Peut-être qu’il avait dû le remarquer. Oui, il la connaissait si bien après tout. Ou alors non. Il n’avait rien vu, bien trop occupé à jouer à ses jeux vidéo au lieu de réviser leurs examens qui approchaient pourtant à grands pas. Lou eut un haut le cœur rien qu’à cette pensée. Les examens. Elle ne stressait même pas. Et pourtant, elle voulait vraiment les réussir. Cependant, ces dernières semaines Lou avait eu d’autres soucis en tête. Alors qu’elle avait pensé que sa vie redevenait calme, bien rangée, normale, il avait fallu que ça lui arrive. C’était de sa faute après tout. Évidemment oui. Elle s’en voulait. Ça ne lui ressemblait pas. Depuis quelques jours, elle était un peu distante. Complètement absorbée dans ses réflexions. Andrew ne lui avait pas encore fait de remarques, rien. Elle ne pouvait plus le garder pour elle. Il fallait qu’elle lui en parle. Elle avait décidé de passer le voir chez lui en fin d’après midi. Elle avait tout fait pour reculer l’échéance, elle avait tellement peur. Pour se changer les idées, elle s’était plongée corps et âme dans ses bouquins, mais rien à faire, elle était contreproductive. Au final, elle avait envoyé un SMS à Andrew pour lui dire qu’elle arriverait un peu plus tôt. Avant de quitter sa maison, Lou se regarda longuement dans le miroir. Elle avait simplement envie de pleurer. Elle se contempla, laissant son esprit vaquer à toute sorte de préoccupations superficielles.

Elle se décida néanmoins à quitter sa maison, et traversa la rue en direction de la maison d’en face. Le trajet devait prendre cinq minutes à peine, et pourtant Lou avait l’impression d’effectuer une traversée du désert. Un tas de questions lui passait par la tête, et elle n’avait aucune réponse. Elle avait juste un besoin irrépressible de dire ce qu’elle avait à dire. Si elle ne le faisait pas, elle allait trahir son petit ami. Et d’un autre côté, elle avait juste envie de s’enfouir six pieds sous terre. Telle qu’elle le connaissait, Andrew allait mal le prendre. Il allait ne penser qu’à lui. Elle avait peur de ça, surtout. Qu’il ne pense pas à eux, mais à lui. A ce que ça impliquerait pour sa vie. Pas le temps de se pencher plus sur la question, elle était d’ores et déjà arrivée devant sa porte. Elle sonna et souffla un bon coup tentant de faire évacuer la pression. Elle ne pouvait plus reculer de toute façon. Après quelques minutes d’attente, la porte s’ouvrit enfin. « Salut » lâcha-t-elle simplement.

Ce matin là, Andrew avait été réveillé par Lou. Non pas par sa présence dans son lit, nue, collée à lui et lui faisant des petits bisous tous doux pour qu'il émerge de son sommeil. Elle l'avait réveillé téléphoniquement. La sonnerie spéciale de son téléphone - celle qu'il lui avait assignée afin de savoir qu'elle l'appelait - avait retenti, il s'était alors redressé d'un bond dans son lit, alarmé et stressé. Vite, il frotta sa figure, et vit quelques vocalismes rapides. Qu'importe l'heure qu'il était, Lou ne devait pas savoir qu'il dormait encore.

Il avait bien eu raison d'agir ainsi, il était onze heures tapantes, et son amoureuse le prévenait qu'elle passerait le voir en fin d'après-midi, après ses révisions. Révision ? Andrew se demanda d'abord si Lou parlait de sa voiture, puis il se rappela que leurs examens finaux approchaient. Lou devait certainement évoquer ce type de révisions, et il ferait bien d'en faire de même cet après-midi, s'il ne voulait pas s'attirer les foudres de sa petite amie. Honnêtement, il n'en avait rien à cirer du tout, de ses études. Lui, il voulait tout plaquer et faire des cupcakes à longueur de journée. Et s'occuper de sa garderie, aussi. Être un enfant toute sa vie. Mais la raison principale qui avait mené le couple Lou/Christian à la mort, était la fainéantise légendaire du garçon, et son manque effrayant de maturité. On pouvait d'ailleurs se demander pourquoi Lou avait finalement jeté son dévolu sur le sosie parfait de son ex (bah oui tiens, qu'est-ce qui lui a pris). En tout cas, Andrew préférait prendre le taureau par les cornes. Et si, pour rester le petit ami de Lou Huntington, il devait réviser ses cours de gestion et d'économie, qu'il en soit ainsi.

Plongé dans ses cours hautement non passionnants, Andrew se surprenait pourtant à les retenir. Comme les profs l'avaient souvent répété, il n'était pas idiot. Et c'était vrai. Cette filière ne lui plaisait juste absolument pas. Des chiffres, encore et encore. Mais il avait réalisé que, peut-être un jour serait-il chanceux, et que par un coup du hasard, la boîte de son père ferait faillite. Dès lors, il mettrait à profit ses connaissances pour ouvrir sa propre entreprise, dans un domaine qu'il aime, à savoir la bouffe et les gosses (Andrew n'est pas pédophile qu'on se le dise). Il y croyait, il voulait y croire.

La sonnette de l'entrée vint alors le tirer de ses rêves utopiques. Il attrapa son téléphone afin de tchequer l'heure, et remarqua un message de Lou, l'informant qu'elle arriverait plutôt. Effectivement, elle était celle qui se tenait derrière la porte. A son petit "Salut", Andrew répondit par un grand sourire niais. A chaque fois qu'il la voyait, il avait l'impression d'avoir passé quarante douze mois sans la voir. Il la redécouvrait, elle, sa beauté, tout. « Salut ! » Il s'approcha d'elle et la serra dans ses bras, ce petit bout de femme ... Même s'il n'était pas vraiment plus grand.

Il attrapa sa main et l'entraina dans la cuisine. « Des cookies et un thé, ça te tente ? » Oui, Andrew était courtois avec tous les gens qu'il recevait chez lui. Mais pour Lou, il avait toujours une attention particulière. Il avait trouvé une variété de thé qu'elle adorait, et il la gardait cachée au fond de l'armoire, afin que personne ne puisse en profiter. C'était idiot comme attention, c'était simplement Andrew (oui je te garderai aussi du thé chez moi l'année prochaine, avec des prince même).

Lou se répétait de ne pas agir différemment de d’habitude, mais dès qu’elle eut Andrew en face d’elle, elle sut qu’elle ne tiendrait pas cette résolution. Elle n’arrivait jamais à garder ses émotions pour elle, pire elle avait toujours envie de les clamer haut et fort. Néanmoins elle se contint. Difficilement. Elle entra chez Andrew, connaissant la maison sur les bouts des doigts, ayant même parfois l’impression qu’elle y vivait. Il fallait dire qu’elle y passait une bonne partie de son temps au grand damne de sa mère qui la trouvait trop engagée dans cette relation. Même si elle n’avait rien contre son gendre, la mère de Lou était particulièrement protectrice. Andrew l’entraina ensuite par la main direction la cuisine n’omettant pas de d’abord la prendre dans ses bras pour la saluer. La jeune femme s’y sentait bien, et fut apaisée durant les quelques secondes que durèrent cet élan d’affection. Pourtant quelque chose la gênait… Elle restait confuse face à la situation, il ne savait pas. Elle si. Ça changeait tout. Et ce fut bien la première fois qu’elle se sentit habiter sur une autre planète que lui. Elle détestait tout simplement cette sensation ce qui la confortait dans son choix de tout lui avouer au plus vite. Il fallait toutefois y mettre les formes. Lui balancer une telle nouvelle à la tronche allait sûrement lui faire avoir une crise cardiaque.

Elle s’assit sur une chaise tout en observant Andrew du coin de l’œil. Il ne remarquait donc rien. Peut-être qu’il n’y avait que les filles pour faire attention à ce genre de choses après tout. Lou se sentit mal, elle allait simplement briser l’innocence et l’insouciance de son amoureux, et ça lui fendait le cœur. « Non, pas vraiment en fait » répondit-elle d’une petite voix. Si ça, ne l’intriguait pas un minimum alors que Lou n’était jamais la dernière quand il s’agissait de gourmandise, Lou commencerait à douter de l’attention que lui portait Andrew. « Tu ne trouves pas que j’ai pris du poids ces derniers temps ? » lui demanda-t-elle ensuite n’osant même pas regarder son petit ami dans les yeux. Il est vrai que depuis un mois, elle évitait les robes et jean trop moulants parce qu’elle ne se sentait plus à l’aise dedans. Elle passa la main dans ses cheveux histoire de se donner une contenance. Elle était pétrifiée. Elle se sentait désabusée. Elle ne contrôlait plus rien. Lou détestait ce sentiment-là. Elle se risqua à lever les yeux sur Andrew attendant qu’il lui mente impunément en lui affirmant qu’elle était toujours aussi jolie à ses yeux. Parce que c’était ce que n’importe quel mec sain d’esprit répondrait à une telle question.

Il avait commencé à farfouiller dans les armoires. Il sortit la boite de cookies tous frais, les disposa dans un plat ... puis se stoppa net. Elle n'en voulait pas. « T'es malade ??? » Il se retourna vers elle, le visage alarmé. Les yeux écarquillés, il la dévisageait, comme si, par magie, les mots "rhume" ou "fièvre" apparaitraient sur le front de son amoureuse, et justifieraient son refus de nourriture. Il avait peur, son ventre gargouillait. Non, ce n'était pas la faim qui le prenait (Andrew préfère son amoureuse à la bouffe, oui oui). En plus d'un an de relation, Lou n'avait jamais refusé une petite gourmandise (j'avais écrit gâterie au début, mais dans la cuisine c'est bizarre quand même). Quelque chose de grave devait se produire. Et si elle venait, en fait, pour rompre avec lui ? Tous ses efforts pour étudier, pour ne pas dormir plus de quatorze heures d'affilée, pour ne pas oublier de se laver quand il jouait à la console ... Tout était réduit à néant. Il prit une chaise, la mit en face d'elle, et s'y assit. Toute cette pression l'empêchait de rester debout une seconde de plus. Il prit ses mains, pour la rassurer. Mais au fond, il ne voulait pas qu'elle soit rassurée. Il voulait qu'elle ait peur, trop peur pour lui dire qu'elle voulait rompre avec lui. Alors il lâcha ses mains, posa son dos contre le siège de la chaise. A l'intérieur, il se trouvait normal. Mais, comme d'habitude, vu d'extérieur, il devait donner l'impression de venir d'une autre planète. Il avait beau être un flemmard, son cerveau réfléchissait toujours à la vitesse de la lumière.

« Qu'est-ce qui a ? » Encore une fois, sa curiosité maladive avait raison de lui. Il tendait le baton pour se faire battre, servait à Lou le plateau d'argent sur lequel poser délicatement cette horrible nouvelle. Quand elle ouvrit la bouche, il écouta à peine, qu'importe sa façon de le dire, aucune parole douce ne pourrait apaiser sa peine. Il secoua la tête en signe de refus. « NON NON je veux pas ! » Il cessa alors subitement, et releva la tête vers elle. Son cerveau avait analysé les paroles de Lou au passage et, il ne s'agissait pas d'une rupture. « Tu ne veux plus de mes cookies parce que tu trouves que t'as grossi ?? » Il soupira, soulagé. Il prit son visage dans ses mains, laissant échapper la pression tel une cocotte minute. Mais il réalisa alors que cette question faussement anodine pouvait en fait cacher un sombre secret. « Attends, est-ce que tu te cherches une excuse pour pas manger mes cookies ? Est-ce que en fait tu trouves que mes cookies ne sont pas bons, et que depuis tout ce temps tu te forces, mais maintenant t'en as marre et tu fais genre tu as grossi ? » Il devait en avoir le coeur net, on ne pouvait pas se jouer de lui ainsi. Lou, grossi ? Il réfléchit à la dernière fois qu'il l'avait vu nue (y'a pas très très longtemps), et il ne se rappelait pas sortir avec le bonhomme Michelin. Alors, avant que Lou puisse l'en empêcher, il souleva sa robe pour regarder son petit bidou (ta faute, elle avait qu'à porter un Thsirt). « Euh bah je ne te trouve pas grosse bébé » En fait, il venait de remarquer que sa petite amie avait un ventre légèrement arrondi. Ce qui ne lui ressemblait pas. Lou n'était pas obsédée par son physique, mais depuis qu'il la connaissait, elle s'était toujours appliquée à avoir un ventre plat. Ou alors peut-être rêvait-il, et avait-elle toujours été comme ça ? En vrai, il n'en savait rien, il ne tenait pas un cahier avec les mesures de Lou, actualisé chaque semaine pour vérifier qu'elle ne bougeait pas, il ne faisait pas des courbes de l'évolution de son poids (elle a de la chance car c'est traumatisant). Mais Lou n'avait pas l'air bien. Peut-être que, sans le vouloir, il l'avait trop gavée. Mais qu'elle n'osait pas lui dire, de peur de le vexer. « bébé, tu trouves que je fais trop à manger ? Et comme t'es trop gentille t'oses pas refuser ? Mais fallait le dire, je suis désolé si tu as pris un ou deux kilos à cause de moi » Il se rapprocha d'elle pour la prendre dans ses bras.

Andrew avait immédiatement réagi. Il finit donc par comprendre que quelque chose n’allait pas chez Lou. Il était simplement à côté de la plaque. Non, Lou n’était pas malade, tout allait même bien. Elle préféra ne rien dire, observant ce qu’allait faire son petit ami. Il était inquiet, ça se lisait clairement sur son visage. Elle aurait tant aimé lui faire un sourire rassurant, mais ça ne sortait pas. Ça ne voulait pas sortir. Il prit une chaise et s’installa face à elle. Il lui demanda ce qui n’allait pas. Elle resta interdite. Sans que Lou comprit pourquoi, Andrew se mit à hausser le ton, il ne voulait pas affirmait-il. La jeune femme eut une bouffée de chaleur. Il avait fini par tout comprendre. Elle le crut pendant quelques secondes, avant de voir qu’elle était une fois encore dans le faux. Il s’en faisait pour ses cookies maintenant. Alors qu’elle lui posait une question archi simple, monsieur était pris d’un manque de confiance en lui. Il ne connaissait donc pas Lou ? Si elle n’avait pas aimé ses petits gâteaux ça ferait déjà bien longtemps qu’elle le lui aurait dit. Pour le coup, elle lui en voulait un peu de se montrer si égoïste. Elle lui demandait ça à titre purement informatif, et surtout pour savoir comment amener le sujet. Pour une fois, elle avait envie d’être le petit oiseau blessé qu’on venait soigner. Au lieu de panser cette plaie, Andrew l’ouvrait un peu plus. Il rendait les choses encore plus difficiles. Le comble, il passa sa main sur le ventre de Lou histoire de voir si effectivement elle n’avait pas pris des rondeurs. Elle voulut lui enlever sa main de là vite fait, mais n’eut pas le temps car heureusement le jeune homme ne s’éternisa pas. Non, elle ne pensait pas avoir pris du ventre, mais plutôt de la poitrine et des cuisses. Quel idiot !

Il repartit dans ses supputations débiles, et Lou n’osait même pas l’interrompre. Il était si naïf. De plus Lou était un peu vexée qu’il ne fasse même pas un seul effort pour la complimenter. Elle resta amorphe, ne sachant pas quoi répondre. Contre toute attente, Andrew se décida à la prendre dans ses bras. Elle ne comprit pas vraiment l’intérêt de ce geste, mais ne refusait pas son étreinte. Au moins, là, elle n’avait pas besoin de le regarder dans les yeux. Et puis, elle était toujours rassurée de savoir qu’il était là. C’était un peu débile compte tenu de la situation d’ailleurs. Lou eut subitement une baisse de moral, elle avait envie de craquer. Voilà, maintenant quelques larmes coulaient. Elle serra Andrew plus fort dans ses bras, elle n’avait pas envie qu’il voit ça. Malheureusement un silence s’était installé entre eux, et les larmes de Lou redoublaient d’intensité sans qu’elle puisse vraiment le contrôler.

Lou ne répondait pas. A rien. Elle était devenue muette comme une statue, alors que lui s'agitait devant elle, enchainant des mots à la hâte dans un florilège de phrases qui n'avaient pas toujours du sens. A trop prendre la parole, peut-être ne lui laissait-il pas une seule seconde pour en placer une. Il ne s'en rendait pas compte, il était pris d'un sentiment étrange et déplaisant, qui lui laissait un goût amer dans la bouche. Dans ces moments-là, il ne réfléchissait plus (car oui, contrairement à la légende urbaine, Andrew est doté de la capacité de réflexion, il l'utilise simplement peu, afin de ne pas l'user). Il aurait pu, se stopper un instant dans ses jérémiades, prendre le temps de regarder Lou, de décrypter son visage, de comprendre pourquoi elle lui posait cette question venue de nulle part. Mais de toute façon, il n'avait jamais compris les filles.

Alors, un câlin, ça semblait cool. Il ne savait pas quoi faire de toute façon, et rester les bras ballants devant Lou, alors que son visage était si sombre et si triste, c'était au dessus de ses forces (oui, Andrew a de la force). Il voulait la protéger, sans savoir ce qui l'attaquait. Mais qu'importe les tourments de la pauvre Lou, qu'importe qu'il doive affronter un dragon, un ouragan ou une simple abeille. Il était prêt à tout pour elle ... Si elle daignait un jour se confier à lui. Sa venue avancée n'était certainement pas anodine. Lou était trop passionnée par ses études, animée par l'envie de réussir, pour stopper ses révisions plus tôt et venir voir Andrew juste parce qu'il lui manquait. Quelque chose la tourmentait, elle voulait probablement lui en parler ... Pourtant, elle restait muette. Et lui, avait fini par en faire de même. Cette étreinte - qui était à l'origine un essai désespéré - lui avait finalement permis de réfléchir et de comprendre. Enfin ... Il ne comprenait rien à ce qui se passait, Lou pouvait très bien lui annoncer qu'elle s'était encore disputée avec sa mère, qu'elle n'avait plus de glace ou qu'elle avait perdu une page de ses cours. Mais il avait assimilé que Lou n'était pas dans son assiette. Alors, pris d'un courage de ouf, il osa poser la question fatidique. Même si son petit doigt lui glissait discrètement qu'il allait le regretter. « Loulou chérie, dis moi ce que t'as » Il afficha une moue désolée, celle à laquelle personne ne pouvait résister. Il la jouait finement. Si Lou avait dans l'idée de l'engueuler, elle ne pourrait plus hausser le ton face à son visage d'enfant. Car mine de rien, la dernière idée qui lui restait en tête - après avoir rayé de la liste la fin de son après-shampoing, la perte de sa trousse chérie (a) et le dysfonctionnement de son fer à lisser - c'était le largage en bonne et due forme. Ce jour devait bien arriver un jour ou l'autre, Lou remplissait la mission incroyable de sortir avec tous les flemmards du quartier, leur idylle ne pouvait pas être éternelle, il en restait encore beaucoup sur sa route. Il espérait simplement être le meilleur de tous. « T'es venue pour me larguer ? » Et finalement, il posait la question ultime. Car même s'il ne voulait pas la perde, il aimait encore moins se tirailler l'esprit avec toutes ces interrogations. Même s'il jouait la carte de la tête d'ange pour la faire fondre et fléchir, il ne voulait pas qu'elle capitule, si elle ne voulait plus de lui. Il voulait être fixé, savoir. Il retiendrait ses larmes, tel le warrior qu'il était. Mieux, il décida d'affronter son regard, comme un grand garçon, et mit fin à ce câlin, pour s'éloigner d'elle et la regarder droit dans les yeux. « Putain Lou tu pleures ?? » Il n'avait même pas entendu ses larmes jusqu'à maintenant. La stupeur gagnait son visage. Si Lou laissait transparaître ses émotions, il en faisait de même. Il voulait bien croire que sa petite amie n'était plus heureuse, mais là, elle avait la tête d'une femme qui apprenait qu'il ne lui restait plus que quelques mois à vivre. « Mais qu'est-ce qui a ? Qu'est-ce que je dois faire ? » Il était paumé, totalement. Car d'habitude, c'était Lou, qui lui disait comment agir, qui le conseillait. Mais maintenant qu'il devait se débrouiller seul, face à elle, il était démuni. Sans elle, il n'était plus rien.

Lou n’arrivait plus à réfléchir. Elle savait qu’il était venu le temps de tout avouer. D’arrêter de faire durer le suspense et d’enfin cracher le morceau. Andrew n’arriverait jamais à comprendre tout seul, Lou devait lui donner un coup de pouce. Secrètement, et jusqu’au dernier moment elle avait pensé qu’il finirait par tout comprendre, qu’elle n’aurait pas à prononcer ses mots qui rendraient la chose si concrète. Elle se prenait la tête, et forcément les larmes étaient venues. Les garces. Lou ne savait jamais comment les retenir, et avait toujours la même impression d’échec à chaque fois qu’elle se laissait aller à montrer ses faiblesses. Après un temps, Andrew reprit enfin la parole. Inquiet, il demanda de but en blanc ce qui n’allait pas. Elle devait absolument se reprendre. Certes elle ne pourrait jamais effacer la tristesse de son visage, mais il fallait au moins qu’elle soit capable de mettre des mots sur ce qu’il lui arrivait. Et puis Andrew lui posa une question à laquelle elle ne s’attendit pas. Si elle était venue pour le larguer ? Décidément ils n’habitaient plus sur la même planète. Comment pouvait-il penser ça alors qu’elle l’aimait chaque jour un peu plus. Il pensait sincèrement que Lou chercherait désespérément du réconfort dans ses bras si elle avait voulu le quitter. Il n’était plus très logique, lui non plus. Il desserra son étreinte, et remarqua enfin que Lou était en train de pleurer. La jeune femme essuya les quelques larmes qui venaient de perler au coin de son œil, tentant de remettre de l’ordre dans ses idées.

Lou savait qu’Andrew était paumé, et qu’il ne comprenait rien. Ça se lisait sur son visage, c’était clair comme de l’eau de roche. « Tu es débile ou quoi, pourquoi veux-tu que je te quitte ? » ne put-elle s’empêcher de répondre. Elle n’avait pas envie d’être méchante mais que cette idée ait pu lui traverser l’esprit ne serait-ce qu’une seconde la faisait enrager. « J’ai beau retourner la chose dans tous les sens, je ne sais pas comment te dire ça. » fit-elle en se passant les mains sur le visage, totalement désabusée. Elle avait de plus conscience qu’Andrew devait présentement se faire toutes sortes de film dans sa tête, le connaissant ça ne devait pas être beau à voir. Il valait mieux ne pas lui laisser le temps d’évoquer une nouvelle théorie à la con dont il avait le secret. « Il est fort probable que... je sois enceinte. » finit-elle par déclarer le plus calmement possible. Elle avait – bien sûr – tenté d’atténuer la chose avec son « il est fort probable ». En vérité elle n’avait quasi aucun doute. Malgré tout elle avait peur de la réaction d’Andrew. Ce grand enfant restait quand même un jeune homme de vingt ans. Lou n’avait pas envie qu’il se sente piégé de quoi que ce soit, elle avait bien vu avec Zoë qu’un bébé ce n’était pas une partie de plaisir tous les jours. Même elle, n’avait pas l’intention d’avoir un enfant aussi jeune. Elle pensait surtout à sa carrière, qui n’avait même pas commencé et qui semblait déjà compromise.

La tension était à son comble, la tête d'Andrew menaçait d'exploser sous la pression. A côté, le stress du conseil de Koh Lanta où ils éliminent un membre (oui bah je ne connais pas le nom officiel mais je sais que t'as compris), n'était que pacotille. Quand Lou le rassura, il s'enfonça sur sa chaise en lâchant un long soupir, soulagé. Elle l'avait qualifié de débile, elle aurait pu l'appeler par n'importe quel surnom peu flatteur, elle ne venait pas pour le quitter, il se fichait du reste. « Le débile t'aime aussi, merci » dit-il en rigolant. Mais la bonne humeur prit vite la poudre d'escampette. Si son petit poussin (<3) ne venait pas pour mettre un terme à leur relation, il n'en reste qu'elle portait (c'est le cas de le dire) une autre nouvelle. Pas facile à dire, apparement, ce qui n'était pas rassurant. A choisir, Andrew aurait peut-être préféré la séparation, en fait. Quoi que. Il gardait les yeux rivés sur elle, conscient qu'une telle inquisition ne devait pas l'aider dans sa tâche. Quand enfin, elle avoua la vérité. Un chamboulement auquel il n'avait pas du tout pensé (contrairement à tout le monde). Là, Andrew vécut l'un des plus gros bugs de sa vie. Bloqué, il ne bougeait plus, ne respirait plus, ne pensait plus. Seul le mot "enceinte" clignotait dans sa tête, à l'aide de gros flashs lumineux. La voix de Lou se répétait en boucle, enceinte, enceinte, enceinte. Et là, un tas d'images se mit à défiler : les deux amoureux choissisant le prénom, Lou ayant des envies culinaires saugrenues que Andrew satisferait sans exception, Lou l'engueulant sous le coup des hormones, et Andrew s'attendrissant devant sa petite femme enceinte, Lou à la maternité, Andrew avec un bébé dans les bras (plus beau que Logan), Lou allaitant le bébé parce qu'elle est plus maternelle que Betty, Andrew jouant avec son fils (oui oui) ... Le grand enfant qu'il était avait l'impression de vivre un rêve. « Fort probable, c'est un euphémisme pour dire que t'es sûre ? Toi et moi, on a fait un bébé ? » Ses yeux interloqués se remplirent rapidement de joie. Une joie incontrôlable qui lui donnait envie de sauter partout. Il ne put s'empêcher de sourire, et se mordit même les lèvres, concurrençant dangereusement le niveau de niaiserie d'une mauvaise comédie romantique. Oui, il était content. Il se leva et se mit à marcher autour de la cuisine. Rien à faire, il ne se calmait pas. « Jamais j'aurais pensé que ça nous arriverait si vite, mais je vais être papa !! » Il revint vers Lou et la prit dans ses bras, heureux.

Malheureusement, son amoureuse ne se joignait pas à la fête. La joie du garçon ne la gagnait pas. Bien sûr, face à un immature pareil, elle devait vraiment avoir peur, et imaginer leur avenir avec horreur. Mais Andrew avait toujours su qu'il deviendrait un bon père. Déjà, il se sentait capable de tout, pour bien élever son bébé, même si ça signifiait accepter ce poste à la con dans la boite de son père, afin de leur assurer une stabilité financière. Même si ça signifiait être un homme au foyer pendant que Lou se construirait la carrière dont elle rêvait (oui, il préfère la seconde solution). Mais pour Lou, tout ça n'était peut-être pas aussi évident. Il regagna sa place, alors, face à elle. Il n'était plus un gosse, désormais, ciao Peter Pan et le pays imaginaire où on ne grandit jamais. Il était père, il allait avoir un bébé avec la fille de ses rêves. Et ça lui suffisait pour être heureux. « Chérie, je sais que tu dois flipper à mort là, d'élever un gosse avec un gamin ... Mais j'en suis capable, tu sais. Je ferai tout ce qui est en mon pouvoir pour être un bon père, un bon mari ... » Nouveau bug pour le jeune homme. Il se stoppa net, en prononçant le mot mari. Ils n'étaient même pas mariés, ils n'habitaient même pas ensemble. « Ah oui, j'oubliais que tu ne veux pas vivre ici avec moi. » Cette réplique fut suffisante pour enclencher à nouveau la partie "idées délirantes" de son cerveau. Peut-être que, en fait, Lou était si triste parce qu'elle ne voulait pas, d'enfant avec Andrew. Elle n'avait pas peur d'être mère, elle pensait juste que Andrew n'était pas celui qu'elle voulait pour être le père de ses enfants. Après tout, son refus d'habiter avec lui, quand Juliet était partie, renforçait cette théorie. « Sois franche, tu ne veux pas d'un gosse avec moi en fait, c'est ça ? »

Les mots étaient donc lancés. Elle ne pouvait plus reculer. Comme elle s’y était attendue, Andrew eut un moment d’absence. Il devait digérer la nouvelle, se faire à l’idée. Comme Lou, lorsqu’elle avait eu des doutes. Au début elle n’avait pas voulu y croire, elle avait toujours pensé qu’elle aurait un enfant quand elle l’aurait souhaité. Après tout comme disait sa grand mère, désormais les femmes avaient le choix de désirer une grossesse ou non. Qu’il lui arrive ça, à elle… Elle se sentait nulle. Coupable. Mais elle n’eut pas le temps de tergiverser davantage qu’Andrew avait atterri. Il avait enfin compris. Il avait même démasqué Lou. Il n’y avait pas de fort probable qui tienne, elle baissa la tête, un peu honteuse de se faire prendre en flag. Malgré tout Lou avait l’impression qu’il semblait heureux. Comme elle s’y attendait il réagissait comme un enfant. Il ne comprenait pas tout ce que ça impliquait. Qu’ils étaient bien trop jeunes, et que Lou ne se sentait pas prête. Au moins il n’était pas en colère. En fait elle ne savait pas trop si elle préférait son enthousiasme à une bonne crise d’angoisse… Il la prit même dans ses bras. Stupéfaite, Lou se laissa faire telle une poupée de chiffon.

La joie d’Andrew n’atténuait pas la douleur que pouvait ressentir Lou. Elle n’était pas triste, simplement stressée. Le jeune homme finit enfin par le remarquer et tenta de rassurer sa compagne. Elle y croyait, à ses belles paroles. A fond. Elle avait envie de construire une vie de famille avec lui, encore plus quand il se montrait aussi enthousiaste. Elle lui fit un sourire, mais le genre de sourire un peu triste qui montrait toute la lassitude de la jeune femme. Mais, elle n’eut même pas le temps de finir d’esquisser ce sourire, qu‘Andrew alla trop loin. COMME D’HABITUDE il ramenait tout à lui, sans même se mettre à la place de Lou une seule seconde. COMME D’HABITUDE il exposait des théories infondées, basées sur sa connerie pure et dure. Si Lou avait l’habitude de gérer les états d’âme de son petit ami, cette fois c’était la goutte d’eau qui faisait déborder le vase. Le point de non-retour fut franchi quand il lui demanda si en fait elle n’avait tout simplement pas peur d’avoir un enfant avec lui. « Mais t’es carrément débile ou tu le fais exprès ? » elle le foudroya d’un regard noir. « Non, c’est vrai je rêvais d’avoir un gosse avec le voisin, merde alors, il a fallu que celui-ci soit le tien ! » fit-elle amère. « Si tu pouvais arrêter de tout ramener à toi une minutes seulement, ça serait sympa. Non, je ne suis pas heureuse. Non, je rêvais pas d’avoir un gosse à vingt ans, c’est si difficile que ça à comprendre ? » cette fois si, elle avait simplement envie de pleurer de rage. Andrew ne comprenait rien, Lou en avait marre. Elle voulait juste se sentir rassurée, elle n’avait pas envie de subir les crises existentielles de son amoureux. Pourquoi ne faisait-il pas un effort se mettre à sa place ?

Andrew était content. Transporté au pays des bisounours en montgolfière toute colorée, il attendait que Lou le rejoigne (tavu dans montgolfière il y a mongole, mais Lou préfèrerait peut-être appeler ça une débilefière, wesh). Mais la demoiselle avait décidé de rester dans le montre triste et gris de la réalité. La grossesse ne la transcendait pas, pire, elle se mit à engueuler son petit ami. Pris de peur, Andrew la contemplait, interdit, et sincèrement effrayé. Mais qui était cette folle qui se tenait devant lui, qui ressemblait comme deux gouttes d'eau à son amoureuses, mais qui le disputait comme un vulgaire petit garçon ? Fallait pas confondre. Son gosse à elle, il était dans son bidou, lui elle pourrait l'engueuler à loisir. Mais Andrew était son petit ami. L'appeler débile une fois passait. Deux fois, ce n'était plus tolérable. « Tu sais que tu peux me parler sans m'insulter, je comprends aussi » Répondit-il en premier lieu, sur le même ton sec que la jeune fille. Finie, la joie à l'idée d'être papa. Finis, les rêves de gambades avec son gosse sur la pelouse. Il avait oublié que cet enfant serait mi lui, mi Lou. Et tout à coup, ça le rendait bien moins drôle. Bien sûr, il était amer, mauvais et de mauvaise foi. Mais la réaction de Lou l'insupportait beaucoup trop. Elle avait beau le critiquer, d'être égoïste, et de ne penser qu'à lui, sa réaction était surdimensionnée. Et même s'il comprenait que les hormones ceci, les hormones cela, il ne pouvait pas se taire et la laisser avoir le dernier mot. « Je ramène tout à moi ? Mais putain Lou, tu te rends compte un peu de ta réaction ? Tu ne viens pas d'apprendre que tu as le sida, un cancer ou une maladie incurable. Tu ne vas pas mourir dans neuf mois, TU VAS AVOIR UN GOSSE. Ce n'est pas dramatique, ce n'est pas triste, c'est une bonne nouvelle ! C'est la vie, c'est beau ! » Il détestait les discussions de la sorte, surtout avec Lou (surtout qu'en plus elle est rouge colère alors que lui il est bleu paresseux, donc pas besoin de pierre feuille ciseau pour savoir qu'elle l'emporte). Mais surtout, il détestait qu'ils ne partagent pas le même avis. Parfois, il préférait faire un effort, et rejoindre l'opinion de Lou. Sauf que là, il ne pouvait pas laisser passer. Il était persuadé que, une fois son monologue énoncé, Lou réaliserait que cette nouvelle était bonne, que ce n'était pas la fin du monde. « Alors oui, on a 20 ans, mais on vit en 2013. Ce n'est pas parce que tu es maman que tu devras arrêter les études, m'épouser et devenir une femme au foyer aigrie, déprimée voire névrosée, qui finira par me tromper parce que je t'ai enfermé ici et que j'ai brisé tes rêves de carrière » (manquerait plus qu'elle le trompe avec un Henry qui bosse chez le gouverneur, ralala). Il soupira, épuisé. Parler autant était un effort surhumain de sa part. « Je comprends tout à fait que ce n'est pas ce que tu avais envisagé, je l'ai compris quand tu as préféré rester libre et ne pas emménager ici. Mais ce que je veux dire, c'est que ce n'est pas une tragédie. On pourra s'en occuper, on pourra s'en sortir, tu ne tireras pas un trait sur tes études, amour. » Car pas une seconde, il n'envisageait que Lou ne garde pas ce bébé. Il avait subtilement glissé un surnom affectif, afin de l'attendrir (oui c'est vicieux). En réalité, il ignorait si Lou allait se calmer, ou si elle allait redoubler de colère, que ses cheveux voleraient en l'air, que ses yeux deviendraient noirs et brillants, et qu'elle le changerait en poussière.

Et oui, Lou s’emportait. Il fallait s’y attendre en même temps. Andrew vivait dans une bulle, totalement incapable de réaliser qu’un bébé ce n’est pas que des bons moments en famille comme sur une belle photo. C’est une responsabilité. Impossible de dire stop une fois qu’on s’est bien amusé. Quand Andrew lui fit remarquer qu’elle venait déjà de l’insulter deux fois, elle roula des yeux. Surtout que la colère de Lou n’allait pas décroissant, au contraire. Même si les paroles d’Andrew se voulaient rassurantes, Lou n’arrivait pas à y adhérer. Certes ils n’étaient plus dans les années 60, mais et alors ? Justement, elle avait le choix de vivre cette grossesse ou non. Pour le moment, elle avait juste envie d’en parler avec Andrew entre adultes afin de prendre la meilleure décision pour eux, et cet enfant. Mais de toute évidence, le jeune homme, lui, avait déjà pris sa décision. Ils allaient jouer à la parfaite petite famille, tant pis si Lou ne l’entendait pas de cette oreille. Elle ne considérait pas – à la différence de son amoureux – que sa réaction était exagérée. Il s’agissait de sa vie future et pas d’un truc aussi ridicule que décider quoi manger ce soir. Oui, avoir attendre un enfant est une bonne nouvelle, quand vous êtes prêt à faire face à la situation ce qui n’était absolument pas le cas de Lou. Elle trouvait la réaction d’Andrew trop manichéenne. Il continuait de plus son speech, répondant en partie aux questions qui turlupinaient la jeune femme. Elle n’avait pas envie de tirer un trait sur sa carrière à cause de cet enfant. Peut-être que c’était égoïste, mais elle ne pouvait pas ressentir les choses différemment. Finalement il décida de calmer le jeu, non sans rappeler qu’il ne lui faisait pas totalement confiance car elle n’avait pas accepté de vivre avec lui quand il le lui avait demandé… Mais il avait au moins le mérite de vouloir faire redescendre la tension.

« D’accord ce n’est pas dramatique. » concéda-t-elle en premier lieu. « Mais comment tu peux être aussi serein ? Tu n’as pas peur ? Tu ne doutes pas ? » lui demanda-t-elle ensuite le fixant dans les yeux. « Je ne sais pas si je me sens capable d’avoir un enfant. N’oublie pas que j’ai vécu un temps avec Zoë, ce n’est pas tous les jours rose. » elle n’en revenait pas d’être celle qui prenait finalement peur, et qu’Andrew se montre finalement le plus enthousiaste. « Ce n’est pas comme ça que j’imaginais ma vie. » triste constat. Autant dire que Lou avait fait pas mal de projets dans sa vie, et que rien n’avait jamais tourné comme elle l’avait voulu. S'amouracher d’un homme marié, puis le tromper, se mettre en couple avec le meilleur ami de son ex… Non, cette vie n’était pas celle qu’elle avait planifiée. Elle s’imaginait simplement suivre des études qui la passionnaient (check), pourquoi pas aux côtés d’un garçon qu’elle aimerait vraiment (check), sans fioritures ni autres drames (not check). Et maintenant cette grossesse…

Mission accomplie. Andrew avait réussi sa mission impossible. Tom Cruise pouvait aller se rhabiller. Lui, il empêchait simplement des virus de se propager, des bombes d'exploser ... Andrew, lui, avait calmé Lou Huntington, un exploit surhumain qu'aucune médaille ne pourrait récompenser (car elle est très très colérique tmtc). Lou s'était radoucie, ses traits n'étaient plus tirés par la colère, son regard n'était plus fermé, elle s'ouvrait à lui, partageait ses craintes et ses interrogations. Car ils étaient un couple, et c'était son devoir de rassurer sa petite amie. Il ne pouvait pas le faire très souvent, qui plus est. « Ma loulou ... » Il se leva et attrapa sa main pour l'inciter à en faire de même. Et là, il l'attira contre elle, passant une main autour de ses hanches, l'autre derrière sa nuque. De façon autoritaire, il plaqua la joue de Lou contre son torse, puis déposa un baiser sur ses cheveux. Il la sentait respirer, elle n'était pas encore calmée. Il la serra fort contre lui, silencieusement. Il n'était pas son ennemi dans l'histoire, elle devait le comprendre (sauf si on se dit que Andrew lui a fait un gosse pour être sûr de la garder à jamais tavu). « Comparaison n'est pas raison. Bien sûr que j'ai peur, bien sûr que je ne sais pas comment ça va se passer, bien sûr que je stresse. Mais nous sommes à deux Lou, forts. Je pense qu'on peut s'en sortir, on peut réussir. J'ai envie d'y croire. »

Bien sûr, que Lou n'avait pas prévu un bébé à 20 ans, dans ses projets. Mais une vie se déroule rarement comme on l'a dessinée. Qui peut lever la main et dire qu'il avait prévu l'intégralité de sa vie, qu'il n'a jamais dérogé à la ligne qu'il avait envisagé ? L'imprévu, ça rend une vie unique, mais aussi précieuse. « Tu imaginais que nous serions ensemble, il y a un an et demi ? Moi non. Pourtant, aujourd'hui, je ne peux plus imaginer ma vie sans toi. Je ne l'avais pas prévu, mais ce que je prévoyais avant, c'était de la merde comparé à ma vie d'aujourd'hui, avec toi. Nous n'avions pas prévu d'avoir un bébé maintenant, mais ce n'est pas pour autant que c'est une mauvaise chose. » Il tentait de convaincre sa petite amie, mais la tâche restait difficile. Il comprenait naturellement son appréhension. Même s'ils étaient deux dans le couple, elle restait celle qui porterait le bébé (mais Andrew semblait enclin à faire une grossesse nerveuse). Il ne vivrait pas, les nausées matinales, les contractions, la prise de poids, le changement du corps. « Ça va être compliqué oui. » Il osa poser sa main sur le ventre de Lou, espérant qu'elle ne soit pas gênée. « Mais tu vas avoir un petit bébé, là, dans ton ventre. Tu vas le sentir grandir, bouger, notre enfant. » Il ne pouvait empêcher ses yeux de briller, il ne pouvait taire sa joie et sa hâte. Oui il était heureux, et n'avait besoin de rien de plus qu'une famille avec Lou. Il n'espérait pas qu'elle rejoigne son opinion tout de suite, mais elle finirait par réagir comme lui, elle aussi. De toute façon, elle ne pouvait pas rejeter éternellement ... Ah moins qu'elle n'envisage de ne pas garder le bébé ? L'idée germa sans prévenir, dans l'esprit d'Andrew. Pas une seconde il n'avait envisagé cette possibilité, mais peu à peu la réaction de Lou, son manque de joie, validaient cette voie. La peur le gagna, mais il ne laissa rien paraître. Si tel était son choix, jamais il ne pourrait s'y résoudre. Mais il devait être fixé. « Ah moins que tu n'envisages de ne pas le garder ? Tu ne crois pas que ça va aller, toi ? » Il prit sa main, comme pour la rassurer. Elle n'était pas seule, et ne le serait jamais. A deux, pour toujours, n'importe où, n'importe quand, n'importe comment.

Andrew avait toujours eu le don d’apaiser Lou. Pour preuve, bien qu’il ait aussi le talent de l’agacer, elle n’arrivait jamais à lui en vouloir bien longtemps. Aujourd’hui, il venait de montrer à Lou combien il était important pour qu’elle se sente bien ; elle pouvait se reposer sur lui. Elle avait totalement confiance. Il la prit dans ses bras pour la rassurer, et dans le fond Lou ne demandait que ça. Il avoua que lui aussi avait peur. Enfin ! Elle n’y croyait que moyennement à son discours décontracté, ce n’était tout bonnement pas possible d’être aussi serein face à une telle situation. Cependant il se montrait encore si confiant, il avait envie d’y croire disait-il. Peut-être que finalement Lou manquait tout simplement de confiance ? Elle commençait à regarder dans la même direction qu’Andrew, avec un bébé. Pourtant tant d’obstacles lui donnait déjà envie de baisser les bras. D’abord leur jeune âge, puis le fait qu’ils n’aient pas les ressources nécessaires pour subvenir à leurs besoins, mais aussi à ceux de ce futur enfant. Enfin, le fait qu’ils ne formaient pas une vraie famille, ils n’habitaient pas sous le même toit, et Lou se refusait à se marier uniquement parce qu’elle était enceinte. C’était le pire cliché qu’il pouvait exister. Si elle devait un jour se marier avec Andrew (et elle l’espérait fortement), elle voulait qu’il lui demande parce qu’ils étaient profondément amoureux et rien d’autre.

Elle lui fit ensuite part de ses craintes, et une nouvelle fois Andrew fit preuve d’un logique implacable pour palier aux doutes de son amoureuse. La vie ne prenait pas toujours le chemin attendu, mais ce n’était pas pour autant qu’elle apportait de mauvaises choses, preuve en était leur relation. Il s’autorisa même à lui toucher le ventre, pour faire comprendre à Lou qu’elle avait un petit être dans le ventre qui méritait de vivre. Certes Andrew commençait un peu à lui faire peur à jouer le rôle du mec anti-IVG, mais cet enfant c’était aussi le sien. Puisque Lou n’avait pas encore dit ce qu’elle comptait faire, mais son attitude laissait entendre qu’elle avait déjà un peu fait son choix. Ses larmes, son hystérie… Andrew lui posa enfin la question fatidique : voulait-elle de cet enfant ? « Je ne sais pas, pour moi ce n’est pas évident. » elle préférait être honnête. « Je ne suis pas aussi enthousiaste que toi. Tu imagines un peu tout ce que ça implique ? » dès qu’elle pensait vraiment à toutes les conséquences, elle avait des impressions de vertiges et d’affreuses nausées (non dues à la grossesse !). « Je voulais qu’on en parle tous les deux, mais tu sembles déjà avoir pris une décision toi. Je ne sais pas quoi faire, ni te dire. » elle avait juste envie de se réveiller de ce cauchemar et que cette histoire arrive à sa voisine, oui tiens, que demain ça soit Sara Van Wagner qui se réveille enceinte. Au moins elle aurait pu prendre conseil auprès de sa mère, elle. En effet, la réaction de la mère de Lou, lui faisait aussi terriblement peur.

Il faisait tout ce qui était en son pouvoir, creusait son cerveau au possible, afin de trouver d'autres arguments susceptibles de convaincre Lou. Mais ses tentatives restaient désespérément vaines. Lou avait envie d'y croire, il aurait été plus facile d'être dans le monde d'Andrew, de rejoindre son point de vue où tout est rose, simple, beau. Mais c'était au dessus de ses forces. Il ne la quittait pas des yeux. Voyait, parfois, dans son regard, apparaître un espoir. Mais il disparaissait aussitôt. Andrew aurait donné tout l'or du monde, pour connaître les pensées de sa belle. Pour les partager, mais aussi pour identifier ses craintes et les invalider une à une. Il n'avait jamais été fan de mathématiques. Mais pour elle, il était prêt à enchaîner démonstration sur démonstration, afin de lui prouver par a plus b, que leur bonheur futur était possible. Malheureusement, même tout ça, ça ne semblait pas suffisant.

Il restait silencieux, devant elle. Trop longtemps, mais les quelques mots de Lou le faisaient forcément réfléchir. Tout se bousculait dans sa tête, un fouillis pas possible mêlant la joie et l'interrogation, le bonheur et la crainte. Les images d'un enfant heureux, et celles de leur couple, dévasté par ce gosse arrivé trop tôt. Si Lou n'acceptait pas sa grossesse, c'était aussi parce qu'elle ne voulait pas. Depuis le début, elle n'y croyait pas. Depuis qu'elle l'avait appris, elle s'était mis en tête que c'était une mauvaise nouvelle, et que rien ne pourrait modifier cette conclusion. Elle venait ici pour en parler ? A d'autres. Elle restait campée sur sa position, Andrew n'était pas le seul à avoir déjà forgé une opinion arrêtée. Malheureusement, il risquait d'être celui qui doive changer d'avis. Leur enfant était dans son ventre à elle, après tout. « En parler ? Mais toi aussi on dirait que tu as pris ta décision, Lou. Tout ce que je peux te dire pour te convaincre que tout n'est pas noir, tu n'arrives pas à y adhérer. Car pour toi, c'est une mauvaise nouvelle, point barre. » Il baissait les bras, en quelque sorte. Mais se battre contre des moulins à vent n'était pas pour lui. « Je ne nie pas les problèmes, cette nouvelle ne comporte pas que des avantages. Alors oui j'essaie d'imaginer tout ce que ça implique, mais moi je n'y vois pas qu'une vie malheureuse et des rêves brisés. » Sous entendu, contrairement à elle. Lou n'était pas obsédée à tout prix par sa carrière. Seulement, elle y tenait, et forcément, cette grossesse pouvait mettre à mal son avenir. Mais pour Andrew, ce n'était pas une fatalité. Pourtant, Lou n'était toujours pas convaincu. « Dis moi ce que tu voudrais faire, simplement, dis moi tout ce qui te passe par la tête. » Il attrapa sa main, se voulant ouvert. Elle ne devait pas croire qu'il n'était pas intéressé par son ressenti, au contraire. Il l'incita à se rasseoir, et en fit de même. Face à elle, il était prêt à l'écouter, comme elle l'avait écouté auparavant. Les mots "avortements" et "interruption de grossesse" raisonnaient dans sa tête. Il les voyait déjà, surgir de la bouche de la jeune fille, et le frapper en pleine face. Mais si telle était l'option qu'elle souhaitait emprunter, alors Andrew se souviendrait simplement, de ce bonheur éphémère, qu'il avait ressenti en apprenant la nouvelle.

Peut-être qu’en effet Lou faisait preuve de mauvaise volonté quand elle disait à Andrew vouloir parler de cette situation. Peut-être que oui, elle avait déjà pris sa décision et qu’elle ne voulait pas garder cet enfant. Elle s’était imaginée qu’Andrew prendrait la nouvelle aussi mal qu’elle. Au final, il semblait si heureux, y croyait tellement que Lou n’était plus sûre de rien. Une nouvelle fois, elle sentit les larmes monter, en particulier lorsqu’Andrew lui balança ce terrible constat à la figure. Les hormones sans doute. Malgré tout, elle se retint. Elle l’écouta parler, tout en réfléchissant à ce qu’elle avait envie de lui répondre pour qu’il arrive à la comprendre au mieux. Il lui semblait néanmoins qu’ils avaient fait le tour de la question. Andrew pensait qu’ils pouvaient y arriver. C’était facile pour lui de dire ça. Il n’avait pas l’ambition de Lou. Elle n’était qu’en deuxième année d’étude, si elle voulait un jour devenir juge d’application des peines (ok, j’avoue je sais pas si ça existe aux USA), elle en avait encore au moins pour cinq ans. Qui allait s’occuper de faire tourner la famille pendant que Lou passerait des nuits blanches à bachoter ? Et même, ils ne pourraient plus avoir la vie étudiante qu’ils menaient aujourd’hui. Ils pouvaient sortir quand bon leur semblait, et n’avaient de compte à rendre à personne. Qui allait se sacrifier pour vivre sa vie ? Le raisonnement de Lou était terriblement égoïste, mais elle n’avait pas envie de passer à côté d’une partie de sa jeunesse.

Andrew l’attrapa par la main et la fit se rasseoir. Il désirait connaître ses pensées. Lou savait bien, qu’en creux, ça voulait dire savoir si elle désirait subir un avortement ou non. Comment pouvait-elle lui donner une réponse en trente secondes ? Bien sûr que non elle n’avait pas envie de stopper sa grossesse, elle ne savait tout simplement pas si elle arriverait à l’assumer. « Je voudrais ne pas avoir à prendre une décision. » non, ce n’était pas aussi simple pour elle, contrairement à ce qu’Andrew laissait entendre. Lou n’avait pas les idées bien arrêtées. Elle commençait même fortement à douter, et tout cela grâce à l’assurance dont il faisait preuve pour défendre sa cause. « J’ai bien vu comment cette nouvelle te faisait plaisir. Tu es vraiment prêt à avoir un enfant ? Tu ne te sens pas pris au piège ? Avec un enfant on sera lié toute la vie, que tu le veuilles ou non. » certes leur relation était au beau fixe, et Lou se voyait vraiment un avenir avec Andrew, mais d’une relation sérieuse à une vie de famille il y avait quand même un énorme fossé. « Je sais que tu feras un excellent père. » finit-elle par ajouter, un léger sourire aux lèvres.

C'était étrange, de voir Lou réagir ainsi. Elle ne voulait pas prendre de décision, elle voulait fuir le problème. Une réaction ... digne d'Andrew. Bien sûr, le sujet n'était pas anodin. Le choix serait lourd en conséquences, pour tous les deux, pour leur couple, pour leurs vies. Néanmoins, Andrew n'aurait jamais cru voir un jour sa petite amie se dérober. Et la voir si désespérée le mettait vraiment dans un sale état d'esprit. Son cerveau était chamboulé, ses pensées vivaient un chaos total, il avait mal. Dans sa tête, à force de réfléchir. Dans sa poitrine, aussi. Inconsciemment, il en voulait peut-être un peu à Lou, aussi. Pourtant, quelques mots insistaient de plus en plus pour sortir. « Je suis désolé Lou » Bien sûr, un bébé se fait à deux, Andrew n'abusait pas encore de Lou dans son sommeil. Mais il s'excusait de cette réaction trop enthousiaste dont il avait fait preuve, mettant Lou en porte à faux. Bien sûr, il restait amer. Lou lui avait annoncé qu'elle était enceinte, mais sans préciser les petites lignes là, en bas du contrat. Celles qu'on le lit jamais, mais qu'on aurait dû examiner plus en détail. Jamais elle n'aurait dû dire qu'elle était enceinte. La phrase exacte était "je suis enceinte mais je suis pas prête à le garder, je t'en informe par formalité, merci de ne pas t’enthousiasmer". Il se sentait trahi, comme le dindon d'une mauvaise farce. Lou n'avait pas agi consciemment, jamais le désir de blesser Andrew ne l'avait motivée. Pourtant, elle connaissait la passion d'Andrew pour les gosses, l’insouciance qui l'animait quand il prenait sa garderie en charge, l'âme d'enfant qu'il avait toujours gardé en lui, et qui le rendait parfois si idiot. Andrew était un gamin, moralement et physiquement. Lou ne pouvait pas jouer la carte de l’innocence et prétendre que la réaction d'Andrew l'avait surprise. C'était la suite logique, évidente, nier était vain. Andrew aimait les gosses, il voulait être papa, éduquer son fils en warrior, instruire sa fille pour qu'elle ne se fasse pas avoir par les garçons. Il était parfaitement conscient que, la vie de père, contrairement à la garderie, ne se terminerait pas à 19h quand les parents venaient chercher les enfants. Il faudrait laver, éduquer, nourrir, protéger, surveiller ... Mais aussi aimer. Et Andrew était un être avec plein d'amour à donner. Personne ne pourrait imaginer le contraire.

Pourtant, Lou réclamait une confirmation. Peut-être parce qu'elle attendait une autre réponse. Peut-être parce qu'elle espérait, au fond, qu'il rejoigne son opinion. « Je me sens déjà lié à toi pour toute la vie Lou ... Mais peut-être que tu as raison, au fond, peut-être que nous ne sommes pas prêts » Il se mordit la lèvre inférieure, pour se retenir de toute émotion. Les images de son futur devenaient déjà floues, dans sa tête. Les parties de football dans le jardin se ternissaient, les histoires avaient de s'endormir devenaient muettes, et l'odeur des petits plats pour enfants dans la cuisine perdaient toute saveur. Tout devenait gris, fade, triste, oublié. Les images se chiffonnaient, bientôt la pluie viendrait les éliminer, définitivement. Mais il ne pouvait pas pleurer devant Lou. Jamais. Même s'il venait, en quelque sorte, de perdre son bébé.

Il posa sa main sur le genou de son amie, comme pour la remercier de sa confiance. « Oui je serai un bon père, et tu seras une bonne mère, un jour » Ô comme ces mots étaient difficiles à prononcer, comme à penser. Déjà, les images se redessinaient, leur foyer, leur enfant ... Mais Andrew se faisait du mal. Il ne voulait pas devenir un homme aigri, qui en voudrait à Lou de l'avoir privé de ce qu'il voulait. Ils avaient toute la vie, pour être parents. D'abord, ils devaient grandir. Et ça signifier aussi prendre une décision pas facile. « On doit se décider, pas forcément aujourd'hui. Je serai là Lou, avec toi, toujours à tes côtés. » Qu'importe ce qu'elle décide, il lui jurait, la main sur le coeur, les yeux dans les siens, qu'il était lié à elle. Pas besoin d'enfant pour le prouver, pas besoin de bague pour le concrétiser. C'était là, un lien invisible, mais aussi incassable. Il ne lui en voulait pas, en fait. Il avait pris position sans consulter l'avis de Lou. Elle avait fait de même. Il avait finalement rejoint son avis. Il l'aimait, plus que tout, avec ou sans gosse, avec ou sans tout. Il n'était pas tombé raide dingue d'elle parce qu'elle serait jolie sur les photos de famille, ou parce qu'elle avait un bon patrimoine génétique pour ses enfants. Il s'était épris de cette jolie créature parce qu'elle était intelligente, motivée, drôle, discrète, franche, qu'elle était capable de regarder des programmes débiles comme des émissions sérieuses, qu'elle cuisinait rarement mais était toujours fière quand elle le faisait, qu'elle avait deux jolis yeux de pingouins, qu'elle avait une ambition professionnelle, et qu'elle le rendait heureux, tout simplement.

La dernière chose à laquelle Lou s’attendait, c’était bel est bien qu’Andrew s’excuse. A peine avait-il fini sa phrase qu’elle eut envie de lui faire ravaler ses paroles. Il n’était absolument pas fautif. Pour faire un bébé, il faut être deux. Si Lou se retrouvait aujourd’hui enceinte, c’était bien parce qu’ils n’avaient pas été assez prudents, tous les deux. Et Lou s’en voulait bien plus qu’Andrew, car après tout, elle contrôlait son moyen de contraception. Elle avait d’ailleurs cru que peut-être Andrew lui reprocherait de ne pas avoir été assez responsable. Elle fit « chut » avec son doigt pour qu’il n’en dise pas plus, elle n’avait vraiment pas envie que chacun d’eux se confonde en excuse. Ça ne servait à rien. Ce qui est fait est fait. Lou s’assurait désormais qu’Andrew se rendait bien compte de la situation. Elle avait vraiment besoin d’être sûre qu’il ne sous-estimait pas ce qu’impliquait la venue d’un enfant dans un couple. La réponse que lui donna le jeune homme ne pouvait que lui faire plaisir. Ils parlaient assez peu de leur avenir à deux, et qu’il ose ainsi se confier, et lui affirmer qu’il se sentait déjà très lié à elle lui donnait presque des ailes. De plus, il rejoignait enfin la vision de Lou. Du moins, il déclarait ce que Lou voulait entendre depuis le début. Qu’ils n’étaient pas prêts. Avoir une bonne raison de ne pas avoir cet enfant, était pour Lou le seul moyen d’accepter qu’elle puisse se faire éventuellement avorter.

Elle avait néanmoins tenu à lui dire qu’il ferait un bon père. Elle en était intimement convaincue. Elle voyait bien ses yeux s’illuminer à chaque fois qu’il jouait avec un gosse du quartier, l’attention qu’il portait à Anaïs, et tout l’amour qu’il donnait à Logan. Elle s’en voulu, de le priver de tout ça, alors qu’il s’en faisait une telle joie. Encore une fois, Lou se sentait perdue. Elle n’avait pas de guide qui pourrait l’aider dans son choix. Elle connaissait maintenant le point de vue d’Andrew. Il voulait cet enfant. Malgré tout, il ne voulait pas brusquer Lou, et se ralliait donc à elle, pour ne pas la froisser, pour lui montrer qu’il était solidaire. « Honnêtement, je crois que je n’arriverai jamais à prendre une décision. » elle était faible, perdue, confuse. « Je me voyais bien avoir un enfant avec toi, un jour. » elle était même un peu honteuse de lui dire ça, c’était tellement niais. Elle se leva, et prit place sur les genoux de son amoureux. Elle avait envie de sentir un contact physique entre eux, ça la rassurait. « Si on décide de le garder, où est-ce qu’on vivra ? Je ne crois pas que m’imposer ici avec tous les problèmes de Juliet soit une bonne idée. » quant à s’installer chez les parents de Lou, pas moyen. Toutes ces questions faisaient peur à Lou. Et pourtant, elle cherchait, cherchait afin de trouver des problèmes à tous ces problèmes pour ne plus avoir d’excuses, et tenter de vivre sa grossesse sereinement. Finalement elle en venait à penser qu’elle était amoureuse, heureuse. Et qu’un enfant serait tout simplement la preuve de cet amour. Alors pourquoi trop réfléchir ?

Lou n'avait pas tort, prendre cette décision relevait de la mission impossible. Malheureusement, le problème ne s'auto détruirait pas dans dix secondes, ils ne pourraient pas oublier et retourner à leurs occupations comme si de rien était. Lou était enceinte, un enfant allait naître dans de long mois, ils devaient se décider. Déterminer s'ils étaient capable d'avoir un enfant, de s'en occuper, de le chérir, le choyer et l'éduquer. Le choix n'était pas simple, Andrew devait le reconnaître. Lui qui préférait toujours la facilité, aujourd'hui il ne pouvait pas se défiler. Ils devaient réfléchir, sérieusement et à deux. Ils étaient une équipe, soudée quoi qu'il arrive. Leurs ressentis, leurs appréhensions, ne devaient pas altérer la décision. Ce n'est pas parce qu Andrew était un gros gamin qu'ils devaient avoir un enfant. Ils en auront un, un jour, c'était certain. Cet évènement permettait de l'affirmer désormais, comme une évidence. Mais ce jour n'était pas encore forcément arrivé.

« Pourquoi tu parles au passé ? Nous en aurons un, Lou » Elle était venue s'asseoir sur ses genoux, il passa alors ses bras autour de sa taille. Levant la tête pour la regarder, il lui sourit, confiant pour leur avenir. Avec elle dans sa vie, il n'avait besoin de rien d'autre. Et il aurait été capable de passer le restant de sa vie, blotti dans son lit, avec elle pour seule compagnie. « T'es à moi, je te garde, pour toujours, et nous l'aurons ce gosse. Un jour, si finalement on décide que nous ne sommes pas prêts » Andrew en mode "je suis un garçon sérieux tes parents vont me kiffer", ça pouvait faire flipper. Finie la déconade, oubliées les blagues douteuses, terminée les gamineries, au revoir le gamin. En quelques minutes, Andrew avait grandi. Grâce à Lou, grâce à leur erreur de parcours, il se sentait homme, grand ... bientôt 21 ans, en somme. Et cette façon discrète de rappeler que, au final, c'est lui qui l'avait gagnée, l'avait raflée aux mains de cet homme inconnu, n'altérait en rien son gain en maturité. De toute façon, Lou ne relèverait peut-être même pas. Non, désormais, Lou revenait sur ses propos. Alors que Andrew avait rejoint son parti, Lou le désertait pour envisager la solution d'Andrew, garder le bébé. Paroles en l'air ou véritable interrogation, le warrior était totalement paumé. Mais il ne voulait pas vexer sa petite amie en la questionnant clairement. Alors, il se contenta de répondre sincère, d'écouter, et advienne que pourra. « Tu sais, honnêtement, je ne crois pas que les problèmes de Juliet dureront encore très longtemps. Je l'aime, c'est ma soeur ... Mais Adrian comprendra tôt ou tard qu'elle se cache ici et qu'elle n'est pas partie. Il voudra absolument récupérer Logan ... Et pour moi, ils vont devoir ré habiter ensemble, se détester pendant 20 ans en silence, pour le gosse » Il soupira, désolé que sa soeur soit si malheureuse alors que lui nageait dans le bonheur. Désolé que son filleul soit un enfant non désiré qui déchirait deux personnes, alors qu'il partageait avec Lou la joie d'être parents. « Alors oui, tu vas pouvoir habiter ici, ma proposition tient toujours » Mais déjà, le mal était fait dans la tête d'Andrew. Les images effacées se dessinaient à nouveau, plus nettes encore. Dans sa maison, une famille heureuse, un couple et un enfant. Fille ou garçon, on s'en foutait. Ils étaient trois, ils étaient jeunes, ils étaient heureux. « Et tu sais que mes parents subviennent à nos besoins tranquillement, tant que je continue mes études bien sagement » Pourquoi Lou, pourquoi avais-tu posé cette anodine question. Pourquoi réveiller à nouveau des envies qu'il avait renié, de force, quelques minutes plus tôt. Pourquoi réveiller les remords.

La plus belle déclaration d’amour, Andrew venait tout juste de la faire. Sa confiance en leur avenir prouvait à quel point il était attaché à Lou. Elle lui sourit, vraiment heureuse que leur relation soit si sincère. Elle lui était vraiment reconnaissante d’enfin se rallier à son point de vue. Malheureusement, plus il se montrait compréhensif, plus elle avait envie de se faire confiance et de suivre son cœur : en gardant le bébé. Après tout le cinéma qu’elle venait de lui faire, elle ne se voyait plus lui dire que, finalement, elle avait - un peu - changé d’avis. C’était de la faute d’Andrew, après tout. Il n’avait jamais été aussi mature qu’en cet instant, à la fois fort et rassurant. Lou avait l’impression qu’elle pouvait vraiment se reposer sur lui. Avoir une vie de famille c’était ça, faire fonctionner à deux son foyer. Alors pour ne pas se laisser totalement aller et passer pour une hystérique bipolaire, Lou cherchait encore des excuses. Notamment Juliet, qui a ce qu’elle avait compris, habitait ici à cause de certains problèmes avec Adrian. Elle ne comprenait pas tout à cette histoire hélas, car Andrew s’emportait souvent lorsqu’ils abordaient le sujet (a). Toutefois, le jeune homme était coriace. Il contrecarrait chaque argument de la jeune femme d’un beau revers de main. Mais au moins parler des problèmes des autres faisaient relativiser ceux de Lou. Et c’est vrai qu’à la place de Juliet, Lou serait dans un état chaotique. Elle, pouvait toujours compter sur Andrew, alors qu’on ne pouvait définitivement pas dire la même chose d’Adrian.

Une nouvelle fois, il proposa donc à Lou de venir habiter avec lui. Ici. Et si Lou s’en faisait pour l’argent, c’était apparemment pour Andrew un problème réglé. « Tu dis ça, mais tu ne sais même pas comment ils vont prendre la nouvelle. » Lou baissa un peu les yeux. Ils avaient vingt ans, et malgré tout ce qu’ils pouvaient dire, leurs parents étaient encore responsables d’eux. « Je n’ose même pas en parler à ma mère. » finit-elle par avouer, un peu honteuse. En effet, Lou avait terriblement peur de la réaction de sa mère, peur que celle-ci considère sa fille comme ayant de mauvaises mœurs. Après le scandale de sa relation avec un homme plus âgé et marié, et maintenant cette grossesse, sa mère aurait bien des raisons de déconsidérer sa fille. Peut-être que c’était aussi un peu pour ça qu’elle n’avait pas envie de garder cet enfant. « Tu sais bien comment sont nos relations. Imagine un peu la tête qu’elle va faire si je lui annonce demain que je m’installe vivre chez toi pour qu’on puisse élever notre enfant illégitime. » elle leva le pouce en mode (y). Ok, elle exagérait sans doute beaucoup, la mère de Lou n’était pas psychorigide et ne sortait pas tout droit de Mad Men, mais elle restait malgré tout une mère. Elle allait s’inquiéter, penser que l’avenir de sa fille serait ruiné, qu’elle était bien trop jeune. Lou l’entendait d’ici.

même si Andrew avait finalement rejoint le point de vue de Lou, joué la carte de la raison et réalisé qu'avoir un bébé a leur âge était un peu irréaliste, il ne pouvait s'empêcher de balayer les arguments de Lou d'un revers de main. Les mêmes arguments qui auraient pu consoler son coeur et diminuer sa peine (coucou Andrew souffre et il paraît que c'est drôle). Mais c'était plus fort que lui, au fond, l'image de leur foyer, a trois, restait encore un peu ancrée.

Cependant, Lou finit par marquer un point. Au début, Andrew resta concentré, agacé de ne pas trouver de parade a ce tour. Quand il se mît tout a coup a comprendre, a entendre ce que Lou avait dit. Leurs parents ... Andrew les avait totalement oublié, mis de côtés, les siens étant juste bons a servir de porte monnaie. Pas une seconde il n'avait considéré leur opinion, qui ne serait certainement pas très bonne. Il entendait déjà les commentaires outrageants de ses parents, sur le fait que Lou n'était pas de bonne famille, mais une fille banale qui je méritait pas leur petit garçon. Et la mère de Lou ... Andrew tressaillit, laissant échapper une grimace qui ne rassurerait certainement pas sa petite amie. Johan risquait fort de ne pas apprécier la nouvelle, de ne pas sauter de joie a l'instar de Andrew auparavant. Le warrior avait difficilement gagné la confiance et l'approbation de sa belle mère, tâche ardue quand on est un ancien alcoolique et drogué. Ce bébé ruinerait certainement son travail, il serait désormais celui qui avait ruiné la vie de sa petite fille. Non ils ne pouvaient pas le garder. Quoi que ? " Raah ! " Andrew jura. Pour un œil extérieur comme Johan, la situation paraîtrait certainement chaotique, désastreuse, vouée a l'échec. Le warrior détestait cette fatalité, jamais ils ne pourraient convaincre la mère de Lou que leur avenir était ppssible, qu'ils pouvaient s'occuper de l'enfant. Et pourtant, ils ne demandaient pas la lune, juste de la confiance. " Notre enfant illégitime ... J'aime pas comment tu présentes ça. Tu ne me crois pas, quand je te dis que nos vies ne sont pas fichues, qu'on pourra se relayer, tout en continuant nos études, hein ouais. Et si toi même tu n'y crois pas, forcément ta mère n'y croira jamais. " Il frotta son visage, mais rien ne l'aider a voir plus clair, a trouver la solution magique au problème. " C'est pas un gosse que tu as fait avec dieu sait qui a l'arrière d'une voiture ou dans une ruelle sombre, cet enfant représente quand même quelque chose wesh !! Enfin, pour moi en tout cas ... " il se sentait presque bête, d'avoir sorti toutes ces belles tirades a Lou, alors qu'elle n'était peut-être pas sur la même longueur d'onde que lui. Qualifier leur bébé d'illégitime en disait long ...

Enfin les choses reprenaient leur cours normal. Lou marquait des points, et Andrew avait de nouveau tort (a). Les parents voilà une chose à laquelle il n’avait pas encore pensé. Et pourtant il venait d’assurer que les Davies se chargeraient de financer leur vie de famille. Elle se doutait bien de l’utopie de la chose. Les parents Davies étaient deux coincés, qui malgré leur absence s’érigeait en têtes bien pensantes. Ils se permettaient en effet de faire la leçon à leur fils, alors qu’ils ne s’impliquaient même pas dans sa vie. A part pour contrôler ses études et le forcer à poursuivre une carrière qui ne lui plaisait pas du tout. Qui plus est, Lou ne savait pas vraiment ce qu’ils pensaient d’elle. Elle les connaissait, évidemment, mais depuis qu’elle sortait avec Andrew, ils n’avaient jamais vraiment appris à se connaître. Alors que Johan et Paul connaissaient bien leur gendre, et n’avait aucun problème avec lui. Cependant, elle ne pouvait pas assurer qu’ils sauteraient au plafond lorsqu’ils apprendraient la nouvelle. Andrew avait beau se sentir prêt assumer un enfant, à tous les coups, leurs parents allaient leur dire qu’ils étaient bien trop jeunes pour comprendre ce que signifiait vraiment le mot « parent ».

Lou était presque heureuse d’avoir mis ce point en lumière. Elle se sentait beaucoup moins coupable d’avoir pensé à interrompre sa grossesse. Evidemment, Andrew tenait de trouver une parade. Il blâmait Lou d’avoir utiliser l’expression malheureuse d’enfant illégitime. Elle appelait simplement un chat un chat. Le terme pouvait paraître désuet, mais elle essayait simplement de penser comme leurs parents. Depuis quand avoir un enfant hors mariage était bien vu dans ce genre de banlieue bourgeoise ? Il fallait se faire une raison, cet enfant aurait à subir toutes les médisances des habitants du quartier. Ils allaient tous faire les hypocrites, mais Lou n’était pas dupe. « Bien sur que cet enfant représente quelque chose, ne commence pas. » dit-elle pour le mettre en garde. Andrew était le pro à ce genre de jeu là. Il tentait de faire dires des choses à Lou qu’elle n’avait jamais pensé. Si elle se sentait si confuse à l’idée de prendre une décision c’était précisément parce que cet enfant était important à ses yeux. C’est aussi pourquoi elle avait envie de lui donner une bonne éducation, pas assurée par deux parents encore à moitié adolescents. « Si, si je te crois Andrew quand tu me dis tout ça. Et pour être tout à fait franche avec toi, j’avais même envie de le garder cet enfant, t’avais réussi à me faire changer d’avis. » elle se leva assez brusquement, elle en avait marre de passer pour la méchante dans cette histoire et qu’Andrew continue perpétuellement à insinuer des choses sans les dires clairement. « Alors si tu penses vraiment que je m’en fiche c’est que tu ne me connais pas. » c’était une très mauvaise idée d’énerver Lou. C’était encore pire quand ses hormones la rendait si lunatique. Un coup elle avait envie de pleurer, un autre elle avait besoin de tendresse, et enfin elle avait envie de pousser une bonne gueulante. En plus, elle s’était levée un peu trop vite et voyait maintenant des étoiles devant ses yeux. Elle se rassit en vitesse sur la chaise d’à côté et enfouit ses mains sur son visage. Elle venait d’avoir un léger vertige, mais devait absolument se reprendre.

Malgré lui, il avait réussi à énerver à nouveau sa petite amie. Le warrior n'était pas encore très familier avec toutes ces histoires d'hormones, capable de vous transformer une fille en l'espace d'une seconde. Ainsi, sa petite amie montait sur ses grands chevaux en moins de temps qu'il n'en faut pour le dire, devant l'air ahuri de ce benêt d'Andrew, qui ne réalisait toujours pas la portée de ses paroles. Parler sans réfléchir, une de ses habitudes dont il allait devoir se garder, pour les neuf mois à venir. Ou pas, en fait. Dans ses pensées lentes, il oubliait encore que ce bébé, il n'allait pas le garder, et ... et là il beuga. Regardant sa petite amie d'un air abasourdi durant de longues minutes, sa dernière phrase tournait en boucle dans sa tête. Lui, Andrew Davies, né de parents introuvables, avait réussi à faire changer d'avis la belle et grande Lou Huntington. Il n'en revenait pas, tant cet évènement n'était pas possible. Et le pire, c'est qu'il avait réussi à la refaire changer d'avis, à la vitesse de la lumière. « Lou ... » Bien sûr que non, pas une seconde, il pensait qu'elle s'en fichait. Il voulait simplement la faire réagir, la provoquer ... Mais l'effet était démesuré, loin de celui escompté. Depuis le début de cette conversation, il faisait face à une Lou ingérable. Pour lui, c'était pire que la fin du monde, il n'arrivait plus à penser, à agir, à réagir, à gérer. Il allait exploser. Et finalement, c'est Lou qui défaillit. Il allait la rattraper, l'empêcher de se lever. Il avait trop peur qu'elle ne parte, loin, dehors. Hors de cette cuisine. Parler de la grossesse était impossible dans la rue, si Lou franchissait la porte d'entrée, la discussion serait close à jamais. Cependant elle l'avait affirmé, il était capable de la faire changer d'avis. Il lui faisait croire à leur avenir, à ses paroles, aux projets qu'il dessinait. Impossible de laisser tomber. Il devait la retenir, de partir. Sur le moment, il la retint surtout de tomber. Sa main vint soutenir sa taille, pour prévenir d'une chute. Mais finalement, Lou trouva la force de retrouver sa chaise, une position plus sûre. « Chérie qu'est-ce qui t'arrive, tu vas bien ?? » Il s'agenouilla devant elle, pour apercevoir son regard, plongé vers le bas. Ses mains caressaient délicatement ses genoux, ses cuisses, du bout des paumes, il ne voulait pas la brusquer, il avait peur, mais encore plus il souhaitait qu'elle se calme. Et pour elle, il était capable d'être raisonnable, de taire sa peur pour aider sa petite amie dans le besoin. « Loulou, je suis là pour toi, et je le serai, pendant neuf mois, pour toute la vie. » Il se releva, son regard protecteur enveloppait toujours Lou. Un voile léger, mais sûr, solide. « Lou, je t'aime. Et ce bébé, c'est comme l'illustration de notre histoire trop géniale. On devrait même l'appeler Amour, si on décide de le garder. Et il pourra dire au monde entier, je suis un enfant de l'amour ! » Il gardait un air sérieux, car ses paroles étaient sincères. Peut-être pas censées, mais elles étaient réelles.

Heureusement qu’il l’avait retenue par la taille, elle put ainsi s’asseoir sur la chaise à côté d’elle. Elle attendit quelques instants, histoire de retrouver une vision normale. Ses oreilles bourdonnaient aussi, signe qu’elle avait eu une légère chute de tension. Elle sentit Andrew s’agenouiller auprès d’elle, et poser ses mains sur ses genoux. A sa façon, Andrew lui présenta ses excuses pour ses paroles malheureuses. Une nouvelle fois, il lui rappela qu’il serait toujours là pour elle. Lou était contente qu’il lui répète encore et encore. La dernière chose qu’elle souhaitait était de sentir seule durant cette épreuve. Finalement, il réussi même à la faire rire. Ses idioties avaient toujours eu le don de la faire sourire, en particulier quand il se montrait aussi mignon. Il avait vraiment envie de donner de l’amour à ce bébé, autant qu’il pouvait en donner à Lou. Voire plus. Elle espérait simplement que ce n’était pas qu’un caprice, et que lorsque les nuits blanches, les pleurs du bébé, et la fatigue se présenteront à eux, il ne se défilerait pas. « T’es bête. » fit-elle avec un léger sourire. Elle attrapa sa main, et y glissa la sienne.

Malgré tout, leur décision restait en suspend. Lou ne savait plus trop, si finalement, leur avis était positif ou négatif. Elle, était perdue. D’un côté, les belles paroles d’Andrew l’avaient séduite. De l’autre, elle ne pouvait s’empêcher de penser que ce n’était pas raisonnable. Cependant, plus y pensait, plus elle se disait que les meilleurs choix qu’elle avait faits dans sa vie, étaient souvent les plus déraisonnables. Comme si s’enlever toutes les contraintes étaient, en fait synonyme de libération. Elle avait osé céder à ses sentiments pour Andrew, et jusqu’à aujourd’hui ça lui avait plutôt bien réussi. Alors pourquoi ne pas succomber à une nouvelle folie ? « Tu… Veux toujours l’avoir cet enfant ? » la révélation qu’elle lui avait faite auparavant tenait toujours. Elle se voyait maintenant devenir mère. La vie vous mettait parfois face à des épreuves, à vous de les surmonter. Peut-être que le destin avait envoyé cette épreuve à Lou afin de voir si elle était capable d’assumer les conséquences de ses actes. Elle ne se volait pas la face, elle savait combien leur parcours allait être difficile. Même pour ses études, elle ne savait pas encore quoi faire. Mais était-ce vraiment le plus important ? Alors qu’elle aurait assurément répondu « oui » il y a quelques semaines, maintenant… Toutes ses certitudes s’étaient effondrées. « Parce que, je pense que, peut-être, on pourrait former une vraie famille. » conclu-t-elle avec un petit rire nerveux. Elle avait déjà dans la tête, les images de leur belle famille, unie, soudée. Une famille qui ne serait pas parfaite, avec des parents pas vraiment rodés, mais dotés d’une extrême motivation pour donner à cet enfant la meilleure vie possible. Maintenant elle attendait la réaction d’Andrew. Même si, lui, n’avait jamais manifesté le moindre doute, il avait eu le temps de réfléchir à toutes les contraintes que cela posaient. Elle posa son regard sur lui, cette décision se prendrait à deux. Lou l’avait dit depuis le début, ce n’est pas parce qu’elle portait cet enfant, qu’il n’était pas tout aussi entièrement celui du jeune homme.

Lou l'insultait gentiment, la tempête était donc évitée. Andrew soupira, levant les yeux au ciel en signe de soulagement. Un stress impossible l'avait envahi, quand sa belle avait vacillé, lui rappelant ce malheureux jour où il avait conduit sa soeur aux urgences, complètement paniqué. Andrew n'était pas taillé pour les situations dramatiques de ce genre, qui nécessitaient vitesse et concentration. Pour cause, il manquait vraiment des deux. Bien sûr, si Lou avait perdu connaissance, il aurait agi en homme mûr et l'aurait transportée à l'hôpital ... avant de s'évanouir à son tour dans un vieux fauteuil, dans un coin, après s'être assuré de son bon état. S'il était dos au mur, Andrew acceptait et relevait les missions. Mais à choisir, il préférait largement éviter les situations trop éprouvantes. Son petit coeur était très fragile. En guise de gage de paix, il l'embrassa sur le front. Mais pourvu qu'elle ne recommence pas, du moins pas tout de suite, il requérait un peu de temps, pour s'en remettre, et surtout pour recharger ses batteries.

Mais il n'était pas en reste, Lou les malmenait encore un peu, lui et son petit coeur fragile. Ce dernier fit un soubresaut, quand la jeune fille aborda à nouveau leur enfant. Il restait impassible, cherchant un indice sur le visage de sa dulcinée, un signe, n'importe lequel, qui voudrait dire qu'elle blaguait, qu'elle ne changeait pas une nouvelle fois d'avis. Mais son air sérieux prouvait le contraire. Bien sûr qu'il le voulait, bien sûr qu'il voulait se lever, toutes les nuits s'il le fallait, pour donner le biberon, bien sûr qu'il voulait promener la poussette avec fierté, partout dans le quartier. Alors, quand Lou avoua enfin l'idée qu'elle avait en tête, il laissa exploser sa joie. Un grand sourire se dessina sur son visage, il attrapa sa petite amie par la taille et la souleva en riant de bon coeur. « Oh oui oui oui je veux une famille avec toi ! » Il la fit tourner, un tout petit peu, avant de la reposer sur le sol. « Je veux qu'on se dispute pour le prénom, qu'on choisisse ensemble les meubles et les vêtements, qu'on aille à ces séances de gym prénatale comme dans les films, que tu me fasses plein de caprices à cause des hormones ! » Il s'arrêta un instant, se stoppa net comme un piquet, et la regarda droit dans les yeux. « Et surtout, je veux que tu viennes habiter chez moi, mademoiselle, plus question de te défiler. » Il hocha la tête pour appuyer ses paroles, non il ne rigolait pas. Certes, son fichu sourire restait ancré sur ses lèvres, mais il n'en était pas moins sérieux. « Mais au fait, il faut qu'on se marie aussi alors ? » demanda-t-il soudainement, effaré d'avoir oublié cette partie du jeu.

Lou était changeante et ça ne lui ressemblait pas. Un coup noir, un coup blanc. Un coup avoir cet enfant était une pure folie, un coup elle se voyait bien devenir mère à vingt ans. Lou était perdue. Elle venait pourtant de confirmer à Andrew son désir de garder ce bébé. En prenant cette décision elle n’était plus aussi affolée qu’avant. Son petit ami avait su la rassurer. Le voir tellement sûr de lui, avait finalement gommé petit à petit les doutes que Lou pouvait avoir. La réaction d’Andrew fut à la hauteur des espérances de la jeune femme, il la fit se lever et la prit dans ses bras pour se réjouir de la nouvelle. Une fois qu’il l’eut reposée par terre, il s’attaqua aux questions logistiques. Il planta son regard dans le sien, et affirma d’un ton très sérieux qu’elle n’avait plus le choix : elle devait venir habiter chez lui. Lou était encore un peu mal à l’aise face à cette proposition. Elle en avait envie, vraiment. Pourtant, elle n’arrivait pas à répondre oui du tac au tac. Ce qui la gênait le plus, c’était que cette maison soit celle des parents d’Andrew. Que Juliet y vivait à moitié avec Logan. Et enfin, elle s’était toujours imaginée que lorsqu’elle déménagerait ça serait pour avoir son propre foyer, sans doute ailleurs qu’à Magnolia. Malgré tout, la proposition d’Andrew avait aussi des avantages. Ils pourraient vivre comme une famille normale, ensemble. Pas de problème de loyer non plus, étant donné que la maison était déjà payée depuis longtemps. Et même si ça tuait Lou de le reconnaître ouvertement, savoir que sa mère se trouvait à deux minutes la rassurait. Si jamais elle avait le moindre problème avec son bébé, elle savait qu’elle pourrait toujours retourner demander conseil à Johan. Celle-ci n’allait sûrement pas prendre la nouvelle comme une bonne nouvelle, néanmoins, Lou ne doutait pas qu’elle pourrait toujours compter sur elle. « Je ne me suis jamais défilée. » répondit-elle quand même un peu vexée par les propos d’Andrew. « Je crois que c’est la meilleure chose à faire maintenant. Mais je me sens quand même un peu mal à l’aise vis-à-vis de Juliet. » il avait beau lui assurer que ce n’était pas un problème, Lou n’arrivait pas à l’imprimer. Et puis surtout, Lou ne savait pas comment annoncer tout ça à ses parents.

Tout aurait pu être parfait. Ils voulaient vivre ensemble, tout en s’occupant de l’éducation de cet enfant. Malheureusement, Andrew eut une nouvelle fois des paroles malencontreuses. Il évoquait maintenant le facteur mariage, comme dans une mauvaise série télé. « On n’est plus dans les années 50 tu sais. Ce n’est plus honteux d’avoir un enfant hors mariage. Peu importe ce que pourront dire les vieilles mégères du quartier, je ne me marierai pas uniquement parce que je suis enceinte. » elle leva les yeux au ciel. Si elle devait un jour se marier avec Andrew, elle n’avait pas envie de le faire parce qu’elle avait un polichinelle dans le tiroir. C’était dégradant qu’il puisse encore penser comme ça, en 2013. Lou avait envie de se marier, mais pour les bonnes raisons. Parce que la personne qui lui demanderait aura la volonté de passer le reste de ses jours à ces côtés. Et uniquement pour cette raison-là.