Une fois assis, personne n'osa prendre la parole. Mais le petit silence gêné n'eut pas vraiment le temps de s'installer, que Jonathan décida d'entrer directement dans le vif du sujet.

« Je t’avoue que je ne sais pas trop par quoi commencer, si ce n’est que je regrette la manière dont tout s’est terminé… Il faut dire que tout est allé assez vite sans que je ne comprenne vraiment ce qui se passait, mais je pense que le problème venait de notre vision de notre… relation, tu ne crois pas ? »

Il était temps d'arrêter de tourner autour du pot.

"Je crois que tu as raison. Ecoute, moi même je ne savais pas ce que je voulais. J'étais partagée entre l'envie d'avoir quelque chose de sérieux et l'impossibilité d'assumer une relation vis-à-vis d'Evane."

Esperanza s'était un peu attachée à Jonathan, certes, mais elle n'avait jamais voulu avouer leur relation, et ça avait posé des problèmes. Elle n'acceptait aucune marque d'affection en publique et un simple resto nécessitait toute une organisation pour être sûre qu'Evane ne soit au courant de rien. Il était sûr que c'était une contrainte pour Jonathan, sans compter que lui n'avait pas vraiment de s'embarquer dans une histoire sérieuse, alors il n'allait pas se prendre la tête avec des bêtises de ce genre.

"On a pas été assez clairs dès le début et on s'est comporté comme de vrais ados en refusant d'en parler..." Elle sourit "Je me sens vraiment comme une ado des fois."

Bien souvent elle n'avait pas le comportement d'une mère de famille respectable. Sa fille paraissait souvent plus sérieuse qu'elle. C'était ainsi, plus fort qu'elle.

"Si on m'avait dit ça ce matin je ne l'aurais pas cru, mais je crois que je vais m'excuser pour... Enfin je ne sais pas, pour ce qu'il s'est passé quoi."

Maintenant qu'elle était face à lui, il lui apparaissait clair comme de l'eau de roche qu'elle avait une grande part de responsabilité dans tout ça, et qu'elle devait s'excuser. Une heure avant de le rencontrer elle aurait refusé de dire une telle chose, mais à présent ça paraissait inévitable, c'était tellement bête d'être resté tellement de temps sans s'adresser la parole.

Hj : Je suis désolée pour le retard  

HS : Pas de soucis =)

« Oui c’est un peu ça, et encore j’essaye de suivre de près les histoires sentimentales d’Amber mais je ne vois rien d’aussi compliqué chez elle, à croire que l’on a tout fait pour se compliquer la vie toi et moi. » Jonathan suivait les histoires d'Amber comme Esperanza celles d'Evane. Elle trouvait ça attendrissant de sa part. En tant que père célibataire ce devait être encore plus difficile que pour elle. Par contre la vie sentimentale d'Evane semblait tout aussi compliquée que la sienne, sans compter que c'était un vrai coeur de guimauve.

« J’ai ma part de responsabilité aussi dans cette histoire, je m’excuse moi aussi, j’aurais du me montrer plus mature pour que l’on ne finisse pas en mauvais termes après… tout ça. » Esperanza se contenta d'hocher la tête en silence, satisfaite de la manière dont les choses étaient en train de tourner. Elle pensait que maintenant que chacun s'était remis en question ils allaient aborder un sujet plus léger, mais visiblement Jonathan avait encore des choses qui lui trottaient dans la tête.

« Par contre j’ai une question à te poser, tu me répondras si tu le veux bien sur, mais pourquoi refuses-tu d’avoir une relation sérieuse vis-à-vis d’Evane ? » Ah. Voila venu le moment où il fallait parler de soi... esperanza était très bavarde, mais bizarrement assez taiseuse lorsqu'il fallait parler de ses histoires de coeur. Elle haussa les épaules mais voulu répondre sincèrement.

"A vrai dire ce ne sont pas les relations sérieuses le problème, mais c'est que j'ai au contraire peur qu'elles ne le soient pas, sérieuses justement. Je me demande toujours ce qu'il se passera avec Evane si je rompt une de mes relation. L'a"après" ne doit pas être évident comme situation." Elle avait toujours redouté certaines phases difficiles avec Evane. Elle avait été mère célibataire et considérait qu'elle imposait déjà beaucoup de souffrances à sa fille même si elle tentait de lui offrir le meilleur. Du coup elle ne voulait pas lui imposer plus d'épreuves que celles qu'elle ne pouvait éviter. Lui imposer des ruptures à répétition c'était moyen.

"Je vais t'avouer quelque chose. Je n'ai jamais vraiment eu de véritables histoires d'amour même si j'ai eu... Beaucoup de conquêtes. J’étais assez peu sage dans ma jeunesse avec les hommes et ils passaient sans que j'ai le temps de m'attacher ou alors ça ne s'est pas vraiment bien terminé. Du coup... Je ne crois pas vraiment à l'Amour. Le prince charmant tout ça... Je doute que ce soit possible tu vois." Esperanza parlait de choses intimes, mais elle avait besoin de lui expliquer ça pour qu'il comprenne ce qu'elle était en train de raconter.

"Mais je ne veux pas empêcher ma fille de croire en Amour. Je veux qu'elle pense qu'une histoire d'Amour peut durer toute une vie, qu'aimer est la plus belle des choses, je ne veux pas que les échecs de sa mère pèsent au dessus de sa tête tu comprends." Elle sourit à Jonathan.

"J'aimerais lui présenter un beau-père un jour bien sûr mais je ne veux pas qu'elle voit défiler des hommes dans ma vie. Je ne regrette pas ce que j'ai vécue autrefois mais ce n'est plus ce dont j'ai envie. Et puis maintenant ma fille est plus importante que tout et elle a encore besoin de moi. Je ne peux pas me permettre d'être accaparée par un homme au risque de la délaisser. Cacher mes relations permet d'éviter la dérive un amour trop prenant..." Evane était la chose la plus importante dans la vie d'Esperanza. Elle représentait tout, et Esperanza voulait se consacrer entièrement à elle, elle n'avait pas envie de mêler quelqu'un d'autre à cette relation qui fonctionnait si bien. ça serait bête de s'éloigner de sa fille pour une simple histoire d'Amour.

"Enfin... Voila. Je sais c'est sans doute ridicule mais c'est plus fort que moi."Esperanza avait beaucoup parlé, peut-être un peu trop même... Comme si elle avait retrouvé la confiance qu'elle avait eu en lui autrefois. "Désolée, je me suis un peu emballée."

Jonathan lui parla à son tour de sa vie et de la façon dont il gérait ses relations par rapport à Amber. Ce fut au tour d'Esperanza de sourire à ce qu'il évoquait.

"Je sais... Je sais que je ne dois rien m'interdire pour elle mais... Je ne sais pas, le temps est passé et on s'est construites ainsi." Esperanza savait que sa fille approuverait si elle se mettait avec quelqu'un, elle le savait notamment parce que cette chipie n'arrêtait pas de lui faire des sous-entendus et c'était limite si elle ne lui cherchait pas quelqu'un. Esperanza laissa échapper un petit rire en pensant à ça.

"Figure toi qu'elle veut me voir avec quelqu'un, tu la verrais cette chipie !". Mais malgré l'aval de sa fille, ça restait assez étrange pour Esperanza de s'imaginer avec un homme, ne serait-ce que tomber amoureuse était une notion qu'elle ne maîtrisait pas bien, comme si ces choses là s'oubliaient, et qu'elle ne l'avait pas été depuis trop de temps pour pouvoir y succomber de nouveau.

"Bon, de toute façon je n'ai personne dans ma vie en ce moment, alors la question ne se pose pas." Elle lui sourit. Puis sa curiosité prit le dessus. Il lui avait dit ne pas avoir eu d'histoire d'amour depuis la mère d'Amber, mais cela ne voulait pas dire qu'il n'avait pas d'histoire du tout. Et même si la bienséance lui disait de se taire, la question s'échappa de ses lèvres. "En ce moment, tu es avec quelqu'un ?" Aussitôt dit elle s'excusa. "Toujours aussi curieuse à ce que tu peux voir. Bien sûr rien ne t'oblige à répondre." Elle rougit un petit peu et son regard flancha aussi un peu.

« Tu es comme tu es [...] avec quelqu’un ce n’est pas aussi simple. »

Il venait de lui faire un compliment, Esperanza rougit un peu et lorsqu'il lui dit n'être avec personne en ce moment elle ne put s'empêcher de laisser ses lèvres s'étirer en un petit sourire. Elle pensait que cette entrevue avec Jonathan allait être tendue, elle s'imaginait déjà l'électricité dans l'air qu'il pouvait y avoir dans ce genre de rendez-vous avec son ex, ces rencontres autour d'un verre pour s'expliquer sur la façon dont s'était terminée une relation... Elle imaginait donc quelque chose de peu agréable, mais à vrai dire c'était tout le contraire. Elle était un peu gênée au départ mais très vite elle s'était retrouvée à lui parler de manière naturelle, se confier même, comme s'il n'y avait jamais eu de tension, comme si tous les faux pas étaient oubliés. Elle but une nouvelle gorgée de son café. Se retrouver à boire ainsi face à celui qui avait été à l'époque plus qu'un ami, c'était une sacré madeleine de Proust. Ça faisait remonter par mal de souvenirs, mais elle préféra ignorer tout ça et se reconcentrer sur son interlocuteur.

« Célibataire endurcit tout comme toi, mais je suis certain que les célibataires du quartier doivent se bousculer devant ta porte ? »

"On ne peut pas dire ça." dit-elle en faisant une petite moue, mi-désapointée mi-amusée. Il n'y avait pas beaucoup de célibataires dans le quartier, et on ne pouvait pas dire qu'elle avait eu beaucoup de propositions. En même temps elle ne les cherchaient pas vraiment non plus. Elle haussa les épaules, presque déçue de devoir avouer que non, on ne se bousculait pas à sa porte.

Esperanza fini ce qu'il restait de son café. Lorsqu'elle releva la tête vers Jonathan, elle remarqua une petite bête posée sur lui.

"Oh, tu as une bête là." dit-elle en passant sa main sur son oreille pour la faire partir. "Attends." Elle chassa la bête qui n'était pas tombée en touchant une deuxième fois l'oreille de son ami. "Voilà" dit-elle en riant. Elle aimait ces situations un peu atypiques qui ne manquaient jamais de lui arracher un sourire.

"Hey, on ne sait jamais. Tu ne sais pas que le moustique est l'animal le plus mortel pour l'homme?" Dit-elle en souriant. Mais l'info, elle, était sérieuse puisque en véhiculant de nombreuses maladies le moustique pouvait faire beaucoup de victimes "Bon, pas forcément dans nos régions je te l'accorde."

Jonathan lui avoua que ces petits plats lui manquaient.

"Ben écoute, tu pourrais peut-être venir manger à la maison dans la semaine." Elle avait parlé un peu vite. Il y a encore une heure ils ne s'étaient plus parlé depuis un an, refusant de s'adresser la parole, et voila qu'elle lui proposait un repas alors qu'ils venaient à peine de se réconcilier. Mais tant pis, Esperanza était spontanée, si elle réfléchissait trop elle n'oserait plus l'inviter et ce serait dommage de laisser à nouveau cette amitié se perdre.

"Bon, en tous cas je vais bientôt devoir y aller là." Elle fini rapidement son expresso. "Je vais aller voie Natalia pour décider de ce que l'on fait avec ce client que je n'ai finalement pas pu rencontrer."

Elle commença à ranger ses affaires lorsque'elle s'arrêta "oh" s'exclama-t-elle "euh... est-ce que tu pourrais me redonner ton numéro stp?" elle rougit un peu, gênée, en s'expliquant "Je l'avais supprimé, désolée." Elle aurait pu chercher une excuse mais elle l'avait supprimé voilà tout. Elle avait effacé Jonathan, que ce soit dans sa vie en général ou dans le moindre objets où il avait laissé une marque. Répertoire, ordinateur... jusqu'à dans son agenda électronique. Elle avait juste gardé quelques photos qu'elle avait enfoui au fond d'un tiroir.

A sa proposition Jonathan resta un instant silencieux, la surprise se lisait sur son visage. Puis il accepta. Esperanza se demanda ce qui l'avait poussé à accepter ce repas. Elle avait parlé sans réfléchir, poussée par sa spontanéité, mais lui avait quand même dit oui !

Elle dû se résoudre à lui avouer qu'elle avait supprimé son numéro mais il ne le prit pas mal, disant qu'il comprenait. Il lui tendit sa carte de visite qu'elle accepta. Elle ouvrit son sac et la rangea dans son porte-feuilles. Il avait raison quand il disait que la plupart des gens du quartier gardaient précieusement son numéro, prêts à l'appeler au moindre souci. Il était toujours plaisant d'avoir un ami bricoleur, encore plus dans ce quartier bourgeois ou les bricoleurs étaient assez rares.

"Tu ne devrais pas toujours dire oui. T'es trop serviable." Elle lui disait ça en rigolant mais elle était persuadée qu'il était effectivement un peu trop gentil et que certains voisins avaient tendance à un peu trop en profiter. Bien sûr ça lui permettait de gagner de l'argent parfois, mais être dérangé à n'importe quel heure du jour ou de la nuit c'était un peu abusé. Elle lui avait déjà fait la remarque, d'un autre côté elle était un peu comme ça aussi, prête à rendre service dès qu'elle en avait l'occasion, mais on la sollicitait bien moins.

Jonathan se leva, récupéra ses affaires. Debout face à elle il s'approcha pour déposer un bisou sur sa joue. Esperanza posa également sa main sur lui et ne pu réprimer un sourire. Le contact de ses lèvres faisait remonter en elle beaucoup de souvenirs sur lesquels elle avait pensé avant ce jour là avoir tiré un trait définitif. "Très bien. Bonne journée à toi aussi." dit-elle avant de tourner les talons et sortir du café, prête à affronter la journée qui l'attendait.