitude idiote et dégueulasse d’un vieux con comme Philips qui allait le démoraliser. Et puis avec le temps, on finissait par se faire une raison : il ne changerait plus alors autant faire avec et essayer de passer l’année de la moins mauvaise manière que possible. Des anciens étudiants avaient parlé une fois de Philips en disant que même s’il était vache, ses cours traumatisants avaient au moins le mérite de rester gravés en mémoire et de vous faire apprendre quelque chose ce qui n’était pas faux en soi lorsqu’il y repensait. Du moins, des brides de souvenirs qu’il avait lorsqu’il venait régulièrement à ses cours, ce qui n’est plus le cas depuis bien des mois. Il essaie de garder l’esprit positif et de se dire qu’il va rattraper son retard, gérer ses examens de fin de trimestre, passer au prochain cycle mais à chaque fois c’est comme s’il se mentait à lui-même. Le droit, c’est déjà assez difficile comme ça lorsqu’on suit tous les cours, ça demande beaucoup de concentration, de temps, de travail à la maison, d’exercices et lui il n’a rien fait de tout ça. Il s’est mis dans le pétrin tout seul et maintenant il doit en payer les conséquences, c’est le juste retour des choses. «Je me conforte en me disant qu’il doit bien y avoir un professeur encore plus tyrannique et barge que lui, quelque part. » C’est un peu comme lire les VDM juste pour s’assurer que notre vie n’est pas si merdique et même si dans le fond, ça peut ressembler à une réjouissance de voir que les autres souffrent plus que nous, c’est juste rassurant de se dire qu’on est pas seul à en baver.  Surtout que Nathanaël au moins a eu la chance de ne jamais être la tête de turc préférée de l’un de ses professeurs contrairement à un gars, Eddy, qui en prenait pour son grade à chaque cours, au début, au milieu et à la fin en prime. Philips l’a tellement rabaissé, humilié devant les autres que la rumeur disait qu’il avait décidé d’abandonner pour se trouver un petit boulot et commencer à vivre comme un adulte. D’autant plus qu’il semblerait que Philips soit dans un bon jour aujourd’hui, d’habitude il est bien pire. C’est le genre de gars qui a décidé d’être prof par élimination alors qu’il aurait été beaucoup mieux dans une émission télé ou sur des planches au théâtre ou à la limite un one man show. Ca se voit qu’il aime avoir son public et même si ses capacités d’orateur sont indéniables, son côté  ‘je sais tout mieux que tout le monde’ à le don d’en agacer plus d’un, à commencer par l’Evans. Alors qu’il parle encore et encore et encore et s’enfonce de plus en plus, Scarlett l’arrête en posant simplement son doigt sur ses lèvres. Elle n’a pas besoin de faire quoi que ce soit de plus de toute manière, un simple contact d’elle suffit à le calmer et lui faire oublier le pourquoi du comment il était en train de polémiquer. « D’ailleurs, d’où t’as sorti ça tout à l’heure ? C’était assez.. Impressionnant. » Ou ridicule plutôt lorsque Nate se disait que  ‘même’ Scarlett en connaissait plus sur le droit que lui sur le coup alors que ce n’était pas elle qui l’étudiait depuis plus de deux ans. Enfin, étudier est un bien grand mot à vrai dire parce que ne jamais : ouvrir un seul bouquin, réviser, prendre des notes et même venir à ses cours ne se trouve pas vraiment dans la définition du mot dans le dictionnaire. Continuer à s’accrocher à ça, à sa vie d’étudiant, au droit alors que l’envie n’y était plus était comme monter en haut d’un building et de se balancer du dernier étage sans parachute : la chute, le fracas inévitable. Il savait où il allait oui, le seul problème c’est que c’était droit dans le mûr ou en tout cas, il en avait l’impression. Le jeune homme baissa doucement les yeux en glissant ses mains dans ses poches, jouant du pied avec les petits cailloux qui jonchaient au sol. « Avec tout ce que j’ai déjà manqué, une journée de plus ou de moins.. » Murmura-t-il à sa propre attention avant de la regarder à nouveau. Il savait qu’elle n’était pas pour et qu’au contraire, elle tenait à ce qu’il s’accroche et remonte dans ce domaine qui lui plaisait tant autrefois mais il s’en sentait encore incapable. « J’ai Philips toute la matinée et l’après midi je n’ai que deux heures de quatorze à seize, ce sera facile à rattraper. » Autant dire qu’il aurait préféré passer du temps avec elle plus qu’assis inconfortablement dans cet amphi à dessiner tout ce qui lui venait à l’esprit. Facile à rattraper oui, sauf qu’il avait déjà beaucoup de choses à réécrire, scanner, imprimer pour s’en ajouter encore plus sur la longue liste. « Et puis tu as vu par toi-même, ça sert à rien que je vienne avant d’avoir rattrapé mon retard je suis plus paumé qu‘autre chose. » Reprend-t-il. Elle ne peut pas nier cette fois. Pour pouvoir avancer il faut connaître les techniques et les juridictions de base, sans doute des notions vues et revues lors des nombreuses absences de Nathanaël et qui fait parti des cours qu’il  doit se procurer. Le fait qu’a choisir entre Philips et Scarlett, le choix était vite fait, l’Evans ne souhaita pas l’énoncer à voix haute. Pour elle ce ne serait sans doute pas une raison valable alors que pour lui c’était le contraire surtout qu’ils n’avaient pas eu l’occasion de beaucoup se parler et encore moins de se voir pendant le weekend. « Tu tiens vraiment à ce que je reste ? »  Demanda-t-il enfin, prêt à faire un effort dans la mesure où ça pouvait lui faire un tant soit peu plaisir. Quelques élèves commencèrent à re rentrer, signe que l’heure de la reprise du cours allait probablement retentit d’ici quelques petites minutes. Aucun doute, Nate aurait mieux fait de se mettre en état d’hibernation intense pour la journée. Voire la semaine.

La folie avait tellement de définitions différentes qu’il était en réalité impossible de lui en trouver une bien précise. Ce professeur Phillips était un barge tyrannique qui rendait ses étudiants complètement dingues mais leur apprenaient en même temps la dure réalité de ce qui les attendrait au barreau ou peu importe ce dans quoi il se lancerait dans cette branche. Le cours était un enfer à vivre, cependant il reflétait plus ce qui se passait vraiment que les théories figées des cahiers. Scarlett n’approuvait pas spécialement la méthode mais elle n’était pas totalement dénuée de sens. Pouvait-on dès lors le qualifier de tyran fou ? Quant à Nathanaël, il semblait depuis longtemps déjà avoir accepté la façon de se comporter de son professeur qui ne changerait pas pour eux. Scarlett voyait bien qu’il n’avait aucune envie de rester et qu’il venait plus pour dire qu’autre chose. Elle voulait l’encourager à tenir bon mais il n’était peut-être pas près. Qu’était-ce une année après tout au regard de tout ce qui s’était passé ? Rien peut-être ou pas grand-chose. Néanmoins, c’était un début. Il fallait bien commencer quelque part. Une année n’était jamais totalement perdue. Il pouvait passer les examens pour en réussir certains et avoir un cursus plus léger l’année suivante avec les dispenses en moins. La jeune Spencer n’avait pas besoin de le lui rappeler. Il le savait déjà bien. Scarlett eut alors une autre idée qui n’impliquait pas de rester dans l’amphithéâtre et surtout répondrait en partie au souhait de Nate. À croire que les vrais dingues dans cette salle n’étaient pas le professeur ou les étudiants qui se rendaient au charbon ardent mais plutôt elle qui savait de moins en moins se passer de la présence de Nathanaël. L’idée de quitter cet endroit plein de gens pour se retrouver seule avec lui n’était pas pour lui déplaire même si la raison invoquée ne lui semblait pas valable. Rater les cours… En vérité, elle n’avait pas non plus trop l’envie de s’éterniser dans les parages. Scarlett aurait pu lui proposer de prendre les notes pour le reste de la journée, elle était habituée à écrire à un rythme effréné vu le début de paroles de papa O’Conell aux réunions mais Nate ne les réviserait sûrement pas. Son programme à lui était bien plus séduisant. Elle sortit soudainement de sa rêverie lorsqu’il l’interpella à propos de son intervention dans l’amphithéâtre. « Oh ça… J’ai lu la théorie dans le livre du cours. » Répondit-elle simplement. Scarlett n’avait pas envie de s’attarder sur ce détail, disons qu’elle avait toujours eu extrêmement facile pour comprendre les choses très vite, à tel point qu’elle avait même fini son propre cursus en trois ans au lieu des quatre habituellement nécessaire. Nathanaël avait d’ailleurs aussi fait les frais de son intuition naturelle quand elle avait assemblé les pièces du puzzle qui concernait l’accident. La jolie brune n’avait pas mis longtemps avant de tout comprendre. Quand Scarlett entendit la suite de ses cours de la journée, elle manqua de soupirer. Il avait vraiment l’autre zinzin pour toute la matinée ? « Effectivement, je crois qu’une journée de plus ou de moins sans le voir… » C’était le genre à vous dégoûter de reprendre de toute façon. Nathanaël ajouta qu’il valait mieux pour lui qu’il rattrape son retard avant d’apprendre le reste de la matière. Ce n’était pas faux non plus. Pourquoi ne pas mettre cette journée à profit pour commencer d’ailleurs ? Scarlett regarda le flot d’étudiant rentrer dans l’amphithéâtre sans bouger d’un pouce. « On devrait peut-être aller chercher nos affaires non ? » Lui donna-t-elle alors sa réponse. L’Evans n’avait pas vraiment beaucoup à faire pour la convaincre de quitter cet endroit. Le retour à la vie estudiantine n’était définitivement pas pour elle, elle voulait juste aider Nate à se motiver mais s’il n’avait vraiment pas envie d’endurer son tyran de professeur, la jeune femme comprenait et n’allait certainement pas le forcer. Scarlett rentra donc dans la salle avant que la pause ne termine et que les portes ne se refermèrent. Ce serait ennuyeux de devoir se coltiner une heure supplémentaire. La jolie brune se sépara de lui une minute et monta les escaliers pour rejoindre la place où elle avait suivi le cours la première heure. Elle attrapa sa veste et son sac sous le regard intrigué de son amie en droit. Scarlett esquissa un sourire signifiant que sa journée estudiantine était définitivement terminée et elle lui adressa un au revoir furtif avant de quitter la salle en toute discrétion pour ne pas se faire repérer par le vautour en question à savoir le professeur. La jeune femme attendit à l’extérieur de l’amphithéâtre que Nate la rejoigne à son tour avant de partir. Les portes se refermèrent juste comme il sortait. « Alors tu veux faire quoi après cette journée de cours ‘productive’ ? » Dit-elle en souriant de nouveau. Après tout, c’est lui qui avait voulu partir de là… C’était fou le changement qui avait opéré en elle depuis quelques jours. Sa bonne humeur ne la quittait plus, elle se sentait ‘autrement’. Elle laissa quelques secondes de silence s’écouler alors qu’ils tournaient à l’angle pour quitter définitivement le bâtiment. « Parce que j’ai une petite idée sinon. » Ajouta-t-elle en s’arrêtant soudainement pour le regarder de ses yeux espiègles qui la caractérisaient si bien chaque fois que Nate se reflétait dans ses pupilles. Son cœur se soulevait à chaque fois. Dix ans à le voir souvent n’y avait absolument rien changé. C’était même pire depuis qu’ils étaient ensembles et ce sentiment ne faisait que confirmer ce qu’elle savait déjà depuis longtemps. Elle s’approcha et se retrouva contre lui dans une étreinte spontanée, leurs lèvres se rencontrèrent naturellement. Loin de tout ce brouhaha autour d’eux, ils pouvaient enfin se retrouver vraiment. Bien sûr que non, ils n’y passeraient pas la journée mais maintenant qu’ils en avaient la ‘liberté’ impossible pour elle de s’en lasser, surtout après plusieurs jours sans l’avoir vu.

Nathanaël était quasiment sur que Scarlett allait trouver les mots pour le faire changer d’avis, re rentrer la dedans, s’y asseoir et suivre le cours sagement comme allaient le faire tous les autres élèves. Il avait beau être quelqu’un de très buté, lorsqu’il s’agissait d’elle il se laissait vite prendre par les  ‘sentiments’ à son grand damne parce qu’il n’y a rien de plus difficile que d’accepter d’être à la merci de quelqu’un d’autre comme l’avait dit un philosophe dont personne ne se souvient le nom. Alors que Nate lui apprenait son charmant emploi du temps de la journée, cette dernière sembla réfléchir. Était-elle en train de considérer le fait de  ‘l’autoriser’ à sécher une énième journée de cours ? Même si au fond il savait que ce n’était pas bien et qu’il ne devait pas, qu’il devait se battre pour retrouver son bon niveau d’antan, réussir ses examens et passer au cycle suivant, il ne se sentait toujours pas assez motivé pour. A vrai dire, depuis qu’il avait retrouvé la Spencer rien, hormis elle, ne le motivait plus vraiment. Quand bien même enfermé dans sa chambre à double tours et sans musique, sans téléphone, sans occupation, tête plongée dans les bouquins de droit à lire, à relire, à souligner , à faire des fiches de préparation,.. Ses pensées finissaient toujours par se tourner vers elle comme si , peu importe le sujet, tout le ramenait dans sa direction. Après quelques instants de silence durant lesquels les derniers élèves étaient rentrés s’installer à leurs places, Scarlett proposa qu’ils cherchent leurs affaires ce à quoi l’Evans hocha la tête dans un sourire. Pour des retrouvailles après plusieurs heures sans se voir, elle ne pouvait lui faire plus plaisir que de passer la journée avec lui et ce, même si c’était au dépend de deux de ses cours. « Allons-y. »  Ajouta-t-il en suivant la Spencer jusqu’aux portes qu’ils avaient empruntées pour sortir et qui donnaient sur l’amphithéâtre. Les deux se séparèrent pour rejoindre leurs rangs respectifs et commencèrent à ranger doucement leurs affaires. Même s’il tentait de rester impassible, il lui était impossible de cacher à la perfection ce rictus de sourire qu’il avait lorsque quelque chose de bien lui arrivait et qu’il en était ravi. Ni vu, ni connu -ou presque- l'Evans commença à rassembler ses affaires avant de les fourrer dans son sac un peu en vrac histoire de sortir de cet amphi le plus rapidement que possible en essayant d'éviter de se faire remarquer par Philips. Ce n'était pas un élève en plus ou en moins qui allait changer quoi que ce soit à sa vie, mais Nate savait qu'il ferait sans doute une remarque très pertinente -ou pas du tout- quant à ça. Parce que oui, Non seulement Philips est trop extravagant, tordu et rude mais en plus il se mêle de ce qui ne le regarde pas. Une fois que le tout fut prêt, Nathanaël glissa la bretelle de sa bandoulière sur son épaule puis se dirigea vers la sortie, regardant ses camarades une dernière fois avant de passer définitivement le pas de la porte. Pauvre d’eux, il les plaignait vraiment surtout lorsqu’on pensait que la plupart n’étaient pas là par plaisir mais uniquement pour satisfaire papa et maman. Bien sur, ce genre de personnes étaient les premiers de la classe mais ils ne gagnaient rien à apprendre les règles d’un domaine qui ne leur apportait rien et dans lequel ils n’avaient pas envie de fonder des bases fondamentales dans leurs vies, professionnellement parlant. Enfin, il se disait ça mais Nate n’en était pas si loin non plus à vrai dire et Philips n’arrangeait en rien la situation bien au contraire. Lui et ses moqueries perpétuelles l’auraient certainement gavé s’il ne l’avait pas vu si peu souvent à cause de ses absences répétées. Une fois dehors, Nathanaël vit à nouveau à quelques pas Scarlett patienter probablement pour rentrer où aller on-ne-sait-où où ils pourraient en profiter pleinement pour se raconter les derniers jours. A sa remarque -dont la fin un peu piquante notamment-, Nate ne put que se retenir maladroitement de rire. Très productive en effet, une heure de cours quel exploit. Enfin, lorsqu’on considèrerait la personne qui supervise ce cours, oui, dans ce cas là on peut probablement le qualifier de la sorte. « Je sais pas trop, peu importe en fait. »  Tant que je suis avec toi. Ils commencèrent à marcher côtes à côtes pour s’éloigner du bâtiment qu’ils venaient de quitter lorsque Scarlett évoqua une idée qui lui traversait l’esprit. L’Evans s’arrêta au même titre qu’elle et se tourna dans sa direction, ses yeux trouvant les yeux et ses lèvres rêvant d’en faire de même avec les siennes. Alors qu’elle approchait pour mettre fin à la discorde, Nate retirait la bretelle de son sac afin de le faire  ‘tomber’ à terre et de pouvoir bien profiter de ce qui allait inévitablement se passer. Leurs lèvres soudées l’une contre l’autre, les yeux clos Nate resserrait légèrement son étreinte autour d’elle en fronçant légèrement les sourcils. Elle ne pouvait pas savoir comme ces jours sans elle avaient parus longs et ennuyeux et même s’il n’avait pas le  ‘cran’ de le lui dire, il espérait le transmettre par ces gestes. «Une petite idée ?  » Répéta-t-il une fois que leurs lèvres se détachèrent tout en restant assez proche d’elle. Le parfum qui émanait de son cou et de ses cheveux l’enivrait déjà. L’envie de lui rétorquer après sa question  ‘faire des crêpes’ lui avait brièvement traversé l’esprit mais il s’abstint. Maintenant qu’ils étaient ensemble et allaient vivre dans le présent et le futur, il ne souhaitait plus conjuguer leur histoire au passé comme lorsqu’il se remémorait les bons et les mauvais moments passés avec elle. « Je t’écoute. »  Ajouta celui-ci en la regardant. Avec elle on ne pouvait s’attendre à rien, ne rien prévoir. Elle était comme ce genre de personnes qui vous surprenaient et ce, peu importe depuis combien de temps vous les connaissiez. Toujours une idée farfelue dont on se demande la provenance sans la trouver derrière la tête.

On pouvait rarement résumer une personne en un simple mot. L’espièglerie était pourtant celui qui décrivait le mieux la Spencer quand elle se retrouvait en présence de Nate. Il l’aidait inconsciemment à faire fonctionner son imagination à cent à l’heure pour trouver des idées qu’elle n’aurait jamais eu sans lui, d’autant qu’il était souvent prêt à lui emboîter le pas pour les réaliser, peu importe l’absurdité que la jeune femme avait en tête. Scarlett réfléchissait déjà à une alternative pour leur journée lorsque Nathanaël sortit de l’amphithéâtre pour la rejoindre. Ils sortirent ensuite du bâtiment et marchèrent côte à côte quelques instants. Elle lui demanda ce qu’il avait en tête comme programme pour le reste de leur journée au cas où Nate aurait prévu quelque chose à la va vite mais il avait simplement souhaité s’échapper des cours. Avant de lui dévoiler son idée, Scarlett profita néanmoins d’un moment de rapprochement avec lui. Ils ne s’étaient pas vus depuis plusieurs jours et, même s’ils n’étaient généralement pas très démonstratifs en geste d’affection en dehors de chez eux, elle en avait besoin. Ils s’étaient mis en couple récemment – enfin – mais tout était tellement naturel entre eux qu’elle avait l’impression qu’ils avaient toujours été ensembles. Si l’on retirait le côté physique de leur relation, ce n’était pas si loin de la réalité. Nathanaël lui rendit son étreinte et son baiser pour partager le moment avant de laisser la curiosité reprendre le dessus.  La proximité entre eux était si mince que Scarlett dût faire un effort conscient pour retrouver ses esprits et se concentrer. « Tu m’as bien dit que Philips avait cours toute la matinée ? » Souffla-t-elle. Nathanaël la connaissant bien, il ne devrait pas mettre deux secondes avant de comprendre. La jeune femme était passée maître dans l’art de remettre les gens à leur place comme il se doit. Il était loin le temps où elle était encore cette adolescente fébrile qui s’effaçait devant la moindre remarque, d’autant que ce que la jolie brune réservait au tyran promettait d’être amusant. « Où sont les bureaux des professeurs ? On va lui passer l’envie de recommencer ses numéros. » Demanda-t-elle ensuite plus clairement à Nathanaël. Elle attendit que le jeune homme lui indique la bonne direction avant de reprendre. « Suis-moi. » C’était du Scarlett tout craché : avoir une idée en tête mais ne distiller les informations qu’au fur et à mesure pour ne rien gâcher. Ils arrivèrent dans le hall principal de la faculté de droit. On les dirigea sur un couloir à leur droite, puis dans un autre où se trouvaient les bureaux de plusieurs enseignants de l’université. Au bout de deux minutes, Scarlett trouva celui de Philips et, sans crier gare, entra dans son nouveau jeu de rôle alors que passait ce qui semblait être un autre enseignant. Elle essaya d’ouvrir la porte de manière insistante, porte dont la poignée était évidemment fermée. « Oh mon dieu, mon dieu ! Comment je vais faire ? J’ai oublié cette maudite clef et tout le cours que je dois donner est enfermé à l’intérieur ! C’est… Il va me tuer ! » Se lamentait-elle à voix très haute devant Nate, limite au bord de la crise de nerfs (oui c’est une actrice). À force de piailleries, sa voix attira évidemment l’enseignant en question qui lui demanda des comptes. « Que se passe-t-il ? Je peux vous renseigner ? » Demanda-t-il intrigué. « Oui ! Je voudrais savoir comment on peut faire pour entrer à l’intérieur. Je suis la nouvelle assistante prof de M. Philips, c’est mon troisième jour aujourd’hui, je dois donner cours aux premières mais j’ai laissé tous les supports de la leçon dans son bureau et je ne retrouve pas mon trousseau… » Lâcha-t-elle à une vitesse hallucinante de peur de s’emmêler les pinceaux dans ses explications si elle débitait les mots plus lentement. Elle semblait excitée, au bord de la crise de nerfs. « Et vous ne pouvez pas lui demander de vous ouvrir ? » interrogea-t-il en la regardant successivement elle puis Nate. Scarlett leva les yeux au ciel comme pour mimer une réaction à la question idiote de son interlocuteur. « Impossible ! Il donne cours toute la matinée et refusera d’être interrompu… Et puis, je ne veux surtout pas qu’il l’apprenne, vous comprenez ? » Elle lança un regard à Nate pour chercher un peu d’appui dans sa version des faits. S’il voulait l’appuyer et entrer en jeu, c’était le moment ou jamais. Elle arrivait à bout d’arguments, l’autre enseignant avait l’air d’être un méfiant plutôt réticent à avaler leur histoire. « Je vous en prie. » Renchérit-elle après avoir laissé parler l’Evans. « Pouvez-vous nous aider ? ». Elle appuya sur le fait qu’il devait le connaître et que la réputation de Philips n’était plus à faire, il ne pardonnerait aucun écart. Son interlocuteur continuait de la regarder avec des yeux soupçonneux. L’autre eut alors la très mauvaise idée de lui demander son nom. Désormais totalement à bout de force de persuasion, Scarlett usa d’une nouvelle stratégie, une stratégie plus risquée mais… qui pourrait se révéler payante. « O’Conell. Vous savez le sénateur ? Dans la famille, c’est avocats de père en filles. » Ok. S’il l’avalait ce mensonge-là, Scarlett mériterait un award. Elle l’avait dit avec tellement d’aplomb que cela laissait pourtant peu de place au doute. Elle eut alors la brillante idée de sortir son badge de travail, celui qui démontrait qu’elle était bien à la solde O’Conellienne, qui comptaient parmi les plus grands avocats de Magnolia, sauf que c’était des fils pas des filles, mais elle espérait qu’il ignorait ce détail… Quoiqu’il y en avait une de fille. Et même si on découvrait la supercherie, qui oserait s’attaquer à un O’Conell ? La situation partait totalement en free-style improvisé mais c’était cela le plus drôle, d’autant que ce nom à lui justifiait d’autant plus son statut d’assistante de l’autre dinosaure. Le temps qu’il vérifie ses dires – un O’Conell était bien inscrit à la fac de droit non ? -, ils seraient déjà loin avant qu’il se rende compte que le vrai n’était pas une femme. Scarlett s’assurerait de ne pas mettre les intéressés dans les problèmes mais comme dit, personne n’oserait s’en prendre à eux. « O’Conell. Oui, je vois. Allez au secrétariat à votre gauche, ils ont un double des clefs de bureaux. Dites que vous venez de la part d’Abbott, ils vous la donneront. Ramenez-là aussitôt que vous en aurez terminé. » La jeune Spencer n’en revenait pas. Venait-il vraiment de gober son dernier mensonge plus que les autres ? « Merci infiniment ! » Elle ne se fit pas prier deux fois et entraîna Nathanaël dans son sillage sur le chemin du secrétariat en question. « Ça fait peur. J’ai l’impression de savoir mentir comme je respire. » Souffla-t-elle. « Désolée pour O’Conell, je n’ai pas eu d’autre idée sur le moment. Mais il n’aura pas d’ennuis, quand ils se rendront compte que c’est un garçon et que je suis une fille, ils sauront qu’ils se sont fait avoir. Et puis, t’as vu comment sa tête a changé quand il a entendu ce nom ? Tu pourras dire à ton meilleur ami qu’il a la côte en fac de droit. » Expliqua-t-elle d’un air amusé avant de se retrouver devant la porte dudit secrétariat en question. Scarlett entra et fit comme convenu. Ils reçurent le double des clefs et retournèrent ensuite près du bureau de l’intéressé. « Voyons voir maintenant… Sésame, ouvre-toi ! » Dit la jolie brune en reprenant la célèbre formule tout en introduisant les clefs dans la porte. Bingo ! « C’est maintenant qu’on va rigoler… » Ajouta-t-elle car s’ils poussaient l’idée jusqu’au bout, ils seraient bien loin de se contenter de cette petite ‘infraction’ (et elle n’avait rien de coquin en tête non !).

Lorsque Scarlett lui demanda confirmation quant à l’emploi du temps de Philips, Nate fronça doucement les sourcils en hochant la tête. Il ne voyait pas exactement où elle voulait en venir en mettant cette information sur la table mais se doutait que la suite des événements risquait de se corser et de devenir beaucoup plus intéressante à l’avenir. « Oui, il sera dans l’amphi jusqu’à midi au moins. » Enfin, si l’envie de s’arrêter avant ne lui prend pas. Oui parce que des fois, lorsque monsieur le professeur décrète qu’il a assez travaillé, qu’il fait trop chaud pour bosser ou pour n’importe quelle autre stupide raison, il range ses affaires et rentre chez lui. Comme ça, tout d’un coup en laissant les centaines d’élèves pendus à ses lèvres pantois. Il ne fallut pas plus de temps à l’Evans pour comprendre qu’un sale coup se préparait, un sale coup qui finirait par s’abattre sur Philips pour faire payer toutes ces moqueries, ces rabaissements,  ces sautes d’humeur à chaque heure de la journée et pour tout le reste. Peut-être était-ce un personnage qu’il jouait et qui lui ressemblait très peu en réalité mais Nate en doutait. Quelqu’un d’aussi détestable, d’aussi sournois et imbu de sa personne comme ça.. Ca ne peut pas être un tissu de mensonges. N’importe qui aurait sans doute sortit un discours à Scarlett lui disant par exemple de ne pas le faire, que c’était dangereux, que c’était peut-être trop radical comme solution mais pas Nathanaël. Après tout, ils n’allaient que lui rendre la monnaie de sa pièce, même pas le quart de ce qu’il a pu leur faire à chacun d’eux pendant toutes les heures durant lesquelles il les a eu. Il ne pourrait s’en prendre qu’à lui-même et retenir dorénavant que l’on récole uniquement ce que l’on sème. « Toi, tu prépares un sale coup ! » Lâcha-t-il alors que ses yeux se perdaient toujours dans les siens. Puis, rompant le contact visuel, Nathanaël regarda par-dessus l’épaule de la jeune femme et pointa une direction du doigt vers un bâtiment central en pierre : « C’est par là-bas, on a de la chance à cette heure ci il ne doit pas y avoir grand monde. » Généralement les professeurs n’y passaient pas entre deux heures de cours quant à ceux qui commençaient à travailler à onze heures environ, ils attendaient patiemment que le temps passe dans leurs bureaux en faisant on ne sait quoi sans se soucier de ce qui se passait dehors. Rentrer la dedans était un jeu d’enfant, c’était plutôt d’en sortir avec ce que nous voulions qui était galère. La laissant prendre les devants, l’Evans reposa son sac sur son épaule et la suivit jusque dans un couloir où se trouvaient de nombreuses portes avec les noms de chaque professeur inscrits en majuscules. Le jeune homme ne se souvenait n’être venu ici qu’une fois après un désaccord sur une théorie avec l’un de ses professeurs de l’année dernière ou peut-être même d’il y a deux ans, hormis ça aucun autre souvenir ne lui revint en tête. S’ils se faisaient attraper là, ils en prendraient sans doute pour leur grade et s’en souviendraient pour l’autant mais en même temps s’ils réussissaient, ce serait tellement mémorable.. Le prix en valait la chandelle. Surtout qu’en réalité, Scarlett ne courait aucun risque puisqu’elle n’étudiait même pas ici. Dans le pire des cas, on la mettrait à la porte en lui interdisant de revenir, et après ? Ce n’est pas comme si le fait qu’elle ne pourrait plus jamais s’incruster dans un cours de droit lui brisait d’ores et déjà le cœur. Alors qu’ils étaient devant la porte du bureau de Philips, un professeur sortit de l’une des nombreuses portes et les dévisagea l’un après l’autre comme pour essayer de comprendre ce qu’ils fichaient ici puisqu’ils n’avaient -normalement- rien à y faire. La question ne tarda pas à tomber, qui étaient-ils et que faisaient-ils ici? en plus  essayer de forcer une porte verrouillée à clefs. Scarlett improvisa comme une chef un petit mensonge auquel même Nate aurait pu croire s’il ne la connaissait pas aussi bien devant sa crédibilité sans faille. Malheureusement pour elle, si elle avait presque réussi à se sortir du pétrin, le professeur insistait pour en savoir plus comme s’il avait compris que quelque chose dans cette situation épique clochait. Pour mieux entrer dans le rôle la jeune femme se mise à débiter plein de trucs à une vitesse hallucinante comme si elle était vraiment stressée, affolée, au bord de la crise et qui permettait de mettre encore un peu plus de crédibilité à sa performance qui frisait le Golden ou le Emmy. « Vous le connaissez, Franck est vraiment un… » Il dut se pincer les lèvres pour retenir le mot connard entre ses dents avant de reprendre tout sourire et le plus naturellement du monde : « Passionné. S’il apprend ce petit incident stupide ça risque de foutre sa journée en l’air inutilement et puis entre nous.. Il est un peu dur, elle va en entendre parler jusqu’à la fin s’il est au courant. Vous n'êtes pas d'accord ? » Le professeur sembla hésiter mais hocha finalement la tête. Tiens. Même lui trouvait donc que Philips se comportait comme un royal connard avec tout le monde ? Peu importe puisque le résultat était le même : après quelques petites minutes de questionnement et de mise en garde, le gars leur expliqua comment faire pour se dépatouiller et ce, comme par hasard après que Scarlett ait donné son nom. Enfin, son faux nom à vrai dire mais tout de même. Il fallait croire que  ’O’Conell’ permettait encore toutes les frasques et surtout, se faisait toujours autant respecter des autres. « Peut-être aussi qu’il était trop occupé à t’admirer pour reconnaître le mensonge. » Glissa-t-il un compliment caché en esquissant un sourire. A vrai dire, et ce malgré une jalousie qui n'avait souvent pas lieu d'être, il ne pouvait pas lui jeter la pierre. N’avait-il pas toujours été en  ‘émois’ devant elle ? Bien sur que si, et aujourd’hui ne faisait pas exception bien au contraire surtout après autant d’heures passées loin d’elle. C’en était même risqué d’aller s’isoler dans un bureau -et celui d‘un type pareil en prime-, à deux alors qu’ils pourraient faire ce que bon leur semblait sans avoir à se soucier de quoi que ce soit d’autre. Une fois la porte ouverte, l’Evans regarda une fois à gauche mais une fois à droite et entra en refermant derrière lui, verrouillant la porte au cas où quelqu’un essaierait de rentrer pour x raison. Après tout, personne n’était censé être là ,ils devaient donc jouer aux gens invisibles. « Et maintenant ? » On fout tout en l’air ? Nathanaël posa son sac sur le sol et regarda un peu autour de lui. La déco n’était pas fameuse, plutôt farfelue, exactement comme le personnage de ’Franck Philips’ .  Il fit quelques pas puis s’installa à la chaise de bureau à la place que devait normalement occuper le professeur. Il ne se doutait probablement pas de ce que Scarlett avait en tête mais lui ne pouvait s’empêcher de penser qu’il renverserait bien le contenu qui se trouvait sur le bureau un peu partout juste pour le plaisir de l’imaginer galérer à tout ranger et remettre en place. A ses yeux, mieux valait-il encore qu’il pense à ça en restant perché sur sa chaise plutôt que de ne se rapprocher de Scarlett sans savoir jusqu’où il pourrait aller alors qu’ils sont présentement enfermés dans le bureau d’un salopard de première. « C’est le moment où on doit tout démolir ? » Plaisanta l’Evans en faisant un tour sur lui-même avec sa chaise à roulettes.  

Philips promettait de ne pas les embêter jusqu’à midi. Scarlett emboîta donc le pas à Nathanaël jusqu’aux bureaux des professeurs où s’amorça leur petit manège. Le jeune homme entra à son tour en scène pour la soutenir comme s’il était parfaitement au courant du problème. Il utilisa même le prénom de son professeur pour rendre plus crédible son histoire. Au bout d’une bonne dose de patience et de persuasion, Scarlett parvint finalement à convaincre leur interlocuteur de les aider. Il leur indiqua le secrétariat où on leur remit les clefs du bureau de Philips. La jeune femme s’excusa de s’être servie d’O’Conell pour leur petite vengeance, ne sachant pas vraiment comment le prendrait Nate mais le numéro était plutôt bien passé puisqu’il en profita pour lui glisser subtilement un compliment au passage. « Dommage que l’assistante en question avait les yeux trop rivés ailleurs pour y prêter attention. » Ailleurs signifiant lui. L’échange s’arrêta aussitôt sur ces mots puisqu’ils arrivèrent devant la porte du bureau où ils n’allaient ni mettre le bordel, ni divaguer. Scarlett se rappela vaguement d’une conversation que Nate et elle avaient eu au Nouvel Anà propos d’un de ses fantasmes, à savoir le faire dans des lieux insolites ou alors où ils risquaient d’être pris, quelque chose dans ce goût-là. Si le lieu se prêtait peut-être parfaitement à la définition, la jeune femme n’était pas du tout dans ce mood-là. Une fois la clef tournée, ils purent ouvrir la porte et s’introduire à l’intérieur. La première idée de Nate fut évidemment de tout mettre sens dessus dessous. « Tu détruis ce que tu veux du moment que tu laisses l’ordinateur intact. » Répondit-elle avant d’allumer l’appareil fixe. Scarlett avait appris deux-trois astuces avec Shawn et savait comment fouiner. Nathanaël s’amusa avec la pauvre chaise à roulette tandis que la jeune femme se pencha devant l’écran désormais allumé. « On va bien trouver ses petits secrets non ? » Demanda la jeune femme, pleine d’espoir. « Les types comme lui ont toujours quelque chose à cacher. Au fait, tant qu’on est là, tu veux pas regarder dans les tiroirs ou les classeurs s’il n’y a pas des questions-types pour les examens à venir ? On pourra vraiment parler de journée productive comme ça. » Ajouta-t-elle en faisant un clin d’œil complice et non pas pour le piquer méchamment. Il savait que la jolie brune aimait bien le taquiner de temps à autre comme lui ne se gênait pas pour le faire avec elle dès qu’il en avait l’occasion. « Et ce serait mieux de faire comme si personne n’était venu ici. » Recommanda-t-elle néanmoins. Scarlett pouvait assumer les ennuis pour elle mais ne voulait cependant pas prendre le risque que Nate se fasse attraper et se fasse ensuite expulser de l’université. La jolie brune farfouilla alors dans plusieurs dossiers, tous des cours qui ne les concernaient pas. Son but n’était pas du tout de griller les questions d’examen et de tricher mais de trouver quelque chose qui pourrait discréditer Philips. Un tel professeur ne pouvait pas être net. Scarlett songea alors qu’elle ne trouverait rien dans les dossiers et elle envisagea une autre idée… craquer son mail. Ce n’était pas bien compliqué. Un nom de chat favori, le titre d’un livre en mot de passe. Après quelques essais infructueux, elle trouva facilement le code en mémoire automatique sur l’ordinateur et parvint à se connecter sur l’adresse mail de l’enseignant. C’était inapproprié et totalement déplacé de violer ainsi l’intimité de quelqu’un, voire illégal mais ils ne pouvaient pas s’arrêter en si ‘bon chemin’. Elle piqua une autre chaise à côté de celle de Nate et s’installa pour commencer à chercher. « Oh c’est pas vrai ! J’y crois pas ! Tu devineras jamais ce que je viens de trouver ! » S’écria-t-elle au bout de quelques minutes. « Tu savais qu’il s’adonnait à ces pratiques ? » Scarlett tourna légèrement l’écran vers Nate. M. Philips avait des penchants… pour se travestir ! Maquillages, talons et co. « T’as vu ça ? Je sais ce qu’on va faire ! » La jolie brune farfouilla dans son sac et dénicha une clef usb dont elle ne se séparait jamais. Elle téléchargea les photos et les sauvegarda. Bonjour le support de court… Ne restait qu’à trouver une classe. Scarlett se connecta sur le site en ligne de l’université et consulta les horaires des étudiants de la faculté de droit. « Y’a une classe de première, ils vont avoir cours avec lui l’heure suivante. Ça te dit qu’on retombe quelques années en arrière et qu’on fasse un saut rapide à l’intercours ? » Proposa-t-elle de s’incruster avant l’arrivée de Philips. Ils avaient encore plusieurs minutes devant eux pour tuer le temps en attendant l’heure dite mais Scarlett tenait à aller jusqu’au bout. Elle coupa alors l’ordinateur et éteignit l’écran. « En fait, on devrait oublier les questions d’examen. » Se reprit-elle soudainement. En effet, il ne valait mieux pas s’engager sur ce terrain-là. Autant remettre quelqu’un à sa place ne la dérangeait pas, autant la triche était une limite qu’elle n’avait elle-même jamais franchie au cours de ses études. Ce n’était pas parce que son année serait difficilement rattrapable que Scarlett avait le droit d’y encourager Nate. Déjà qu’elle l’entraînait dans ce plan sordide… Elle se rendit compte pour le coup qu’elle n’avait peut-être pas assez réfléchi à la question et que peut-être elle n’aurait pas dû le mêler à toute cette mascarade.

Evidemment, Nathanaël ne comptait pas tout envoyer balader en travers de la pièce, renverser, casser et tout le tralala. Certes, Philips était un connard qui se foutait sans doute pas mal de la réussite de ses élèves mais il y avait toujours des limites à ne pas dépasser. Retourner le bureau privé de quelqu’un en faisait d’ailleurs parti. Déjà venir ici était un risque, se faire passer pour le personnel alors ils n’avaient aucunement besoin de risquer de s’attirer plus d’ennuis en dégradant quoi que ce soit. Toujours assis sur la chaise de bureau, Nate roula jusqu’à la bibliothèque se trouvant à proximité en commençant à regarder les livres. Derrière lui, il entendait Scarlett lui suggérer plus ou moins d’essayer de voir s’il ne pouvait pas trouver des copies de futurs devoirs ou peu importe du moment que cela pouvait l’aider. Il fit alors un tour sur lui-même pour la regarder pianoter sur le clavier du vieil ordinateur comme l’aurait fait Mozart avec un piano. Qui était cette fille prêt à tout pour l’aider à remonter la pente ? Parce que oui, c’était loin d’être dans les habitudes de la Spencer de mentir sur son nom deux fois dans la même journée en moins de deux heures avec deux noms différents et encore plus d’entrer dans un bureau privé pour essayer d’y dénicher les pires horreurs sur quelqu’un en fouillant dans ses données personnelles. « Je suis d’accord, touchons au moins de trucs que possible. » répondit-il à sa remarque. Alors que l’Evans se tournait à nouveau vers la bibliothèque, la jolie brune l’interpella derrière lui pour lui montrer quelque chose. Il leva les pieds du sol et se donna un peu d’élan en se propulsant en arrière pour s’approcher doucement du bureau. De là où il était initialement il voyait juste une femme. Enfin, une femme moche mais une femme quand même et plus il avançait plus les détails devenaient clairs. Sa bouche s’entrouvrit devant le choc -et les frissons d’horreur- que venait de lui provoquer ce qu’elle avait trouvé. « Mon dieu, quelle horreur. » Murmura-t-il en regardant la photo d’un air de dégout malgré lui. Après tout chacun est libre de faire ce qu’il veut même s’il serait volontiers passé d’un tel ‘cadeau’. Si les élèves le voyaient comme ça, ce serait lui qui subirait les moqueries et plus l’inverse. Au moins, il saurait ce que ça fait. « Quand je disais qu‘il était barge ce gars. Comment ça ‘ce qu‘on va en faire‘ ? » Questionna-t-il alors en arquant un sourcil la regardant trifouiller dans son sac. Sur le moment il ne comprit pas vraiment mais lorsqu’il vit la clef usb, ça fit une étincelle dans sa tête. Voulait-elle réellement s’engager sur ce genre de terrain glissant ? Que ce soit juste pour une humiliation publique ou un chantage n’y changeait rien, ce n’était pas du tout le style de Nathanaël et il savait qu’il en était de même pour elle, loin d’être adepte des coups bas. Et si la diffusion de ces photos le retournait tellement qu’il ne pourrait plus enseigner ? Et s’il pétait un plomb et se mettait en tête de chercher qui lui avait fait se coup là en jurant une vengeance terrible ? Il le méritait oui, et Nate donnerait tout juste pour voir l’expression de son visage si tout ça était montré au grand jour mais encore fallait-il que ça arrive. L’Evans n’était pas fondamentalement contre il regrettait juste le fait que ses mauvais résultats et la possibilité de rater complètement son année puisse leur faire faire ce genre de bêtises dignes de lycéens inconscients. « Tu veux projeter les photos devant tout le monde ? » Questionna-t-il afin d’être sur d’avoir bien compris le raisonnement avant de se mettre doucement à rire. Il regarda à nouveau les photos. Ce n’était rien de super méchant non plus, juste un mec en robe, avec des talons hauts et du maquillage. D’autant plus qu’à coup sur Philips s’en sortirait par une pirouette comme toujours et tirerait profit de la situation même si normalement, ça aurait du être le contraire. Il avait sans doute un assez fort caractère pour surmonter ça mais de là à dire qu’il en rirait… Il y avait un pas énorme. Le plus fou dans tout ça était surement de voir la détermination dont la Spencer faisait preuve comme si, elle avait suivi ses cours depuis des années elle aussi et qu’avec le temps, elle l’avait détesté -comme les autres- au point de ne plus pouvoir le supporter et de vouloir lui enlever son espèce de sourire de monsieur je sais tout. Nathanaël hocha doucement la tête à sa dernière phrase puis reprit la parole : « Le prochain exam est dans un mois ce qui me laisse le temps de revoir le plus de chapitres possible. » Pour lui -et même si beaucoup ne pensaient pas de la même manière- il valait mieux noter son vrai niveau, se planter si on a pas révisé et ne surtout pas tricher parce que même si la note compte dans le dossier, ça ne correspond aucunement à tes connaissances acquises et ça devient donc du même fait complètement inutile. « Je sais que tu comptes sur moi pour m‘y remettre et tout ça et je vais le faire, mais pour l‘instant j‘ai juste envie de passer du temps avec ma petite amie. » Reprit-il quelques instants plus tard. Petite amie. Petite amie. Il ne pouvait pas l’expliquer mais ce mot sonnait encore un peu étrangement dans sa bouche. Après tout, malgré l’ambigüité et les rapprochements, ils n’étaient jamais sortis ensembles officiellement avant aujourd’hui. Scarlett Spencer était sa petite amie et le dire à voix haute avait un goût encore plus appréciable. « Allons nous-en avant de nous faire attraper en flagrant délit ! » Coéquipiers dans le crime à partir de maintenant, les deux se levèrent et replacèrent les chaises aux endroits où ils les avaient trouvées tandis que Nathanaël vérifiait encore une fois que tout était en ordre. Le jeune homme reprit son sac et le posa sur son épaule en ouvrant la porte pour sortir avant de rejoindre le couloir dans lequel ils avaient discuté quelques minutes avant d’avoir les clefs. Les Bonnie and Clyde feraient sans doute mieux de se presser un petit peu parce que s’ils retombaient sur quelqu’un de curieux et suspicieux comme l’autre -voire plus- ils seraient dans de beaux draps.

Le regard de Scarlett se perdit quelques instants sur Nathanaël qui regardait la bibliothèque personnel du bureau de Philips. Pour mieux attaquer « l’ennemi », il fallait bien connaître ses faiblesses. Depuis qu’elle travaillait pour le sénateur O’Conell, la jeune femme avait quelque peu changé et confondait parfois le cadre professionnel et l’extérieur. Elle n’était pas dans une de ces réunions où elle devait se présenter avec les meilleures armes possibles et décocher si nécessaire. Le but de cette petite infraction dans le bureau du professeur avait surtout une tournure amusante, l’idée de l’embarrasser quelque peu aussi. Scarlett se demandait toutefois si lui rendre une humiliation publique égale, voire pire que celle qu’il faisait subir à ses élèves n’était pas s’engager trop loin. Elle ne voulait pas non  plus que Nate s’attire des ennuis au passage. La petite plaisanterie était drôle jusqu’à un certain point. Il est vrai qu’elle-même ne se reconnaissait pour l’instant pas dans cette envie vindicative de rendre la pareille à l’enseignant alors qu’ils s’étaient déjà fait passer pour d’autres et s’étaient introduits dans son espace personnel. Ce n’était effectivement pas dans les habitudes de la jeune femme d’enchaîner les mauvais coups. Il devait y avoir des jours comme ça… La chance semblait d’ailleurs leur sourire pour les encourager en ce sens puisqu’elle venait de découvrir des photos plutôt compromettantes – sans pour autant être inacceptables – du professeur. Disons simplement que ces images le discréditeraient grandement devant ses élèves… Dans la voix et le regard de Nathanaël, la jeune Spencer sentit une légère désapprobation quant à son idée de « l’afficher » devant un amphithéâtre rempli. Était-ce parce qu’il était contre d’un point de vue moral ou réticent de peur qu’ils s’attirent de nouveaux ennuis ? En revanche, Scarlett n’hésita pas à se reprendre sur l’idée de regarder des examens. Elle l’avait plutôt dit sur le ton de la rigolade dans le sens qu’ils devraient profiter de leur présence dans le bureau de Philips parce que ça n’arriverait pas une seconde fois mais il valait mieux ne rien toucher. Jouer le rôle du personnel était une chose, ne pas la jouer à la régulière en était une autre. La jeune femme savait de toute façon que Nate partagerait son avis sur la question. Elle ne le voyait pas du tout « profiter » de la situation pour chercher à réussir autrement qu’en étudiant ses cours. Il lui apprit qu’il avait un mois avant son prochain examen et qu’il aurait donc « techniquement » le temps de le revoir. Cette information ne tomba pas dans l’oreille d’une sourde mais Scarlett préféra ne pas réagir pour le moment. Ils ne devaient pas s’éterniser dans le coin. Elle éteignit l’ordinateur tandis que Nathanaël lui promit en quelque sorte de s’y mettre sauf que, pour le moment, il voulait passer du temps avec elle. La jeune femme n’aurait pas sourcillé s’il n’avait pas utilisé pour la première fois un terme bien particulier et qui sonnait si bizarre entre eux. Scarlett s’était tellement habituée à ce qu’ils se considèrent commeamis que même maintenant qu’ils étaient ensembles, elle se voyait mal lui dire des ‘mon chéri, mon cœur’ et autres niaiseries à tout bout de champ. Heureusement pour la jeune femme, Nathanaël n’en était pas friand non plus. Elle se contenta d’esquisser un sourire en guise de réponse et prit ses affaires avant de lui emboîter le pas pour sortir du bureau. Scarlett se dirigea vers le secrétariat pour aller rendre les clefs et continuer d’agir normalement, c’est-à-dire sous couverture, jusqu’à leur sortie du bâtiment. Une fois à l’extérieur, la jeune Spencer prit une inspiration. C’était comme si la brise d’air frais calma soudainement la témérité vengeresse de son plan. Elle s’arrêta soudainement de marcher et chercha la clef usb dans son sac. « En fait, je suis partagée. D’un côté, j’ai envie tout comme toi et sûrement tous les élèves de cette fac qu’il ait une bonne leçon comme il aime en donner. D’un autre, je me dis que ça ne se fait pas trop et qu’on pourrait s’attirer des ennuis. En plus, ce serait devenir un peu comme lui sans forcément le faire changer. » En effet, cet acte donnait fameusement envie mais c’était surtout gratuit et… méchant. Les scrupules de la jolie brune s'étaient réveillés. Ils avaient bien rigolé dans le bureau, toutefois Scarlett n’était plus si sûre de vouloir vraiment aller jusqu’au bout, d’autant qu’ils ne pourraient plus faire marche arrière ensuite. À la moue désapprobatrice de Nathanaël dans le bureau de Philips, elle avait plus ou moins compris qu’il devait penser la même chose. La jeune femme mit alors la clef dans la main de Nathanaël. « Le choix te revient. » Dit-elle. Après tout, c’était son professeur à lui. Au pire, l’Evans pouvait toujours garder les photos dans un coin et les regarder chaque fois qu’il en avait envie pour se fendre de sa poire ou en faire dieu seul sait ce qu’il en voudrait. Scarlett s’était laissée légèrement influencée par l’esprit incisif qui régnait pour l’instant dans son travail mais elle était heureusement redescendue sur terre avant qu’il ne soit trop tard. La décision finale appartenait à Nathanaël. S’il jugeait cette initiative acceptable alors elle lui emboîterait le pas, sinon ils avaient bien rigolé à se l’imaginer vivre la même situation que ce qu’il faisait subir à ses étudiants.

Ils se dirigèrent tous les deux en direction du secrétariat où ils rendirent les clefs comme si de rien n’était et prirent le chemin de la sortie. L’Evans baissa un peu la tête pour regarder l’heure qu’indiquait sa montre et remarqua qu’il restait au moins deux bonnes heures avant la pause de midi. Hors de question qu’il reste là tellement de temps surtout si c’était pour retourner au cours de ce con de Philips. Il releva la tête puis se tourna pour faire face à Scarlett qui s’était arrêtée avant de lui exposer les doutes auxquels elle était sujet. D’abord un peu à l’est, Nate ne comprit pas de suite de quoi elle parlait avant de se souvenir l’incident de la clef usb et des photos.. Pouvant choquer les âmes sensibles de cet amphi. D’un côté ça le rassurait que malgré la détermination dont elle avait fait preuve depuis l’entrée dans ce bureau elle hésitait à dévoiler ce qu’ils avaient trouvé aux yeux de tous. Il ne fallait pas oublier que même si Philips était un enfoiré de première, ça ne voulait pas dire pour autant qu’il méritait l’humiliation publique de la sorte. Comme Ian l’a dit dans les âmes vagabondes : ‘c’est pas parce que ces choses sont pas humaines qu’on doit arrêter de se comporter comme des humains’. En gros, Philips était peut-être un monstre mais lui rendre la pareille reviendrait sans doute à tomber au même niveau pitoyable que lui et ce même si au fond ce n’était que dans la bonne intention de lui donner une leçon. Les yeux de Nate quittèrent ceux de Scarlett et se posèrent sur sa main contenant maintenant la fameuse clef usb. L’Evans regarda une dernière fois sa montre. La deuxième pause n’allait pas tarder. Partagé entre l’idée de quand même projeter les photos dans l’amphithéâtre ou de tout simplement ne rien en faire, il s’imagina un plan qui se trouvait juste au milieu et qui lui paraissait être le moins ’mauvais/méchant’ des trois. Surtout que, de cette manière, il était au moins sur de ne pas se faire attraper et donc de subir les foudres de Philips. Sa main sur referma doucement sur la clef alors qu’il relevait la tête. « Est-ce que tu as une enveloppe ? » Questionna-t-il en levant les yeux vers Scarlett. Visiblement, non. Elle n’avait pas encore répondu mais l’expression d’incompréhension parlait pour elle. Il fit alors un tour sur lui-même. Y avait-il une chance qu’une poste se trouve à proximité de l’université ? Nate n’y avait jamais prêté attention avant aujourd’hui. Il fit quelques pas et contempla la rue. Aucune entreprise, rien. « Je sais ce qu’on va faire mais j’ai besoin de ton aide. » Il lui prit la main et rentra à nouveau dans le bâtiment duquel ils venaient tout juste de sortir après avoir fouillé le bureau de Philips. Nathanaël regarda autour d’eux et profita du fait que personne n’était là pour expliquer brièvement son plan à Scarlett : « Il faut que tu arrives à distraire la secrétaire ou que tu la fasses bouger ailleurs comme ça je pourrais accéder à son bureau. Tu peux faire ça ? » Demanda-t-il. Bon d’accord, il n’avait énoncé que la première partie de son plan. Une infime petite partie de son plan intégral en fait et encore, il ne lui avait même pas dit pourquoi. De toute façon, il ne le ferait sans doute pas sans avoir son avis au préalable. Il savait que parfois l’impulsion ou tout simplement les idées farfelues qui lui traversaient l’esprit lui faisaient faire et dire n’importe quoi et déjà là, il devait faire preuve d’un peu de retenue pour ne pas aller faire de ces photos des affiches géantes qu’il placarderait avec plaisir un peu partout dans la ville. « Allez, tu vas y arriver j’ai confiance, go ! » Il lui vola un baiser plus qu’enthousiaste et certain qu’elle y parviendrait puis le poussa gentiment en direction du bureau alors que lui se ‘cachait‘ au coin du couloir. Une fois qu’il verrait Scarlett et la secrétaire s’éloigner et bouger ailleurs, il pourrait entrer dans le bureau et faire ce qu’il avait à faire. Ensuite il irait aider la jolie brune à se dépatouiller de la vieille secrétaire qu’il lui avait fichu dans les pattes et ils pourraient sortir définitivement d’ici comme si de rien n’était. Scarlett et la secrétaire, Acte I scène 1, action.

Prise d’une vague de scrupules, Scarlett s’arrêta soudainement à côté de Nate pour lui faire part de son hésitation. Cette décision lui revenait finalement car il s’agissait de son professeur et non du sien. Il sembla réfléchir quelques instants à sa proposition avant de lui poser une drôle de question. La jeune femme ne s’attendait pas vraiment à ce qu’il lui demande une enveloppe mais comprit de suite qu’il avait une autre idée en tête. Elle répondit par la négative, puisqu’elle ne se promenait pas avec une réserve de papier sur elle. Nate lui expliqua alors qu’il allait avoir besoin de son aide. Scarlett lui lança un regard interrogateur et se contenta d’hocher la tête positivement. Il glissa alors sa main dans la sienne et la ramena à l’intérieur du bâtiment avant de lui demander de distraire la secrétaire pour qu’il puisse s’introduire dans son bureau. Toujours sans poser de questions, la jeune femme acquiesça. C’était une de leurs habitudes naturelles dans leurs plans foireux : ils n’avaient pas besoin de demander ce que l’autre avait prévu et se faisaient d’office confiance en sachant très bien que le résultat promettrait bien des surprises. « T’as intérêt à venir m’en dépêtrer après. » Lui dit-elle. Scarlett leur avait déjà fait croire qu’elle était assistante-prof, elle ne pouvait plus vraiment s’inventer une identité d’élève à présent. Nate l’encouragea une nouvelle fois à se lancer avant de lui donner un baiser furtif et de partir se réfugier plus loin dans le couloir. Scarlett afficha tout de même une petite moue. Elle s’était littéralement fait avoir. Il semblait toujours avoir le beau rôle aujourd’hui dans leurs coups foireux. Avant de s’introduire dans le bureau de Philips, la jeune femme était montée au front toute seule comme une grande en se faisant passer pour ce qu’elle n’était pas et même si Nate l’avait bien aidée dans le mensonge, il n’avait pas vraiment eu à mentir sur lui-même puisque la Spencer ne lui aurait jamais demandé de le faire à sa place. Quant au nouveau plan… Elle devait encore se plonger en première ligne pour lui laisser le champ libre. Scarlett se demanda alors depuis quand elle était devenue autant capable de mentir à tout va. En fait, ça ne remontait pas à aujourd’hui, il y avait toujours des choses qu’on préférait voir enterrer dans son placard et enfermé à double tour mais trafiquer la vérité pour tout et n’importe quoi semblait être devenu une nouvelle tendance des derniers temps. Rien que dans ses histoires de couple déjà… Nier pendant longtemps ses sentiments. Ne rien dire à l’un, se cacher avec l’autre. Au sein de sa famille aussi… Elle ‘couvrait’ certaines choses pour calmer les tensions mais sentait qu’elle s’enlisait dans toutes ces histoires. Et maintenant, cette tendance devenait une habitude plus fréquente puisqu’elle se transposait en coup foireux et que la jeune femme avait déjà menti à plusieurs reprises aujourd’hui, par jeu certes, mais tout de même. Scarlett n’aimait pas trop cette voie qu’elle empruntait depuis quelques temps. Elle accepta cependant de tenir ce nouveau rôle qui lui avait été confié et elle s’introduisit donc dans le secrétariat. « Oui c’est encore moi, décidément c’est le jour. Vous pourriez venir un instant ? Il y a un problème avec la photocopieuse à l’entrée et je n’arrive pas la faire fonctionner. » Demanda-t-elle avec son sourire le plus engageant. La secrétaire, qui ne semblait pas très dégourdie, assimila pendant quelques instants l’information avant d’accepter de bouger ses fesses de son bureau. Scarlett avait remarqué la grosse machine non loin de là et se souvenait combien elle avait toujours des problèmes durant ses propres études pour s’en sortir avec ces appareils capricieux. Ça coûtait une fortune mais ça bloquait à longueur de temps : plus d’encre, manque de papier, bourrage et autres excuses étaient monnaie courante. Il ne lui restait plus qu’à trouver une maudite feuille à faire photocopier pour donner de la crédibilité à son histoire et le tour serait normalement joué. C’est là que l’affaire se corsait. Scarlett n’était pas vraiment étudiante en droit et elle devait pourtant trouver un papier en rapport. Toutefois, elle y avait déjà pensé avant de se servir de cette excuse. La jolie brune farfouilla donc dans son sac et dénicha un dossier pour papa O’Conell qu’elle n’avait pas encore eu le temps de lui rendre. Non seulement ces feuilles confirmeraient son histoire sur l’identité utilisée mais en plus portaient le cachet de son cabinet. Une fois sorties du secrétariat, Scarlett regarda furtivement en direction de Nate pour lui donner le feu vert. Elle se dirigea ensuite vers la photocopieuse qu’elle alluma et fit exprès d’être une nouille complète en matière de technologie. La secrétaire lui décocha un regard en mode « pauvre fille qui ne sait même pas utiliser ses dix doigt pour photocopier un bout de papier » et elle lui montra comment fonctionnait la fameuse machine. La jeune femme lui tendit le dossier et la laissa s’en occuper pour le copier plusieurs fois (bonjour la dépense d’encre). Elle fit semblant d’écouter attentivement les instructions de la vieille chouette en attendant désespérément que Nate se décide à venir la sortir de là sans qu’elle ait à se montrer désagréable ou à l’expédier d’une façon qui la grillerait trop clairement.

Un large sourire étira les lèvres de l’Evans lorsque Scarlett accepta de suivre son plan. Enfin, elle n’avait pas eu trop le choix non plus à proprement parler mais si elle n’avait vraiment pas voulu, elle ne l’aurait pas fait tout simplement. Le jeune homme acquiesça en levant les yeux au ciel suite à sa remarque comme si, ce qu’elle venait de dire était idiot. Il n’allait pas l’envoyer en première ligne et en plus de ça en improvisation totale pour occuper la vieille peau et la laisser ensuite dans cette situation sans l’aider à s’en sortir convenablement. « Non non, je vais te laisser avec elle tiens, allez donc boire un café, discuter. » Ironisa-t-il en esquissant un nouveau sourire face aux bêtises qu’il était en train de raconter. Pour elle, c’était un peu la matinée du mensonge aujourd’hui. Toujours caché au coin du couloir, Nate se penchait de temps en temps pour regarder et vérifier qu’il ne manquait pas le passage de Scarlett et de la vieille Squizie (parce que oui, j‘ai décidé de l‘appeler Squizie). Même si des deux il était sans doute celui qui prenait le moins de rire -et encore être pris à fouiller le bureau du secrétariat ça doit pas vouloir une bonne remarque dans le cv- il n’en restait pas moins anxieux. Il se sentait comme un soldat prêt à partir au front, l’estomac dans les chaussettes et même si la comparaison pouvait paraître un peu abusive, ça n’était pas dans ses habitudes de trifouiller dans les affaires des gens en se jouant d’eux afin qu’ils ne remarquent rien. Il devait quand même avouer que sa mission in-filtrage, mythonage et co était beaucoup plus amusante et divertissante que n’importe quel cours de droit tout professeur confondu de cette université. Parce que oui, étrangement, tout avait l’air plus intéressant que d’étudier cette foutue matière. Même faire la vaisselle chez lui, ce dont il avait particulièrement horreur d’habitude, devenait une véritable partie de plaisir à côté. Adossé au mur, bras croisés, il fit comme si tout était normal lorsqu’un homme d’entretient passa dans le couloir allant jusqu’à le saluer d’un signe de tête en le gratifiant d’un sourire assuré et complètement à l’aise. Le vieux ne sembla pas tiquer et lui répondit d’un signe de tête à son tour avant de reprendre ses occupations dans une pièce adjacente. Des bruits de pas se firent entendre plus loin. Nathanaël se redressa en se décollant du mûr et se pencha légèrement sur le côté étant le plus discret que possible pour observer. Comme il le pensait, c’est Spencer lui faisant un signe que c’était bon pour lui et Squizie qu’il vit passer pour aller il-ne-sait-trop-où. Même s’il n’était pas chronométré et qu’il n’avait pas un temps imparti à respecter, l’Evans regarda une nouvelle fois l’heure indiquée sur sa montre et décida de se laisser cinq minutes grands maximum à chercher ce qu’il voulait trouver avant de rejoindre Scarlett et de la sortir de là. Elle avait beau être une menteuse assez convaincante  -et encore pas pour lui puisqu’ils n’avaient pas la possibilité de se mentir ce qui était un bien comme un mal- , elle ne parviendrait pas à assurer une couverture pendant une heure et demi avec une inconnue curieuse comme la Gale à côté d’elle. Le jeune homme se dépêcha alors de rejoindre le bureau et y entra en refermant à clefs derrière lui des fois que quelqu’un aurait l’idée de venir et de demander quelque chose. Il aurait l’air fin face à un étudiant, mains dans les papiers administratifs alors qu’il n’était même pas autorisé à se trouver de l’autre côté du bureau. Il ferma aussi les stores par la même occasion puis commença sa fouille. Il ne cherchait rien de sorcier, juste une enveloppe, grand ou petite peu importe, la couleur exactement pareil il s’en fichait pas mal. Après avoir mis quelques papiers sans dessus-dessous, il trouva enfin le st Graal. Une enveloppe blanche d’une taille adéquate pour ce qu’il comptait faire en plus. Il rangea le reste là où il l’avait trouvé et prit une feuille blanche format A4 où il inscrivit quelques mots. Rien de bien méchant en fait juste quelque chose qui ferait réagir le professeur et pourrait, peut-être espérons-le, le faire un petit peu changer de comportement et devenir moins vache mais sans que ça ne devienne trop sérieux et inadmissible. Lorsque ce fut bon, Nathanaël inséra la clef usb dans l’ordinateur du secrétariat, trouva un cd au hasard et transféra les photos jusqu’au CD où il les grava et ainsi, il pourra rendre sans difficulté la clef à sa propriétaire. Le tout fin prêt, il retira la clef et le cd qu’il glissa dans une boite vierge puis effaça toute trace de son passage. Il remonta les stores, replaça la chaise correctement et remis l’ordinateur en veille comme lorsqu’il l’avait trouvé. Il glissa ensuite le cd et le papier plié en deux dans l’enveloppe puis la glissa dans son sac. Il était maintenant temps d’aller secourir la demoiselle en détresse. Sa demoiselle en détresse.  Regardant autour de lui de qu’elle manière il pourrait sans sortir au mieux, il vit la solution à tous ses problèmes. Des badges vierges surement pour les professeurs venant présenter des séminaires pour une semaine ou deux grand maximum étaient posés là. Un regard à droite, un regard à gauche et il en subtilisa un . Dessus il y inscrivit le premier nom qui lui passa par la tête ainsi qu’une fonction avant de l’accrocher à sa chemise. Voilà que Nathanaël Evans était devenu David Sheffield, professeur invité du séminaire B. Il allait sortir mais un dernier détail faisait cloche : il ne ressemblait pas du tout mais vraiment pas du tout à un jeune professeur. Se regardant alors dans une glace accrochée au mûr, il retira la bretelle de son sac et regarda autour ce qui pouvait l’aider. Pour commencer il mis sa chemise dans son pantalon -ce dont il avait horreur mais ne pouvait pas échapper puisque les intellos et les professeurs faisaient souvent ça- puis fouilla dans son sac, certain d’y avoir glissé une cravate avant de partir. Il l’avait sans doute mise dans son sac dans l’espoir de l’enfiler en route mais avait abandonné l’idée par flemme ou autre avant d’arriver à l’amphithéâtre. Il la noua autour de son cou et la serra au possible afin de bien paraître plus sérieux puis arrangea enfin ses cheveux pour les rendre moins désordonnés. Là tout semblait bon. Un dernier détail pour la route : il sortit le carton des objets trouvés et qu’est-ce qu’il ne trouva pas à l’intérieur ? Des lunettes de vue en parfait état. Bon après tout, elles étaient perdues non et en plus, elles n’avaient pas vraiment l’air de régler les problèmes de vue. C’était plutôt ce genre de lunettes qui faisaient fureur parce qu’elles avaient une belle esthétique et que même les gens qui n’en avaient aucun besoin, achetaient pour se faire un style. Il les posa sur son nez et se regarda dans la glace. Méconnaissable, mais néanmoins sérieux. Cet accoutrement lui donnait plus de crédibilité ou plutôt, à David Sheffield. Remettant la boite à sa place, il sortit du bureau et referma la porte avant de suivre les pas qu’avaient empruntés les deux femmes. Au bout du couloir il vit donc Scarlett et Squizie discuter imprimante ou quelque chose comme ça, rien d’intéressant. Nathanaël prit une inspiration et, posant la lanière de son sac sur son épaule, s’approcha au pas de course : « Gabrielle, enfin ! Je vous ai cherché partout ! Vous êtes prête ? C’est bientôt l’heure de notre intervention nous devons y aller ! » Gabrielle ouais, c’est joli et passe partout et c’est surtout le premier prénom qui lui est passé par la tête sur le moment. « Bonjour, David Sheffield, intervenant du séminaire concernant les marges bifractives. » Un sourire étira ses lèvres alors qu’il tendait la main à Squizie. Alors non, pour info, les marges bifractives c’est  pas un terme qui existe mais ça, elle peut pas le savoir. « Dites, le bâtiment B c’est bien le premier à droite ? C’est la première fois que je viens ici, je suis un peu anxieux vous voyez.. » Dit-il l’air intimidé et stressé surtout. « Non ça c’est le C. Le bâtiment B c’est le premier à gauche Mr… Sheffield, c‘est ça ? » Demanda-t-elle en se penchant pour regarder son badge de plus près. Elle ne lui mettait à peine pas la pression là. « Sheffield oui. Merci beaucoup, ravi d’avoir fait votre connaissance. Gabrielle, vous venez ? » Proposa-t-il en regardant à nouveau Scarlett. Si ça, c’était pas une performance à féliciter aux césars, il voulait bien mourir gavé à la crème glacée à la vanille.

Scarlett écoutait toujours attentivement les explications de la vieille chouette en se demandant combien de temps encore elle devrait la supporter. La jeune femme était quasiment certaine que Nate prenait un malin plaisir à faire durer la torture mentale mais elle préféra penser qu’il était surtout occuper à faire dieu sait quoi dans le secrétariat. Elle se reconcentra donc sur les propos de son interlocutrice qui avait vraiment l’air de la considérer comme une enfant de cinq ans puisqu’elle appuyait sur chaque touche qu’elle indiquait en plus de parler avec une lenteur extrême. Scarlett se retenait de toutes ses forces de la congédier par un « ça ira, merci », néanmoins elle devait tenir sa langue et la garder occuper tant que l’Evans ne serait pas sorti du bureau. Pour donner plus de crédibilité à son ignorance, la jolie brune commit une erreur délibérée qui obligea la secrétaire à lui décocher un regard noir et à reprendre ses explications. « Non pas là… là ! Je comprends que rien ne fonctionne si vous faites comme ça. » Disait-elle en commençant à s’énerver de la bêtise de la Spencer. Si elle savait de quoi il en retournait vraiment… Au bout de quelques minutes, la machine avait pratiquement terminé de photocopier les feuilles. Nate avait intérêt à se ramener rapidement s’il ne voulait pas se faire griller. Et enfin, comme si sa pensée avait fait écho chez lui, il débarqua comme une fleur – ou plutôt comme un jeune professeur à l’allure coincée – à côté de la secrétaire. Scarlett lui lança un bref regard avant de détourner les yeux. Il s’était recoiffé façon fils à papa et portait une cravate qui lui donnait un air faussement sérieux. La jeune femme se mordit la lèvre pour se retenir d’éclater de rire et puis, une fois le moment de surprise passé, elle l’observa à nouveau se glisser à merveille dans la peau de son personnage. Il était sans aucun doute beaucoup plus ‘subtil’ qu’elle pour mentir dans le sens qu’il n’avait pas besoin de surjouer ou d’en faire trop, le talent d’acteur semblait tout aussi naturel chez lui que de devenir un enseignant intello plein d’aplomb. Il la gratifia d’un nouveau surnom au passage ; elle n’était plus à une usurpation d’identité près. Mais ce détail était aussi risqué… Encore heureux qu’elle n’avait pas dit son prénom à la secrétaire en son absence, elle les aurait grillés direct. Scarlett écouta donc leur soi-disant séminaire prévu sur – elle n’avait pas compris le mot- et elle acquiesça vivement. « Oui oui, je suis prête, je terminais de copier le dossier. Vous me connaissez, les technologies et moi…» Répondit-elle afin que leurs deux histoires se rejoignent pour n’en former plus qu’une seule cohérente. Nate poursuivit ensuite son laïus et se fit indiquer la bonne route à suivre pour ne pas se perdre dans les labyrinthes de la faculté. Il saupoudra son petit mensonge par un « ravi d’avoir fait votre connaissance » avant de l’embarquer au passage. Mais la vieille chouette avait de la ressource et, dans un élan de lucidité inconscient sans doute, elle sentit un piège possible. « Une minute ! Le badge… Qui vous l’a donné ? » Aïe. Scarlett regarda Nate. Elle avait bien une explication en tête mais ce n’était pas à elle de la donner. La difficulté de ce genre de jeu de rôle était qu’en plus de savoir improviser, il fallait être capable de répondre rapidement dans des situations inattendues, en d’autres termes avoir de la répartie. L’Evans n’en manquait généralement pas. Disons qu’il pouvait simplement prétendre être allé se « servir » lui-même pendant que la secrétaire était occupée à lui donner des explications pour la photocopieuse, ce dont l’autre ne semblait pas avoir assez de jugeote pour y avoir pensé. La jeune femme attendit donc qu’il se dépatouille avec leur interlocutrice avant de pouvoir sortir définitivement du bâtiment. Une fois à l’extérieur, Scarlett attendit quelques instants qu’ils soient suffisamment éloignés avant d’éclater de rire. « Tu l’as bien eue l’autre là. » Lâcha-t-elle entre deux rires tout en essayant de se reprendre. Il n’avait pas changé grand-chose à son look mais l’air de rien l’effet était impressionnant. Scarlett se débarrassa ensuite des papiers inutiles en croisant une poubelle et garda uniquement le dossier original qu’elle remit dans son sac. « Ils sont vraiment crédules en fac de droit, n’importe qui peut usurper l’identité d’un autre et ils ne s’en rendent même pas compte… C’est pas tellement rassurant ! » Souffla-t-elle avant de pouffer à nouveau. La jeune femme retrouva enfin son sérieux tandis que sa curiosité reprenait enfin le dessus. « Alors Monsieur Sheffield, quelle est la suite du programme ? » D’ailleurs, Scarlett n’était toujours pas au courant de ce qu’il avait bien pu faire dans ce secrétariat.

Nathanaël vit du coin de l’œil Scarlett tourner la tête alors qu’il se présentait -ou plutôt présentait sa fausse identité qu’il venait d’inventer- à Squizie. Il la suppliait intérieurement de ne pas se mettre à rire lui lançant même un regard conciliant. Si elle éclatait de rire, c’était fichu pour eux. Il avait déjà bien eu du mal à sortir du secrétariat en se sentant l’allure d’un gugus des écoles mais elle si elle craquait, il le ferait aussi et là pour la crédibilité, ils pourraient repasser. Scarlett le suivit dans son délire de séminaire en lui répondant le plus naturellement du monde qu’elle finissait de photocopier ce dont-ils avaient besoin en ajoutant le détail du ‘elle n’est pas douée en technologie’. C’était toujours mieux de mentir en donnant des détails, ça rend la chose plus crédible et puis, ne dit-on pas que plus c’est gros plus on y croit ? Surtout que, d’après les souvenirs de Nate, Squizie n’était pas une flèche non plus niveau cellules grises alors si elle captait l’embrouille, c’est qu’elle avait du prendre un truc pas clair avant. Ils s’apprêtaient à partir après une performance parfaite d’acting mais la vieille les en empêcha. L’Evans pesta dans un murmure et fit volte face pour se retrouver à nouveau face à la petite vieille qui faisait au moins une bonne tête de moins que lui et semblait aigrie au possible. Allez savoir comment Scarlett l’avait occupée avec cette imprimante mais ça n’avait pas du lui plaire. Ca se lisait sur son visage qu’elle n’était pas content d’avoir été dérangée dans son soit disant travail et surtout, qu’elle ne sache pas qui il était et d’où il tenait ce badge. A sa question, tout sembla avancer au ralenti. Les secondes défilèrent moins vite alors que ses méninges cherchaient une bonne excuse à sortir pour lui en mettre plein la vue et qu’elle les laisse partir une bonne fois pour toute. C’est ainsi donc que répondis Nate au tac au tac comme s’il était sur de lui et que son histoire tenait parfaitement debout : « C’est Franck. Quand nous sommes arrivés ce matin vous n’étiez pas là, il nous a accueilli et a dit que plutôt que d’attendre il allait nous les donner et les signalerait plus tard. Il ne vous a pas prévenu ? » Questionna-t-il alors que ses lèvres se tordirent en une grimace véritablement embêtée. « Je suis navré, j’espère que ça ne pose pas de problèmes. » La vieille sembla réfléchir quelques instants puis abdiqua, au grand soulagement de Nate. Elle lui répondit simplement que non, qu’elle n’était pas au courant et que s’ils voyaient Franck (aka Philips) ils devaient simplement lui dire de prévenir la prochaine fois. « Ce sera fait vous pouvez compter sur nous. Bonne journée madame. » Nathanaël sourit prenant un air passablement rassuré puis tourna les talons dans l’espoir de s’échapper au plus vite et de retrouver enfin son identité. Même si sa vie tombait en morceaux, qu’il coulait dans ses études et tout le reste, il ne pouvait nier qu’il préférait endosser le rôle de Nathanaël Evans plutôt que de David Sheffield le professeur d’une matière qui n’a même pas le mérite d’exister et qui à l’air chiant comme pas permis. Arrivés dehors, l’Evans n’eut pas à attendre longtemps avant d’entendre le rire cristallin de Scarlett résonner dans ses oreilles, un son qui le fit sourire et, rire communicatif oblige, l’entraîna à son tour dans le délire. Il devait avoir l’air fin, chemise rentrée, cravate, cheveux bien droits et en ordre. Ca c’est chose certaine : on ne l’y reprendrait pas comme ça. « Je vois qu’elle est aussi polie et agréable avec les adultes qu’avec les étudiants. T‘as géré en tout cas, merci beaucoup. » Faisant quelques pas avec Scarlett, Nathanaël regarda une énième fois sa montre alors qu’elle mettait un tas de papiers à la poubelle et lui répondit : « Squizie à jamais été très.. Comment dire.. Futée. Tu pourrais presque lui faire croire que le traineau du père noël est garé sur le toit de l’université. » Bon, c’était sans doute un peu exagéré -mais juste un peu!- mais il n’empêche que des fois, sa connerie faisait peur selon les anecdotes des étudiants qui tournaient un peu partout dans l’université. Nathanaël posa son sac au sol en répondant à la question de la Spencer : « Déjà, je vais enlever mon déguisement parce que David Sheffield, non merci.. » Il desserra le nœud de sa cravate -mal fait en plus de ça- puis l’ôta complètement, faisant de même avec les lunettes qu’il ne savait pas bien où mettre pour le coup. Il rangea la cravate dans son sac quant à ce qu’il venait enlever du bout de son nez, il les posa simplement sur le banc à côté de la poubelle. Ainsi, quelqu’un les trouverait et les ramènerait au secrétariat où elles seraient à nouveau placées dans la boîte des objets trouvés. Il retira sa chemise de son pantalon puis défit à nouveau les premiers boutons. Il était enfin redevenu lui. A un détail près en fait. Il secoua légèrement la tête puis passa une main dans ses cheveux afin de les désordonner à nouveau un minimum. Maintenant c’était bon. « Je te rends déjà ça, j’ai réussi à graver les photos sur un cd. » Il reprit son sac puis annonça le reste de son plan : « Et je me suis dit plutôt que de garder le tout pour moi ou de tout afficher, pourquoi pas lui poser anonymement sur le bureau en faisant croire qu’on a un double des photos et que s’il ne veut pas que ça se retrouve partout sur le campus, il doit se calmer ? » Il n’était pas certain que cette idée soit brillante mais à ses yeux ça n’en restait pas moins la meilleure solution qui avait été envisagée. Surtout que, ce n’était pas faux, Nathanaël n’avait pas enlevé les photos de la clef usb, ce qui lui rappela qu’il devait prévenir Scarlett. « J’ai pas enlevé les photos de la clefs mais tu peux les supprimer si tu veux, je ne compte pas m’en servir. Lui foutre un peu la trouille suffira pour calmer quelques temps je pense. » Il laissa quelques secondes de silence puis reprit : « T’en penses quoi ? »

Nathanaël se débrouilla comme un chef (like a boss (a)) pour se débarrasser de la secrétaire. Il inventa que le professeur les avait vus ce matin pour leur donner le fameux badge et que celui-ci avait sans doute oublié de la prévenir. Bonne excuse. Depuis qu’ils étaient sortis de l’amphithéâtre, Scarlett constatait avec contentement que Nate avait retrouvé un certain regain. Même si ce n’était pas pour ses cours, c’était toujours bon à prendre. La jeune femme le laissa prendre congé et prit les devants pour sortir du bâtiment. Une fois à l’extérieur, elle ne put réprimer son rire plus longtemps. Soit ils jouaient leurs rôles tellement à la perfection qu’ils arrivaient à berner tout le monde, soit les gens qui travaillaient dans la faculté n’étaient vraiment pas très futés ; un mélange des deux sans doute. Nate lui confirma la bêtise de la vieille chouette en question au point qu’elle pourrait croire la plus grosse absurdité qui puisse exister. La « pas-futée » avait quand même eu suffisamment de ressources pour les bousculer un peu dans leur histoire. Alors que Scarlett se débarrassait de tous ses papiers, il en profita pour quitter la peau de son personnage. « Vraiment ? C’est dommage, t’es tellement sexy en prof coincé. » Se moqua gentiment la jolie brune. Elle écouta alors la suite de son plan qui consistait entre autre à faire peur au fameux Philips en posant les photos sur son bureau. Il rirait jaune quand il les découvrirait et apprendrait que quelqu’un, quelque part dans cette université, en avait les doubles. « Parfait, ça lui fera une bonne petite frousse ! » Approuva aussitôt Scarlett. Nate lui rendit ensuite sa clef en précisant qu’il n’avait pas encore enlevé les photos mais qu’elle pouvait les effacer. La jeune femme rangea le petit objet dans son sac, puis répondit à sa question. « C’était pour ça l’enveloppe ? On devrait la passer en dessous de la porte parce que je n’ai pas vraiment envie de rejouer la comédie comme quoi j’ai encore perdu ses clefs. ». Scarlett avait dû rendre les clefs de la pièce après leur départ et leur mascarade ne passerait pas une seconde fois devant le secrétariat. Sur ces mots, ils attendirent quelques instants avant de retourner dans le couloir où se trouvait ledit bureau de Philips. La jeune femme laissa Nate s’occuper de l’enveloppe tandis qu’elle faisait le guet pour bien vérifier que personne ne s’approchait. « Tu crois qu’il ne sera pas capable de tout faire pour retrouver celui qui a fait ça ? » Demanda-t-elle alors d’une voix légèrement inquiète. Elle ne voulait pas qu’il s’attire des problèmes inutilement, d’autant qu’il n’avait absolument pas besoin de ça en ce moment. « On ne risque pas de te reconnaître après nous avoir vu ce matin ? » Scarlett se fichait bien de son sort à elle parce que déjà elle n’étudiait pas dans la faculté et ensuite elle trouvait toujours bien un moyen de se défendre. Il n’en était cependant pas de même pour Nate. Plus tôt dans la matinée, il n’était pas déguisé en enseignant coincé. Alors oui, Philips pourrait être retenu par l’idée que les photos pourraient être publiées s’il en recherchait l’origine, mais qui sait ? Certaines personnes pouvaient parfois se montrer pleines de ressources et ce virtuose du barreau devait certainement connaître pas mal de ficelles pour y parvenir. Ils ne s’en étaient pas « pris » au plus petit poisson, quoique il pourrait tout aussi bien le considérer comme une blague malvenue d’étudiant, ce qui somme toute était bel et bien le cas. N’empêche, sa réaction en le découvrant vaudrait sans doute de l’or. C’était dans ces moments-là que Scarlett aurait voulu être une petite souris pour surprendre la scène. Débarrassés de leur précieux paquet, ils s’éloignèrent rapidement. À nouveau à l’extérieur, Scarlett songea qu’ils avaient peut-être assez déconnés à l’université pour aujourd’hui. « On bouge d’ici ? » Demanda-t-elle, n’ayant aucune idée cependant de ce que Nate voudrait faire après leurs péripéties matinales.

Alors que Nathanaël se débarrassait de sa couverture comme Superman qui redevient Clark Kent, Scarlett ne tarda pas à le narguer lui rappelant combien il était attirant en rat de bibliothèque coincé et tendu comme un string. Forcément, ce n’était pas elle qui avait du se donner une mine affreuse alors elle avait de quoi se moquer sauf que ça avait au moins eu le mérite de marcher ET de les sortir de la panade. Deux en un quoi. Il grimaça légèrement avant de rétorquer néanmoins amusé par sa remarque : « Hahaha, je m’esclaffe, je suis même plié en deux là ! » Il ne le prenait pas mal bien au contraire mais si elle le cherchait, comme toujours -et c’Est-ce qui était si beau entre eux-, il répliquait sans attendre : « C’est pas moi qui me suis retrouvé en short dans la rue en plein hiver à faire un moonwalk avant de me casser la gueule par terre. » Il lui sourit de toutes ses dents et fit semblant de siffler comme ces personnages dans les BD ou les films qui exagèrent afin de montrer le  ‘foutage de gueule’ de leur fausse innocence en carton. Ca avait beau dater de quelques années, Nathanaël n’oublierait jamais lorsqu’il a du sortir la récupérer en expliquant que non, il n’était pas un espèce de connard qui la forçait à danser presque habillée de rien en hiver en échange de truc à boire ou pire. Là aussi, ça leur avait fallu un fou rire mémorable à tous les deux lorsqu’ils sont rentrés à nouveau dans la maison numéro trois. Eux et leurs idées morbides aussi.. Déjà à cette époque leur capacité à mentir et trouver des excuses bidons était plutôt impressionnante même si Nate doutait que les voisins avaient cru à leurs histoire. C’était sans doute toutes ces années à se mentir sur leurs sentiments, les cacher, essayer de les transformer en vain qui les avait fait passer maîtres à ce niveau là et même si ce n’était pas glorieux, ils avaient le mérite de se dire que ça avait servi à quelque chose. « Oui on va faire comme ça, évitons de nous faire remarquer encore. » Acquiesça-t-il en retournant pour la énième fois de la journée dans le bâtiment. Si sa première idée avait été d’attendre la pause que Philips sorte se chercher un café comme il en avait l’habitude et de poser en attendant l’enveloppe sur le bureau en y inscrivant en lettres majuscules  ‘urgent’ afin qu’il l’ouvre de suite et que Nathanaël et Scarlett puissent admirer la peur son visage, celle de la jolie brune était sans doute moins risquée. En effet, pas sur que Nate arriverait à gérer et cacher son amusement face au visage dépité du professeur pris à son propre jeu de boycotte ce qui impliquait qu’il valait donc mieux qu’ils jouent la certitude en prenant la décision la plus apte des deux. Arrivés devant la porte du bureau, Nate regarda à droit puis à gauche du couloir avant de s’agenouiller et de prendre la lettre qui glissa en dessus de la porte avec minutie. S’il y allait trop fort il risquait de casser la boîte et le cd à l’intérieur or, ce ne serait plus vraiment drôle du coup. Il espérait juste que Philips n’allait pas entrer dans son bureau comme un dingue et envoyer le cd valser on-ne-sait-où sans s’en rendre compte. Ca aussi ça gâcherait tout le plan et les efforts dont les deux jeunes avaient fait preuve pour le coincer. Une fois que ce fut bon il se releva et s’essuya les mains sur son jean avant de prendre une inspiration. Sa question le laissait dubitatif. Il n’en savait rien, prendrait-il le risque d’essayer de retrouver la personne quitter à peut-être l’énerver et que les photos se retrouvent quand même partout ?  Ou au contraire, laisserait-il tomber en se disant qu’écouter et ne rien faire serait la meilleure solution ?  Le problème avec ce professeur c’est non seulement qu’il était con mais aussi imprévisible. Même s’il aurait préféré mentir afin de la rassurer, il ne voulait pas et ne pouvait pas aussi. Elle l’aurait vu. De toute façon ils ne pouvaient plus revenir en arrière, le CD était déjà glissé sous la fente et se trouvait dans le bureau. « Oh si, sans doute. Il va probablement regarder son ordinateur, regarder si quelque chose à bougé dans son bureau, tout passer eu peigne fin, questionner le personnel de l’université pour savoir si quelqu’un est entré et tout ça. » Dit-il en haussant les épaules. Ca ne l’atteignait pas vraiment. Il savait qu’il pouvait avoir des problèmes, des gros problèmes même surtout que les menaces aux professeurs étaient prises très au sérieux et que cela pouvait représenter un motif de renvoi définitif mais il s’en fichait un peu à vrai dire. Il se disait même bêtement qu’au moins, ça lui ferait une bonne raison d’abandonner même si ce n’était pas la meilleure des solutions. « T’inquiètes pas, les élèves qui le détestent sont beaucoup trop nombreux pour qu’il trouve tout comme le nombre de personnes qui fréquentent les couloirs et ce bâtiment. » Il est vrai que ce lieu a toujours été libre accès pour les professeurs, les membres du personnel, du secrétariat comme des étudiants même si eux devaient se trouver là pour une certaine raison viable et surtout ne pas aller n’importe où. Nate emboîta le pas à Scarlett lorsqu’elle se dirigea vers la sortie une bonne fois pour toute et respira à fond une fois dehors. Et dire que si elle n’avait pas été là il aurait encore été enfermé dans cet amphithéâtre fermé, étouffant et ennuyant comme pas permis.. Pour deux longues heures en plus. Le comble lorsqu’on sait que déjà une heure avec Philips est une torture alors quatre d’un coup. Surtout que des fois, le grand professeur de ne sent pas d’humeur à laisser de pause alors là, c’est la mort cérébrale assurée pour chacun d’entre eux. « Une idée de où on pourrait aller ? » Répondre à une question par une question, génial, ça fait avancer le truc. Congratulations. Il n’avait pas pensé à la possibilité de se barrer d’ici puisqu’il partait du principe que Scarlett  ‘l’obligerait ‘ à rester plus ou moins et à suivre le cours mais puisqu’elle le proposait, il attrapait la perche qu’elle lui tendait et plutôt deux fois qu’une, se doutant bien que cette chance là n’arriverait pas deux fois. « Normalement il n’y a personne chez moi à cette heure-ci. » Proposa-t-il simplement se disant que, Katlina et Nathan devaient travailler quant à Lily.. Lily devenait un peu trop mystérieuse et cachotière à son gout. Il ne savait pas où et avec qui elle allait traîner de plus en plus souvent mais il préférait ne même pas savoir sans doute de peur d’apprendre que c’était avec ce con de Clyde.  

« D’ailleurs t’en as fait quoi de ce short ? » La voix espiègle de la jeune femme réagit du tac au tac à la pique rendue par Nate. Malgré leur ‘séparation’ le lendemain, cette journée qu’ils avaient vécue resterait une des plus belles entre eux. Scarlett avait rarement autant ri à réaliser des caps, pas caps, d’autant qu’elle avait eu son meilleur complice de jeu pour les faire. De prime abord, il n’avait pas l’air aussi retors mais il lui en avait trouvé des défis tordus. Elle n’était évidemment pas non plus restée en reste, en particulier quand elle lui avait demandé de mettre les affaires de sa mère sens dessus dessous. « En parlant de cette journée, tu m’as jamais dit comment avait réagi ta mère en découvrant le carnage dans sa chambre. » La jeune femme se doutait qu’elle ne l’avait certainement pas très bien pris. Scarlett se rappela alors qu’elle l’avait aussi quitté le cœur en lambeaux et qu’il n’avait peut-être pas vraiment eu l’occasion d’y penser. Elle non plus d’ailleurs. En fait, tous les souvenirs associés à cette journée portaient une notre amère à cause de la façon dont les choses s’étaient terminées. Au fond d’elle, la jolie brune préférait oublier ces derniers moments, oublier à quel point elle n’avait plus su vivre comme une personne normale les jours qui avaient suivis. Nate ne le lui avouerait jamais mais elle savait combien il l’avait mal vécu lui aussi. Préférant ne pas s’attarder davantage sur la question, Scarlett proposa de terminer le délire Philips en lui glissant l’enveloppe sous la porte et en ne s’attardant pas davantage dans les environs du bâtiment. Quelques instants plus tard, ils se retrouvèrent devant le bureau du professeur. Nate se chargea de la partie délicate de la mission tandis que Scarlett surveillait les alentours du coin de l’œil. Son inquiétude, toujours quand il s’agissait de lui, reprit rapidement le dessus. Il en profita évidemment pour appuyer sur la corde sensible et exagérer, cependant la jeune femme le grilla bien vite. Tout passer au peigne fin ? Ce n’était pas très réaliste, à moins que le Philips en question soit un parano sévère. Qui aurait pu imaginer déjà qu’il s’adonnait à ce genre de pratiques ? « Je crois que niveau déguisement, il t’a largement coiffé au poteau. » S’amusa-t-elle de ses réflexions. Elle songea alors qu’on les avait vus rôder près du bureau dans la matinée. Cette fois, Nate la rassura en lui rappelant que l’homme avait pas mal d’ennemis dans le coin ou plutôt des gens qui voudraient lui donner une leçon pour le remettre à sa place. La joie brune acquiesça d’un signe de tête et l’entraîna à sa suite vers l’extérieur. Plus vite ils sortiraient d’ici, plus vite ils pourraient s’éloigner de cet endroit. Arrivés dehors, Scarlett lui proposa alors de bouger. Ils avaient bien ri à l’université mais elle avait envie de ne se retrouver qu’avec lui après ces quelques jours sans le voir. Ainsi, même si Nathanaël lui demanda dans un premier temps où ils pouvaient aller, il comprit rapidement que peu importait, du moment que la destination suivante n’impliquait pas de se coltiner d’autres personnes dans les parages. « Si c’est une façon subtile de m’inviter à faire des crêpes – ou toute autre chose -, je te suis. » Lâcha-t-elle une nouvelle évocation particulièrement « mémorable » de cette fameuse journée où tout avait vraiment basculé dans tous les sens. Elle esquissa un sourire qui indiquait clairement qu’elle ne l’avait pas dit sérieusement. Parlant de manger, c’était tout à fait le bon moment pour y penser vu que la journée avait bien avancé, toutefois Scarlett n’y avait pas vraiment prêté attention lors de sa remarque. Et s’il n’y avait personne chez lui, c’était tant mieux, parce que chez elle, c’était une succession d’allées et venues des différents membres de la famille. Au pire, s’ils se faisaient surprendre, la jeune femme n’était plus à un mensonge près, bien qu’elle se voyait mal mentir devant les proches de Nate. À ses yeux, il n’y avait d’ailleurs plus aucune raison de s’en cacher, ils étaient ensemble et puis voilà. Quant à ses proches à elle… Sa sœur l’avait su accidentellement, tout comme son enquiquineur de frère qui avait découvert le pot aux roses en écoutant leur conversation. Autant dire qu’entre les deux extrêmes chez les Spencer, mieux valait encore finir chez les Evans. Scarlett emboîta donc le pas à son petit ami (chacun son tour pour le mettre) et ils quittèrent enfin les « bancs » de l’université.

Arquant un sourcil, l’Evans fut néanmoins un peu surpris de sa question. Ca faisait tellement longtemps qu’il ne pouvait dire avec certitude s’il l’avait gardé ou s’il avait fini à la poubelle, perdu quelque part ou peu importe. « Aucune idée, pourquoi il te manque ? » Demanda-t-il en souriant bêtement. L’allure qu’avait Scarlett vêtue de la sorte laissait à désirer et aucun doute que son sex-appeal d’antan en avait pris un sacré coup. Mais le pire n’était même pas tellement la manière dont elle était habillée pour un hiver pourtant glacial mais plutôt le rôle de la dépravée qu’elle avait pris dehors devant les gens choqués par un tel spectacle. Il se souvenait aussi de la manière horrible dont il avait dansé sur il ne sait plus exactement quelle musique, les questions vérités qu’ils s’étaient posées,.. Dans l’ensemble, ça avait été une belle journée bien que trop courte et au final déchirante en vu de leur douloureuse séparation le lendemain matin. A la seconde question de Scarlett, Nathanaël sortit de ses pensées bien que son regard était toujours rivé sur le sol. Se rappeler de leur adieu lui laissait un gout plutôt amer et venait de descendre en flèche le malin plaisir qu’il s’était fait en imaginant la tête de Philips à la découverte de sa lettre laissée anonymement. L’Evans haussa les épaules et répondit évasivement ne se rappelant pas très bien de toute manière : « Je sais pas trop en fait, j’ai pas eu le plaisir de voir sa réaction.. » C’est sur qu’en étant enfermé dans sa chambre avec un casque sur les oreilles, il ne risquait pas d’entendre ou d’écouter quoi que ce soit. Lorsque Scarlett était partie de chez lui il n’avait plus pensé aux affaires de sa mère et n’avait pas trop été d’humeur à parler avec qui que ce soit de sa famille. « Je crois qu’elle a accusé mon père sans chercher plus loin parce que le lendemain lorsque je suis descendu y’avait une ambiance type deuxième guerre mondiale. » Comme souvent en fait. Pauvre Nathan qui a du se manger les foudres de la rouquine sans même savoir pourquoi alors qu’il était parfaitement innocent pour une fois. Se rendant compte qu’il fixait toujours un point vide, il leva les yeux et reposa son attention sur Scarlett avant de sourire histoire de ne pas inquiéter inutilement. La remarque suivante de la jeune femme lui arracha un fou rire plutôt mémorable lui rendant alors les joues rouges. Si elle voulait définitivement le tuer, elle s’y prenait de la meilleure des façons. « Je lui laisse la première place, j’ai vraiment pas envie de me mesurer à lui à ce niveau là. » S’habiller en femme ? Euh, non merci, vraiment sans façon. Surtout que ce qu’elles portent c’est plutôt une sorte de torture qu’autre chose. Il suffit de les voir perchées sur des chaussures à dix centimètres du sol pour compatir et souffrir pour elles. Sans oublier le maquillage que certaines se tartinent sur le visage comme si elles voulaient se fabriquer un masque. Nathanaël trouvait ça particulièrement ridicule surtout que souvent, les filles qui le faisaient, souhaitaient être plus jolies alors qu’au contraire, ça ne faisait que les enlaidir. Nate préférait les filles simples et naturelles qu’aux pots de peinture orange ambulants comme on pouvait en croiser un peu partout et ne s’en cachait pas même si O’Conell par exemple ne partageait pas vraiment le même avis. Retrouvant ses esprits, Nathanaël fut néanmoins piqué au vif par la gentille insinuation de la Spencer. Un sourire en coin apparut au coin de ses lèvres alors qu’il répondait sur le même ton : « Toi, moi et de la nourriture ? Peut-être un peu trop risqué pour nous, non ? On a de sacrés antécédents si je me souviens bien.. » C’est bien connu : les crêpes, les fraises enrobées de chocolat, le chinois à la st valentin, les glaces,.. Ca fait parti intégrante de leur histoire depuis le temps. « Quant au ‘tout autre chose’, je ne vois pas du tout ce à quoi tu peux penser. » Ajouta simplement celui-ci l’air innocent. Il ne leur fallu ensuite que peu de temps de marche avant d’arriver à la maison numéro trois. Comme il l’avait dit, il ne semblait y avoir personne puisque la porte d’entrée était encore fermée. Il ouvrit grâce aux clefs qu’il avait dans son sac et laissa la Spencer passer avant d’entrer à son tour et de fermer derrière eux. L’Evans en profita d’ailleurs pour souffler, content de retrouver son chez-lui et en plus avec la meilleure compagnie qui soit puis posa son sac au sol. « Je te débarrasse ? » Proposa-t-il en tendant les bras pour prendre sa veste qu’il rangea au même titre que la sienne sur le porte-manteaux posé à l’entré. Une fois que ce fut fait, l’Evans fit quelques pas en direction de la cuisine et se tourna vers la Spencer : « Tu veux boire et/ou manger quelque chose ? » Une fois à la cuisine, le jeune homme se servit un verre de jus d’orange et attendit la réponse de la Spencer pour continuer. Cette journée était plus productive que ce qu’il s’attendait même si ça ne concernait en rien le droit ou presque.  

Le sort du short ne serait donc pas connu aujourd’hui. « Du tout ! Mais si je pouvais ne plus finir avec ça sur le dos… » Dit-elle dans l’éventualité où la situation l’exigerait encore. Scarlett se remémora un instant le froid qu’elle avait ressenti à l’extérieur. La jeune femme ne recommencerait pas, même pour faire plaisir à Nathanaël. Elle s’enquit alors de la réaction de sa mère vis-à-vis du cap qu’il avait dû faire, à savoir retourner ses sous-vêtements partout dans la chambre, une expérience qui fut presque traumatisante pour lui, enfin peut-être pas autant que la découverte de la fameuse sextape des Evans. Scarlett n’en avait jamais parlé à personne par respect pour leur vie privée mais elle n’avait pas oublié non plus. Comme elle s’y attendait après coup, le jeune homme n’avait pas vraiment eu l’occasion de s’en rendre compte dans les jours qui avaient suivi, cependant, à l’idée d’avoir pu déclencher une énième dispute entre les parents, Scarlett se raidit légèrement et se promit à l’avenir des défis qui impliqueraient ces tristes conséquences. Les Evans n’avaient pas besoin qu’on leur ajoute des motifs pour se prendre la tête. Elle décida alors de changer de sujet et de revenir sur le fameux déguisement de Philips. La jolie brune espérait bien que Nate ne songe jamais à virer dans ce genre de pratique douteuse. Elle proposa ensuite de rentrer et glissa au passage un bon souvenir dans la conversation. La dernière fois qu’elle était venue chez lui – du moins passer la journée chez lui – était encore gravé dans leurs esprits comme si cette journée avait eu lieu la veille. Scarlett préféra ne pas réagir à ses questions rhétoriques et le laissa penser à ce qu’il voudrait. Ils quittèrent donc le campus de droit et se rendirent jusqu’au numéro trois. Une fois à l’intérieur, Nate proposa de la débarrasser. « Merci. » Répondit machinalement la jeune femme après avoir posé son propre sac à l’entrée et tendu sa veste. Ils se dirigèrent ensuite vers la cuisine où l’Evans lui demanda ce qu’elle voulait boire ou manger. « Je veux bien un verre de lait, si t’en as. » Bien sûr qu’il y en avait. C’était genre la base. Drôle de boisson en cette heure de la journée peut-être mais Scarlett en était devenue une consommatrice inconditionnelle ; ça la calmait, et après cette matinée plutôt mouvementée, elle en avait envie. « C’est quelle matière que tu dois réviser ? » Lui demanda alors la jolie brune, une petite idée derrière la tête, alors qu’elle se souvenait de ses propos plutôt dans la journée. N’avait-il pas un partiel dans un mois ou quelque chose comme ça ? Elle attendit que Nathanaël lui tende le verre avant de boire une gorgée et d’indiquer le frigo. « T’as quoi ? On peut se faire quelque chose non ? » Scarlett n’était pas trop fan de la cuisine quand il s’agissait de se préparer un truc pour elle toute seule mais elle remplaçait souvent sa mère derrière les fourneaux quand c’était pour la petite famille. Avec Nate ce serait d’autant plus amusant de s’occuper que ça finissait toujours par partir en cacahuète, que ce soit en jeux ou pire. Soudain, la jeune femme afficha une petite moue. Il était limite en train de se retenir de rire devant elle et elle savait parfaitement pourquoi. Le lait avait laissé une trace blanche au-dessus de ses lèvres faisant le fameux remake de la moustache comme le jour où elle avait étalé par mégarde du Nutella sur son visage. Loin de la retirer, Scarlett attrapa de nouveau le verre en signe de légère provocation et but une nouvelle gorgée avant de le déposer. « Tu m’aides à l’enlever ? » Lança-t-elle alors d’une voix innocente, en baissant du même coup les yeux pour avoir la surprise ou non de sa réaction. Ce n’était pas parce qu’ils étaient désormais ensemble que sa façon de fonctionner avait changé. Le jeu était toujours constamment de mise entre eux. Dans un enchaînement d’idée qui lui était inconnu, par cette faculté malsaine qu’a le cerveau de tout relier, elle se revit une nouvelle fois quelques mois plutôt, terrée dans sa chambre après l’avoir quitté. Elle se rappelait de cette boule d’émotion logée dans son cœur, à la fois fragile et vindicative, qui lui avait donné la nausée tandis qu’elle avait attendu de passer à autre chose en vain. Les battements de son palpitant s’étaient finalement tût et avaient tout fait pour tout enfouir durant une longue année. Et puis, le soir de la Saint-Valentin, l’aveu de son amour l’avait simultanément affaiblie et rendue plus forte, dans un complexe étrange, propre à tout être, elle s’était sentie devenir marionnette entre les mains délicates de celui qui occupait en réalité le titre de son coeur tandis qu'elle avait aussi pris pleinement conscience de son incidence sur elle. Tant de puissance contenue dans quelques mots… Nate et Scarlett avaient lutté des années durant avant de pouvoir enfin se prononcer leurs véritables sentiments, la jeune femme avait d’ailleurs toujours du mal à les manifester, contenant au fond d’elle, cette envie stupidement romantique qui lui soufflait de lui livrer son cœur à chaque minute qu’ils passaient ensemble ; la peur avait doucement disparu au fil des semaines, lui avouer son amour ne l’effrayait plus autant. Ces derniers jours l’avaient encore prouvé, Scarlett s’était sentie perturbée par cette période prolongée sans le voir, le cœur en manque de sa présence. Elle était bien consciente qu'elle ne devait pas laisser cette emprise s'accroître davantage maintenant qu'ils étaient ensemble. Scarlett profita néanmoins de l’instant pour tourner ses yeux bruns profond vers lui. Elle aimait qu’il laisse ses pupilles se noyer dans les siennes, car derrière cette fine barrière se cachait le plus beau des trésors : l’océan complexe et tumultueux de ses sentiments.

Se dirigeant vers le frigo afin de ranger la bouteille de jus, Nathanaël resta cependant dubitatif devant la demande de la Spencer. Ainsi il resta là, la poignée de la porte du frigidaire encore ouverte en moins, tête tournée vers Scarlett. Il l’interrogeait du regard, sourcil arqué en mode ’du lait ?’ mais finit par acquiescer en sortant la bouteille avant de refermer la porte. S’il y avait bien une chose qu’il avait retenu avec Scarlett c’était de s’attendre à tout. Parce que oui, entre ça, tous les défis farfelus, le rôle d’étudiante de droit de ce matin, de détective privée dans le bureau de Philips et tous les autres rôles qu’ils avaient déjà joué, s’il y avait bien un trait de caractère qui ne lui correspondait aucunement, le fait d’être prévisible était sur la première marche du podium. Une fois le verre servi, il lui tendit avant de ranger à nouveau la bouteille à sa place et se hissa sur le plan de travail à côté de l’évier pour s’y asseoir. Une habitude qu’il avait depuis tout petit déjà sans doute même si sa mère n’aimait pas particulièrement le retrouver ‘perché’ sur le mobilier de la cuisine en règle générale parce que ça laissait trop de place ou faisait désordre peu importe. A sa question, l’Evans grimaça brièvement. Oui, il avait un examen dans un mois ce qui lui laissait temps sauf que même avec ça, pas sur qu’il arrive à gérer autant qu’il l’espérait. « Tout en fait. Ce sera un contrôle de connaissances générales donc un peu dans toutes les branches. Mais on nous a conseillé quelques chapitres à réviser en priorité donc je vais faire ça. Pour l’instant je ne les ai pas tous, il faudra que je demande à quelqu’un de me les prêter ou me les scanner peu importe. » Baissant les yeux, il regarda alors le sol en soupirant discrètement. Cette pensée l’agaçait déjà. Il allait devoir parler à quelqu’un de sa promotion pour quémander des cours qu’il avait raté. Non pas qu’il s’entendait mal avec tous ces gens mais il ne les connaissait pas, il n’avait jamais cherché à apprendre à les connaitre non plus et jusqu’à maintenant ça ne lui avait jamais posé aucun souci. La tache serait probablement moins difficile et agaçante à réaliser que ce qu’il se l’imaginait mais il ne pouvait s’empêcher de se dire malgré tout qu’il allait galérer. Il releva la tête lorsque Scarlett proposa de faire quelque chose puis acquiesça en descendant de son perchoir , allant ouvrir le frigo. Pour l’heure qu’il était ils n’allaient pas non plus faire un repas gastronomique cinq étoiles avec du bon vin mais il y avait tout de même matière de faire quelque chose de convenable. « Alors qu’est-ce que j’ai à te proposer… Y’a du bacon, des œufs, de la confiture, une salade de fruits, ..» Il se baissa pour regarder ce qu’il y avait plus bas et aperçut quelques trucs intéressants qui pourraient constituer un assez bon petit déjeuner du moins, à ses goûts à lui. Il se releva donc, essayant de mémoriser les noms de ce qu’il avait vu pour l’énoncer à Scarlett mais perdit complètement ses mots en plantant son regard sur elle. Ses yeux étaient fixés sur la moustache blanche qui trônait fièrement au dessus de ses lèvres lui donnant une allure de.. Il ne savait pas trop à quoi comparer ça mais c’était plutôt drôle. Le jeune homme se pinça vivement les lèvres pour ne pas exploser de rire mais cela ne sembla pas suffisant puisque Scarlett fit la moue avant de.. Reboire une gorgée ? Là non vraiment, il ne voyait pas où était la logique dans tout ça. Fronçant légèrement les sourcils essayant de comprendre ce qu’elle faisait, il ne tarda pas a comprendre après sa question. La grimace fut remplacée par un sourire en coin. A peine cinq minutes qu’ils étaient là et ils étaient déjà en train de se servir du contenu du frigo pour reprendre leur jeu là où ils l’avaient arrêté. C’était surtout la tournure de la phrase qui lui rappelait quelque chose, un fameux soir, dans un fameux restaurant chinois, une fameuse crème chantilly au coin des lèvres et un premier baiser échangé depuis le soir du nouvel an. Le soir même où ils s’étaient avoué leurs sentiments et où Nate avait pu, pour la première fois, entrer dans la maison secondaire des Spencer située au calme, loin de Magnolia. La voyant baisser les yeux après sa demande, Nate n’en sourit qu’un peu plus. Scarlett innocente était tout aussi attirante que la Scarlett joueuse mais il avait beaucoup moins l’habitude de la voir (a). « Avec plaisir. » Répondit-il du bout des lèvres avant de s’approcher d’elle à outrance. Posant l’une de ses mains sur sa hanche -officiellement pour avoir une meilleure stabilité et officieusement tout simplement parce qu’il appréciait le contact- il laissa son regard se perdre dans celui de la jolie brune , là, sans bouger. Il ressentait cette même paralysie dans ses bras et ses jambes, cet engourdissement maladif d’idiot éperdument amoureux ne pouvant se détacher au préalable du regard tendre de l’être aimé. Comme d’habitude, il sentit le rythme effréné de son cœur retentir dans sa poitrine, ses mains et ses tempes, ses lèvres tremblantes et haletantes dans l’espoir de retrouver celle de la Spencer. De sa main de libre -et une fois qu’il eut retrouvé un minimum ses esprits- sa main se posa sur sa joue délicatement avant qu’il n’efface avec son pouce la moustache de lait au dessus de ses lèvres, se mettant à les fixer elles aussi. Allez Nate, laisse tomber le jeu, tu l’as pas vue de tout le weekend merde, fais un effort Envie de jouer et sentiments étaient à nouveau en désaccord. L’envie le pressait de l’agripper pour la serrer contre lui, plaquer ses lèvres contre les siennes et sentir la chaleur de sa peau à nouveau mais quelque chose l’en empêchait. De toute façon, le dicton ne disait-il pas que plus on attendait, plus la récompense était meilleure ? Nathanaël retira sa main de sa joue et la laissa glisser le long du bras de Scarlett pour trouver sa main, à deux doigts de craquer complètement et de fondre sous son regard. Approchant son visage un peu plus du sien, Nate laissa son souffle se mêler à celui de la jolie brune mais ne fit qu’effleurer ses lèvres avant de les planter finalement dans son cou. Une fois que ce fut fait, il recula d’un pas tout sourire et s’afféra à nouveau devant le frigo. « Alors ? Bacon ? Œufs ? » Questionna-t-il le plus naturellement du monde comme si rien ne c’était passé. Fier de son coup ? Quand même bien qu’il était certain que l’embrasser lui aurait procuré beaucoup plus de sensation qu’un simple vent de fierté puérile et joueuse.   

L’examen de Nathanaël portait sur des connaissances générales. Scarlett songea que le thème tombait à pic puisqu’elle pourrait peut-être suivre la matière. « Tu veux qu’on révise ensemble après ? » Proposa-t-elle, non pas dans le but de faire de cette après-midi un moment barbant mais plutôt pour l’encourager à s’y mettre sans perdre un jour de plus, surtout si c’était pour passer du temps avec elle. Au cours de ses études, il était déjà arrivé à la jeune femme de faire des révisions collectives qui étaient beaucoup plus amusantes que de rester seul chez soi à étudier enfermé. Quoique… Nate était plutôt de ceux qui préféraient la deuxième catégorie. Depuis que cette histoire d’accident avait été révélée, il évitait encore plus le monde. Scarlett se demandait d’ailleurs si certains en avaient eu vent parmi les autres étudiants qui participaient aux mêmes cours que lui ou même parmi ses enseignants. Elle n’aborda cependant pas le sujet, préférant ne pas ternir le moment par une question qui somme toute ne se posait pas vraiment. Nathanaël avait l’air « bien » en cet instant et elle ne voulait pas le gâcher. Au contraire, la jolie brune proposa de préparer quelque chose à manger, même si cette idée était risquée et impliquait souvent des dérives à n’en plus finir. Au programme : œufs, bacons, fruits et autres aliments en réserve. Il se releva tandis que son regard la fixait des yeux. Scarlett comprit rapidement l’origine de son sourire pincé ; le lait avait laissé une trace blanche sur ses lèvres quand elle avait bu une gorgée. Pour lui couper l’envie de rire, la jeune femme l’encouragea à une action bien plus drôle. La lui retirer. Nate n’hésita pas une seconde et combla rapidement la distance entre eux. Il la rapprocha un peu plus de lui en mettant une main sur sa hanche. Scarlett leva les yeux vers lui et le laissait faire, attendant de voir comment il réagirait ensuite. Il n’était pas du genre à se « plier » aussi facilement à une demande sans lui réserver une mauvaise surprise, sauf qu’il n’avait pas l’air d’en avoir prévu une sur la liste. Nate lui rendit son regard avant de poser sa main sur sa joue et de lui effacer lentement la marque laissée par le lait à l’aide de son pouce. La jeune femme affichait déjà une nouvelle moue, la énième de la journée. Aurait-elle dû vraiment préciser sans les doigts comme lui l’avait fait au restaurant ? Au final, ce n’était pas plus mal. Scarlett détestait quand les choses devenaient trop faciles et ce n’était pas parce qu’ils étaient ensembles que la relation qu’ils partageaient auparavant devait changer. Ils fonctionnaient toujours de la même façon, à se chercher, à se titiller même. La seule différence était qu’ils n’avaient plus à se sentir coupables de le faire. Le cœur de la jeune femme battit à tout rompre, alors qu’il s’approchait de ses lèvres seulement pour les effleurer avant de s’engager dans son cou, elle sentait son parfum reconnaissable envahir ses narines. Le manque qui s’écoulait en elle depuis ces derniers jours s’évanouit en une fraction de seconde. La réserve de ce qui la rendait bien plus vivante était à quelques centimètres d’elle, l’oxygène dont elle avait tant besoin dans son existence parfois écorchée ces derniers temps. Scarlett se sentait revivre à nouveau. Les lèvres de Nate dans le creux de son cou la brûlèrent toute entière, la ravageant d’un incendie d’amour qu’elle ne contrôlait plus. Ils n’étaient plus ces adolescents timides, spectateurs soumis de leur passion, mais étaient devenus des acteurs de douceur et de force dans l’indispensabilité de s’aimer inconditionnellement. Ils avaient beau essayer d’être dans la retenue, chacun de ses gestes l’enflammait aussitôt. Scarlett avait simplement développé un don pour ne pas montrer à quel point l’influence de Nate sur elle était forte. La jeune femme avait d’ailleurs bien l’intention de le dissimuler un peu plus au travers de ce qui allait suivre. Il s’éloigna d’elle comme si de rien était et reprit leur conversation là où elle s’était arrêtée. Œufs, bacon ? Pourquoi pas les deux au passage ? Le choix était très facile pour une fois. Même si c’était tout simple, il y avait mille façons différentes de les préparer. « Laisse-moi jeter un œil. » Répondit-elle, plongée dans sa réflexion. Scarlett s’approcha du frigo et fit mine de réfléchir quelques instants. Elle ouvrit la boîte à œufs comme si elle hésitait sur ce qu’ils allaient faire. « Une omelette, ça me dirait bien. » Et d’un coup, la jeune femme saisit deux œufs qui, dans un geste vif, atterrirent sur la tête de Nate. « Un jour, tu m’as dit à quel point c’était bon pour les cheveux. Teste par toi-même… » Dit-elle avant de s’éloigner à toute vitesse, à moitié pliée de rire. Décidément, ça repartait sévère entre eux. Scarlett lui avait promis qu’un jour, elle prendrait sa revanche. C’était maintenant chose faite, car si elle avait en effet vraiment eu l’intention de rester sage et de préparer un petit en-cas, les œufs lui avaient donné une trop belle occasion. Ou comment casser le moment magique qui venait de se produire deux secondes avant…  

Lorsque Scarlett proposa de l’aider dans ses révisions, ou plutôt de ’réviser avec lui’ comme elle l’avait dit, il resta un peu stoïque. Il savait qu’elle voulait seulement qu’il réussisse, qu’il rattrape son retard et réussisse au mieux son examen -ou du moins, le rate le moins possible- mais  il ne voulait en aucun cas la forcer à s’intéresser à une branche qui ne la branchait pas du tout (monsieur jeu de mot bonsoir). Elle l’avait dit plutôt : elle ne comprenait pas comment il pouvait s’intéresser au droit alors la  ‘forcer’ ou même juste lui demander de vivre ces révisions avec lui était un peu dégueulasse. Ce n’était pas a elle de rattraper son retard mais à lui et il ne voulait surtout pas qu’elle se sente obligée de l’aider. « T’es pas forcée de faire tout ça, tu sais ? » Demanda-t-il en souriant presque timidement. Au fond, il savait qu’elle le faisait avec plaisir mais il préférait s’en assurer malgré tout. Il se rendait bien compte qu’elle préférerait faire autre chose à milles lieux de ces fiches de révision, sortir, regarder un film peu importe et lui aussi d’ailleurs, mais il se devait de retrouver un semblant de sérieux dans ce qui allait définir ou non son futur. « Je veux bien oui. » Reprit-il alors., la remerciant silencieusement en la gratifiant d’un sourire plus assuré. Il s’empêcha cependant d’ajouter que, avec elle à côté, il aurait sans doute plus de mal qu’autre chose à se concentrer et entrer à fond dans ses révisions. En aucun cas et même si cela pouvait lui porter préjudice, il ne dirait quelque chose qui pourrait définitivement faire fuir la Spencer chez elle alors qu’il avait passé les derniers jours sans la voir. Certes, ça n’avait pas été extrêmement long en soit mais comme à chaque fois qu’il n’avait ni l’occasion de la voir ni de lui parler, ça avait paru une éternité. La règle était simple : plus le temps passait plus il s’attachait à elle dans la mesure du possible, plus elle lui manquait. Indéniablement. Douloureusement même. Plusieurs fois dans la journée il lui venait soudainement l’envie de la voir, même pas forcément dans le but de lui parler, de l’embrasser ou quoi, juste de la voir, comme ça. Parce que oui, même lorsqu’elle n’était pas là, elle avait le don de mettre un bazar monstre dans sa tête au point qu’à un moment donné, il n’arrive même plus à penser à quoi que ce soit d’autre que l’absence pesante qu’il ressentait vis-à-vis d’elle. C’était aussi dans ce genre de moment qu’ils partageaient où il avait l’occasion de se rapprocher et d’avoir des gestes tendres dont il n’avait pas forcément l’habitude, qu’il se rendait compte suite au chamboulement de sensations que cela lui procurait, combien il pouvait y être attaché. Voire même peut-être un peu trop dépendant à son gout. Hormis sa sœur, il n’avait jamais ressenti le besoin de voir quelqu’un tous les jours, d’avoir des nouvelles régulières à moins de sombrer irrémédiablement dans l’inquiétude la plus folle, d’entendre le son de sa voix résonner dans ses oreilles ou du moins, jusqu’au Big Bang Scarlett Spencer. Elle était devenue a force de temps et d’attachement, un élément essentiel à sa vie, un pilier, un véritable besoin. Il lui était pourtant difficile de se l’avouer et pour cause , lorsqu’on se rend compte que l’on est dépendant d’une personne, cela ne signe-t-il pas directement notre arrêt de mort ? Autant se tirer une balle dans la tête tout de suite. Offrir son cœur, son corps, son âme tout entière et tout ce qu’on a, le confier à une seule et même personne, le rendre roi, empereur de notre vie est sans doute la chose la plus déconseillée en matière d’amour. Aimer, mais pas trop comme le disait Marylin, comme avec l'alcool faut y aller avec modération. Sauf que là en l’occurrence, c’était déjà trop tard pour lui et il n’y avait plus aucun remède possible. Sortant de ses pensées un peu confus après ce qui venait de lui traverser l’esprit, l’Evans se poussa sur le côté pour la laisser accéder au frigo où elle se mise à parler d’un omelette. Sur le coup, et probablement encore trop pris par ses questionnements philosophiques, il ne réagit pas vraiment et ne vit pas l’embrouille, se contentant d’hocher la tête à sa remarque. Avant même qu’il n’ait pu ajouter quoi que ce soit ou même bouger, Scarlett attrapait les deux œufs de la boite et lui écrasait sur la tête. La surprise mélangée au petit choc des coquilles contre son crâne le laissèrent pantois, bouche entrouverte, reculant d’un pas tête penchée en avant pour ne pas salir ses vêtements. Pourquoi fallait-il toujours que ça parte en live lorsqu’il portait une chemise blanche ? « Coures. Vite. » Répondit-il seulement pour lui faire comprendre l’ampleur de l’erreur monumentale qu’elle venait de commettre. Il allait lui faire payer, elle ne pouvait même pas savoir combien. S’approchant de l’évier, Nate déboutonna tout d’abord sa chemise et la retira histoire de ne pas en mettre partout puis fit couler de l’eau dans ses mains avant d’enlever un maximum d’œuf et ainsi jusqu’à ce qu’il eut la sensation qu’il n’y avait plus rien. Quand bien même il en restait encore un peu quelque part, il n’échapperait de toute manière pas à la douche après ça. Il ferme le robinet et se tourne tranquillement vers le frigo en cherchant sadiquement ce qu’il pourrait lui balancer de pire. Parce que oui, entre eux, une vengeance n’avait pas le même goût si elle n’était pas au moins deux fois plus grosse que la connerie précédente. Hésitant entre deux produits, il finit par se décider et referma la frigo, s’avançant vers le salon. Il ne disait rien histoire de ne pas se faire repérer même si, l’envie de la narguer en lui disant de prendre garde était bien présente. Il ne fallut pas plus de deux minutes pour l’apercevoir et que la course poursuite recommence. Elle était encore habillée, tant pis pour elle, ses vêtements allaient morfler et elle finirait à nouveau dans des vêtements ignobles comme quatre ans auparavant. L’Evans n’eut aucun mal à l’attraper et la faire basculer doucement au sol, veillant toute fois à la poser en douceur pour ne pas qu’elle se fasse mal. Il avait enfin le dessus et pouvait prendre sa revanche. « Ca, c’est pour les œufs. » Lança-t-il avant de se relever, la Spencer toujours au sol et de sortir tout droit de sa ceinture… le ketchup. D’après lui, c’était bien moins pire que l’œuf -et ça sentait moins fort aussi- mais il était plus facile d’en déverser sur l’autre surtout qu’avec le bouchon au bout, ça donnait vraiment une impression de pistolet. Une fois que le tube fut à moitié vide et elle barbouillée de ketchup -bien qu’il avait soigneusement évité les cheveux ou presque- le jeune homme ne put s’empêcher de rire avant de prendre la fuite. Il n’avait aucune envie qu’elle vienne se frotter à lui ainsi tachée de plus, la cuisine était le meilleur endroit pour affronter une riposte puisqu’il y avait des munitions à volonté. Ainsi, il ouvrit à nouveau le frigo, s’empara de la chantilly et de la mayonnaise -en tube elle aussi- et se positionna derrière le plan de travail comme s’il attendait patiemment l’arrivée de Scarlett. On se serait presque cru au farwest pendant un duel de cowboys sauf que là celui dans face avait au moins le mérite d’être vachement sexy.   

La douleur de ceux que nous aimions avait toujours une force étrange, savoir un être aimé pris au piège dans ce flot d'émotions destructrices nous forçait à réagir. La jeune femme n'ignorait pas à quel point laisser tomber son masque était difficile pour Nate, laisser libre court à ses sentiments étaient synonymes de vulnérabilité dans son esprit. Mais alors qu'elle entrevoyait une partie de son être brisé, Scarlett se demanda un instant s'il encaisserait le choc de connaitre chaque partie plus sombre qui encerclait sa propre âme. La question ne se pose pas, songea-t-elle en observant le masque masculin qu'elle voyait chaque jour se réfugier derrière un rideau d’émotions trop fortes. Jamais encore elle ne l'avait vu avec autant de limpidité. Quand ils passaient du temps ensembles, ils ne parlaient plus de cette histoire d’accident. Scarlett n’avait pas besoin d’en entendre davantage, d’une part parce qu’elle devinait les pensées qui le traversaient et de l’autre, parce que le but était justement de la lui faire oublier quelques heures durant, ces heures qui défilaient à une vitesse folle. La vie était une aventure dont on ne sortait pas indemne, peu importait le temps du voyage ou la destination, tous autant qu’ils étaient, ils se perdaient à un moment ou un autre et se retrouvaient à d’autres. La plus grosse erreur de parcours dans cette route était sans doute cet enchevêtrement de sentiments que l’on appelait l’amour. Contre toute attente, aimer était une nécessité vitale, aucune âme ne pouvait vivre sans cette affection profonde qui gouvernait le monde. Le bonheur résidait dans ces petites imperfections qui rendaient l'existence plus passionnante. Car c'était la passion et cet amour immodéré qui les poussaient chaque jour un peu plus loin. Au cours des dernières années, Nate avait beaucoup changé sa perception de la vie, il l’avait bousculée en bien des sens si bien qu’elle se voyait prête à faire tout un tas de choses qu’elle n’aurait jamais faites auparavant et tout un tas d’autres… qu’elle aurait dû faire bien avant, comme se mettre en couple avec lui, tout paraissait tellement naturel et spontané entre eux. Scarlett avait beaucoup changé depuis qu’elle revoyait Nate bien plus souvent, c’était comme si l’ombre du jeune homme apparaissait imprégnée dans les prunelles de la jeune femme, comme s’ils aspiraient mutuellement une part de l’autre. À labri du reste du monde, caché dans cette bulle qu’était la maison des Evans, ils se fusillaient du regard par excès d’espièglerie. Le jeu avait repris, toujours constant, sans répit. Une relation qui ne s’était jamais ternie au fil du temps, malgré les hauts et les bas, malgré les deux ans sans contact, une acceptation de chaque faute sans contrepartie, une confiance totale et oublieuse des détails malheureux qui entachait leur lien. Ne lui avait-elle pas rendu cette souffrance ressentie quelques années auparavant au centuple quand elle avait claqué la porte de chez lui un an et demi auparavant ? Alors que Scarlett se débattait tant bien que mal pour résister à l’assaut vengeur de Nathanaël, elle se ramassa une salve de ketchup sur le chandail qu’elle portait. Elisabeth la tuerait pour le crime de lèse-majesté commis sur son vêtement. La jolie brune éclata finalement de rire quand le jeune homme la fit glisser sur le sol pour l’asperger davantage avant de se relever et de s’éloigner dans la cuisine. Pensait-il vraiment qu’elle était assez idiote pour retourner dans le piège aux loups complètement affaiblie et désarmée par la dernière attaque ? Scarlett devait d’abord battre en retraite pour retrouver ses esprits et préparer le prochain coup qui germait déjà dans sa tête. Toujours au centuple. La règle ne changeait jamais que ce soit pour des délires enfantins ou des ressentis aussi sérieux que leurs sentiments pouvaient l’être. Mais elle savait qu’au bout les attendait une trêve, celles des révisions qu’il avait finalement accepté de relire même si la présence de la jeune femme l’encourageait à tout autre chose. Scarlett espérait le remotiver et l’aider vraiment, elle ne voulait pas simplement servir de distraction à une histoire qui ne pourrait de toute façon jamais être effacée. Soudain, un petit plan diabolique se dessina dans la tête de la Spencer. Elle avait une autre réserve de munitions bien plus garnie que celle de l’Evans. La jeune femme se releva sans faire de bruit et disparut du salon avant de monter dans les escaliers pour rejoindre la salle de bains. Scarlett entra et ferma la porte derrière elle. Elle retira le chandail de sa sœur couvert de ketchup tâchant et se retrouva en débardeur. Si Nathanaël savait, il n’aurait pas oser s’attaquet à cette partie de vêtement. Elisabeth était pire que rancunière et la jeune femme ne se gênerait pas pour s’en dépêtrer, elle n’avait pas envie de s’attirer les foudres de son aînée et il semblait bien plus apte à se défendre qu’elle contre sa sœur. (J’adore les descriptions de la relation entre Scar/Eli, c’est toujours glorieux). La jolie brune rinça la blouse de sa sœur sous la douche pour évacuer la sauce rouge avant de vérifier si elle n’en avait pas dans les cheveux. Nathanaël avait l’esprit vengeur, il n’en était pour autant pas vicieux, surtout après le sale coup qu’elle lui avait fait, il aurait eu toutes les raisons de l’être. Elle ne remarqua donc rien dans sa longue crinière brune et retira ensuite la blouse de sa sœur du jet d’eau pour le mettre sécher sur le radiateur de la salle de bains. Elle se rinça ensuite son visage à l’évier et le débarbouilla gracieusement à l’aide d’une bonne salve d’eau. Scarlett s’essuya la figure et regarda alors sa nouvelle réserve de munitions. Il attendait patiemment en bas, tapis dans l’ombre de la cuisine qu’elle fasse son retour vengeur pour lui rendre le prochain coup, sauf que la jeune femme avait désormais développé un trésor de patience pour taper plus fort, où ça pouvait faire mal (toujours dans l’esprit de jeu bien entendu). Elle tomba sur différents produits cosmétiques, ceux de Lily et de la mère Evans, le dentifrice familial, divers shampoings, des lotions pour la peau, des crèmes hydratantes et tout un tas d’autres produits : une mine d’or pour la vengeance. L’avantage indéniable était qu’elle était chez lui et non chez elle. Elle ne pouvait pas faire tout ce qu’elle voulait dans la maison mais elle savait par contre ce qu’elle « pouvait » faire aussi. Scarlett continua de détailler les produits du regard puisqu’elle avait l’embarras du choix. Se réfugier dans la salle de bains jusqu’à ce qu’il daigne monter pour l’attaquer par surprise se révélait cependant une solution de cacher bien trop facile pour elle. La jolie brune s’arma donc des affaires qui lui appartenaient le plus probablement pour ne pas non plus vider les produits de sa sœur ou de sa mère hystérique qui risquait de se retourner – encore – contre lui. Autant lui éviter une nouvelle scène de famille à lui ou même envers son père qui avait apparemment pris pour son grade la dernière fois qu’elle lui avait demandé de porter atteinte à la sphère privée de Katlina. Les produits cosmétiques devaient sans doute en faire partie. Scarlett avait donc entre les mains un shampoing pour hommes, la mousse à raser et une crème dont le propriétaire lui était malheureusement inconnu. Croisons les doigts pour que ce ne soit pas la mère Evans. La jolie brune avait développé un plan très vilain mais aussi qui reposait beaucoup sur « du vent ». Jusqu’où Nathanaël la croirait capable d’aller ? Scarlett sortit de la salle de bains sans faire de bruit pour ne pas qu’il devine, d’en bas, où elle se rendait à l’étage. La jeune femme voyagea silencieusement dans le couloir jusqu’à arriver devant la porte de Nate à l’aide de ses munitions. Sa chambre était l’étape suivante de son voyage périlleux entre les différentes pièces chez les Evans, périlleux parce qu’elle s’attendait à le voir surgir quelque part à tout moment mais son imagination lui jouait simplement des tours : elle ne l’avait pas entendu monter. Scarlett ouvrit la poignée avant de s’introduire dans ce qui était le nid douillet de son petit ami (elle n’aurait de toute façon pas oser violer l’entrée des chambres de sa sœur ou de ses parents). Elle se réfugia à l’intérieur comme s’il s’agissait là d’un abri contre un ennemi invisible venu de l’extérieur. Cette pièce lui rappelait un vague souvenir qu’elle préféra chasser aussitôt pour ne pas que ses joues rougissent sous l’effet de chaleur qui pouvait monter en elle dans la seconde. La jolie brune déposa ses munitions sur le lit du jeune homme et eut alors une nouvelle idée avant de mettre en place sa mascarade. Non seulement d’avoir de quoi se défendre, elle avait aussi une réserve de vêtements rien que pour elle !  Scarlett n’hésita pas une seconde. Elle retira le haut qui lui restait et ouvrit l’armoire de Nate qui devait commencer à sérieusement trépigner en bas à se demander ce qu’elle foutait. Il y avait bien un de ses T-shirt qui lui irait pour l’affronter dans une ultime lutte digne de ce nom avant la trêve. Scarlett farfouilla une seconde et opta pour le premier truc qui lui tomba sous la main, beau ou pas, marque ou pas, vieux ou neuf. Ça n’avait pas d’importance du moment qu’elle ne se retrouvait pas à porter un de ces vieux shorts ou une des blouses de sa mère limite… Il s’était déjà assez moqué d’elle comme ça la dernière fois. Bon d’accord, elle n’avait qu’à pas ouvrir les hostilités aussi. Scarlett referma ensuite l’armoire et attacha ses cheveux pour se préparer au prochain round qui s’annonçait… chargé. Elle mit alors en place la suite de la petite mascarade : elle trouva la réserve de sous-vêtements de Nate (oui parce qu’elle a un truc avec les sous-vêtements Scarlett, il faut croire) et en sortit un des caleçons. La jolie brune retourna ensuite dans le couloir et s’arrêta en haut des escaliers. En bonne actrice qu’elle était, elle se mit en condition de détresse pour le faire rappliquer. « Nate, viens-vite voir ! » Appela-t-elle d’une voix qui urgeait et n’appelait à aucune hésitation. Quand Scarlett l’entendit enfin approcher, après qu’elle n’avait plus donné signe de vie depuis plusieurs minutes, la jolie brune tendit alors le caleçon dans une de ses mains devant elle pour que le jeune homme le voie en évidence. De l’autre, elle sortit son briquet de sa poche et mima de l’allumer sur le tissu. « Tu crois que je devrais faire subir le même sort aux autres ? » Demanda la jeune femme comme si elle s’apprêtait à brûler le sous-vêtement qu’elle tenait, une provocation synonyme de déclaration de guerre bien plus importante que le ketchup. Scarlett était toujours dans la démesure. Sans allumer son briquet, elle lança alors le bout de tissu vers le bas (sans le faire exprès ou alors mauvais coup du sort, il atterrit même sur la tête de Nate) et elle battit rapidement en retraite dans la chambre du jeune homme. La peur de perdre ses caleçons confortables sans doute et l’envie de répondre à une provocation aussi grande l’avaient fait réagir, elle l’entendait monter. Scarlett laissa alors une trace de mousse devant la porte pour qu’il pense au carnage éventuel qu’elle avait pu faire dans sa chambre, elle se disait qu’un petit stress supplémentaire ne pouvait pas lui faire de mal et elle attendit patiemment qu’il ouvre la porte. Quand la poignée tourna fébrilement et que l’entrée s’ouvrit, Scarlett balança le briquet et attrapa ses munitions. Mousse à raser, shampoing, crème… Tout était allumé et en direction de Nate. « Banzaiii ! » Bonjour la douche cosmétique !  Le pauvre, il était peut-être tombé sur la plus timbrée des Spencer en fin de compte. Après les éléments de nourriture et le passage au savon (pour ne pas dire passage à tabac cosmétique tant qu’on y est), qu’est-ce que ce serait ensuite ? Scarlett se rapprocha tout de même de l’entrée pour ne pas trop entacher sa chambre car elle n’aurait pas trop aimé qu’on s’introduise ainsi dans la sienne – bon peut-être à l’exception de Nate. Heureusement, elle visait plutôt bien et c’était le corps de Nate qui en prenait pour son grade. Elle avait cependant oublié que des mousses et autres crèmes n’arrêtent pas un homme, surtout un homme éveillé dans sa fierté.