Andrew avait un grand sourire aux lèvres quand il se pointa chez les McClair. Il n'était pas sûr de trouver Kayla chez elle cet après-midi, mais il avait préféré courir le risque plutôt que de la prévenir. Il avait une grande nouvelle à annoncer, qui rassurerait et ravirait son amie, il préférait garder la surprise. Depuis les chamboulements dans sa vie il y a quelques mois, Kayla avait été plutôt présente dans la vie du jeune homme, et pas avec une manière douce. La jeune fille, fidèle à elle même, avait surveillé Andrew afin qu'il ne réalise pas sa plus grande crainte : renouer avec ses anciens démons. Quand ce secret avait été révélé il y a deux ans maintenant, leur longue amitié en avait pris un coup, et la McClair l'avait d'abord condamné aux foudres de l'enfer. Mais ils se connaissaient depuis toujours, rester des étrangers éternellement fut si ardu qu'ils finirent par renouer contact. Andrew avait promis que tout ça était derrière lui, elle l'avait cru. Alors quand il se retrouva démuni et qu'il eut peur de replonger, il put compter sur Kayla, durant tout l'été, pour le menacer si jamais il craquait. Elle savait se montrer effrayante, et il pouvait parfois comprendre la fascination bizarre que ressentaient certains mecs pour les filles McClair. Pour Andrew, c'était inconcevable. Mais peut-être pouvait-on y voir une ressemblance avec ces films pornos où des femmes à lunettes strictes et porte-jaretelle, surveillant des hommes attablés sur un pupitre, en train de copier une punition car ils n'avaient vraiment pas été sages.

Aujourd'hui, sa grande nouvelle, était qu'il ne courrait plus aucun risque. Noël lui avait apporté le plus beau des présents, il avait renoué avec Lou, le ciel s'éclaircissait à nouveau. Il ne savait pas exactement comment l'annoncer sans être niais au possible, mais même s'il ne partageait pas le vœu délirant de Kayla de rester vierge jusqu'au mariage afin de conserver sa fleur de lys, il espérait qu'elle serait heureuse pour son ami.

Andrew éclata de rire, Kayla devait être dans l'un de ses bons jours. Peut-être était-il marteau en fait, il n'aurait pas su expliquer pourquoi il ressentait le besoin de la voir elle. Kayla n'avait pas été une de ces personnes à qui il s'était accroché comme une ancre ces derniers mois. Pour cause, Kayla avait eu bien du mal à passer outre ses principes pour lui offrir l'aide de l'amitié. Bien sûr, il fut un peu déçu, il avait pensé que le malêtre dans lequel il vivait eut été plus fort. En plus, il avait tenu le coup, n'avait pas replongé dans ces anciens vices qui altérèrent leur amitié il y a quelques années. Mais ce courage ne fut pas suffisant pour que Kayla puisse l'aider. Il avait fini par comprendre que, même après un pélerinage religieux tout autour du globe, Kayla ne serait jamais en mesure de le pardonner définitivement. Cette petite tâche au tableau resterait incrustée pour toujours dans leur amitié. « Je ne suis pas venu pour une torture non, je suis venu pour te dire que Lou et moi, nous nous sommes remis ensemble. » Il préférait qu'elle l'apprenne par lui que par quelqu'un d'autre. « Je suis autorisé à entrer ? » dit de cette façon, il sous entendait souvent qu'il ne méritait pas d'entrer chez les McClair. Ils avaient appris à rire de leur malaise. Incapable de le dire à haute voix, Andrew voulait surtout que Kayla comprenne que ses hantises étaient derrière lui. Il ne risquait pas de replonger dans ses nouvelles addictions, il était clean, aujourd'hui. Et surtout, il espérait que ce soit suffisant pour elle. Si on lui demandait pourquoi cette amitié comptait autant pour lui, il ne pourrait certainement pas répondre. Plusieurs de ses amis voyaient Kayla comme une folle déglinguée, et elle le leur rendait bien. A vrai dire, lui même la trouvait parfois trop exagérée dans sa pensée. Mais il avait surtout peur que cet extrémisme la rende malheureuse, seule. S'ils n'avaient pas été amis depuis tout petits, depuis l'époque où toute cette conscience religieuse ne formait pas un clivage entre eux, il aurait certainement passé son chemin devant Kayla. Mais voilà, il ne pouvait pas oublier tous leurs souvenirs d'enfants en un claquement de doigt.