Julia se sentait de trop dans le petit groupe. Elle était venue voir Carl, pas deux ados sous la responsabilité de Carl (genre ahah) qui lui collaient au cul comme deux gamins en manque d'amour. Elle attendait donc patiemment qu'ils aillent jouer à leurs jeux d'argent pour pouvoir parler avec son meilleur ami. Qui de toute évidence n'était pas d'humeur à parler, ou même à lui accorder la moindre attention. Meilleur ami qui, d'ailleurs, se faisait bien absent ces temps-ci. « C'est qui tes potes là ? » à vrai dire, il l'avait habituée à mieux, et elle avait peine à croire qu'il puisse s'amuser dans ces circonstances. Pourtant c'était le cas, puisque le Spencer se mit à danser, seul, et à rire, tout aussi seul. Las de son comportement, Julia finit par crier au-dessus de la musique. « Elle est pas là ta p'tite copine ? » Peut-être qu'elle au moins daignerait se préoccuper de la Fitz, même si c'était pour s'insulter mutuellement.

Qui aurait cru que Mike et Annie McCormick pourrait passer la soirée ensemble, le plus normalement du monde. Mais ça, c'était simplement grâce – ou à cause – de l'absence d'Emily. Mais les deux amis ne risquaient pas de passer une soirée tranquille, alors qu'ils faisaient mine de s'affronter sans cesse. Après les piques, voilà que c'était un défi qu'ils se lançaient. Mike contre Scarlett, la tranquillité s'il gagnait, Annie sur le dos s'il perdait. « Même pas peur. » fit-il à l'intention de la rousse. Ce n'était pas elle qui allait le forcer à faire quoique ce soit, avec ses muscles en carton.

Il le faisait exprès ? C'était ce que Julia se demandait, alors que Carl était de toute évidence à deux doigts de lui présenter ses petits potes du soir. Si elle connaissait le dénommé Alistair, de vue, il ne l'intriguait pas plus que ça. Bien qu'il se soit mis à clasher Erica Daniels avant de faire le débile dans le bunker, il n'avait rien fait qui ait marqué l'esprit de Julia pour qu'elle se souvienne de lui. Quant à la petite Leah, elle ressemblait plus à un poisson rouge au milieu des requins qu'autre chose. « Non, et j'ai pas envie. » fit-elle avant qu'il ne les rappelle pour faire les présentations.
Et puis finalement, elle décida qu'elle s'ennuyait, et qu'elle avait besoin de s'amuser, elle aussi. alors après tout, pourquoi ne pas aller voir sa chère amie Gabrielle. C'est vrai ça, elle s'était plutôt bien amusée quand elle l'avait croisé à la Fête de l'Indépendance. Mais lorsqu'elle interrogea Carl, Julia sentit aussitôt le refroidissement que sa question produisit au garçon. Pile dans le mile Emile. « Ah oui ? Ça alors mais on dirait bien que j'ai des dons de voyance moi ! » N'était-ce pas elle qui lui avait ri au nez lorsqu'il avait dit être en couple ?

Scarlett accepta le défi lancé par sa meilleure amie. La partie de poker entre Mike et elle accompagné d’autres personnes autour de la table débuta. La jeune femme lança une première mise de jetons avant d’attendre son prochain tour. Elle reçut une bonne manche de carte, mais pas suffisamment forte pour remporter la partie sur un seul coup de chance. Elle tenta de jouer au bluff, mais Mike était un joueur expérimenté et anticipa la plupart de ses coups. Scarlett dût s’avouer vaincue. « Je te tire mon chapeau Huntington ! Tu es un joueur hors-pair ! » Le félicita-t-elle alors en fin de partie. « Et voilà pour toi ! » Régla-t-elle aussitôt sa « dette » de dix dollars envers sa meilleure amie. « Je vous laisse, j’ai besoin de prendre l’air. » Annonça-t-elle alors pour quitter la table avant de trop dépenser. Elle se sentait un peu bizarre, mais le cacha terriblement bien. Scarlett avait réfléchi à beaucoup de choses pendant la partie. « Dis bonjour à ta sœur pour moi ! » Ajouta-t-elle à l’intention de Mike. Scarlett était très amie avec Lou et savait que ce n’était pas la joie en ce moment. « On se rejoint après la fête ? » Demanda-t-elle ensuite à Annie en devinant qu’Elias préfèrerait sûrement fêter jusque très tard en compagnie de Carl. « Bonne soirée. » Dit-elle en quittant définitivement la table. La jeune femme ressentait soudainement un sentiment d’oppression. Elle avait besoin d’un verre ! Scarlett se dirigea alors dans un coin du bar où personne qu’elle ne connaissait ne serait là pour l’arrêter dans sa démarche. Ressentant soudainement un besoin impératif, elle se commanda une boisson. Suivi rapidement une deuxième, puis une troisième. Elle en était  à son quatrième verre en même pas dix minutes sans se rendre compte à la vitesse à laquelle elle les enchaînait. Son regard arbora une couleur vitreuse. Elle fit une courte pause et regarda alors successivement Annie de loin, et puis Aaron et Lily qui discutaient ensemble, et ensuite Carl – sa famille. Pour ne citer qu’eux. Elle en avait assez de savoir et garder des secrets trop lourds pour elle à porter, le fardeau commençait à peser. Ses nerfs craquaient, elle pétait les plombs et avait envie de tout oublier le temps d’une soirée. Elle n’était plus sortie depuis un bon moment, mais à les voir tous là, à s’amuser derrière des faux-semblants, elle se croyait au bal des faux-culs. Oui, Elias pourrait la sermonner en rentrant, mais elle était assez grande pour mener sa vie comme elle l’entendait, et ce n’était pas toujours aux mêmes de jouer les responsables irréprochables.  Pourquoi encore avait-elle arrêté ce maudit journal ? Songea-t-elle soudainement. Pour se mêler à un monde qui ne lui correspondait pas ? Bordel. C’était un sacré bordel dans toute sa splendeur.

Daniel n’eut pas l’occasion de terminer sa phrase que Nathan revint auprès d’Erica et lui pour lui exposer ses astuces de jeux. Le jeune homme était plutôt intéressé de gagner de gros gains, mais il ne souhaitait pas investir de grosses sommes de son côté au risque de les perdre. C’était pourtant inévitable, à moins que le père Evans n’ait une meilleure idée. Le jeune Montgomery sentait qu’il avait pioché le bon filon. Il s’enquit néanmoins de l’avis de la jeune femme. Il devinait que les jeux pourraient ne pas être du goût d’Erica, mais la jolie brune décida de rester auprès d’eux en précisant cependant qu’elle n’aimait pas compter sur la chance. Elle ne pouvait pas mieux tomber ! Nathan était justement là pour exposer quelques idées intéressantes. Le trio se rapprocha comme trois complices de toujours et le père Evans leur concocta un bon petit plan dont il avait visiblement le secret. Entre autres, la jeune femme serait chargée de détourner l’attention du staff du casino autour de la table de jeu grâce à ses charmes – un rôle de composition pour elle – tandis que Daniel devrait se concentrer sur la partie… avec la complicité et l’expérience de Nathan en face. De la triche organisée en somme. Un jeu rondement mené pouvait les mener vers une petite fortune. Une brillante idée mais… « Et vous croyez qu’ils ne vont pas s’en rendre compte ? » Demanda alors Daniel à voix basse. « Je veux dire, ils doivent être habitué à ce que certains joueurs s’essaient à ce genre de pratique non ? » Souleva-t-il le problème dans un autre murmure. Il n’avait pas peur de se « mouiller » la chemise pour gagner de l’argent, mais il n’était pas fou non plus au point de plonger dans un plan suicide où ils se feraient prendre à coup sûr. Disons aussi que la situation l’aurait moins dérangé si Erica ne s’y était pas trouvé mêlée, mais il ne voulait pas non plus risquer qu’elle se retrouve plongée dans des problèmes avec lesquels elle n’avait aucun rapport au départ. « C’est moi ou j’ai l’impression que t’es partante ? » Se retourna-t-il alors vers elle en lui lançant un regard surpris.    

Esperanza n'avait donc jamais joué dans un casino... voilà qui s'annonçait intéressant! Pas que Christopher avait envie de la plumer, mais il pourrait lui montrer une tonne de jeux amusants, l'initier au black jack, au poker, aux machines à sous... les possibilités étaient infinies! Après avoir fait un peu le tour en discutant de ce qu'ils pourraient faire en premier, Esperanza opta pour le bar. Ça leur permettra de se détendre et de voir un peu mieux les jeux disponibles, en plus de pouvoir jaser avec quelques voisins. Ravi du choix de sa compagne, ils se frayèrent un chemin vers le bar lorsque Damenez s'arrêta pour tousser bruyamment. Christopher attendit que la crise de toux de l'espagnole cesse et lui lança un regard inquiet, ce à quoi Esperanza lui répondit que ça avait rapport avec la tempête. Cette fameuse tempête! Par une incroyable chance, Cooper avait emmené son fils en camping deux États plus loin et n'avait subi aucun dommage physique de cet ouragan. Il ne pouvait malheureusement pas en dire autant de sa maison, mais c'était négligeable si on comparait ces dommages à ceux que certains ont eu. Comme cette jeune pianiste qui s'est blessée à la main (a).

"D'ailleurs, tu n'auras pas de problèmes à long terme? Les médecins sont confiants à propos de ta guérison totale?" Ils arrivèrent finalement au bar où quelques personnes se trouvaient (là je n'ai aucune idée de qui est au bar, pardonnez-moi x)) et ils s'installèrent sur les bancs. "Je crois bien que je vais opter pour une vodka! Et toi, de quoi aurais-tu envie? À moins que les médecins ne t'aient obligé de ne pas boire d'alcool à cause de l'état de ta gorge... alors j'opterai pour deux grands verres d'eau!" Christopher considérait que boire de l'alcool en compagnie de quelqu'un qui ne pouvait pas était très impoli.

L'atmosphère commençait à devenir pesante, et la blonde avait commencé à tailler Alistair et Leah avant même que ceux-ci ne soient partis. Le frisé leva les yeux de ses pièces, la fixa et secoua la tête en soupirant. Il y avait vraiment des cas dans cette ville. Elle avait l'air déterminée à chercher des poux à tout le monde, il n'avait franchement pas envie d'en faire une affaire personnelle. Entraînant Leah par le bras, il lâcha un "A plus bro'. On vous laisse entre adultes" plus sec qu'il ne l'aurait voulu, et s'éloigna pour de bon vers les machines à sous.
L'incident fut rapidement oublié lorsqu'ils passèrent devant devant les machines les plus diverses. Un glandu avait même eu l'idée de mettre une machine à peluches, une montagne de Bob l'éponge le fixant avec un air béat et un sourire pervers. Frissonnant de la tête aux pieds, il se tourna vers son amie.

"Et si on jouait au poker ? Allez, dis-oui, s'il te plaît s'il te plaît s'il te plaît !"

Il n'y avait pas moyen qu'elle ne sache pas jouer au poker. Elle était plutôt du genre à le prétendre, et à écraser tout le monde en bluffant.

En voyant le regard qu'il lui lança, elle pensa l'avoir piqué au vif, mais Carl n'était pas du genre à se laisser faire aussi rapidement. Elle ignora ses paroles aux accents multilingues. Il se foutait d'elle. Très bien. Dans ce cas elle allait se foutre de lui aussi. Puissance mille.
Subitement, il lui prit la main, et parla espagnol. Ou du moins quelque chose qui ressemblait à de l'espagnol. « Quoi ? Pourquoi tu m'parles espagnol toi ? » Et Carl la tira vers la piste de danse du casino. Julia étouffa un cri mais elle n'était pas au bout de ses surprises; le garçon se mit à bouger dans tous les sens, mélangeant tango et salsa, entrainant la Fitz dans ses mouvements abracadabrantesques.  « Arrête ça! » Mais quand Carl disait on danse, on dansait.  « Putain Carl mais arrête » Et quand Julia disait stop, on se stoppait. Elle repoussa violemment Carl, libérant sa main par la même occasion.  « Mais t'as fumé quoi ? » et quand Julia n'avait pas envie de danser, on ne dansait pas.

Je chasse de mes pensées ce que je viens de voir, préférant me concentrer sur Jake et la partie de cartes qui nous attend. Nous nous approchons de la table de Black Jack et attendons que les joueurs précédents s'en aillent. La chaise devant moi recule et vient écraser mon pied. Je laisse échapper un couinement et me met à sautiller sur un pied une dizaine de seconde, grimaçant de douleur. La personne fautive s'excuse et s'en va, tandis qu'intérieurement je l'insulte de tous les noms. Nous prenons place devant la table de jeu et saluons le croupier. Je m'approche de l'oreille de Jake et lui souffle un Bonne chance avec un sourire espiègle, tandis que le croupier distribue deux cartes devant chacun de nous. Il regarde aux alentours, pour voir si quelqu'un souhaite se joindre à la partie ou si nous ne serons que trois à jouer.

Elle a réussi à bousiller ses belles chaussures. Et à vrai dire, elle est fière d'elle. Il le mérite bien, après tout, et il aura beau lui faire ses plus beaux regards noirs, ça ne culpabilisera pas Julia. Il ne fait pas attention à elle, alors elle ne fait pas attention à lui. Et pouf, un verre sur ses godasses. voilà.
Mais c'est à croire que Carl le fait exprès. Alors qu'elle cherche à le faire réagir, lui s'obstine à plaisanter de tout, l'âme légère. Et maintenant il lui demande ses chaussures. « tu te fous de moi là ? » comme si elles allaient lui aller. Mais lui, il est tout ce qu'il y a de plus sérieux quand il fait des blagues. Et voilà qu'il va voir pépé pour lui emprunter ses chaussures. Et il fait toute la salle comme ça. « Bordel Carl, qu'est-ce que tu fous encore ? » mais il ne l'écoute pas.
Julia soupire. Désespérant. Et lassant. Elle en a sa claque, de lui, de lui, et encore de lui. Il est trop con. Des fois elle se demande comment il peut être en médecine; alors cette fois elle abandonne, et elle le laisse tout seul, le regard hagard, en chaussettes, avec pépé.

Ce qu'il y a de vraiment formidable avec le poker, c'est que c'est la seule situation où le mensonge est socialement encouragé.
Pourtant, nous passons nos vies à mentir. Absolument tout le temps. Du petit mensonge de rien du tout, au gros mensonges qui balaye tout sur son passage. C'est à ce moment là que le vrai et la fiction se croisent, se mêlent et s’entremêlent, jusqu'à donner naissance à une progéniture informe et imparfaite, que la plupart des gens se plaisent à désigner sous le nom de "réalité". Une réalité compliquée, et en constante évolution, une réalité l'image des êtres lacunaires qui lui ont donné vie.
Au fond, c'est presque touchant de constater avec quel désespoir on tente de redorer les apparences, de s'obstiner à sauver ce qui ne peut pas l'être. On tente de cacher comme on peut l'affreuse vérité qui nous dérange, on la recouvre honteusement comme on cacherait un amas de poussière peut reluisant sous la splendeur d'un tapis persan. On met de côté ce qui dérange, et on s'applique à continuer de vernir l'image lisse et figée que nous renvoie notre miroir chaque matin. Toujours paraître conforme à l'image que l'on a décidé de donner. Sourire. Paraître léger. Continuer de planquer sa poussière sous ses tapis, jours après jours. Mois après mois. Et se dire qu'avec un peu de chance, personne ne remarquera jamais ces vilaines saletés qui débordent sur les bords...

Non, ce soir la tromperie est acceptée. On a recouvert nos têtes de pécheurs avec nos plus beaux masques mondains, rangés nos vieux démons au fond du placard, et on s'est apprêtés pour se confronter aux autres tricheurs. Les autres tricheurs... et James, mon éternel acolyte. Une fois de plus, il vient à mon secours en tentant de me rassurer. Je finis par me laisser convaincre facilement, curieuse de pouvoir observer ce monde qui vient s'offrir à mes yeux.

« - Okay, okay, je capitule, cédais-je amusée. Qu'est ce que tu ne me fais pas faire aussi ! C'est bien la première fois de l'histoire que l'on entendra parler d'Andy Swarovksi, martyre de la machine à sous. »

J'accorde enfin un rapide coup d'oeil à ce qui nous entoure. Autour de nous, la fouille grouille avec une volubilité étourdissante et mon regard se perd dans la multitude des visages. Pourtant, un seul retient mon attention. Sans quitter des yeux ce profil familier, je glisse à mon binôme :

« - Je crois que je viens de reconnaître quelqu'un. Tu veux bien m'excuser cinq minutes ? J'aimerais aller la saluer. »

En quelques pas, je rejoins la table de Black Jack où elle est adossée. Cette fois j'en suis sure, c'est bien elle. L'erreur n'est pas permise. Je vient de la retrouver. Mon inconnue du bar perdu.
Je m'arrête à sa hauteur. Je réalise tout à coup que je ne sais pas ce que je fais. Je me suis lancée à sa rencontre sans vraiment réfléchir, mais à présent que j'hésite, je me demande si ce geste ne lui semblera pas déplacé. Pourtant, je me lance, et j'entends bientôt ma voix s'élever, et demander avec son flegme habituel :

« - Cette chaise est libre ? »

Mon sang se glace au son de sa voix. Mais à quoi joue-t-elle ? Ruiner ma réputation ne lui a pas suffi ? Enfin, réputation... je devrais plutôt dire mon anonymat ! Moi qui n'étais personne, connue de peu, je me suis retrouvée affichée sur ce site de malheurs, aux côtés des maris qui trompent leurs femmes et des alcooliques notoires. Faut il encore qu'elle me colle à chaque réception organisée par le quartier ? Si c'est le cas, qu'on me le dise ! Je n'y mettrais plus les pieds !
Je ne la regarde même pas, mais je sens sa présence à mes côtés. D'un mouvement de tête, le croupier l'invite à s'asseoir puis distribue deux cartes face à elle. Je déglutis, ayant instantanément perdu toute confiance en moi. Je lance à Jake un regard de détresse qu'il sera incapable d'interpréter, évidemment. J'ai devant moi un 6 et un valet, Jake quant à lui a un 8 et un 7, Andy une dame et un 2, le croupier - dont on ne voit qu'une seule carte - un 10. Je souris à Jake, il est le premier à jouer.

les règles du Black Jack:

Pas un regard. Pas une parole. Pas même l'ombre d'un acquiescement. Je l'ai perdue à nouveau, la fille du bar que j'ai connu. Elle m'a filé entre les doigts, elle s'est échappée par une sortie dérobée, et je me retrouve à nouveau seule, seule à contempler cette statue de glace qui a prit sa place sans prévenir. Conneries.
Aimablement, le croupier me désigne la chaise d'un coup de tête, et je m'assois à la table. Mais oui Andy, prends vite place ! Ce serait quand même dommage que tu loupe les premières loges de ta propre humiliation publique, non ?
On place devant moi des cartes que je fais semblant d'observer. Pourtant, ma reine me lasse, mon deux m'ennuie et je relève les yeux vers l'homme qui accompagne Tara. Puisque mon inconnue répond aux abonnés absents, peut être que lui saura se montrer de meilleure compagnie. J'attends que nos regards se croisent avant d'improviser un sourire bancal.

« - Il me semble que nous n'avons pas encore été présentés. Je m'appelle Andy. Andy Swarovski. Je suis nouvelle ici.»

William Livingstone n'avait jamais manqué de rien. De fils de bonne famille, il était passé à enfant choyé, d'enfant choyé il était passé par séducteur confirmé, et de séducteur confirmé, il avait finalement échoué la catégorie des adolescents bien dans leurs peaux. L'argent ne lui avait jamais manqué, et c'était peut être pour cette raison qu'il ne le cherchait pas. Le gain lui apparaissait comme un vieil inconnu pourtant familier, avec qui il entretenait de simple rapports courtois. Ils vivaient leurs vies chacun de leurs côtés, et se croisaient de temps en temps, lorsque le destin avait décidé de les réunir.
Pourtant, ce soir là, c'était bien d'argent dont il était question. D'argent, de mises, de lots et de gain. William acceptait volontiers de mettre ses bonnes vieilles habitudes au placard, pour partir sauvagement à la chasse aux billets, et il fut enchanté de voir que sa compagne semblait partager cette idée.

« - Je vois donc que nous sommes sur la même longueur d'ondes, mademoiselle Van Wagner. Allons vite soulager les poches bien trop lourdes de nos charmants voisins. »

Puis, riant de l'attendrissante maladresse de sa moitié, il ajouta :

« - Je n'ose pas imaginer la tête que ta mère a dut faire en rentrant. En tout cas, je ne te pensais pas aussi violente dans tes mouvements. Rappelle moi de ne jamais te contrarier, okay ? »

Mais pour l'instant, pas la moindre trace de dispute à l'horizon. Le couple était au beau fixe, comme en témoignait le baiser furtif que Sara déposa sur ses lèvres. Ce fragment d'intimité au beau milieu de toute cette agitation apparut à William comme un répit délectable. Il passa son bras autour de la jeune femme, et l’entraîna en direction des machines à sous.
Porté par un nuage idyllique, il reprit brusquement contact avec le reste du monde lorsque son chemin croisa malencontreusement un obstacle inattendu.

« - Oups, désolé ! »

Ce n'est que lorsque l'offensé se retourna que la bulle de bonheur lui explosa au visage. Reconnaissant les boucles diaboliques qui lui faisaient face, William eut toutes les peines du monde à ne pas ravaler son sourire, qui se figea en un douloureux rictus.

« - Alistair. Quelle surprise. »

Pour une fois, Alistair voulait faire profil bas, au moins autant que possible. Profiter de la soirée, apprécier la compagnie de Leah, lâcher quelques blagues ici et là, sans plus. C'est aussi pourquoi il n'était pas mécontent de s'être éloigné de Carl pour le moment. Tout le monde ici jouait aux petits adultes, derrière leurs masques habituels qui se fondaient lentement en ceux de leurs parents. Et étrangement, ce soir, il ne se sentait pas le besoin de prouver quoique ce soit. Prouver qu'il était l'incontrôlable Alistair, l'adolescent chieur, le trouble-fête, le petit frère insupportable que sa grande soeur tentait d'élever tant bien que mal. Les regards étaient braqués ailleurs, et il ne se sentait pas le besoin de faire son show.
Toutefois, c'était sans compter sur le destin, qui avait décidé de remettre pour la deuxième fois de la soirée William Livingstone sur son chemin, sous la forme d'une brusque poussée dans le dos. L'ayant poliment mais silencieusement salué une première fois, cette fois-ci, la partie "vocale" semblait inévitable.
Le regard d'Alistair passa rapidement de William à Sara, le temps de ce qui semblait être un rapide calcul. Il était constamment tiraillé entre son affection pour la jeune fille, et cette envie irrépressible de casser la gueule de son petit ami, juste pour le fun. Il y avait des gens comme ça, c'était physiquement pas possible. Retenant un - gros - soupir, il placarda un sourire poli sur sa face et tenta de faire bonne figure, croisant les doigts de pieds pour qu'une partie de son cerveau ne décide pas de faire sa crise d'adolescence ce soir. Ou, qu'au moins, sa conscience l'arrêterait à temps.

"William, quelle bonne surprise. Je vois que tu es en bonne compagnie..." Il s'interrompit pour adresser un sourire rapide mais affectueux à la jeune Van Wagner. "... et que tu ne peux te passer de moi plus de quelques heures. Juste, ton, hm, rictus m'a l'air un peu... crispé ? Les crevettes du mini-bar ne sont pas très fraîches peut-être ?"

Il aurait fait un cas d'études en or pour Freud. Comment, dans une situation délicate, sa conscience décidait soudainement d'aller se dorer la pilule à Ibiza, et le laissait seule avec des répliques toutes faites sortant droit de son inconscient qui avaient, pour être honnête, le don de le mettre dans la m*rde.